17. Audition du Muséum national d'histoire naturelle (MNHM) (25 juin 2003)

En tant qu'expert en connaissance du patrimoine naturel, le Muséum national d'histoire naturelle (MNHN) intervient comme référence scientifique des inventaires et de la constitution du réseau Natura 2000. Il s'agit d'un établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel, placé sous la tutelle des ministres chargés de l'aménagement du territoire, de l'environnement et de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Ses missions portent sur la recherche sur la biodiversité (génétique, spécifique et écosystémique), son évolution, ses représentations et usages dans la société, la conservation des collections nationales de référence des organismes végétaux et animaux et la diffusion des connaissances sur le patrimoine naturel vers tous les publics.

En outre, le Muséum est désigné comme centre national de référence pour la nature au sein du réseau de l'Agence européenne de l'environnement (AEE). Il abrite, en tant que chef de file d'un consortium européen, le centre thématique « Protection de la nature et de la biodiversité », chargé par l'agence de coordonner la collecte des données sur la nature et la biodiversité en Europe.

Désigné comme Centre national de référence sur la nature et la biodiversité, le Muséum a vocation à développer ses compétences, sa capacité de formation et d'information, ses banques de données et collections en matière de connaissance du patrimoine naturel et inventaires des faunes et des flores et de la biodiversité (systématique, conservation des espèces et des milieux, écologie) et à apporter les expertises dans ces domaines, en s'appuyant à la fois sur son propre potentiel de compétences et d'expertise et sur des réseaux d'experts nationaux et régionaux qu'il lui appartient de coordonner.

Le Muséum participe à l'Institut français de la biodiversité et il assure la fonction de coordination des recherches en biodiversité au niveau national. Il est très impliqué dans le réseau européen de recherches. Il est enfin Centre d'échange pour la Convention sur la diversité biologique en application de la Convention de Rio (1992).

Le MNHN a été largement impliqué dans les inventaires ZNIEFF et ZICO.

- En ce qui concerne les ZNIEFF, le programme lancé en 1982 par le ministère de l'écologie et du développement durable, qui avait besoin d'un aperçu des richesses floristiques et faunistiques de la France, a chargé le Muséum de cet inventaire. Celui-ci a mis au point une méthodologie nationale permettant à l'ensemble des régions françaises d'être soumis au même format de recueil des données. Cet inventaire était extrêmement utile car la France ne disposait pas de données ni de méthodologie pour évaluer le patrimoine écologique. Cet inventaire a contraint les administrations à prendre en compte les procédures d'inventaire et son bilan est très positif.

Les ZNIEFF 1ère génération ont abouti à 14.000 désignations sur tout le territoire. Un besoin de rectifier ou d'actualiser certaines inégalités de traitement a nécessité la mise en place d'une deuxième génération qui a commencé au moment du lancement du programme Natura 2000.

La méthodologie de l'inventaire Natura 2000 s'est inspirée en partie de la méthodologie des ZNIEFF, même s'il s'agit d'un inventaire européen. L'inventaire est pris en charge par les multiples associations et sociétés savantes. Les conservatoires botaniques nationaux participent également à l'inventaire. Concrètement, la collecte des données se fait grâce à des formulaires avec codage pour rentrer les données dans des logiciels informatiques. Ces formulaires sont ensuite transmis au Muséum. Un système de validation informatique et scientifique donne parfois lieu à des navettes avec les Conseils scientifiques régionaux du patrimoine naturel (CSRPN) ou avec des scientifiques spécialisés. Actuellement, les DIREN ont un système informatique compatible avec celui du Muséum. Cependant cette méthodologie a été victime de son succès : un goulot d'étranglement a été constaté et l'équipe du Muséum a été submergée, ce qui s'est traduit par un très net ralentissement de la production des synthèses des données.

- S'agissant de l'inventaire ZICO (zones importantes pour la conservation des oiseaux), la Commission européenne a demandé à l'association Birdlife international de diriger un inventaire au niveau européen. Plusieurs Etats membres ayant refusé de le reconnaître, et notamment la France, la Commission a proposé aux pays membres de prendre en charge leur propre inventaire. Dès 1980, le MNHN, en collaboration avec le bureau d'études Ecosphère et la Ligue de protection des oiseaux, a réalisé cet inventaire scientifique qui constitue un préliminaire à la désignation des ZPS, pour guider cette désignation jusqu'en 2004.

On constate bien souvent une différence entre les ZPS (en tant que zones proposées par la France) et les ZICO (zones définies par la Commission européenne). Les ZPS constituent des propositions « politiques » dans le sens où elles prennent en considération des besoins ou des pressions locales ou nationales. Cependant la Commission européenne a à sa disposition les ZICO, qu'elle peut utiliser pour évaluer le travail fourni par chacun des pays membres.

