ANNEXE N° 5

DETTE ET INFLATION

Dette et Inflation

Cette variante tente d'analyser les effets d'une hausse de l'inflation sur la croissance économique et tout particulièrement sur les finances publiques. Nous tenterons d'observer les conséquences sur la dette (en point de PIB) d'un changement de cible d'inflation ainsi que sur le déficit primaire qui permet de la stabiliser. Deux scénarios seront envisagés : le premier suppose une hausse de l'inflation dans l'ensemble de la zone euro. La BCE intègre cette hausse dans sa cible et donc ne modifie pas son taux directeur. Le second scénario illustre les conséquences d'une hausse isolée d'inflation en France. Contrairement au scénario précédent, la BCE intervient.

Cette note se compose de la façon suivante. Dans une première partie nous rappelons les principales équations qui interviennent dans l'analyse de cet impact. Puis, nous ferons un bref résumé des hypothèses retenues dans les deux scénarios que nous allons analyser ( deuxième partie ). Puis, dans une troisième partie , nous présenterons les résultats de l'exercice.

1. Les équations

Nous présentons dans cette partie les principales équations qui permettent d'analyser la dynamique de la dette.

1.1. Détermination des charges d'intérêts

Charges d'intérêts t = Taux nominal apparent t (i t ) * Dette t-1 (B t-1 )

1.2. Détermination de la dette

Dette t (B t ) = Dette t-1 (B t-1 ) + Déficit t

1.3. Détermination du déficit

Déficit t = Dépenses primaires en valeur t + Charges d'intérêts t - Recettes en valeur t

1.4. Détermination du taux nominal apparent

Taux nominal apparent t (i t ) = Taux d'intérêt réel t (r t ) + Inflation t (ð zone t )

Ce taux nominal est un taux d'intérêt à long terme . Il dépend de la structure de la dette. Il ne doit pas être confondu avec le taux directeur de la Banque centrale . Leurs variations ne sont pas forcément liées : une baisse des taux courts peut engendrer de l'inflation et faire augmenter les taux longs.

1.5. Détermination du PIB en valeur

PIB en valeur t = PIB en volume t * Prix de PIB t (ð national t )

1.6. Détermination des Dépenses primaires en valeur

Dépenses primaires en valeur t = Dépenses en volume t * Prix du PIB t (ð national t )

1.7. Détermination de la dette en point de PIB







avec g le taux de croissance en volume de l'économie

1.8. Détermination du solde primaire qui stabilise la dette





En différenciant,







2. Les scénarios

Scénario A : La cible d'inflation passe de 2 % à 3% dans l'ensemble de la zone euro.

Dans ce scénario, on suppose que le taux d'intérêt réel est exogène. Dans ce cas, en suivant l'équation 1.4., le taux nominal apparent, qui dépend de l'inflation de la zone, augmente également de 1 point. Le taux de change effectif compense les variations d'inflation et donc la compétitivité reste inchangée. On suppose par ailleurs que la consommation des ménages est indépendante du prix.

Scénario B : Passage de 2 à 3 % mais uniquement en France.

Dans ce scénario, le taux d'intérêt nominal dépend de l'inflation de la zone. Il dépend donc de l'inflation du pays dans la mesure où celle-ci influe sur l'inflation de la zone. Mais la France perd en compétitivité et la BCE augmente ses taux d'intérêts.

3. Les résultats

Scénario A

Dans ce scénario, nous supposons que le changement de cible d'inflation est le même en France que dans la zone euro. En conséquence, il n'y a pas de perte de compétitivité ni d'augmentation du taux directeur de la BCE. L'impact d'une hausse d'inflation sur la dette publique transite alors par deux effets de sens inverse que l'on peut schématiser de la manière suivante :

Augmentation du déficit

1 point d'inflation

1 point de taux apparent >
Augmentation de la dette

Augmentation du PIB en valeur

Dette en point de PIB ?

