Rapport d'information n° 160 (2003-2004) de M. Jacques VALADE , fait au nom de la commission des affaires culturelles, déposé le 21 janvier 2004

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N° 160

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SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2003-2004

Annexe au procès-verbal de la séance du 21 janvier 2004

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des Affaires culturelles (1) sur la situation des universités ,

Par M. Jacques VALADE,

Président,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jacques Valade, président ; MM. Ambroise Dupont, Pierre Laffitte, Jacques Legendre, Mme Danièle Pourtaud, MM. Ivan Renar, Philippe Richert, vice-présidents ; MM. Alain Dufaut, Philippe Nachbar, Philippe Nogrix, Jean-François Picheral, secrétaires ; M. François Autain, Mme Marie-Christine Blandin, MM. Louis de Broissia, Jean-Claude Carle, Jean-Louis Carrère, Gérard Collomb, Yves Dauge, Mme Annie David, MM. Fernand Demilly, Christian Demuynck, Jacques Dominati, Jean-Léonce Dupont, Louis Duvernois, Daniel Eckenspieller, Mme Françoise Férat, MM. Bernard Fournier, Jean-Noël Guérini, Michel Guerry, Marcel Henry, Jean-François Humbert, André Labarrère, Serge Lagauche, Robert Laufoaulu, Serge Lepeltier, Mme Brigitte Luypaert, MM. Pierre Martin, Jean-Luc Miraux, Dominique Mortemousque, Bernard Murat, Mme Monique Papon, MM. Jacques Pelletier, Jack Ralite, Victor Reux, René-Pierre Signé, Michel Thiollière, Jean-Marc Todeschini, Jean-Marie Vanlerenberghe, André Vallet, Marcel Vidal, Henri Weber.

Enseignement supérieur.

AVANT-PROPOS
de M. Jacques VALADE,
Président de la commission des affaires culturelles

A l'automne dernier, une minorité d'étudiants -quelques milliers, sur les 2,2 millions d'étudiants que compte la France- ont manifesté contre une évolution, pourtant souhaitable et déjà engagée, de notre système d'enseignement supérieur et de sa nécessaire adaptation au système européen. Compte tenu de cette situation, la commission des affaires culturelles du Sénat a décidé d'entendre, outre le ministre concerné, les organisations représentatives des présidents d'université, des professeurs et des étudiants afin d'analyser les positions exprimées et de contribuer à la compréhension et à la clarification de ce dossier. En effet, le débat est apparu parfois obscur, dans la mesure où, à la fois, il soulève de bonnes questions mais est accompagné de rumeurs et de contrevérités de nature à désorienter et inquiéter les étudiants et leurs parents.

De quoi s'agit-il ? D'une part de l'adaptation à l'Espace européen de l'enseignement supérieur ; d'autre part, du renforcement de l'autonomie et des moyens de nos universités, l'une et l'autre ayant été préparés, et lancée pour la première, par Jack Lang, le prédécesseur du ministre Luc Ferry au ministère en charge de l'enseignement supérieur.

Aujourd'hui, la qualité du système d'enseignement et de recherche d'un pays -dont dépendent sa compétitivité et son attractivité- doit être reconnue. C'est pourquoi, depuis 1998, la construction de l'Espace européen de l'enseignement supérieur tend à harmoniser les différents systèmes, afin de faciliter la mobilité des étudiants, des enseignants et des chercheurs et de rendre notre dispositif lisible et attractif à l'échelle du monde. Cette harmonisation passe par une architecture des études supérieures fondée sur les trois grades du LMD : L comme licence (bac + 3), M comme master (bac + 5), et D comme doctorat (bac + 8).

Par ailleurs, la modernisation de la loi de 1984 concernant le statut des établissements d'enseignement supérieur semble inévitable : peut-on porter aujourd'hui les mêmes habits qu'il y a 20 ans ? Les Français peuvent-ils continuer à accepter que les 1,13 % du produit intérieur brut que la France consacre à l'enseignement supérieur soient mal employés, comme le dénonce un récent rapport de la Cour des Comptes ? Que la gestion des emplois d'enseignants s'opère sans grande visibilité ni prévisions ? Que le patrimoine immobilier universitaire ne soit utilisé que 2 000 heures par an  et soit parfois dégradé au point qu'il pose de réels problèmes de sécurité ? Que les pratiques d'évaluation de nos établissements, de nos enseignements et de nos enseignants soient insuffisantes au regard de celles de nos partenaires occidentaux ? Surtout, et c'est sans doute l'essentiel, que le taux d'échec des étudiants en premier cycle universitaire soit tel qu'ils ne sont que 56,8 % à obtenir leur diplôme, 2 à 5 ans après leur première inscription, et que 20 % d'entre eux abandonnent leurs études sans aucun diplôme (soit 86 000 étudiants en 2000) ?

Il est indispensable d'apporter des réponses claires à des inquiétudes légitimes, sans chercher à mener trop de réformes de front. Mais il est fondamental que la concertation sur l'avenir de l'université française et sa modernisation se poursuive. Un grand nombre des interlocuteurs que notre commission des affaires culturelles a entendus ont souhaité que le système LMD soit expérimenté dans toutes les universités avant que ne soit engagée la réforme institutionnelle.

En réalité, l'objectif d'harmonisation européenne des diplômes a, sans doute avec des nuances, recueilli l'adhésion de la presque totalité de nos interlocuteurs. Les représentants des syndicats d'étudiants ont d'ailleurs approuvé la mise en place du système LMD dans un grand nombre de conseils d'administration d'universités, alors que la principale revendication de leurs manifestations concernait un moratoire sur sa mise en oeuvre... Cependant, des divergences se sont exprimées sur les modalités de l'application du système LMD : homogénéisation des diplômes au niveau national, passage d'un grade à l'autre, validation des acquis dans le cadre du système européen, avenir des diplômes à bac + 2 et à bac + 4. Les commissions de suivi mises en place par le ministre devraient permettre d'effectuer les réglages indispensables, à propos desquels 17 universités passées au LMD ont manifesté leur satisfaction.

Quel que soit le calendrier retenu par le Gouvernement, le ministre a d'ores et déjà répondu aux préoccupations exprimées :

- le cadre national des diplômes sera maintenu ;

- il en est de même des diplômes à bac + 2 (DEUG, BTS, DUT), auxquels les milieux professionnels sont très attachés, et à bac + 4 (maîtrise), nécessaires pour l'accès au CAPES et à l'agrégation ;

- le nouveau dispositif ne devrait pas entraîner l'abandon des examens de rattrapage (les sessions de septembre) ;

- il n'est pas question d'adopter un système de droits d'inscription « à l'américaine » ni de « privatiser » l'enseignement supérieur ;

- il n'est pas non plus question de « marchandiser » l'enseignement supérieur. Tel n'est pas l'objet du nécessaire développement des relations entre les universités et les entreprises. Il s'agit, en revanche, de reconnaître que l'université est un acteur local de premier plan et qu'elle doit favoriser l'insertion professionnelle des diplômés et aider à la diffusion des compétences et de l'innovation dans le pays. La valorisation des travaux de recherche de l'université peut aussi venir abonder ses moyens ;

- les projets de réforme n'entraîneront pas un renforcement de la sélection à l'entrée dans l'enseignement supérieur, la liberté d'accès étant partie intégrante du système français. Il faut rappeler, cependant, que le processus de sélection existe d'ores et déjà : à travers l'existence d'un double réseau universités/écoles et pour certaines disciplines et, malheureusement du fait, ainsi qu'il a été dit précédemment, d'un taux d'échec trop élevé et très coûteux, tant pour les personnes concernées que pour la collectivité ;

- la concurrence entre les établissements existe depuis longtemps et les étudiants qui le peuvent choisissent l'université ou l'école qui leur semble jouir de la meilleure réputation. En outre, la concurrence des universités étrangères, américaines en particulier, sur notre sol, existe de facto . Il appartient donc à nos établissements de se rendre plus lisibles et de valoriser leurs pôles d'excellence.

Il était essentiel de combler le déficit d'information et de communication qui expliquait partiellement la contestation. Au travers de cette série d'auditions, notre commission a souhaité participer à cet effort. D'ailleurs, depuis que des présidents d'université, des professeurs et le ministre lui-même, relayés par les médias, ont décidé d'exposer la réalité des projets et de rassurer les étudiants en les informant correctement, l'agitation est retombée. Le fait que seulement 150 étudiants aient manifesté à Rennes, le 13 décembre dernier, dans le cadre d'une journée européenne de manifestation contre les réformes universitaires, montre que le réalisme et le pragmatisme ont repris le dessus et il faut s'en réjouir.

Il n'empêche que les efforts de concertation et d'explication doivent se poursuivre. Par ailleurs, on ne pourra pas faire l'économie d'une réflexion sur le nécessaire accompagnement social de la réforme, afin que tous les étudiants puissent pleinement bénéficier de ses effets. Il y a urgence à ouvrir le chantier de la réforme de l'aide sociale aux étudiants, dont le système actuel est considéré comme inéquitable, inefficace et peu lisible. Le système LMD va faciliter la mobilité des étudiants tant en France qu'en Europe, et celle-ci ne doit pas dépendre de leur situation sociale.

La commission des affaires culturelles souhaite que la concertation aille à son terme sur ces différents sujets et que le Parlement puisse ensuite débattre sereinement des projets que le Gouvernement soumettra à son examen, dans le but d'aider les universités françaises à assumer leurs fonctions avec l'efficacité que les étudiants et, au-delà, la Nation toute entière, sont en droit d'attendre d'elles.

SIGLES UTILISÉS

ATOS

Personnel administratif, technicien, ouvrier et de service

BTS

Brevet de technicien supérieur

CAPES

Certificat d'aptitude pédagogique à l'enseignement secondaire

CEVU

Conseil des études et de la vie universitaire

CNESER

Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche

CNOUS

Centre national des oeuvres universitaires et scolaires

CNU

Conseil national des universités

CPER

Contrat de Plan État-région

CROUS

Centre régional des oeuvres universitaires et scolaires

DEA

Diplôme d'études approfondies

DESS

Diplôme d'études supérieures spécialisées

DEUG

Diplôme d'études universitaires générales

DPD

Direction de la programmation et du développement

DUT

Diplôme universitaire de technologie

ECTS

European credit transfert system

Système européen de transfert de crédits

EPCU

Établissement public de coopération universitaire

EPSCP

Établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel

ESIB

National unions of students in Europe

Syndicats nationaux des étudiants en Europe

FCPE

Fédération des conseils de parents d'élèves des écoles publiques

GIP

Groupement d'intérêt public

IGF

Inspection générale des finances

IUP

Institut universitaire professionnalisé

IUT

Institut universitaire de technologie

LMD

Licence - Master - Doctorat

LOLF

Loi organique relative aux lois de finances

MSTP

Mission scientifique, technique et pédagogique

San Remo

Système analytique de répartition des moyens

STAPS

Sciences et techniques des activités physiques et sportives

STS

Section de technicien supérieur

TOS

Personnel technicien, ouvrier et de service

UFR

Unité de formation et de recherche

UMR

Unité mixte de recherche

ZEP

Zone d'éducation prioritaire

Audition de M. Olivier VIAL,
Délégué national de l'Union nationale universitaire (UNI)

(3 décembre 2003)

Présidence de M. Jacques VALADE, président

M. Jacques Valade, président - La séance est ouverte.

Je me permets de situer ces auditions dans un contexte sénatorial plus large. A l'initiative de la commission des affaires culturelles, les sénateurs ont souhaité entendre une série de personnalités sur la situation de l'université française et son devenir. J'ai voulu que ces auditions soient ouvertes le plus largement possible.

Dans un certain nombre d'universités, il y a des mouvements soit revendicatifs soit d'opposition qui portent d'abord sur la question de l'homogénéisation des diplômes en Europe, c'est-à-dire l'adaptation des différentes formes d'enseignement supérieur dans les pays d'Europe et leur normalisation entre licence, master et doctorat. La réforme a été lancée en 1998. Alors que des expérimentations sont en cours dans un grand nombre d'universités, cette généralisation est mise en cause.

Le second point de contestation concerne l'autonomie des universités et les projets formulés en matière d'accroissement de cette autonomie. Un projet de loi a été préparé sous le ministère de M. Jack Lang et repris par son successeur, M. Luc Ferry.

Voilà le contexte dans lequel nous évoluons.

M. Olivier Vial - Depuis quelques semaines, l'université est revenue à la Une des médias. Le mouvement de contestation n'est pas aussi important que ses retombées médiatiques. Le nombre de manifestants laisse à penser que nous sommes loin d'un mouvement de masse et de rejet.

Le contexte d'harmonisation européenne des diplômes n'est en rien contradictoire avec le modèle universitaire français. L'université française est par essence une université à vocation européenne, voir internationale, comme tout ce qui concerne la culture et le savoir. La tradition française est respectée dans ce processus. Un sondage a montré que 87 % des étudiants étaient favorables à des diplômes européens.

Hormis l'agitation, c'est une initiative ancienne, initiée en 1998, mise en place aujourd'hui dans 17 universités. Paradoxalement, aucun mouvement de protestation n'existe dans ces universités. Le fait que ce mouvement démarre au lendemain du forum social européen apparaît comme une coïncidence troublante.

Dans le contexte européen, l'université va devoir se réformer. Elle doit faire face à deux faiblesses majeures.

La massification de l'université a été mal digérée et les réformes n'ont pas été suffisamment menées. La majorité des 2,2 millions d'étudiants n'aspire pas à une carrière dans la recherche, mais à une insertion professionnelle et à ce que l'université les y prépare.

Le deuxième axe sur lequel je voulais intervenir relève de l'échec de la démocratisation. Il convient de rétablir l'égalité des chances au travers de ces réformes.

Le contexte démographique est plutôt favorable, avec une stabilisation des effectifs étudiants, ce qui va permettre dans les prochaines années d'agir à flux constants et d'avoir des marges de manoeuvre pour initier des réformes.

Cette démographie est différente selon les filières. Les sénateurs ont beaucoup travaillé sur la désaffection des filières scientifiques, qui est un véritable problème aujourd'hui.

Le dernier phénomène positif dans le contexte actuel est le budget. C'est la première fois que le budget consacré à l'enseignement supérieur augmente aussi rapidement ce qui constitue un début de rattrapage.

La première préoccupation des étudiants en France concerne leur insertion professionnelle. Les dernières enquêtes d'opinion auprès des étudiants l'ont bien montré, même les étudiants des grandes écoles commencent à s'inquiéter. En période de croissance économique, ils n'ont aucune difficulté à s'insérer. Dès lors que la situation devient un peu plus tendue, ils sont les premières victimes, notamment les étudiants venant de l'université. Les statistiques en témoignent.

Les étudiants choisissent depuis quelques années des filières professionnalisantes courtes et sélectives. 4 étudiants sur 10 sont inscrits dans des filières sélectives, tels les IUT, les classes préparatoires aux grandes écoles et les BTS.

La cause en est l'échec massif en premier cycle universitaire. Le taux d'échec en DEUG est très important et varie selon les baccalauréats d'origine. Les étudiants titulaires d'un bac professionnel au bout de cinq d'études n'obtiennent le DEUG qu'à moins de 17 %. C'est un gâchis humain et financier.