- En 1996, le MNHN a réalisé un inventaire préliminaire des sites potentiels pouvant être proposés comme sites d'intérêt communautaire pour le réseau Natura 2000 (SIC). A cette fin, une méthode d'évaluation des sites, cadrant au plus près avec les critères définis par l'annexe III de la directive Habitats, a été mises au point (Bardat et al, 1997). Les données qui ont permis de constituer ces inventaires étaient issues des données de l'inventaire ZNIEFF. Après consultation régionale sous l'autorité des préfets, les régions transmettent leurs propositions de sites au ministère de l'écologie et du développement durable (MEDD) pour consultation et validation nationale par le Comité national de protection de la nature (CNPN).

En outre, à la demande du Ministère de l'environnement, le MNHN est chargé d'évaluer les propositions de zones de protection spéciale (ZPS) réalisées par les DIREN avant leur envoi à la Commission européenne par la France.

Méthodologie SIC - ZPS

1- Le MNHN assure le suivi scientifique et la gestion technique et informatique de la base de données nationale Natura 2000

Parallèlement, le MNHN a informatisé l'ensemble des données transmises par les DIREN sous format papier à partir des formulaires standard de données, digitalisé les contours de chacun des sites proposés et réalisé l'évaluation nationale des 1316 sites au travers de l'inventaire approuvé par le CNPN.

Aujourd'hui les DIREN font parvenir leurs bases régionales géographiques (contours SIG + données attributaires) qui après validation par le MNHN, alimentent la base nationale des contours. D'autre part, elles transmettent également au MNHN, leurs bases régionales descriptives (données factuelles), via un logiciel de saisie commun (aux DIREN et aux Etats membres) porteur de référentiels et qui garantissent l'homogénéité des données transmises. La base nationale n'est pas figée dans le temps mais elle est en perpétuelle évolution et remaniement.

2- Le MNHN valide sur les plans informatique et scientifique les formulaires standard de données (FSD) des ZPS et des pSIC (validation syntaxique, évaluation scientifique du contenu du formulaire notamment) avant leur envoi à la Commission européenne. 1202 pSIC ont ainsi été proposés par la France se traduisant par l'envoi à la Commission européenne d'autant de FSD, accompagnés chacun de leur carte.

3- Le MNHN évalue les propositions Natura 2000 et prépare avec le MEDD la position française pour les séminaires biogéographiques (domaines alpin, atlantique, méditerranéen et continental) avant leur envoi à la Commission européenne, à l'ensemble des Etats membres ainsi qu'à des experts internationaux indépendants et des ONG.

Aux terme de ces séminaires, deux cas de figure se présentent : soit les propositions pour tel habitat ou telle espèce sont jugées suffisantes et sont donc validées, soit elles ne le sont pas et les états membres sont alors amenés à retravailler sur des compléments de propositions pour certains habitats ou espèces. Le MNHN avec le MEDD et les DIREN retravaillent alors sur ces compléments qui repartent dans le processus.

Ce travail d'inventaire et d'évaluation a mobilisé au MNHN 4 à 5 personnes selon les années. Actuellement 3 personnes font partie de cette équipe et elles s'appuient sur un réseau de scientifiques extérieurs qui font partie des Conseils scientifiques régionaux du patrimoine naturel (CSRPN), des associations de protection de la nature nationales et régionales et sur les scientifiques travaillant en DIREN.

S'agissant de la délimitation des périmètres des sites, il n'y a pas de méthodologie arrêtée pour l'ensemble du programme au niveau national. Lors des comités de pilotage des sites, les périmètres sont arrêtés après discussion entre les scientifiques locaux, les élus locaux et les représentants administratifs. Il n'y a pas de validation scientifique globale des périmètres sauf pour quelque cas litigieux où le MNHN est appelé à trancher (pelouses calcicoles de Champagne).

En vue de l'élaboration des cahiers d'objectifs, le MNHN a été chargé de réaliser des cahiers d'habitats, mais pour ce qui concerne la directive Oiseaux, la réalisation des cahiers d'habitats est freinée par des problèmes de marché public.

A priori, le MNHN ne sera pas associé à l'évaluation des documents d'objectifs qui sera confiée à l'ATEN, chargé d'évaluer les politiques publiques. En revanche le MNHN devra évaluer l'état de conservation des habitats et des espèces inscrits à la directive et présents dans les sites Natura 2000.

Si on s'interroge sur les moyens dont dispose le Museum, force est de constater que les moyens humains sont globalement très insuffisants compte tenu de la charge de travail. A l'avenir, le même déficit se fera sentir pour ce qui concerne le suivi de sites et la diffusion des connaissances.