Augmentation des charges d'intérêt



Légende : année t

année t+1



A volume inchangé, une hausse d'inflation provoque une hausse du PIB en valeur, ce qui, à dette inchangée, provoquerait une baisse du rapport dette sur PIB.

En revanche, la hausse de l'inflation se répercute intégralement sur le taux nominal de long terme de manière à laisser inchangé le taux d'intérêt réel. Cette hausse induit une augmentation des charges d'intérêts de 17 % la première année et donc une hausse du déficit public de 15 % (le déficit primaire restant quant à lui stable) et de 0,9 % de la dette publique. Cette dernière hausse vient peser sur les charges d'intérêts l'année suivante (+1,  %) puis 0,1 % deux ans plus tard (tableau 1).

Tableau 1 : Impact d'une hausse ponctuelle de 1 point d'inflation

En écart au compte central


 

1 ère année

2 e année

3 e année

4 e année

Charges d'intérêt

17

1.1

0.1

0

Déficit

15

1

0.1

0

Dette

0.9

0.1

0

0

PIB

1

0

0

0

Au total, dans le cas d'une hausse généralisée de 1 point d'inflation, l'impact sur le ratio Dette sur PIB est marginal (tableau 2).

Tableau 2 : Impact d'une hausse permanente de 1 point d'inflation

En écart au compte central


En point de PIB

1 ère année

2 e année

3 e année

4 e année

LT

Dette

-0.02

-0.02

-0.01

-0.01

0.01

Scénario B

Dans le deuxième scénario, nous supposons que la poussée d'inflation n'a lieu qu'en France. Le taux d'intérêt nominal augmente comme l'inflation de la zone . L'impact sur le rapport dette sur PIB dépend alors du résultat de 3 effets :

C1 : Sans impact sur le PIB en volume

Le premier effet, schématisé comme suit, rend compte de l'effet de la hausse du PIB nominal. Le passage de l'inflation de 2 % à 3 % en France provoque une hausse de 0,23 point d'inflation dans la zone euro, induisant une hausse du même montant du taux apparent.

0,2 point de taux apparent

Augmentation des charges d'intérêt

1 point d'inflation

Augmentation du déficit Augmentation de la dette

Augmentation du PIB en valeur

Dette en point de PIB ?



Légende : année t

année t+1

Cet effet permet au ratio dette sur PIB de baisser chaque année de 0,6 point de PIB (tableau 3). Au bout de 4 années, ce ratio serait alors inférieur de 2,4 points de PIB.

Tableau 3 : Impact d'une hausse permanente de 1 point d'inflation

En écart au compte central


En point de PIB

1 ère année

2 e année

3 e année

4 e année

Dette

-0.5

-0.9

-1.4

-1.8

C2 : Avec impact sur le PIB en volume...

A ce premier effet, nous pouvons ajouter celui d'un impact sur la croissance économique. Cet impact provient à la fois de la réponse de la BCE à cette hausse de l'inflation mais aussi de la perte de compétitivité de la France.

Augmentation de l'inflation dans la zone euro

1 point d'inflation en France

Pèse sur la croissance française

Hausse des taux d'intérêt de la BCE


Perte de compétitivité

C21 : ... via la hausse des taux d'intérêt européens

Le passage de 2% à 3% en France provoque une hausse de 0,23 point d'inflation dans la zone euro. Cette hausse de l'inflation provoque une réaction de la BCE qui augmente ses taux d'intérêts de 0.35 point :

Règle de Taylor de la BCE :

Cette hausse des taux d'intérêt à un impact récessif sur l'économie française qui est résumé dans le tableau 5.

Tableau 4 : Impact d'une hausse de 0.35 point des taux d'intérêts de la zone euro

En écart au compte central

 

1 ère année

2 e année

3 e année

4 e année

5 e année

PIB France

-0.07

-0.16

-0.19

-0.08

-0.04


C22 : ... via une perte de compétitivité

L'inflation progresse plus vite en France que chez ses principaux partenaires, d'où une perte de compétitivité. Cette perte provoque une baisse de l'activité en France dont les résultats sont résumés dans le tableau 5.