Ce sentiment d'échec universitaire est souvent renforcé par un sentiment d'échec dans l'insertion professionnelle de certaines filières chez les étudiants. La majorité des filières universitaires connaissent des problèmes d'insertion professionnelle. C'est un véritable chantier à ouvrir. La loi permet déjà d'avoir des comptes-rendus d'insertion professionnelle à la fin du diplôme et il existe d'autres possibilités qui ne sont pas mis en place pour l'instant.

Ces difficultés ont conduit à un éloignement progressif de l'université et de l'entreprise qui a pour conséquence une forme de méfiance. Certains troisièmes cycles universitaires forment des étudiants avec de fortes compétences mais les directeurs des ressources humaines leur préfèrent encore des étudiants d'écoles même s'ils sont de moins bon niveau. Quelles solutions peuvent être apportées ? La réforme LMD va permettre notamment la multiplication des parcours, en favorisant les réorientations en cours de cycle et les parcours plus professionnalisants.

La Conférence de Berlin qui s'est tenue en septembre dernier a insisté sur cette question. Ce problème est européen. Les Britanniques ont ainsi mis en place une table ronde sur la professionnalisation des études.

Au delà de ces nouvelles filières, il faut veiller à intégrer les filières professionnelles qui fonctionnent très bien de manière souple (IUT, IUP, écoles...) et notamment à garantir les diplômes de sortie existants. Des réglages sont à envisager. Certaines écoles de commerce ou de gestion sont un peu inquiètes pour leur intégration dans le modèle LMD.

Il faut être capable de concilier à la fois les parcours diversifiés des étudiants et la lisibilité du cursus et des compétences pour les employeurs.

L'orientation doit se faire tout au long des cycles universitaires. Elle permettrait ainsi aux étudiants de choisir leur orientation en connaissance de cause, lorsqu'ils optent pour des filières où l'insertion professionnelle est très limitée.

Le deuxième point tend à prendre en compte le nombre d'étudiants et à envisager les mécanismes qui permettent de promouvoir une véritable égalité des chances.

Pour l'UNI, il existe un contre-exemple, celui de Sciences-Po qui a mis en place les conventions ZEP et un début de discrimination positive.

Au bout de trois ans, c'est un échec hormis pour les statistiques de Sciences-Po car cela n'a rien changé dans les ZEP. On constate déjà de nombreux dérapages.

Ont été instaurées à Paris des bourses spécifiques pour les étudiants de Sciences-Po prises sur les bourses de mérite. Un quota a été fixé pour les étudiants venant de ZEP qui a conduit à écarter des étudiants boursiers échelon 5 sur critères sociaux ayant obtenu la mention bien au baccalauréat. Car la bourse était fléchée pour un étudiant de Sciences-Po boursier échelon 0 mais n'ayant obtenu le baccalauréat qu'avec tout juste la moyenne.

Une telle politique peut donner un écho aux revendications communautaristes qui commencent à exister dans l'université depuis deux ans. Il existe de meilleurs exemples qui permettent d'avoir une véritable démocratisation. Sciences-Po Aix-en-Provence a ainsi mis en place des classes préparatoires pour les étudiants défavorisés afin de les préparer au concours d'entrée. De même, l'ESSEC suit des étudiants de classes sociales défavorisées pour les aider dans leur préparation au concours.

Le rapport pour avis du Sénat propose de mieux employer les locaux universitaires notamment durant l'été. L'UNI demande plutôt la création de vraies classes préparatoires d'été dans ces universités pour tous les étudiants qui souhaitent préparer des concours. La majorité des étudiants qui rentrent dans ces écoles font du bachotage durant les trois mois d'été dans des préparations payantes privées. Il serait plus utile de créer des classes préparatoires pour tous les étudiants qui le souhaitent, publiques et gratuites, notamment avec le concours des grandes écoles.

Le deuxième point qui peut favoriser l'égalité des chances est l'aide sociale. Le plan social mis en place par le ministre Jack Lang vient à son terme. Ce plan a consisté en une multiplication de couches ; à chaque rentrée universitaire une nouvelle mesure était annoncée. L'aide sociale aux étudiants est aujourd'hui difficilement gérable. Il faut une simplification administrative qui se fasse sur la base de l'aide sociale sans se confondre avec l'aide familiale. Il s'agit d'aider les étudiants sur critères sociaux.

Un plan ambitieux a été lancé à propos du logement social étudiant, qui dépend du CNOUS et des CROUS. Il s'agit là d'une très faible partie du problème. On dénombre seulement 150 000 logements sociaux étudiants pour 2 200 000 étudiants. Plus de 800 000 étudiants se logent par leurs propres moyens. Même s'ils disposent des moyens financiers pour se loger, ils rencontrent d'énormes difficultés pour trouver un logement. Sur cette question, il faut prendre en compte la mobilité des étudiants, notamment dans la perspective de la mise en place du système LMD. Il serait utile de traiter le problème avant qu'il ne devienne criant.

La question de l'autonomie des universités constitue un projet récurrent. L'UNI n'est pas favorable à ce que cette réforme arrive tout de suite. Les réformes dans l'enseignement supérieur français sont possibles dès lors qu'on prend le temps de les expliquer.

Le projet de loi sur l'autonomie ne concernait pas véritablement les étudiants, ni les professeurs. Les questions de l'échec en premier cycle, de la professionnalisation ne figuraient pas dans cette loi. Les dispositions étaient essentiellement d'ordre technique pour améliorer la vie de certains présidents d'université.

Or toutes les garanties ne sont pas réunies aujourd'hui pour un renforcement des pouvoirs des présidents d'université. Une obligation préalable serait un vrai pouvoir d'évaluation, qui pourrait être quelquefois coercitive.

L'absence d'une politique d'évaluation et de coercition dans l'enseignement supérieur est illustrée par la relation qui existe actuellement entre le CNOUS et les CROUS. Le CNOUS exerce en principe un contrôle sur les CROUS, qui sont autonomes. Depuis six ans, quatre CROUS sont totalement hors contrôle.

En l'absence d'un pouvoir d'évaluation et de coercition fort, de telles dérives sont possibles. Certes, il existe dans l'enseignement supérieur des organismes comme le Conseil national de l'évaluation. Cependant, les rapports de ce conseil sont souvent sans effet.

Pour conclure, je dirais que l'harmonisation européenne des diplômes est voulue par les étudiants, que l'insertion professionnelle est importante et qu'un cap historique est à passer du fait de cette stabilisation démographique.

M. le Président - Je ne vous ai pas interrogé sur votre cursus universitaire.

M. Olivier Vial - Je suis en thèse à Paris II en sciences de l'information. Je travaille sur la promotion du cinéma français.

M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur pour avis du budget de l'enseignement supérieur au nom de la commission des affaires culturelles - Je voudrais vous remercier pour l'ensemble des propos tenus. Le système d'harmonisation des diplômes est objectivement ce vers quoi il faut tendre.

S'agissant du problème de l'échec dans les premiers cycles universitaires, deux éléments intéressants sont mis en place : un travail plus fin sur l'orientation après le baccalauréat, et le développement de modules de culture générale à l'université, qui devrait permettre aux étudiants de se former sur une longue période et d'avoir une mobilité plus importante entre cycles.

J'aurai plutôt un complément de question sur la deuxième partie de votre exposé. Vous dites qu'il ne faut pas entreprendre trop de réformes en même temps. J'ai bien cru comprendre que sur le fond vous n'êtes pas contre l'autonomie. Je voudrais connaître votre opinion sur le contenu de ce que peut être l'autonomie, c'est-à-dire plus concrètement les problèmes de globalisation budgétaire, de fonctionnement et de management des universités, la dévolution patrimoniale, la contractualisation avec un certain nombre de tiers dont les collectivités territoriales et l'évaluation. Il me semble qu'au travers de cette autonomisation possible, notamment en matière de contractualisation, une réponse pourrait être apportée à un des grands soucis des étudiants, celui de l'insertion professionnelle. Cette insertion se fait d'autant plus facilement qu'il y a une connaissance de l'environnement à la fois économique et actif des régions dans lesquelles se trouvent les universités.

M. Olivier Vial - Certes, en matière d'orientation, des avancées ont été réalisées. Le ministre en a d'ailleurs annoncé une nouvelle au niveau européen pour prendre en compte le processus LMD qui est la création d'une agence européenne d'orientation.

Je ne suis pas défavorable à l'autonomie des universités. Il ne s'agit pas d'une question urgente. L'autonomie doit permettre à l'université d'être mieux intégrée dans son espace, et notamment d'accueillir les représentants des collectivités territoriales, des entreprises locales... Les avant-projets actuels ne sont pas forcément assez réceptifs à cette question. La place des collectivités territoriales y est subsidiaire. Les missions du conseil d'orientation stratégique qui est créé ne sont pas vraiment définies. L'instauration d'une ou deux places dans les conseils d'administration des universités pour ces représentants serait sans doute plus simple à mettre en place. On peut avoir aujourd'hui dans bien des secteurs de véritables logiques de sites avec tous les acteurs de la vie économique et politique locale, notamment par le biais de la création de fondations.

Dès lors qu'il existe un cadre d'évaluation coercitif, nous ne sommes pas défavorables au budget global. Cela permettra plus de souplesse. Nous ne sommes également pas hostiles au renforcement des pouvoirs dans le cadre de la contractualisation. Ce sont des mesures techniques qui peuvent être mises en place de manière simple par voie réglementaire.

M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial du budget de l'enseignement supérieur au nom de la commission des finances - J'ai beaucoup apprécié la démarche concrète de votre exposé.

J'aurai une première question sur le budget. Le mot d'ordre des manifestants est la régression du budget. Or, vous l'avez rappelé comme nous l'avons fait dans nos rapports, pour la première fois, il y a progression sensible des moyens attribués aux universités et dans le même temps transfert de 100 millions d'euros de l'enseignement scolaire vers l'enseignement supérieur. Comment pourrait-on communiquer contre cette idée que le budget de l'enseignement supérieur serait en régression ?

Ma deuxième question est relative à la condition étudiante. Les orientations qui ont été prises de bien distinguer l'action sociale et le dispositif familial sont un point très important. Finalement, la gestion du logement étudiant ne va pas être décentralisée. Je m'interroge sur la mise en place d'un plan programme pluriannuel, revendiqué par certains, en matière de conditions de vie des étudiants, et notamment de logement. Est-ce une idée d'avenir pour vous ?

Ma troisième question a trait à l'autonomie des universités. Votre réponse pourrait conduire à distinguer les mesures d'ordre législatif de celles d'ordre réglementaire pour faciliter la gestion. Il n'en restera pas moins que la loi de 1984 est aujourd'hui archaïque. Vu l'évolution du monde et des universités, il est surprenant que des jeunes contestent l'idée même d'une réforme de cette loi. En dehors de tout présupposé idéologique, il existe des obstacles législatifs. Un certain nombre de réformes ne sont pas possibles sans une modification législative, comme la simple association d'universités entre elles sur un projet commun, la mise en place d'un conseil d'orientation avec la participation des entreprises et des collectivités locales. Faut-il repousser la réforme sur 2005 avec le risque que de nouvelles difficultés d'ordre électoral ou autres soient soulevées ?

M. Olivier Vial - S'agissant du budget, c'est le temps de la désinformation et de la mauvaise foi. Les chiffres ne se suffisent pas. Par ailleurs, une diversification des ressources, compte tenu que 80 % proviennent de fonds publics, serait bienvenue.

Un plan pluriannuel relative aux conditions de vie des étudiants est sans doute une bonne idée, de même que la décentralisation, notamment dans le domaine du logement étudiant. Cependant, toutes les collectivités territoriales ne sont peut-être pas prêtes à l'accepter. Des pistes peuvent être traitées. Pour une partie de l'aide sociale, pourquoi se priver des talents des conseils généraux qui sont en matière sociale dans leur coeur de cible ? Ces pistes pourraient être explorées dans le cadre d'une meilleure coordination des partenaires locaux sur un site universitaire.

Au fur et à mesure des versions, le texte sur l'autonomie des universités s'est appauvri et n'est pas aussi consensuel que ce qui est dit. Aujourd'hui, hormis les présidents d'université, et encore pas tous, l'ensemble du corps professoral y est opposé. Des crispations existent sur ce projet de loi. Il est nécessaire de prendre le temps, d'autant que les modifications envisagées concerneront peu les étudiants et les professeurs. Des décrets ou arrêtés peuvent être pris. Pour certaines mesures, il existe des « véhicules législatifs » possibles. Ce texte mérite aujourd'hui d'être retravaillé.

M. Jacques Legendre - Le véritable scandale est celui du très faible taux de réussite à l'université de certains bacheliers qui s'engagent dans des filières dans lesquelles ils n'ont manifestement guère de chances de réussir.

Je ne pense pas qu'on puisse raisonner en ne considérant l'orientation dans l'enseignement supérieur qu'après le baccalauréat. La cause de départ se situe au niveau d'un mauvais choix de filière par rapport au baccalauréat obtenu. Est-ce que vous seriez prêt à considérer que tous les baccalauréats n'ouvrent pas le droit à toutes les filières universitaires ? Si tout bachelier a vocation à entrer dans l'enseignement supérieur, il est important de laisser aux universités la possibilité d'indiquer à certains que leurs chances de réussite sont vraiment trop faibles compte tenu du baccalauréat d'origine. Ceci pose le problème de préparer l'orientation vers le supérieur dès le second cycle du second degré.

Je voudrais rappeler que la loi Haby prévoyait, dans ses dispositions sur le second cycle, des baccalauréats avec des épreuves optionnelles qui ouvraient telle ou telle filière en fonction des choix d'orientation de l'étudiant.

Etes-vous satisfaits des services d'orientation et d'information tels qu'ils existent dans l'enseignement supérieur ? Avez-vous sur ce point des propositions à faire pour une véritable orientation qui commencerait dans le second cycle du second degré et qui se poursuivrait dans l'enseignement supérieur ? La plupart des étudiants accordent une grande importance à leur insertion professionnelle.

M. Olivier Vial - Je suis tout à fait d'accord avec vos propos. L'orientation se prépare en amont. L'UNI avait proposé il y a deux ans la création d'une véritable agence nationale de l'orientation, indépendante du ministère. Elle pourrait avoir vocation à donner l'information mais aussi à évaluer les filières en fonction de leur taux de réussite en termes d'orientation professionnelle ou autres pour donner une information complète.

Un fléchage très fort des diplômes est nécessaire avec une véritable information dès le début. Nous avions pensé à l'idée de contrat symbolique, c'est-à-dire faire prendre conscience à l'étudiant de ses chances de réussite à la fois en termes d'obtention de diplôme et d'insertion professionnelle. Il est important de bénéficier d'une véritable information pour lever certaines incertitudes. Ainsi, un des grands quiproquos concerne la filière économie à l'université. Plus de la moitié des étudiants qui s'inscrivent dans cette filière veulent faire du commerce. Face au contenu des études, ils se posent des questions sur leur formation professionnelle.

M. le Président - Il en est de même pour la filière STAPS. Combien d'étudiants s'y engagent alors que les débouchés ne sont pas nombreux ! La carence se situe au niveau de l'information. Au prétexte que l'université et toutes ses filières sont ouvertes, on laisse s'engouffrer des filles et des garçons dans des domaines où la sortie n'est que négative, même s'ils font de très bonnes études.