- De façon plus générale, et en dépassant le strict cadre de Natura 2000, il est clair que le nombre de naturalistes 35 ( * ) en exercice ou en formation est insuffisant. Dans la majorité des Universités françaises, le transfert depuis des décennies des postes dits de Sciences naturelles (Botanique, Zoologie, Géologie) vers des profils de Biochimie, Biologie cellulaire et moléculaire a entraîné une situation préoccupante face aux nouveaux enjeux socio-économiques liés à la biodiversité et au développement durable. Parmi les difficultés rencontrées, le faible nombre d'allocations de recherches à l'issue des DEA du secteur des Sciences naturelles, est certainement l'un des facteurs le plus important. Les thématiques systématiques, taxonomie sont complètement marginalisées. Il en résulte un effet de désengagement des étudiants et doctorants vers ces disciplines. Cette situation est doublement préoccupante. Le départ à la retraite d'un nombre significatif d'enseignants - chercheurs dans ces domaines oblige soit d'accepter une régression de notre pays dans ces disciplines où il bénéficiait d'une position de leader il y a 40 ou 50 ans, soit d'accepter le risque de recrutements de second choix, lié à la faiblesse des docteurs formés.

- Le même constat peut être établi en ce qui concerne la recherche fondamentale et appliquée. Les critères d'évaluation des organismes internationaux (nombre de thèses/population, nombre de brevets, impact des publications) appliquées aux Sciences naturelles montre que la France occupe une position de second rang, sauf peut être dans le domaine de l'origine de l'Homme et de la paléontologie. L'écart est très significatif par rapport aux thématiques plus récentes, telle que l'Immunologie, la Biologie moléculaire. Cette situation traduit d' ailleurs le nombre très limité de journaux ou de périodiques des sciences de la nature, édités en France avec un impact de rang international. En outre la recherche fondamentale et appliquée menée en France dans le domaine des Sciences naturelles est effectuée, en plus des Universités, au sein de nombreux organismes de recherche : CNRS, INRA, IRD, IFREMER, CIRAD, y compris l' INSERM et les Instituts Pasteur pour les aspects de la biologie des vecteurs de maladies transmissibles. Cette diversité, souvent sans véritable politique de concertation, entraîne une représentation de deuxième niveau de notre pays au sein de la Communauté européenne, face aux structures anglo-saxonnes ou de l'Europe du Nord. Ce constat, difficile pour notre pays, oblige à un sursaut volontariste pour lequel le MNHN peut et doit jouer un rôle actif et majeur pour les sciences de la nature et de l'homme. Sous réserve de restaurer les moyens matériels et d'assurer le pourvoi des nombreux postes d'enseignants chercheurs gelés depuis 1999 (une soixante soit le tiers de son effectif) le MNHN peut, par sa compétence et son expérience historique et par l'importance exceptionnelle de ses collections, jouer le rôle de leader national dans les domaines de la biodiversité et du développement durable.

- Depuis 2002, le Muséum national d'Histoire naturelle connaît une restructuration fondamentale qui a permis la création de 8 départements scientifiques regroupant une trentaine d'unités de recherche (UR) au lieu et place des 26 laboratoires antérieurs.

De plus, en matière d'enseignement, l'Ecole Doctorale (ED) du Muséum national d'histoire naturelle créée en 1995 pour offrir un enseignement de 3 e cycle structuré, a été réorganisée en 2000 et cette réorganisation a été l'occasion de proposer un nouvel intitulé : « Sciences de la Nature et de l'Homme » et a amorcé un dialogue entre disciplines jusqu'alors trop séparées, permettant l'établissement d'une véritable politique de formation au Muséum.

En matière de recherche, le Département Ecologie et Gestion de la Biodiversité a vocation à contribuer à l'étude de la biodiversité et de sa préservation dans une perspective de développement durable.

Il reste beaucoup à faire et cela passe par une poursuite durable des efforts de recrutement de naturalistes (sur des créneaux systématique, phylogénie, écologie, éthologie, génétique des populations, biologie de la conservation), sous la forme d'enseignants chercheurs mais aussi d'ingénieurs et de techniciens (pour l'importante activité liée à l'entretien et au renouvellement des collections comme au suivi et à la conservation du patrimoine naturel et à la gestion des banques de données correspondantes, dans l'esprit d'un observatoire de la biodiversité).

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* 35 Il convient de distinguer les naturalistes impliqués dans la recherche et l'expertise dans les domaines de la biodiversité, la géodiversité, l'histoire de l'homme et de son environnement, de l'ensemble des enseignants de l' Education nationale des Sciences de la Vie et de la Terre. Le premier groupe est du ressort principal du MNHN, tandis que le second dépend des concours de recrutement des professeurs agrégés, certifiés, des professeurs des écoles dont la préparation est assurée par les Ecoles Normales, les Universités et plus récemment par les IUFM.

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