Tableau 5 :Impact de la perte de compétitivité

En écart au compte central


 

1 ère année

2 e année

3 e année

4 e année

PIB France

-0.2

-0.4

-0.6

-0.8

Au total, l'impact récessif vient compenser une partie de la diminution du ratio dette sur PIB. Finalement, l'effet attendu d'une hausse d'inflation sur la dette est une baisse de 1,3 point de PIB en 4 ans (tableau 6)

Tableau 6 : Synthèse de l'impact d'une hausse permanente de 1 point d'inflation

En écart au compte central


En point de PIB

1 ère année

2 e année

3 e année

4 e année

Dette

-0.3

-0.6

-0.9

-1.3

Inflation

-0.5

-0.9

-1.4

-1.8

Taux d'intérêt

0.0

0.1

0.1

0.1

Compétitivité

0.1

0.2

0.4

0.5

Déficit primaire stabilisant la dette en point de PIB

Scénario A


Si l'inflation est la même dans les deux zones alors



Dans le cas de la France

g = 2 % r = 4 % b = 60 %

En conséquence

Il est alors nécessaire de faire un excédent budgétaire de plus de 1,1 point de PIB

Scénario B

Si l'inflation est différente dans les deux zones alors



Dans le cas de la France

g = 2 % r = 4 % b = 60 %

En conséquence

Il est alors nécessaire de faire un excédent budgétaire de moins de 0.6 point de PIB, soit deux fois moins que dans le scénario précédent.

Synthèse

Il ressort de ce travail qu'un différentiel d'inflation (1 point dans notre exemple) par rapport à la zone donne des marges de manoeuvre budgétaire à la nation :

• D'une part, il permet une impulsion budgétaire supérieure - de 0,6 point de PIB dans notre exemple -pour une dette qui reste stable en point de PIB ;

• D'autre part, il permet de réduire la dette en point de PIB - de 1,3 point de PIB dans notre exemple au bout de 4 ans.

Comme chaque année, la Délégation du Sénat pour la planification explore les perspectives de l'économie et des finances publiques françaises à moyen terme (2008), à partir d'un jeu de simulations macroéconomiques.

Dans un contexte marqué par la volonté de réduire les déficits publics, la croissance de l'économie devrait reposer entièrement, dans ces projections, sur le dynamisme des composantes privées de la demande.

Au total, un rythme de croissance de 2 % par an apparaît relativement accessible ; mais il serait insuffisant pour permettre à la France de diminuer son taux de chômage, et laisserait subsister un important besoin de financement des administrations publiques. Un taux de croissance plus soutenu, de 2,7 % par an, ne pourrait être atteint qu'au prix d'une modification des comportements d'épargne des agents privés. Tout l'enjeu de la politique des finances publiques annoncée par le Gouvernement se trouve ainsi résumé : la « réépargne publique » sera-t-elle compensée par une « désépargne » suffisante du secteur privé ? Cet enchaînement crucial appelle une politique d'accompagnement.

Le rapport présente, en outre, des variantes qui permettent d'explorer les conséquences de choix alternatifs. Elles évaluent l'impact qu'aurait la poursuite de la hausse des dépenses publiques à leur rythme tendanciel, ainsi que les conséquences d'une baisse de l'impôt sur le revenu. Est également étudié l'effet d'une politique monétaire plus accommodante.

Le rapport présente enfin une estimation du coût de la réforme des retraites, à l'horizon de la projection, et fait un point sur le taux d'emploi des seniors. Relever le taux d'emploi des seniors apparaît, en effet, comme un levier indispensable au maintien du potentiel de croissance de l'économie française, et au succès de cette réforme des retraites.

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