M. Olivier Vial - Ces difficultés expliquent notamment le malaise étudiant. Un des problèmes en France que je n'ai pas cité est celui de la déqualification.

Mme Annie David -  J'ai quelques interrogations sur le système LMD. Je voudrais connaître votre sentiment sur l'établissement d'une grille d'équivalence entre les diplômes européens qui pourrait être un facteur rassurant pour les étudiants.

Le facteur de chances mais en même temps d'inégalité, intégré dans ce dispositif, repose sur la possibilité de mobilité offerte. Tous les étudiants ne seront pas égaux face à cette mobilité. Les étudiants qui pourront se déplacer bénéficieront de parcours diversifiés, les autres seront, me semble-t-il, pénalisés.

Il serait peut-être intéressant de créer un statut de l'étudiant européen qui reprendrait toutes ces problématiques. Pourquoi ne pas se diriger vers une allocation d'autonomie versée aux étudiants pour leur permettre d'être égaux face au dispositif LMD ? Ce dispositif apparaît intéressant car il permet l'harmonisation européenne des diplômes, la mobilité des étudiants et la mise en place de parcours diversifiés, sans doute facteurs de réussite.

Cependant, le fait que chaque université puisse définir son diplôme n'est-il pas aussi un facteur d'inégalité ?

Mes interrogations concernent également la qualité de vie des étudiants notamment dans le domaine de la santé.

M. le Président - L'harmonisation des diplômes ne signifie pas l'obligation de mobilité. Il s'agit seulement d'organiser la possibilité de mobilité. Le diplôme restera national.

Naturellement, la mobilité constitue une chance supplémentaire pour l'étudiant. Cette possibilité doit être ouverte à tous, et ne doit pas être un facteur de discrimination.

M. Olivier Vial - En matière d'équivalence des diplômes, les procédures d'habilitation ont été renforcées. Car, nos partenaires européens notamment à la Conférence de Berlin ont mis en place des procédures d'évaluation de leurs diplômes et nous demandent d'en faire autant afin de garantir la qualité des enseignements. Le système est vraiment tiré vers le haut.

En ce qui concerne la mobilité, le ministre a annoncé un plan social d'accompagnement du LMD avec un renforcement important des bourses de mobilité et la création d'une agence nationale sur la mobilité européenne.

A propos des conditions de vie étudiante, je ne partage pas votre avis sur la mise en place d'une allocation d'autonomie. Je pense que ce se serait un facteur grave de recul social, puisqu'il s'agirait de donner une même somme d'argent à chaque étudiant quelque soit le revenu de ses parents. Il ne faut pas saupoudrer les aides mais garder les critères sociaux et considérer le revenu des parents. Notre logique est celle d'une aide sociale personnalisée pour mieux prendre en compte les critères réels de la vie des étudiants. Le ministre nous a proposé de réfléchir à une refonte du système d'aide sociale dont certains critères d'attribution datent des années 1945. Les moyens informatiques doivent permettre d'affiner ces critères pour accorder une aide réellement personnalisée et qui soit l'antithèse d'une aide égale pour tous, au final très injuste.

M. le Président - Je vous remercie.

Audition de M. Maurice HÉRIN,
Secrétaire général du Syndicat national de l'enseignement supérieur (SNESUP)

(3 décembre 2003)

M. Jacques Valade, président - Mes chers Collègues, nous allons entendre M. Maurice Hérin, secrétaire général du Syndicat national de l'enseignement supérieur (SNESUP).

Notre commission a souhaité entendre les différents protagonistes du débat actuel sur l'évolution de l'université et donc connaître la position du SNESUP sur, d'une part, la question de l'harmonisation européenne des diplômes et, d'autre part, les adaptations à apporter à la loi de 1984 sur l'enseignement supérieur.

M. le secrétaire général, je vous cède la parole.

M. Maurice Hérin - Merci, M. le Président.

Effectivement, il s'agit d'une question qui préoccupe l'ensemble des Français. C'est pourquoi nous avons souhaité, sans être entendus, que cette question de l'enseignement supérieur soit intégrée dans le grand débat national sur l'école.

Nous sommes surpris et nous considérons qu'il y a là quelque chose qui n'est pas pertinent de voir un débat intéressant qui s'engage aujourd'hui sur l'école dans l'ensemble du pays dans sa phase initiale très ouverte et que la question des problèmes de l'enseignement supérieur ne soient évoqués que de manière très partielle et limitative.

Nous souhaitons que cette question fasse l'objet d'un débat dans l'ensemble de la Nation et auquel l'ensemble des Français soit à même de participer.

Nous considérons que l'harmonisation européenne des diplômes est un élément important et une perspective qu'il faut concrétiser, et peut-être élargir. Chacun connaît les discussions qui sont en cours avec des pays comme le Brésil, que le Sénégal, lors d'un colloque à Dakar, s'était engagé dans une voie d'harmonisation, que les échanges universitaires avec la Chine se développent de manière considérable.

Mais restons sur ce problème de l'harmonisation européenne qui est peut-être plus large que celui-là.

Ce qui est présenté, avec les termes d'harmonisation et les termes de mobilité, constitue des objectifs que nous partageons. Mais en même temps, ce que nous vivons, ce que nous analysons, nous le considérons en totale contradiction avec ces objectifs affirmés.

L'harmonisation européenne des diplômes a pour objectif proclamé et pour élément justificateur principal la mobilité en formation. Qu'en est-il de la mise en oeuvre du LMD puisque cela s'inscrit dans cette perspective ?

M. le Président - Dans notre esprit, le LMD est une organisation qui permet la comparaison en permanence des niveaux de formation et des diplômes, mais cela ne constitue pas une obligation. On peut parfaitement acquérir les niveaux LMD dans tel ou tel pays d'Europe.

Bien entendu, s'il y a une possibilité de mobilité, à laquelle je souscris très largement et qu'il faut conforter, ce n'est que mieux. En effet, aller se « frotter » à l'extérieur, cela rejoint le vieux rêve des civilisations médiévales, fondées sur l'échange non seulement des idées mais aussi des hommes.

Ce n'est donc pas une totale obligation même c'est une possibilité souhaitable.

M. Maurice Hérin - Oui, encore que là-dessus, pour l'honnête homme du XXI e siècle, dans cet espace européen, peut-être faudrait-il réfléchir à ce que ce contact, ces échanges, ces relations avec d'autres cultures, d'autres méthodes d'enseigner, d'autres approches, d'autres modes de vie aussi, réfléchir à ce que cela soit un élément qui structure une formation supérieure.

Nous n'en sommes pas là. Mais que cela soit un élément qui en perspective, en objectif soit une composante d'une formation supérieure, c'est une hypothèse qu'il faut véritablement avancer aujourd'hui.

De manière très concrète, cela pose aussi le problème de la maîtrise des langues.

Donc ce n'est pas seulement une possibilité qui serait de notre point de vue un plus important et intéressant. Mais je crois que c'est plus que cela, cette possibilité dans sa formation supérieure d'associer des éléments de formation validés dans d'autres universités que celles de France aux éléments validés en France, le tout consolidant une formation supérieure ou la structurant.

Le LMD est tout de même la base de cette harmonisation européenne 3-5-8. Par rapport à ce que l'on observe réellement, pour qu'il y ait équivalence de diplômes, il faut que ces diplômes sanctionnent de manière comparable des formations supérieures qui elles-mêmes soient comparables. Je ne dis pas identiques mais comparables.

On a parlé du caractère national du diplôme qui demeure. Certes, mais dans ce caractère national que demeure-t-il ? Il demeure le titre -licence, master, doctorat-, le nombre d'ECTS qui sont les crédits nécessaires pour obtenir le diplôme, et la signature du ministre. C'est tout ce qui définit actuellement le caractère national des diplômes dans la mise en place du LMD.

Pour nous, il y a cinq points qui peuvent être très largement partagés par les étudiants, les enseignants ainsi que par la population.

Il faudrait que le nom des diplômes puisse être compris et défini de manière claire. Or, dans les habilitations qui ont été établies, suite à cette première campagne de mise en oeuvre pour ces formations nouvelles LMD, pratiquement aucune n'a le même nom. C'est-à-dire que sur cinq cents formations, il n'y a pas d'unité de dénomination.

M. Jean-Philippe Lachenaud - Est-ce à dire que vous ne souhaitez pas que cela soit comparable ou voulez-vous que l'on retrouve le système ancien de la maquette pédagogique stricte identique sur tout le territoire ?

M. Maurice Hérin - Que l'on sache que l'on a acquis une formation qui porte tel nom et qu'ensuite des éléments précisent une spécialité, d'accord. Mais il faut un contenu qui soit visible, à la fois au moment de l'accession mais aussi au moment de la sortie de cette formation et que ce contenu soit reconnaissable. Il faut que des intitulés comparables permettent la lecture.

Nous ne souhaitons pas une liste fermée mais une liste établie. Bien sûr, il ne s'agit pas d'avoir la même spécialité dans tous les pays car il y a une liberté nécessaire des équipes d'enseignement et de recherche, et aussi une politique d'établissement.

Nous avons posé la question aux employeurs, ce système ne permet pas de faire reconnaître réellement la formation.

En ce moment le comité de suivi de la licence et du master discute sur le supplément aux diplômes. Ce supplément préciserait l'ensemble des formations, des stages, le cursus de l'étudiant. L'importance que prend ce supplément démontre de façon évidente que la titulature et les indications précises des diplômes qui sont mis en place sont tellement éclatées qu'elles ne pourront plus être reconnues. Donc, en cela, il y a bien danger.

Ce problème des dénominations est assez caractéristique car à l'inverse vous avez des formations portant le même nom du point de vue mention mais qui sont appliquées à des domaines différents.

On ne le mesure peut-être pas suffisamment, mais il y a véritablement un éclatement complet du système des diplômes dans cet aspect le plus visible qui est celui de la dénomination.

Une formation est mesurée par le temps nécessaire pour maîtriser les connaissances et se les approprier. Les volumes d'enseignement, dans leurs différentes modalités qui doivent être très souples, ne sont plus précisés. Dans de nombreux dossiers de projets, cela a été défini seulement en terme de crédits ECTS.

Le nom, le temps et le contenu n'apportent plus de précisions pour cette lisibilité.

Du point de vue des modalités de contrôle des connaissances, il y a maintenant une telle liberté laissée aux établissements -entre compensation, capitalisation, semestres, années- que pratiquement aucune règle nationale ne peut être réellement reconnue.

Enfin, sur les accès à ces formations et sur les possibilités de poursuites d'études, il n'y a plus de règle. Dans le système antérieur, que nous avons aussi beaucoup critiqué, il y avait des accès de plein droit qui étaient définis par des tableaux. Quand une formation est validée par un examen et sanctionnée par un diplôme, elle doit ouvrir des accès à d'autres formations sous d'autres formes.

M. le Président - Vous êtes défavorable à l'accès des bacheliers professionnels à l'université ?

M. Maurice Hérin - Pas du tout. Les possibilités pour les bacheliers professionnels d'accéder à l'université doivent être effectivement ouvertes. Plus qu'elles ne le sont aujourd'hui.

De manière générale, le baccalauréat est un diplôme général qui donne accès de plein droit à l'ensemble des formations universitaires.

M. Jacques Legendre - Lors de l'audition précédente, a été cité un chiffre qui nous a beaucoup choqué. Il correspond à un dégât peut-être financier mais d'abord et avant tout humain. En effet, seulement 17 % des bacheliers professionnels accédant à une formation de l'enseignement supérieur obtiennent un diplôme universitaire.

Pensez-vous qu'il faille maintenir cette situation ou bien faut-il indiquer à ces étudiants qu'ils ont vocation à aller dans l'enseignement supérieur, s'ils le souhaitent, mais pas n'importe où parce que la formation de base qu'ils ont acquise ne leur donne que peu de chances de sortir de certaines formations ?

Un des grands problèmes de l'université n'est-il pas celui de l'orientation au-delà du baccalauréat et même un peu avant le passage du baccalauréat ?

M. Maurice Hérin - C'est une question de principe, nous ne sommes pas pour remettre en cause la possibilité d'accès à l'enseignement supérieur à partir d'un grade reconnu qui est celui du baccalauréat.

C'est un principe essentiel et il dépend de la réflexion du jeune bachelier de définir, de choisir ses voies de formation dans l'enseignement supérieur.

M. le Président - Mais le plus souvent, le jeune ne sait pas !

M. Maurice Hérin - Cela pose effectivement le problème d'une information beaucoup plus précise et plus complète dès le lycée et à l'accueil à l'université.

Il faut que soient largement ouvertes, particulièrement dans le cas des bacheliers professionnels, des formations pour lesquelles le jeune a déjà acquis une formation. Qu'il puisse être accueilli plus largement dans les instituts universitaires de technologie (IUT) ; c'est vrai aussi pour les brevets de technicien supérieur (BTS).

Ces formations doivent disposer de moyens d'accueil pas seulement quantitatifs mais aussi qualitatifs. Des dispositifs d'accueil et de mise à niveau doivent permettre à ces bacheliers professionnels de s'engager avec des chances de réussite dans ces voies.

Pour conclure, le SNESUP demande que soient mis en place les éléments d'un cadre national des diplômes qui est une des bases de cette harmonisation européenne, sur cinq points : sur les dénominations, sur les contenus des formations, sur les temps d'enseignement, sur les modalités d'accès et de poursuites d'études et sur les modalités de contrôle des connaissances.

Ce n'est pas un retour aux arrêtés Bayrou de 1997, mais que véritablement ces éléments fondamentaux soient pris en compte pour que nous puissions en discuter car précisément dans les autres pays où le système LMD est mis en place, cette question est posée, notamment en Angleterre.

M. le Président - Pouvez-vous nous donner maintenant la position du SNESUP sur l'autonomie des universités ?

M. Maurice Hérin - Sur l'évolution nécessaire du service public de l'enseignement supérieur et spécialement des ses universités, on dit qu'il y a obsolescence de la loi du 26 janvier 1984. Cette loi a donc vingt ans, mais certaines lois fondatrices gardent toute leur force et leur vigueur bien après vingt ans.

Il reste que cette loi de 1984 est un élément fondateur de l'autonomie pédagogique, scientifique, démocratique des établissements et qu'elle a constitué un progrès considérable à travers toute sa genèse, notamment depuis 1968, par rapport à ce qui existait auparavant. Donc, je ne parlerai pas d'obsolescence mais de nécessaire redéveloppement de cette loi de 1984.

Notre angle n'est pas celui qui est engagé par le ministre et par une partie importante des présidents d'université. Notre angle est de donner une nouvelle dynamique à la démocratie et à la citoyenneté dans les universités.

Nous sommes obligés de constater que la vie collective dans les universités connaît un effritement inquiétant. Les indicateurs en sont caractéristiques, notoirement s'agissant des participations aux élections du point de vue des étudiants, mais c'est aussi vrai pour les personnels y compris enseignants.

Par exemple, pour les élections au Conseil national des universités (CNU) qui mobilisent toujours la communauté universitaire, il a été constaté une baisse de 10 % de la participation, alors que cette instance décide des promotions, des carrières et des qualifications.

Il s'agit certainement d'un phénomène sociétal mais pour l'université c'est un phénomène qui va profondément à contre courant de la conception qui a prévalu avec la loi de 1984, et d'une gestion démocratique des établissements du service public.

Cela paraît encore plus nettement dans les difficultés de fonctionnement des instances, notamment du conseil d'administration qui est assez souvent devenu peu actif ou insuffisamment réactif, et qui devient une chambre d'enregistrement.

Notre première réflexion est de faire que cette vie démocratique dans les établissements reprenne véritablement pleine force. C'est une question réelle pour le sens que l'on donne à la formation des étudiants.

Par rapport au projet Ferry, je n'insiste pas sur les fluctuations de calendrier.

Nous souhaitons fermement que cette dimension démocratique soit véritablement un des aspects structurants d'un renouveau de la loi de 1984.

Sur les autres points, nous avons des oppositions très fortes et je n'en citerai que cinq.

Sur les établissements publics de coopération universitaire (EPCU), nous considérons que le développement des coopérations universitaires doit être encouragé, durable et démocratique. Nous ne sommes pas d'accord avec cet objectif énoncé à Poitiers par le ministre, peut-être imprudemment, d'intégrer dans ce dispositif EPCU un processus de fusion des universités, avec ce chiffre : en dessous de 15 000 étudiants les universités sont trop petites et trop nombreuses dans ce cas. Ce n'est pas notre point de vue et nous considérons que le maillage des 88 sites universitaires doit être conservé et conforté.

Les coopérations universitaires se sont développées de manière considérable. Mais l'avant-projet de loi ne répond pas à la nécessaire plasticité des coopérations avec leur durabilité et leur caractère démocratique. Nous sommes encore en réflexion sur des propositions sur ce sujet.

Nous sommes opposés à l'élargissement à l'ensemble des universités des possibilités d'opter pour le statut de grand établissement. La sélection, s'agissant des conditions d'admission et des modalités d'entrée des étudiants, serait légale. La possibilité de recrutement des personnels sous contrat privé serait élargie. Le poids des grandes entreprises dans les organes de gestion serait renforcé. Par la recherche de développement et de ressources propres, l'autonomie financière serait considérablement accrue avec le risque de devenir des universités-entreprises, certes publiques, mais entreprises, ce qui n'a plus rien à voir avec le statut des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPSCP).

Nous sommes opposés également au budget global. Néanmoins, les règles budgétaires et comptables actuelles ne sont pas acceptables. Le vote des budgets dans les établissements ne fait pas apparaître un sens du budget en termes d'objectif politique, de formation, de recherche et de rayonnement international. Il faudrait peut-être dispenser aux élus des conseils une formation comptable et budgétaire mais nous demandons que ces budgets soient beaucoup plus lisibles. C'est un des aspects de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) et l'application du principe de fongibilité asymétrique aurait pour conséquence de confondre l'enveloppe de la masse salariale avec les autres enveloppes.

La course aux ressources propres, la valorisation contractuelle de la recherche au détriment de la recherche fondamentale représentent des risques d'une grande gravité. Ce mode de gestion globale des établissements introduit progressivement un fractionnement et un recul jusqu'à l'extinction du statut national des personnels et notamment des enseignants-chercheurs et des enseignants du supérieur.

Le SNESUP est également opposé à l'instauration d'un conseil d'orientation stratégique et aux règles retenues pour la dévolution des biens des universités.

M. Jean-Léonce Dupont - S'agissant de l'harmonisation, la mobilité est un des objectifs. Mais le premier de ces objectifs est d'arriver à une lisibilité des diplômes sur l'ensemble du continent européen pour avoir notamment une employabilité de l'ensemble des étudiants car l'insertion professionnelle est la première préoccupation de ces étudiants. Dans l'ensemble de ces objectifs, le système LMD va pouvoir répondre à cette nécessité.

Sur le caractère national et les dénominations des diplômes ainsi que sur les ECTS, nous avons des systèmes d'enseignement extraordinairement différents. Il est bien évident que si nous voulons aller vers une sorte d'uniformisation, on ne pourra pas cloner l'ensemble des formations car il y a des spécificités. Il faut forcément admettre une diversité des façons d'enseigner en privilégiant des niveaux à atteindre.

Mon expérience personnelle me conduit à dire que l'information des étudiants ne peut suffire car un certain nombre de ces étudiants ne raisonne qu'en terme de diplôme. Cette seule information ne permet pas de remédier au fait qu'actuellement 20 % des étudiants abandonnent leur parcours universitaire sans diplôme, soit 86 000 pour l'année 2000. Face à cet échec humain et financier, il faut aller au-delà des principes.

Sur l'autonomie, le système actuel a montré qu'il avait un certain nombre de limites. Le mauvais état du patrimoine immobilier universitaire en est un des exemples. Je souhaite connaître les propositions du SNESUP pour faire évoluer la gouvernance des universités, l'amélioration des systèmes d'évaluation des établissements, des enseignements et aussi des enseignants.

Sur la globalisation du budget, je suis complètement à l'opposé de la position de M. Hérin.

M. Jean-Philippe Lachenaud - Alors qu'à ce jour dix-sept universités ont mis en place avec succès le LMD, comment pouvez-vous proposer, M. Hérin, un cadrage national ? Dans le même temps, le foisonnement des habilitations a entraîné la création de formations et de filières où la qualité du diplôme n'est absolument pas garantie. Je ne comprends pas que votre syndicat n'accompagne pas ceux qui font un effort d'ouverture, d'harmonisation et de qualification de diplômes à un bon niveau dans l'intérêt des étudiants.

M. Hérin, je souhaite savoir si le SNESUP est associé à l'élaboration de la réforme sur l'autonomie des universités ? Vous rejetez cinq points de cette réforme, mais alors que reste-t-il de ce texte ?

Pour ma part, je vois dans ce texte deux portées fondamentales. Premièrement, la modernisation des modes de gestion et je regrette cette appellation d'autonomie. Deuxièmement, un appel aux responsabilités. Il faudra que, dans les universités de demain, le président, les professeurs et les étudiants assument complètement leurs responsabilités en termes de pédagogie, de gestion des immeubles, de gestion budgétaire.

M. Jacques Legendre - Pour revenir au LMD, je m'interroge sur la position du SNESUP. S'agit-il d'une opposition à l'élargissement du LMD ou bien d'un accord sous réserve de précisions et de renégociations, considérant que le LMD est une réforme qui va dans le sens des intérêts des étudiants de notre pays dans le cadre européen ?

J'ajouterai, pour être très clair, que je suis administrateur d'une université qui a mis en place le LMD, une université qui n'a pas de gros effectif, qui accueille beaucoup d'étudiants de milieux modestes et de milieux boursiers. Je n'ai pas enregistré, chez ces étudiants en particulier, de critique sur le LMD.

Mme Annie David - M. Hérin a apporté les réponses aux questions que je me posais sur l'équivalence des diplômes. Ce système LMD appelle un certain nombre de clarifications car on ne peut accepter une diversité des formations sans donner des assurances aux étudiants sur la poursuite des études.

Sur l'autonomie des universités, il y a des points bloquants et je rejoins en partie la position du SNESUP.

M. Maurice Hérin - Sur quelques points que vous avez énoncés, nous sommes d'accord.

Les cinq objectifs initiaux du LMD étaient l'ouverture internationale pour les nouvelles formations, l'ouverture pédagogique -c'est-à-dire un enseignement plus proche, des parcours diversifiés et individualisés des étudiants-, l'ouverture scientifique -faire par exemple des diplômes biologie informatique ou histoire sociologie ou droit anglais-, l'ouverture culturelle et professionnelle et enfin l'ouverture sociale.

La question de la démocratisation est effectivement posée. Au vu des évolutions des dernières années depuis 1996, des effectifs des entrées à l'université, on ne peut qu'être inquiet. Les dernières notes de la direction de la programmation et du développement (DPD) à ce sujet confirment, à travers des variations, les inquiétudes que l'on peut avoir notamment pour les formations générales et pour les formations scientifiques. C'est une question à mettre en relation avec les besoins de diplômés dans les prochaines années et plusieurs signaux d'alerte ont été envoyés.

Avec 800 diplômes nouveaux à cette rentrée, 800 titres, 800 intitulés, 800 contenus, dont on ne peut même pas savoir s'ils sont différents, comment voulez-vous que la mobilité dans un tel maquis puisse se développer ? Comment voulez-vous que l'ouverture à la démocratisation pour des gens qui ne seront pas du système puisse se développer ? Notre crainte et notre quasi certitude c'est que revienne en force le système des héritiers et des parcours d'initiés.

S'agissant du LMD, une liste nationale, ouverte chaque année, définissant quelques éléments permettant de reconnaître ces diplômes sans passer par le supplément personnel au diplôme, permettant de les faire reconnaître dans l'emploi, dans une autre formation, cette liste nous paraît une chose essentielle.

Des mesures devront être prises dans les semaines à venir sur ce qui se met en place aujourd'hui car nous sommes inquiets. Ceux qui sont entrés dans ce LMD comment vont-ils en sortir, avec quelles garantie, avec quelle reconnaissance ?

Par exemple, si vous obtenez une licence dans tel établissement et qu'il n'y a pas le parcours balisé pour aller en master dans le même établissement, vous serez obligé de passer, y compris en première année de master, par un examen personnalisé à partir de votre dossier.

L'ouverture pédagogique implique un suivi des étudiants personnalisé qui est certainement un des éléments de réussite. Mais pour la première fois historiquement, il n'y a aucune création d'emploi d'enseignant-chercheur au budget 2004 alors que l'on est officiellement engagé dans une réforme dite de grande importance. Il y a là une contradiction majeure.

M. Jean-Philippe Lachenaud - Mais vous savez, M. Hérin, qu'environ 800 postes d'enseignants ne sont pas occupés. Vous savez aussi que dans le budget, il y a une série de requalifications des postes. Comment peut-on dire qu'il n'y a pas un effort budgétaire y compris en matière de meilleure gestion des personnels ?

M. Maurice Hérin - Votre tâche de défense du budget n'est pas facile.

Nous ne sommes donc pas contre le LMD et cette référence 3-5-8, mais nous voulons que la visibilité, la reconnaissance et la cohérence des formations nouvelles soient mises en place.

Sur l'autonomie, je veux insister sur les problèmes de gestion des universités, sur le rôle des conseils, sur le rôle d'un vice-président étudiant.

M.  le Président - Merci, M. Hérin.

Audition de M. Michel LAURENT, Premier vice-président,
et de M. Pascal LEVEL, 3e vice-président
de la Conférence des présidents d'université (CPU)

(3 décembre 2003)

M. Jacques Valade, président - Nous accueillons M. Michel Laurent, premier vice-président de la Conférence des présidents d'université, président de l'université d'Aix-Marseille II, et M. Pascal Level, 3 e vice-président, président de l'université de Valenciennes et du Haut-Cambrésis, M. Michel Kaplan étant empêché.

Nous vous entendons avec beaucoup d'intérêt. Nous souhaiterions que vous exposiez rapidement le sentiment de la Conférence des présidents d'université, d'une part sur le système LMD, et d'autre part, sur les nécessaires évolutions de la structure administrative et intellectuelle des universités, à partir d'une loi un peu ancienne, celle de 1984.

Je voudrais ajouter une tonalité un peu plus personnelle, qui est partagée par nombre de sénateurs de la commission ayant l'habitude des relations avec l'université. Nous sommes parfois gênés par une discordance de comportement entre ce que la Conférence des présidents peut exprimer publiquement et ce que les présidents d'université peuvent exprimer séparément sur le territoire dont ils ont la responsabilité. Ces différences mettent parfois les parlementaires dans une situation difficile sur le plan local, mais aussi sur le plan national. Il ne faudrait pas qu'il y ait trop de différence entre les modes d'expression.

Malheureusement, par le passé, dans le cadre de la préparation de projets de loi ou de propositions de loi, nous auditionnions le premier vice-président de la CPU et nous constations par la suite des dissensions sur le terrain. Je souhaitais exprimer cette précaution oratoire de façon à ce que vous l'intégriez dans votre déclaration.

M. Michel Laurent - Nous apprécions cette invitation. Je ne rebondirai pas immédiatement sur votre dernier propos. C'est un élément dont nous avons pris la mesure et qui nous préoccupe. Nous l'évoquerons à la fin de cette intervention que je vous présente comme une introduction à un dialogue.

Vous avez évoqué deux dossiers, l'harmonisation européenne des diplômes avec la réforme LMD, et l'évolution de la loi de 1984. ces deux dossiers ne sont pas intimement liés et se présentent selon des agendas distincts.

Le premier se situe dans le contexte de la fin des années 1990, du processus Sorbonne-Bologne jusqu'au dernier conseil des ministres de Berlin à la mi-septembre.

Le second concerne une réflexion sur l'évolution de la loi de 1984, initiée pour une part par la CPU lors d'un colloque à Lille en mars 2001, avec les propositions du ministre Luc Ferry en mars 2003.

Sur le premier point, les présidents d'université ont constaté avec beaucoup de surprise les réflexions de quelques syndicats à la rentrée universitaire, sachant que la réforme LMD est déjà lancée au sein des universités. La mise en oeuvre des arrêtés du printemps 2002 signés par M. Jack Lang a été évoquée au sein de la CPU. Ensuite, les universités se sont mises au travail, par le truchement de leurs équipes pédagogiques. La centaine d'établissements concernés est contractualisée selon quatre vagues, la vague A commence son contrat en janvier 2003, la vague B en janvier 2004, les vagues C et D dans les deux années qui suivent.

Trois universités sont d'abord entrées dans une procédure expérimentale, l'université de Valenciennes et du Haut-Cambrésis fait partie de ces établissements qui se sont engagés dès la première heure dans le processus LMD.

On observe pour la vague A au sein des assemblées compétentes -conseil des études et de la vie universitaire, conseil scientifique puis conseil d'administration- des délibérations très largement majoritaires. Nous n'avons pas aujourd'hui identifié un seul établissement dont les décisions de l'assemblée délibérative allaient contre un engagement en direction de l'harmonisation européenne des diplômes.

M. le Président - Nous avons entendu lors des auditions précédentes des propos relatifs à la vie démocratique des universités.

M. Michel Laurent - Je souhaite apporter deux précisions. Le système LMD n'est pas simplement une nouvelle façade donnée à l'offre de formations d'une université, d'un établissement ou d'un site universitaire, mais une réforme profonde. Elle n'est possible dans son expression qu'après un travail de longue durée. Elle suppose un très lourd travail interuniversitaire pour se mettre d'accord sur une architecture de l'offre de formations et son contenu.

Certes, la participation peut toujours être améliorée. Si je prends l'exemple du site d'Aix-Marseille, les conseils d'administration des trois universités ont délibéré sur l'offre de formations au cours du mois de novembre. Les étudiants élus de ces trois syndicats et notamment l'UNEF, ont voté favorablement cette réforme. Il faut faire très attention lorsqu'on entend dire que les étudiants ne sont pas consultés. Car les étudiants sont présents dans les conseils des études et de la vie universitaire, dans les conseils scientifiques, dans les conseils d'administration au niveau de l'établissement, mais aussi au niveau des composantes de l'université.

Nous pouvons faire aujourd'hui un bilan sur le processus. Plus de la moitié de la centaine d'établissements que regroupe la CPU ont délibéré au travers de leurs instances compétentes pour s'engager dans le dispositif LMD. Certains établissements modulent leur engagement.

Sur le fond de la réforme, il faut rappeler des éléments très forts qui ont emporté la conviction de l'administration, même s'il y a des inquiétudes.

Au niveau des enseignants-chercheurs, y compris ceux du SNESUP, les équipes se mettent au travail et trouvent le dispositif ECTS extrêmement intéressant, c'est-à-dire le système de transfert de crédits au plan européen. La généralisation du système de capitalisation des acquis au niveau des établissements nationaux et au niveau européen est positif. Nous concevons que c'est un facteur pour lutter contre l'échec en 1 er cycle universitaire.

La France garantit à tout bachelier, quelle que soit la nature du baccalauréat, la possibilité de se diriger vers la filière de son choix. Cette disposition engendre beaucoup d'échecs. Aujourd'hui, un étudiant ne peut s'inscrire en DEUG que deux fois renouvelable une fois, ensuite, il rentre dans la dérogation.

Nous avons en France un système qui offre la possibilité de choisir sa filière mais qui donne lieu à de nombreux échecs. 40 à 45 % des étudiants à l'université sont en situation d'échec. Nous sommes avec le DEUG dans une logique de filières avec des passages obligés.

Dans le système ECTS, ce qui est acquis l'est définitivement. L'étudiant aura la possibilité de capitaliser des crédits, de rentrer dans la vie professionnelle et de reprendre ses études. Nous considérons que le nouveau dispositif relève d'une lutte contre l'échec extrêmement important dans l'enseignement supérieur.

Au niveau national et même européen, une réflexion s'est engagée sur la désaffection des filières scientifiques. Depuis les années 1995-1996, nous avons perdu dans des filières généralistes mais orientées vers les sciences, 45 à 46 % d'étudiants. C'est très grave pour l'avenir de ce pays. Les étudiants que vous n'avez pas en première année dans les filières scientifiques, vous ne les retrouverez pas demain munis d'un master ou d'un doctorat.

La France forme 10 000 docteurs, mais ce nombre ne suffira pas pour assurer le renouvellement a minima des générations au niveau de la recherche et de l'enseignement supérieur, ainsi que pour assurer sur le plan économique tout le transfert de technologies.

Cette réforme se situe sur une logique de parcours beaucoup plus ouverte où la culture générale va être mise en avant de manière plus forte que dans un DEUG. Nous considérons que les étudiants devraient être plus nombreux dans les filières scientifiques.

Par ailleurs, les arrêtés signés au printemps 2002 prévoient le maintien du DEUG et de la maîtrise, diplômes qui seront sans doute amenés un jour à disparaître.

Dans ce processus, l'étudiant est mis devant ses responsabilités, avec des possibilités de choix. Il élabore avec l'équipe pédagogique un parcours sur lequel il peut avoir une orientation et une réorientation en continu.

Il faut couper court aux rumeurs sur le montant des droits d'inscription, la sélection, la perte de l'identité des diplômes nationaux. Il s'agit d'une mauvaise campagne contre le LMD.

Lorsqu'on interroge les étudiants inscrits dans des établissements qui se sont engagés dans la démarche, ces difficultés ne se posent pas.

Vous avez bien senti notre attachement à ce dispositif, qui est pour nous irréversible. Il est urgent d'aller rapidement. La première évaluation du dispositif LMD pourrait se faire au niveau d'un pays européen à l'horizon de la décennie 2009-2010. La France doit être dans le courant.

M. le Président - Je voudrais avoir deux précisions. Combien d'établissements sont totalement réticents au système LMD ?

Est-ce-que ce processus LMD débouche sur une hétérogénéité telle des contenus que cela poserait des problèmes par rapport à une comparaison européenne ?

M. Michel Laurent - Je ne crois pas. Je voudrais simplement évoquer deux faits.

Tous les étudiants, tous les enseignants-chercheurs qui appartiennent à une même discipline, en France, savent que derrière le même intitulé se dispensent des enseignements relativement différents. Les savoirs sont en évolution. Les équipes pédagogiques avancent. Chaque établissement a ses points forts et ses faiblesses. Il faut conserver cette richesse qui fait qu'un diplôme a une personnalité mais qu'il n'est pas cadré.

Je voudrais citer l'exemple aujourd'hui du diplôme de niveau bac + 5, le DESS, qui est l'image au cours des dernières années, de la créativité des universités pour mettre à disposition des étudiants titulaires d'une maîtrise un contenu de formation reconnu par les milieux socio-économiques où les professionnels interviennent. Le flux de titulaires de DESS est de 35 000, avec une sélection très forte à l'entrée. Rien n'est moins cadré dans les maquettes qu'un diplôme de DESS, car il faut de la flexibilité pour l'adapter.

Nous demandons un bilan en 2006 des évaluations. Dans le cadre de diplômes à vocation professionnalisante, la première évaluation est celle du taux d'embauche à trois mois, à six mois ou à un an.

M. Jean-Léonce Dupont - Je voudrais remercier M. Michel Laurent pour la clarté et la qualité de ses explications.

Nous aurons probablement une période intermédiaire pendant laquelle vont être maintenus en l'état les diplômes existants. Nous pensons qu'à terme, des évolutions se dessineront, dont probablement un rallongement de la durée de formation pour un certain nombre d'étudiants. Cela engendrera des coûts. Comment l'envisagez vous en prévision ? L'évolution démographique permettra-t-elle d'absorber une partie de ce coût supplémentaire ? Quelles sont les pistes dès maintenant à explorer ?

M. Michel Laurent - Votre commentaire est pertinent. Nous sommes convaincus que le LMD peut avoir sur la durée moyenne des études des effets avec un déplacement vers le haut. Nous l'avons aujourd'hui dans les pays d'Europe du Nord où en moyenne, les études durent une année et demie de plus.

Des ajustements vont effectivement s'opérer, avec des effets de prolongement de la durée des études. Il faudra être extrêmement attentif sur ces questions.

Cependant, aujourd'hui, en raison du taux d'échec, les études peuvent être très longues au niveau du DEUG. Paradoxalement, les étudiants ne sortent pas avec un diplôme.

M. Jean-Philippe Lachenaud - J'ai été très impressionné par la clarté et la fermeté de vos propos.

Lors de l'audition des responsables du SNESUP leur exposé a porté sur un cadrage national dans la mise en place du processus LMD. On a retrouvé sous cette notion l'idée d'un recours à des maquettes de diplômes strictes, uniformisées, mettant fin à toute la richesse de la diversité que vous avez évoquée. Est ce qu'il faut faire quelque chose ?

On s'est heurté en dehors des inspirations altermondialistes à l'idée qu'il fallait refuser sous la notion de comparabilité, de maintien des droits des étudiants, la concurrence, la compétition et l'excellence. Comment faire pour combattre cette idée qui trouve malencontreusement un écho auprès des étudiants ?

M. Pierre Laffitte - Je voudrais féliciter pour la clarté et la détermination de leurs propos les présidents d'université. Le récent colloque à la Sorbonne avait montré une volonté de modernisation, qui se heurte à l'archaïsme que nous avons entendu à différentes reprises.

Il me semble qu'il faudrait voir dans quelle mesure la notion d'excellence pourrait reprendre du poids. Il peut y avoir des pôles d'excellence dans n'importe quelle université et dans des domaines extrêmement variés. Ce n'est pas assez proclamé.

Ma première question concerne l'autonomie des universités. Dans quelle mesure des expérimentations sont-elles possibles dans les universités qui réclameraient une forme d'autonomie supplémentaire avec les moyens correspondants ? Les universités manquent de personnels dans le domaine de la gestion.

Ma deuxième question intéresse les BTS et les DUT qui sont des diplômes très prisés par l'industrie. Le passage à trois ans risque de coûter cher. Est-ce qu'une formule par alternance pourrait conduire à délivrer une licence technologique pour ces types de diplômes ?

M. Josselin de Rohan - Je voudrais demander au premier vice-président de la CPU ce qu'il pense d'un document très largement diffusé sur le site internet de l'UNEF en ce qui concerne la participation de personnalités extérieures aux conseils d'orientation des universités.

Je résume ce document : à partir du moment où ces conseils d'orientation seraient composés de personnalités issues par exemple du monde économique, et même du monde patronal, ces organismes étant amenés à donner des avis sur les orientations, c'est un déni de démocratie. A partir de l'avis émis par ces conseils d'orientation, les autres conseils qui sont appelés à voter seraient simplement réduits à un rôle de chambre d'enregistrement. Nous arrivons là à la « marchandisation » de l'université française. Je voudrais avoir votre opinion sur cette affirmation. Je suis le représentant d'une région où l'université de Rennes II est moteur dans le mouvement étudiant et développe ces idées à longueur de manifestations.

M. Jacques Legendre - Je voudrais me réjouir de la tonicité et du caractère des propos que nous venons d'entendre. Je me sens très proche de ce qui vient d'être exprimé. Vous apportez un début de réponse à un problème évoqué depuis ce matin, celui de ces étudiants sortis de bacs professionnels et enfermés pendant trois à cinq ans dans une situation d'échec. Le système de capitalisation permet en effet d'acquérir un certain nombre de crédits même s'ils ne sortent pas avec un diplôme.

Cela ne nous exonère pas d'une orientation et d'une information dans et avant l'université.

Vous allez mettre en place et multiplier des formations dont le contenu ne sera pas toujours connu par les étudiants. Est-ce que vous pensez que la réforme doit s'accompagner d'un renforcement et d'une modernisation du système d'information et d'orientation avant le baccalauréat et pendant toute la durée des études ?

Mme Annie David - J'ai bien entendu ce qui nous a été présenté. J'aurais presque tendance à me laisser convaincre du bien fondé de cette réforme.

J'ai une interrogation sur la valeur des diplômes obtenus au travers du LMD en l'absence de cadrage national.

Je voudrais prendre un exemple plus concret, celui d'une jeune étudiante qui réussit son baccalauréat de manière correcte et qui peut intégrer l'université et le processus LMD. Elle est également issue d'un milieu modeste et ses parents ne pourront pas forcément lui offrir la mobilité qui est d'ailleurs intéressante dans la réforme LMD. Si elle est restée dans la même université qui n'est pas reconnue comme pôle d'excellence, est-ce que vous pouvez m'assurer que cette jeune fille qui obtiendra son diplôme aura face à un employeur potentiel les mêmes chances d'être retenue qu'une jeune fille ayant obtenu le même diplôme mais ayant étudié dans plusieurs universités en France, voire dans une université à l'étranger ? Est-ce qu'on ne va pas privilégier l'acquisition de connaissances internationales ? Ce cadrage me semble du coup revêtir une grande importance. Car seront privilégiés les étudiants qui auront pu faire des études dans différents secteurs. Le cadrage national participe de la valeur du diplôme.

M. Michel Laurent - Nous pensons que le cadrage est techniquement impossible. L'idée même d'évoquer un cadrage met plusieurs centaines de milliers d'étudiants, ceux des vagues A et B, dans l'incapacité de poursuivre leurs études.

Sur le fond, l'idée même de cadrage est antinomique de celle d'harmonisation européenne. Il s'agit d'une vraie difficulté.

Derrière la notion de cadrage national, est en jeu le mythe de l'égalitarisme. L'employeur potentiel s'intéresse à l'université qui a délivré le diplôme.

Or, les universités par culture, par histoire, n'ont pas le même potentiel en matière de recherche, ce qui fait la qualité de leur enseignement.

Dans le cadre de la réforme LMD, la mobilité conçue comme une véritable incitation peut permettre à cet étudiant de faire l'effort de prendre dans le site voisin des éléments qui permettront de compenser les différences entre universités.

Le cadrage national à l'horizon 2010 n'est pas la bonne solution.

M. Pascal Level - Pour forcer le trait, un cadrage trop strict à l'université est générateur d'inégalités. La recherche est individuelle, le monde universitaire est tout sauf normé. Seules les universités ayant un potentiel de moyens pourraient répondre à ce cadrage. Il faut absolument mettre en évidence le potentiel d'excellence des universités. L'université a vocation à être excellente pour ceux qui l'ont choisi.

M. Michel Laurent - L'université française n'est pas homogène. Il existe un maillage relativement dense des territoires, avec 45 grands sites et des antennes délocalisées.

Les évènements auxquels nous sommes confrontés aujourd'hui montrent qu'il y a deux cultures.

Dans les établissements à dominante scientifique et de santé, les étudiants et le corps enseignant sont lancés dans la compétition internationale au niveau de la recherche. Les équipes sont obnubilées par leur positionnement international. C'est consubstantiel de leurs activités. Là, l'idée de l'excellence est entrée complètement dans les moeurs.

Pour des raisons historiques, dans les universités à dominante sciences humaines, vous avez une communauté d'enseignants et d'étudiants qui se situe plus à l'intérieur du périmètre hexagonal.

Il faut faire preuve de pédagogie sur cette question de l'excellence.

M. Pascal Level - La transformation dans le vocable de 3-5-8 en LMD avait pour objectif de ne pas fixer les parcours dans le temps. Des logiques de parcours se sont substituées à des logiques d'étape.

Un des objectifs des universités qui se sont lancées dans le LMD est de profiter de la durée pour faire une orientation en continu des étudiants. On s'inscrit dans des logiques de réussite. Bien entendu, il ne faut pas occulter le problème de la préorientation.

Se pose aujourd'hui le problème statutaire des enseignants. Les présidents d'université sont devant une difficulté lorsqu'ils veulent faire de la médiation ou de la remédiation sur l'individu et non plus sur des cohortes. Comment intègre-t-on dans le service statutaire d'un enseignant le travail qu'il va opérer pour remédier à des difficultés reconnues dans le parcours d'un individu ? La demande des étudiants est très forte en ce sens.

Les IUT sont complètement confortés dans leur mission première. Pour le moins, l'évolution va dans le sens d'une légitimité de tout individu d'aller vers le premier grade universitaire. La réflexion est aujourd'hui très poussée dans les universités pour savoir de quelle manière favoriser la poursuite d'études d'un étudiant en IUT. Soit il lui est proposé de renforcer sa technicité par le biais des accommodations locales prévues dans le cadre des DUT, soit il se prépare à la licence professionnelle. Le dispositif existe. Aujourd'hui, il y a 730 licences professionnelles pour 14 500 étudiants dans le système français. Ce dispositif a fait l'objet de cadrage sur les appellations. Les universités font des efforts extrêmement importants. Cela permet de faire travailler les composantes entre elles.

M. le Président - Nous allons maintenant aborder le deuxième thème qui est celui de l'autonomie des universités.

M. Michel Laurent - Notre sentiment qui est largement partagé au niveau de la CPU est le suivant : la loi de 1984 a vieilli, elle a rendu de réels services à la communauté universitaire et doit maintenant évoluer sur un certain nombre de points.

Nous n'avons pas compétence à dire si ces évolutions doivent obligatoirement passer par une loi. Les partenaires ont à évaluer le fond de notre motivation et des débats que nous avons engagé sur cette question.

Le débat phare est celui du printemps 2001 où la Conférence des présidents d'université se réunit et considère que la loi de 1984 présente des facteurs limitants.

Nous pouvons les identifier par thème. Il existe des thèmes sur lesquels l'université française doit évoluer.

Le premier thème est celui de l'autonomie des universités. Renforcer l'autonomie de pilotage de l'université tend à mieux responsabiliser la communauté académique, qui ne l'est pas suffisamment. Nous considérons que se pose un problème de culture dans l'université française où les conseils d'administration ne sont pas toujours responsables. La communauté universitaire est responsabilisée par rapport à des objectifs qu'elle se donne et qui sont validés dans le cadre d'un contrat avec l'Etat avec des souplesses d'adaptation en fonction des sites ou des établissements.

J'en viens à un thème évoqué dans vos questions, celui du comité d'orientation stratégique. Un conseil d'administration aujourd'hui ne peut pas faire de la prospective à cinq ou dix ans pour son établissement. Au mieux, il a un moment fort tous les quatre ans. Il vote un contrat quadriennal. C'est une durée de mise en oeuvre très courte. Il faut absolument avoir pour un site une vue à cinq à dix ans.

Cette prospective à moyen ou long terme, sur des évaluations et des avis, doit nous permettre d'être en phase avec notre environnement, la société, les milieux socio-économiques, les collectivités qui ont pris une position vis-à-vis de l'université. Le conseil d'orientation stratégique de l'université doit nécessairement être constitué de personnalités externes avec des industriels. Il y a des oppositions sur ce sujet. Des établissements ont déjà mis en place des comités d'orientation stratégique dans leurs statuts, composés majoritairement de personnalités extérieures dont des industriels, des représentants des milieux socio-économiques et des universitaires étrangers.

Je reviens rapidement sur quelques thèmes que nous souhaitons voir évoluer.

On ne peut imaginer une entreprise publique dotée d'une certaine autonomie pédagogique et scientifique pilotée par une équipe dont la cohérence n'est pas assurée.

Sur la coopération interuniversitaire, je crois que les problématiques de site sont extrêmement importantes. Si nous voulons avoir une coopération interuniversitaire sur des thématiques comme le haut-débit, l'accueil des étudiants étrangers, la formation continue, la formation des personnels, nous devons actuellement passer par des dispositifs extrêmement lourds du type GIP ou alors des dispositifs trop souples qui n'assurent pas la pérennité de l'action. Il faut aujourd'hui un outil législatif sur délibération statutaire qui permet à deux ou trois partenaires d'envisager rapidement une coopération de qualité.

En ce qui concerne le partenariat avec notre environnement, nous observons une disparité au plan national qui n'est pas satisfaisante pour l'université.

Les collectivités territoriales, notamment les régions, se sont engagées, au travers des CPER ou de contrats pluriannuels, dans un dialogue et un partenariat très forts avec les universités. Ce sont de bonnes formules. Elles doivent être inscrites dans un dispositif législatif si on veut éviter les disparités. Il s'agit d'une responsabilité partagée entre la communauté académique et les collectivités territoriales. Le partenariat avec les milieux socio-économiques est essentiel. Toutes les universités françaises n'ont cependant pas vis-à-vis de cette question la même sensibilité pour des raisons culturelles.

S'agissant de la participation des étudiants, la moitié des universités ont pu inscrire dans leurs statuts par délibération un positionnement sur un vice-président étudiant. Il nous semble qu'en termes de démocratie participative des usagers étudiants, c'est un plus. Si cette disposition n'est pas inscrite dans la loi, certains établissements n'auront jamais de vice-président étudiant. Les établissements auront ainsi des responsabilités accrues vis-à-vis de la formation des étudiants. Ce sont de très bonnes dispositions qu'il faut faire évoluer.

Sur le budget global, les points de vue peuvent parfois être nuancés. Cependant, il serait difficilement compréhensible qu'une université autonome se positionnant avec les ambitions que nous mettons dans l'institution universitaire pour demain ne dispose pas de ses moyens. Cela fait partie du dispositif qui vise à responsabiliser la communauté universitaire. Très peu de membres du conseil d'administration ont une idée précise du budget de leur université.

En l'absence de budget global et d'une responsabilisation des membres élus de ces conseils, le grand débat sera toujours de répartir chaque année la dotation générale de fonctionnement qui ne constitue pas l'essentiel de la richesse de l'université. Les universités françaises resteront des demi-universités.

A propos de la dévolution du patrimoine universitaire, de vraies questions se posent. En effet, ce patrimoine comprend 17 millions de m 2 dont un tiers n'est pas aux normes de sécurité. Il est probablement dans un état très insatisfaisant. De ce point de vue, la France n'a pas investi au cours des vingt dernières années dans son enseignement supérieur au niveau d'autres pays dans le monde.

Sur le volet patrimonial, les problèmes vont s'accentuer dans les années qui viennent. En l'absence de réactions fortes sur ces dossiers, il est probable que nous serons en difficulté dans les prochaines années.

Je citerai par exemple le transfert sur les universités des activités de recherche. De manière générale, ce sont les organismes publics qui sont porteurs de la recherche. 80 % du modèle de laboratoire qui a cours dans l'université française et dans les organismes sur le territoire national sont des unités mixtes de recherche, c'est-à-dire qu'il y a un partenariat et un copilotage des UMR.

La France bénéficie d'une excellente recherche fondamentale. Il faut véritablement la mettre de manière très large au service de l'enseignement et parallèlement faire des efforts en direction de la recherche avale.

Je ne reviendrai pas sur la fuite des cerveaux. Les docteurs qui ne trouvent pas immédiatement un débouché après un post-doc d'un ou deux ans restent dans le pays dans lequel on leur offre pour trois ou quatre ans de très bons contrats. La communauté nationale a pourtant investi pendant 28 ans sur ces jeunes chercheurs. Il y a une perte sèche car cet investissement sert une autre économie.

Vous aviez évoqué, Monsieur le Président, au début de l'audition, les discordances qui pouvaient exister au sein de la CPU. La CPU fonctionne en séance plénière et s'exprime au travers de motions.

Dans le cas des dernières motions, notamment celles du 27 novembre dernier, votées à l'unanimité par des présidents de toute origine, c'est l'intérêt général et le devenir de l'université française qui ont été évoqués. Lorsqu'un président d'université revient sur son site où il existe des difficultés, il peut être soumis à des pressions et exprimer un message différent. La CPU exprime l'intérêt général du devenir de cette institution.

M. le Président - Je voudrais simplement faire une remarque en ce qui concerne l'hétérogénéité des disciplines et leurs difficultés parfois à intégrer l'économie.

Je me souviens de la visite d'une université de Toulouse à dominante littéraire lorsque j'étais ministre de la recherche. J'avais rencontré des géographes, des historiens, des philosophes heureux car ils avaient su, compte tenu de leurs compétences, intéresser certains secteurs de l'activité économique ou plutôt administrative, par exemple dans la définition des plans d'occupation des sols.

Je pense qu'il y a matière à l'université au sens large du terme, à entrer non pas dans le siècle mais à participer à l'effort national de développement.

M. Jean-Philippe Lachenaud - Sur le thème de l'autonomie des universités, j'ai le sentiment que la concertation peut se développer dans les mois qui viennent sur ce projet de loi éventuel. Il est possible de distinguer les aspects législatifs des aspects réglementaires.

On peut convaincre sur la mobilisation des collectivités territoriales qui est déjà très forte (1 200 millions d'euros). Il a été admis que le moment n'était pas venu de décentraliser. Les thèmes sur l'inégalité régionale, la rupture du service public national de l'éducation sont faux. Certaines contrevérités vont pouvoir être démontrées.

A un moment où il se dit qu'il faut abandonner ou reporter, lorsqu'on entend le responsable du SNESUP refuser 90 % des dispositions novatrices du texte, avez-vous le sentiment qu'il existe un espoir ? Au cours du débat budgétaire au Sénat, des intervenants ont soutenu une vision réformatrice du projet en mettant l'accent sur la notion de responsabilisation, de pôles d'excellence. Faites-vous un pronostic plutôt optimiste ?

M. le Président - J'ai été surpris d'entendre ce matin le représentant d'une des formations étudiantes être particulièrement timoré sur ce sujet. Peut-être est-ce une question de présentation et d'explication ?

M. Michel Laurent - Vous pouvez imaginer la position de la CPU. Nous considérons que si une évolution législative n'a pas lieu rapidement, l'université française ne pourra s'en sortir même si on y mettait tous les moyens possibles. La clef est dans plus d'autonomie, plus de responsabilité. Les cultures sont à changer.

Il existe aujourd'hui une vision de l'université française que nous ne partageons pas. On ne peut imaginer qu'on puisse décider au niveau central ce qui est bon pour une communauté de deux millions d'étudiants en optimisant le dispositif.

La concertation du printemps 2003 n'a pas été satisfaisante. Le calendrier a été un peu précipité sans donner dès le départ de manière extrêmement publique les objectifs de la concertation. Cela a jeté beaucoup de suspicion sur le texte. C'est un problème de méthode.

Il est nécessaire de discuter. Certains éléments proposés constituent des avancées du dispositif. Nous sommes dans un contexte de tension au plan politique, face à une instrumentalisation du projet de réforme de la loi de 1984. Nous le déplorons. Le mouvement s'initie au début de l'année universitaire contre un projet puis se déplace en fonction des thématiques.

Les échanges doivent continuer et être denses. La CPU n'a pas d'idée arrêtée sur la méthode. Nous ne serions pas preneurs de dispositifs trop ponctuels qui ne donnent pas un sens fort à l'évolution de l'institution universitaire.

M. le Président - Je vous remercie de votre dynamisme et de votre compétence, et surtout de la liberté de ton et d'expression qui a été la vôtre. Je vous remercie également de l'assurance que vous nous avez donnée de la solidarité de la Conférence des présidents d'université même si vous nous avez fait part de quelques pesanteurs locales que nous comprenons parfaitement.

Messieurs, mes chers collègues, je vous remercie.

Audition de M. Sylvain BROUSSARD, Président,
et de M. Jean-Baptiste MOUGEL, Ancien président,
de la Fédération des associations générales des étudiants (FAGE)

(4 décembre 2003)

Présidence de M. Jacques VALADE, président

M. Jacques Valade, président - Nous accueillons M. Sylvain Broussard, président de la Fédération des associations générales des étudiants, accompagné de, M. Jean-Baptiste Mougel, son ancien président.

Deux thèmes nous préoccupent. Nous aimerions connaître votre sentiment, d'une part, sur la mise en place du système LMD et, d'autre part, sur la nécessaire mutation de l'université dans le système actuel national, européen et éventuellement international.

Pouvez-vous commencer par vous présenter ?

M. Sylvain Broussard - Je suis actuellement en licence pluridisciplinaire à dominante scientifique à Brest. C'est une université qui n'a pas encore muté au système LMD.

La FAGE est une fédération d'associations étudiantes. Elle est composée de 1.400 associations, une trentaine de fédérations de villes et 12 fédérations par filières qui vont des filières de santé, universitaires ou non, jusqu'aux filières les plus académiques. Elle représente 500 élus dans toute la France, dont 3 élus CNESER et 2 élus CNOUS.

M. Jean-Baptiste Mougel - J'ai été président de la FAGE pendant deux ans auparavant. Je suis en master de sciences politiques à Lille.

La FAGE est la deuxième organisation étudiante, indépendante et proeuropéenne.

M. Sylvain Broussard - Nous sommes convaincus de la réforme qui est mise en place actuellement dans les universités. Nous oeuvrons au jour le jour en sa faveur. Nous sommes persuadés que les petits accros qui apparaissent peuvent être réglés facilement.

M. Jean-Baptiste Mougel - Le coeur du sujet est l'université en mutation. Nous avons bâti notre colloque national sur ce thème : « les mutations de l'enseignement supérieur, nouvel enjeu, nouvelles perspectives ».

Nous constatons au sein des universités que les attentes des étudiants ont changé. La vision des universités a aussi évolué. La société vit sur des repères de l'université qui datent des années 1970-1980. Depuis lors, l'université a connu des mutations du fait de la démocratisation et de la massification. Il s'agit d'un facteur déterminant.

Aujourd'hui, l'université doit répondre aux attentes d'étudiants très divers.

En parallèle, le contexte international, local et professionnel s'est modifié. Les universités françaises ont eu des difficultés à adapter leurs offres de formation mais aussi leurs missions à ce nouvel environnement.

J'ai l'impression que l'université a été la grande oubliée des politiques nationales en termes d'ambition. L'effort a surtout porté sur l'enseignement scolaire. Aujourd'hui, il y a nécessité de changement.

La première nécessité se situe au niveau européen. La FAGE a été un fervent défenseur du processus de Bologne. Notre rôle a été de constituer un pôle réformiste. Il existe dans l'enseignement supérieur à la fois des organisations qui souhaitent avancer, opérer des évolutions par rapport à un système considéré comme imparfait, et des organisations assez conservatrices. Nous avons été avec le SGEN, l'UNSA et la FCPE les artisans de la réforme au niveau français.

Je tiens à rappeler l'attachement de la FAGE à l'organisation européenne qui négocie avec les ministres de l'éducation nationale et la Commission européenne, l'ESIB dont nous sommes membres.

Les raisons de notre engagement en faveur de cette réforme s'articulent autour des parcours pluridisciplinaires, de l'accompagnement de l'étudiant, de son implication dans un projet d'études, de l'orientation, des débouchés professionnels...

Bien entendu, une certaine agitation environne cette réforme. Certains voudraient rester dans une université très académique, très réglementée. Il s'agit de la plus importante réforme dans l'enseignement supérieur depuis les trente dernières années. Elle ne peut se mettre en place du jour au lendemain. Ainsi, la réforme Bayrou de 1997 n'a été appliquée par certaines universités qu'en 2001, alors qu'elle était plus simple. Cette réforme est d'une autre ampleur. Elle nécessite une compréhension à la fois des étudiants et des enseignants qui est parfois absente.

Nous avions plaidé auprès du ministre à plusieurs reprises l'an dernier pour une vraie campagne d'information auprès des étudiants.

Nous défendons la portée de la réforme LMD. Il est cependant nécessaire de suivre son application. Une certaine déception est apparue car cette réforme d'ampleur, avec notamment le rôle majeur de l'enseignant et les ambitions internationales d'accueil et de mobilité, n'a pas trouvé sa traduction dans le budget de cette année. Ce budget n'est pas à la hauteur de cette réforme : aucune création de postes d'enseignants et un facteur proche du zéro pour l'augmentation des bourses de mobilité, au regard du nombre d'étudiants.

Sur la question de l'autonomie des universités, je rappellerai que la FAGE demande depuis 1997 une réforme de la loi de 1984. L'université ayant extrêmement changé en vingt ans, du fait non seulement de la massification mais aussi de la contractualisation des nouvelles formes de management des universités, la loi de 1984 doit être adaptée à ces attentes et au nouvel environnement. Cependant, il ne faut pas faire n'importe quoi.

Je parle sous le contrôle de M. Jacques Valade. Car nous avions fait échouer son amendement qui visait à modifier la loi de 1984 par un « cavalier » en deuxième lecture du projet de loi relatif à la démocratie de proximité, sur uniquement deux points, le renouvellement des présidents d'université et la délégation de signature. Il n'est pas possible de modifier cette loi par fragments. La réforme doit se faire de manière concertée.

Il faut au moins une base minimum d'accord dans l'enseignement supérieur pour que les réformes soient acceptées. Cela n'a pas été le cas pour plusieurs raisons au mois d'avril dernier, lorsque le ministre a tenté de faire passer son projet. Pourquoi ? Le texte était précipité. Il était profondément différent des bases de négociation élaborées en janvier. Dans le contexte social agité de l'époque, les fractures ont été extrêmement fortes au sein du CNESER, puisque une série d'organisations en est partie. Même les organisations les plus réformistes étaient en situation de rupture.

Notre position était la suivante : le texte n'est pas bon mais nous voulons négocier jusqu'au bout en espérant que le ministre se rendra à la raison, si le texte n'est toujours pas valable, pour le reporter.

Nos arguments reposaient sur un texte équilibré avec des garde-fous pour les universités afin de donner plus de poids à l'équipe présidentielle mais aussi de renforcer le rôle des conseils, la responsabilité des acteurs, l'évaluation et le contrôle des universités.

Les garde-fous concernaient différents domaines : le patrimoine, le budget global. Il convenait de montrer que cette autonomie n'était pas synonyme de déréglementation, de désengagement de l'Etat. Elle devait proposer un renforcement du rôle des élus, notamment des élus étudiants. Voilà les éléments que nous souhaitions obtenir et que nous n'avons pas réussi à avoir.

Au lieu de continuer la discussion de manière discrète, à la rentrée, l'annonce de calendriers et les déclarations sur les nécessités d'avancer ont embrouillé le message. Les attaques ont ainsi porté à la fois sur le système LMD et sur l'autonomie des universités. Il était nécessaire en premier lieu d'expliquer la réforme LMD.

En même temps, personne ne peut reprocher au ministre et aux parlementaires de réfléchir sur la question de l'autonomie des universités. La réforme de la loi de 1984 est demandée par toutes les organisations du CNESER.

Réformer sur le plan pédagogique et institutionnel est une nécessité, tout particulièrement le système social qui date des années 1980. C'est aujourd'hui la préoccupation principale des étudiants. Ce n'est pas la question de l'avenir européen, 80 % des étudiants sont pour ; ce n'est pas la question de l'autonomie, car elle concerne moins les étudiants.

Nous sommes favorables à des réformes, mais elles ne doivent pas renforcer les inégalités à l'intérieur de l'enseignement supérieur. La vraie question est la suivante : est-ce que notre système est juste, égalitaire ou non ? Est-ce que l'argent distribué dans ce cadre l'est de manière correcte ?

Lors de notre congrès, le ministre l'a redit, notre système d'aide sociale est injuste, inéquitable et inadapté. En effet, il n'aide pas assez les familles défavorisées, même s'il existe un système de bourses, d'exonération des droits d'inscription. Il aide les familles les plus favorisées par le biais des réductions fiscales.

Les familles des classes moyennes d'où sont issus la plupart des étudiants ne bénéficient ni de réduction fiscale ni d'aide sociale. 50 à 60 % des étudiants ne reçoivent aucune aide. Ils sont souvent obligés de travailler pour financer leurs études, car leurs parents ne peuvent les soutenir financièrement. Ils sont également pénalisés s'ils ont un logement indépendant car le système des aides sociales au logement est calculé non pas sur le revenu des parents mais sur celui de l'étudiant. Le système est incohérent.

La FAGE plaide pour une refonte du système qui regrouperait les différentes aides et qui les redistribuerait de manière individuelle et équilibrée. Nous sommes favorables à une aide individualisée qui réponde aux besoins des étudiants.

M. le Président - Je vous remercie de ces exposés extrêmement précis. Je vais donner la parole au rapporteur de la commission des affaires culturelles, M. Jean-Léonce Dupont, et ensuite à celui de la commission des finances, M. Jean-Philippe Lachenaud.

M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur pour avis du budget de l'enseignement supérieur au nom de la commission des affaires culturelles - Nous apprécions la simplicité, le réalisme et le pragmatisme de vos discours, qui nous semblent correspondre à l'analyse de la situation et aux solutions qui sont envisagées.

Je voudrais un éclaircissement sur un point concernant l'autonomie des universités. Vous avez dit qu'il fallait donner un contenu à une vraie réforme. Vous avez parlé de garde-fous en matière patrimoniale et de budget global. La notion de budget global permet de donner les instruments de contrôle et donc de management. En ce qui concerne le patrimoine immobilier, il n'est pas en très bon état. Un tiers ne satisfait pas aux normes de sécurité, il en est de même des résidences universitaires. Sur ce point, il faut sans doute du courage et des novations. Est-ce que vous pouvez développer cette notion de garde-fous que vous jugez nécessaires ?

M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial du budget de l'enseignement supérieur au nom de la commission des finances - Vous avez parlé d'un plan d'accompagnement, sans doute contractualisé, dans les vagues successives de mise en place du LMD. Pouvez-vous développer cette idée de plan d'accompagnement dans la gestion des effectifs de professeurs ?

Nous aurions souhaité que la réforme sur l'autonomie des universités soit vraiment placée sous le signe de la modernisation et de la responsabilité. Avez-vous le sentiment que l'on peut distinguer les mesures législatives des mesures réglementaires ? Est-ce qu'on peut reprendre la concertation de manière constructive pour déboucher sur un texte vers l'été ou l'automne prochain ?

A propos de l'idée de repenser les aides sociales sans créer ni un statut ni un salaire, vous avez parlé d'une vision égalitaire. Je me demande s'il ne faut pas changer votre discours et l'axer plus sur l'équité et l'égalité des chances.

M. le Président - L'amendement que j'avais déposé essayait de mettre un peu d'ordre dans la pérennité de la gestion des universités, d'une part, en accordant la possibilité de solliciter un second mandat pour les présidents d'université et d'autre part, en réglant un problème d'ordre pratique de délégation de signature. Son dépôt en juin 2001 était lié à une opportunité, car des renouvellements au sein des conseils des universités devaient avoir lieu quelques semaines ou quelques mois après, tout particulièrement dans les facultés de médecine.

Je voudrais vous questionner pour savoir s'il faut procéder par voie réglementaire ou par voie législative, avec l'alternative suivante : soit par segments, soit dans le cadre d'une vaste loi refondatrice de l'université.

Je ne vous cache pas que, compte tenu de notre expérience, reprendre une loi d'ensemble avec un consensus suffisant à la fois au niveau de la classe politique et des acteurs de l'université me parait presque un pari fou, dans la situation actuelle. J'aimerais connaître votre sentiment.

M. Sylvain Broussard - Je répondrai sur la question des garde-fous en matière de patrimoine immobilier et de budget global. Il s'agit de ne pas arriver à des disparités encore plus criantes que celles existantes. Par exemple, les universités ont raison de se constituer autour de pôles d'excellence qui sont leurs spécificités locales. L'excellence n'a pas vocation à devenir un pôle d'élitisme. Il ne faut pas créer des filières avec beaucoup de moyens pour peu d'étudiants, et à côté des filières plus générales où les enseignants ne sont pas au rendez-vous.

M. Jean-Baptiste Mougel - De manière officieuse, la réforme LMD dans le cadre de la contractualisation a fait l'objet de crédits fléchés, même si ce n'était pas souhaité à l'époque par le ministère. Ces crédits sont vraiment nécessaires.

En effet, le dispositif LMD permet de construire un parcours, avec le choix de différentes matières. Cette réforme nécessite un suivi plus important en matière administrative par rapport à l'ancien système. Plus de matières, cela signifie aussi des moyens accrus en termes d'enseignants. La mise en place du LMD ne peut se faire à moyens constants, même si la FAGE a toujours plaidé pour un meilleur redéploiement. Toutes les filières doivent passer au LMD, certaines sont plus motivées et d'autres plus réticentes.

Bien que la FAGE ne se situe pas systématiquement sur ce discours, la réforme LMD nécessite plus de moyens car il s'agit d'un véritable changement dans les universités.

J'en viens maintenant aux questions sur l'autonomie des universités. Je voudrais reprendre quelques points de l'avant-projet de loi présenté en juin dernier.

Tous les établissements d'enseignement supérieur ne peuvent être propriétaires de leur patrimoine. Quel patrimoine ? Nous voulions un contrat de dévolution. Nous nous interrogions sur le transfert de ce patrimoine. Quelles seraient les règles afférentes à la vente de ce patrimoine ? Qu'en serait-il des crédits d'entretien ? Est-ce qu'une possibilité existerait d'un retour en arrière ?

M. le Président - Le rapport d'information de la commission des affaires culturelles l'indique. Il s'agirait d'une expérimentation contractualisée avec possibilité de revenir à la situation antérieure.

M. Jean-Baptiste Mougel - C'est une question de méthode. Il est toujours délicat de fixer les principes généraux dans la loi et de nous demander d'accorder notre confiance sur l'application dans le cadre des décrets.

Les organisations sont d'abord attentives aux risques. Le problème concerne l'application du principe qui figure dans la loi.

M. le Président - La loi doit définir les grands principes. Elle ne doit pas s'enliser dans la résolution de toutes les difficultés.

M. Jean-Philippe Lachenaud - Dans la tradition française, il convient de distinguer ce qui est réellement du domaine de la loi et les éléments qui sont d'ores et déjà du domaine du décret. Un gouvernement peut présenter en même temps que son projet de loi les textes d'application pour entrer dans la concertation. Cela permet de lever les contre-vérités, les mensonges, les incertitudes qui s'expriment.

M. Jean-Baptiste Mougel - Telle était notre demande. Nous n'avons eu aucune explication claire sur les dispositions relatives au budget global.

M. Jean-Philippe Lachenaud - La LOLF (loi organique relative aux lois de finances) s'applique au niveau de l'Etat. Au niveau des établissements publics, tout est à inventer. Elle n'impose aucune solution.

M. Jean-Baptiste Mougel - Nous demandions que sur les points importants, les décrets soient préparés en parallèle pour donner des garanties aux explications.

M. le Président - Au niveau de la commission des affaires culturelles, nous formulons la même demande.

M. Jean-Baptiste Mougel - En ce qui concerne la gouvernance des universités, nous ne sommes pas hostiles à un renforcement de l'équipe présidentielle. Notre position est réservée sur la mise en place d'une vice-présidence étudiante.

Nous nous interrogeons sur la responsabilité des présidents d'université, sur le rôle des conseils, sur le statut des élus étudiants, sur les moyens de contrôle.

M. Serge Lagauche - J'ai remarqué le pragmatisme des représentants de cette association.

Je ne sais pas s'ils auraient, comme mon groupe, refusé de voter les budgets de l'enseignement supérieur pour insuffisance.

La massification au niveau de l'université n'a pas été prise en compte. De très nombreux étudiants sont perdus. On voit ce qui se passe au bout de 3 ou 5 ans passés à l'université. D'ailleurs, les difficultés de reconversion des emplois-jeunes, pourtant embauchés à bac +2, l'ont révélé.

Il existe un réel problème d'encadrement non par des maîtres de conférences mais par des assistants capables de juger des connaissances acquises par les bacheliers. Il faut donner dès le départ des moyens suffisants aux étudiants.

Je comprends leur inquiétude face à un allongement des études. L'habitude s'étant prise de mettre trois ans pour avoir son DEUG, l'obtention de la licence se profile à cinq ans. L'inquiétude concerne aussi les débouchés.

Il faut d'abord traiter le problème de la réforme LMD, par une augmentation des moyens. L'université doit accepter à la fois la massification et l'élitisme.

Je pense personnellement que l'autonomie doit se faire très lentement, compte tenu de la variété de gestion qui existe dans les universités.

Les collectivités territoriales, et en particulier les régions, ont un rôle essentiel à jouer vis-à-vis de l'université. Je pense qu'il faudra avancer davantage dans la gestion du patrimoine immobilier des universités en collaboration avec les collectivités territoriales.

Voilà trois points importants, l'enseignement, la recherche et les débouchés.

Reste le problème du regroupement des moyens. Nous devons réussir à faire comprendre, comme pour l'intercommunalité, qu'en se regroupant on offre davantage aux étudiants et on leur permet de meilleurs débouchés.

Oui à la mobilité en Europe ; mais faisons qu'elle soit déjà plus facile en France.

On rejoint le problème social que vous avez posé mais que personne n'a résolu et que nous ne sommes pas prêts de résoudre. C'est un problème extrêmement complexe. Qui décide ? Dans quel cadre et comment ?

M. le Président - Je voudrais simplement ajouter un élément factuel par rapport à nos réflexions qui est l'effet de mode à l'égard de certaines disciplines. Ces effets de mode entraînent des déséquilibres dans les orientations des universités que l'inertie du système ne permet pas dans l'instant d'absorber.

M. Sylvain Broussard - Nous partageons vos réflexions sur les craintes des étudiants. Les six premiers mois à l'université sont décisifs car les repères sont différents. Nous avions fait, il y a deux ans, dix propositions pour lutter contre l'échec en DEUG, notamment le renforcement des moyens par l'accompagnement.

Le dispositif LMD va pouvoir répondre en grande partie dans l'aspect formel et pédagogique à ces échecs par un parcours plus individualisé de l'étudiant. La question des moyens humains et financiers demeure.

M. Jean-Baptiste Mougel - Le système LMD permet à l'étudiant de construire son projet de manière progressive et de limiter le nombre de désaffectations. Il faut maintenant réfléchir sur le modèle LMD de demain.

Construire un environnement international, une mobilité entre pôles d'excellence est inutile si la question de l'accompagnement social n'est pas traitée. Il manque l'impulsion au niveau politique. Cette question doit être considérée de manière prioritaire.

Les autres points de l'avant-projet de loi faisaient l'unanimité. Seul se posait le problème de leur application.

M. le Président - Messieurs, Je vous remercie.

Audition de M. Luc FERRY,
Ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche

(4 décembre 2003)

M. Jacques Valade, président - Nous allons entendre maintenant le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche.

Monsieur le Ministre, nous avons souhaité vous entendre dans le cadre d'une série d'auditions que nous avons organisées sur les problèmes universitaires.

Il est normal que la commission qui a en charge les problèmes d'éducation souhaite entendre un de ses ministres sur ces problèmes qui agitent non seulement la rue -il est vrai avec des fortunes diverses- mais aussi l'opinion, car les familles, la jeunesse et la communauté nationale sont préoccupées par la façon dont les choses peuvent et doivent se passer dans notre pays.

La série d'auditions à laquelle nous avons procédé n'est pas finie. Nous recevrons en effet les formations syndicales et professionnelles qu'il convient de recevoir pour que notre conviction soit mieux établie.

Ces auditions sont destinées à faire le point sur la mise en place du LMD -qui, pour nous, comme pour presque tous ceux que nous avons auditionnés, est une obligation- et sur la nécessaire mutation de l'université française, mais également sur l'adaptation de notre appareil législatif aux nouvelles conditions de la réforme telle qu'elle est engagée, tant au plan national qu'au plan européen ou international.

M. Luc Ferry - Mesdames et Messieurs les sénateurs, l'élément nouveau, contrairement à ce qui a été dit ici ou là dans la presse, n'est pas tel ou tel projet de loi sur l'autonomie ou la modernisation des universités, mais la mise en place effective du LMD dans une vingtaine d'universités.

Je rappelle que l'harmonisation des diplômes européens est une idée de Claude Allègre qui a été lancée lors d'un grand colloque à la Sorbonne. C'est pourquoi, en France, on parle du « processus de la Sorbonne », alors que, dans les autres pays, on parle du « processus de Bologne ».

Les choses ont été poursuivies par mes prédécesseurs. Jack Lang a notamment signé des arrêtés de mise en place du LMD les 23 et 25 avril 2002.

On peut penser ce que l'on veut de ces dates mais, sur le fond, je défends ces arrêtés -c'est là le paradoxe- contre les étudiants en grève. Je pense en effet qu'ils sont globalement bons, même si certaines précisions doivent y être apportées.

Ils permettent à nos universités d'entrer, comme une vingtaine d'entre elles l'ont déjà fait au mois d'octobre, dans le processus de mise en place du LMD.

Les choses doivent donc être bien claires.

Un dernier point sur la situation politique : la première revendication des étudiants en grève -même s'ils sont très peu nombreux- est le retrait de ces arrêtés. Il ne faut pas s'y tromper, la première revendication de la coordination de Rennes porte sur la suppression des arrêtés d'avril 2002.

Cela ne porte donc pas principalement sur la question d'une législation nouvelle, mais sur le LMD lui-même, contrairement à ce que véhicule très souvent la presse -mais pas seulement elle. La revendication principale des étudiants, pour l'instant, porte sur la mise en place du LMD avant de porter sur une future loi qui permettrait aux universités de mieux s'adapter à cette problématique.

Pour clarifier une situation assez confuse pour ceux qui ne se réfèrent qu'aux articles de presse, il existe deux séries de problèmes différents dans la mise en place du LMD.

Il y a tout d'abord une série de problèmes posés par les étudiants, qui sont des problèmes d'étudiants, comme la question du système de compensation des notes dans le nouveau dispositif.

Va-t-on perdre la possibilité des sessions de rattrapage ? Y aura-t-il un système de compensation des notes, à l'intérieur des disciplines, au sein d'un semestre ?

Dans les arrêtés Lang d'avril 2002, on a une organisation par semestre, déjà prévue dès 1997, mais indispensable pour permettre par exemple aux étudiants de quitter une université française en cours d'année pour aller dans une université étrangère ou européenne avec un semestre validé.

Du coup, cela modifie quelque peu les problèmes de session de rattrapage et de compensation des notes, mais le nouveau dispositif est plus avantageux pour les étudiants que l'ancien.

On le voit dans les universités qui ont mis en place le LMD : il n'y a aucune revendication étudiante. Les étudiants sont très satisfaits des nouveaux dispositifs mis en place en termes de compensation des notes, notamment pour ce qui est du système de capitalisation des crédits. Une fois qu'on a acquis les crédits, c'est pour la vie. Pour les étudiants, c'est un très gros avantage par rapport au dispositif antérieur.

Il me semble donc que, sur ce type de questions, la situation est bonne et qu'on peut répondre aux étudiants. Nous avons d'ailleurs convié hier les quatre organisations étudiantes au sein des commissions de suivi afin de répondre à leurs interrogations.

Il y a d'autres revendications étudiantes, d'autres inquiétudes, feintes ou réelles -peu importe- touchant par exemple les standards nationaux et le cadrage des diplômes. Une licence d'histoire de Rennes, de Bordeaux ou de Paris aura-t-elle toujours le même contenu ? Y aura-t-il un cadrage national ou non ?

Il existe également une inquiétude, erronée me semble-t-il : c'est l'idée qui s'est répandue sur les campus qu'il y aurait une sélection entre le « L » et le « M », dans le passage de la maîtrise à la première année de master.

Là aussi, les textes sont clairs : rien n'est changé. Il n'y a pas plus de sélection qu'avant. Ce sont les mêmes textes. Ils n'ont pas été modifiés d'un iota.

On a également agité l'idée d'une augmentation des droits d'inscription en se référant à Sciences-Po. J'ai toujours dit que ce qui valait pour Sciences-Po Paris ne valait pas pour les universités, pour un certain nombre de raisons sur lesquelles je puis revenir si vous le souhaitez.

Il n'y a aucun lien entre la problématique du LMD et celle des droits d'inscription. Ce sont des sujets totalement séparés. On peut aborder l'un et l'autre séparément. Il n'est pas interdit de les aborder. On peut préférer -ce qui est mon choix- attendre que les choses soient bien mises en place pour aborder plus tard la question, mais il n'y a aucun lien entre les deux sujets.

On a dit, sur les campus, que l'on voulait mettre en place des universités à l'américaine, avec des droits d'inscription à 15 000 euros. Tout cela est délirant.

On peut s'amuser à faire de la politique politicienne, mais il n'y a aucun lien entre la problématique du LMD et celle de l'augmentation des droits d'inscription.

Le discours étudiant -ce n'est malheureusement pas le seul- a véhiculé l'idée que les diplômes bac +2 et bac +4 allaient être supprimés. C'est évidemment faux.

Lorsque je suis allé à Valenciennes, il y avait 300 étudiants qui avaient mis en place le LMD et quelques étudiants de l'UNEF qui disaient : « On va supprimer le DEUG et la maîtrise ». Les autres disaient : « Non, quand l'un d'entre nous veut partir de Valenciennes, où le LMD est appliqué, pour aller dans une université qui n'a pas le LMD, on délivre évidemment le DEUG ».

Au demeurant, le DEUG n'a jamais été un diplôme de sortie mais, pour les étudiants qui le souhaitent, le DEUG reste en place.

Quant à la maîtrise, on ne peut pas, en France, la supprimer car nous en avons besoin pour faire la distinction entre CAPES et agrégation.

Pour ce qui est des BTS-IUT, j'ai toujours dit que je souhaitais les maintenir à deux ans, car la valeur de ces diplômes ne dépend nullement de leur insertion dans le LMD, mais de leur reconnaissance sur le marché du travail.

Par ailleurs, pour les étudiants de la voie professionnelle qui veulent s'inscrire dans la perspective du LMD, nous avons créé, en 1999, les licences professionnelles qui leur permettent de s'inscrire globalement dans la logique du LMD.

Encore une fois, pour ce qui est des IUT et des BTS, on ne change rien. Ces diplômes sont très reconnus sur le marché du travail et il n'y a aucune inquiétude particulière à avoir sur ce sujet.

Voilà pour les revendications étudiantes.

S'y ajoute, pour être complet, l'agitation d'un épouvantail auquel je voudrais rapidement tordre le coup.

C'est l'idée que nous allons instaurer avec le LMD une autonomie des universités au sens où il y aurait un retrait de l'Etat, une régionalisation ou une privatisation des universités à l'américaine.

C'est exactement le contraire. Vous pensez bien que si Claude Allègre, Jack Lang et moi-même avons mis en place ce système, ce n'est pas dans la perspective d'une privatisation des universités. C'est ridicule.

A Berlin, j'ai fait passer, au nom de la France, un amendement destiné à dire que toute la problématique du LMD en Europe visait à construire un espace de l'enseignement supérieur européen, dans le cadre du service public, qui soit une alternative crédible par rapport au système américain.

La marchandisation des services et la privatisation existent. Il y a, sur tout le territoire européen, des antennes des universités américaines qui vendent des services et qui ont en effet des droits d'inscription à 10, 15, 20 000 dollars.

Le problème que nous nous posons, en Europe, avec le LMD -et en France en particulier- est de savoir comment résister à cette marchandisation des services, à cette privatisation des universités qui s'installe en Europe, dans le cadre de notre tradition de service public.

Mais il faut quand même que l'on organise ce service public de telle façon qu'il soit concurrentiel par rapport aux Etats-Unis, ce qui ne signifie pas une concurrence entre les universités françaises, mais une concurrence entre les universités européennes et les universités américaines.

28 % des étudiants qui ne font pas leurs études dans leur propre pays vont aux Etats-Unis ; 15 % vont en Grande-Bretagne, 12 % vont en Allemagne et 9 % en France.

Le problème est de construire un système européen du service public concurrentiel par rapport aux universités américaines. Nous n'y arriverons que si nous mutualisons nos moyens et que nous sommes par exemple capables -ce que demandent les bourses Erasmus Mundus- de créer des diplômes communs avec trois universités européennes qui, mutualisant leurs forces, deviendront concurrentielles par rapport aux grandes universités américaines.

Le projet est là et c'est, en toute bonne foi, l'inverse d'une régionalisation, d'une privatisation ou d'une marchandisation des services des universités.

Notre position est tellement crédible que 90 % des étudiants sont très favorables au LMD. Hier, à Paris, on ne dénombrait que 800 manifestants. Ce n'est pas la peine d'en dire plus.

Nous faisons la une de la presse pendant quinze jours avec quelques centaines d'étudiants de SUD, de la CNT et d'une partie de l'UNEF mais, de l'autre côté, 90 à 95 % des étudiants français sont favorables à cette mise en place du LMD, et la satisfaction des étudiants des vingt universités qui ont l'expérience de la chose est complète.

C'est une des raisons pour lesquelles il faut attendre que cette expérience soit bien entrée dans les esprits pour aborder le second volet, dont je vais dire un mot maintenant.

Il s'agit de savoir quelles mesures mettre en place pour que nos universités s'inscrivent dans ce processus de LMD de façon plus dynamique, plus offensive et avec une marge de manoeuvre plus grande. On parle d'autonomie. Le mot fait peur parce qu'il renvoie à l'idée d'un désengagement de l'Etat.

Je n'y peux rien : le terme d'autonomie est celui qui avait été choisi par l'ensemble des présidents d'université lors du colloque de Lille, en 2001, y compris les présidents SNESUP, totalement favorables à ces mesures et en désaccord avec leur propre organisation sur le plan national.

Il s'agit pour les présidents d'université, qui sont unanimes sur le sujet, quelles que soient leurs sensibilités politiques, de mettre en place un certain nombre de modifications, notamment sur les quorums dans les conseils d'administration, sur la possibilité pour les présidents de déléguer leur pouvoir de signature à des chefs de laboratoire, sur la possibilité de modifier des intitulés de diplômes sans passer par le ministère, mais aussi de permettre aux universités d'avoir des liens plus étroits avec les collectivités territoriales -d'où le phantasme de la privatisation.

Ceci est très important, car les universités font aujourd'hui beaucoup de formation continue. Ce sont les premiers prestataires en termes de formation continue des adultes. Elles ont aussi des départements très importants de formation professionnelle et il n'y a rien de scandaleux à ce qu'il y ait dans les universités un conseil d'orientation consultatif qui permette d'associer aux choix de politique universitaire des représentants des collectivités territoriales, mais aussi du monde économique et social. Ce n'est pas une privatisation ou une marchandisation de l'université.

A moins que l'on souhaite que la voie professionnelle ne débouche pas sur un métier, ce qui est une thèse étrange, je ne vois pas à quel titre on pourrait refuser aux universités d'associer des représentants élus des collectivités territoriales, qui peuvent être aussi bien de droite que de gauche, et des représentants du monde économique et social, ne serait-ce que pour l'information réciproque et, encore une fois, dans un conseil qui ne serait que consultatif, sans pouvoir de décision, comme les conseils d'administration.

Je ne vois pas ce que l'on peut objecter à ce type de rapprochement. C'est comme si l'on disait qu'il ne faut pas que les lycées professionnels travaillent avec les entreprises. Il n'y a pas un lycée automobile qui ne travaille avec Citroën, Peugeot ou Renault.

De la même façon, quand on a des BTS, des IUT, des licences professionnelles, cela me paraît absurde d'imaginer qu'il faudrait à tout prix les couper du monde économique et social.

Il en va de même de la recherche locale, qui est très importante. Il faut que la recherche universitaire puisse s'insérer dans le tissu local qui l'entoure et rendre des services.

C'était toute la logique de la loi sur l'innovation et la valorisation de la recherche que Claude Allègre avait mise en place.

On est là dans une optique quelque peu délirante, à laquelle il faut répondre.

Il y avait d'autres aspects dans ces réflexions sur les modifications de l'université, comme le budget global, qui était également une revendication des présidents d'université. Cela me paraît être une bonne chose. Il existe un récent rapport de l'inspection générale des finances sur le fonctionnement de nos universités en termes de gestion. On sait qu'il y a eu des erreurs et même des fautes de gestion dans certaines universités, comme à Orsay, l'année dernière.

Pourquoi ? Dans l'état actuel des choses, la tutelle de l'Etat depuis 1968 n'existe plus véritablement. Ce ne sont pas les services du ministère qui gèrent le fonctionnement budgétaire des universités. On a une dotation. Les présidents gèrent leur budget. On est dans une situation à mi-chemin, totalement déresponsabilisante pour les universités, puisqu'on n'a ni la tutelle de l'Etat, ni une responsabilité réelle.

Cette situation est calamiteuse, car personne, en cas d'erreur de gestion, ne sait exactement qui est responsable. Il serait donc souhaitable que les universités aient un budget global mais aussi que, dans chaque université, il y ait un très bon budgétaire, comme dans un ministère, et que quelqu'un soit capable de savoir où on en est, ce qui, d'après le rapport de l'IGF, n'est pas le cas aujourd'hui : à 3 ou 4 millions d'euros près, on ne sait pas en effet si on est dans le rouge ou pas, ce qui n'est pas normal. On est dans une situation qui n'est pas bonne.

Il y avait dans ce type de mesures que souhaitaient les présidents d'université, toutes catégories confondues et à l'unanimité, des mesures soit techniques, soit de fond, qui leur permettent de rentrer dans le processus de LMD dans des conditions meilleures, et notamment de passer des contrats avec les universités étrangères pour construire des diplômes communs et des voies de formation communes suffisamment excellentes et impressionnantes en qualité pour qu'elles soient concurrentielles par rapport aux grandes universités américaines.

Dernier point : il y avait également, dans les discussions avec les présidents d'université, la volonté de mettre en place l'EPCU, un établissement public de coopération universitaire qui a beaucoup inquiété les maires de villes moyennes et tous ceux qui ont à gérer de petites universités ou des antennes universitaires.

Il ne s'agit pas de mener une politique qui réduirait le nombre de sites en France. Je ne le veux pas et ce n'est pas l'objet de cette disposition. Au contraire, il s'agit de permettre aux petites universités et aux antennes universitaires, en mutualisant leurs moyens, de résister à la concurrence internationale et d'offrir à leurs étudiants une formation de qualité.

S'il y a des choses à modifier, nous sommes prêts à en discuter, mais c'est le sens de cette disposition, de la même façon que lorsqu'on a affaire à de petites écoles rurales, on a intérêt à les mettre en réseau pour éviter de les fermer. C'est de cela qu'il s'agit, et non d'une politique de site.

A Strasbourg, sans aucune intervention du ministère, les trois universités ont décidé de se regrouper du fait de leur situation géographique, à la frontière de l'Allemagne. Elles savent que si elles ne se regroupent pas, elles vont perdre le défi de la concurrence.

Le président SNESUP de Bordeaux III, la semaine dernière, disait aux étudiants qu'à terme, il n'y aura qu'une seule université à Bordeaux. Ils ont donc intérêt à mutualiser leurs moyens pour être plus forts et plus crédibles par rapport à la concurrence internationale.

En conclusion, sur le volet de la revendication des étudiants, nous avançons pratiquement chaque jour.

En ce qui concerne les revendications des universités en termes d'amélioration de fonctionnement, nous prenons le temps de la discussion. J'ai la conviction que nous pouvons au moins parvenir à un accord avec les organisations réformistes. Il serait absurde, dans le contexte actuel, pour un certain nombre de raisons qui ne vous échapperont pas, de vouloir passer en force. Ce serait le meilleur moyen d'ajourner définitivement cette réforme des universités, qui me paraît nécessaire.

En période électorale, le débat est rarement de bonne foi. On attend cette réforme depuis trente cinq ans, on peut donc attendre trois ou six mois de plus. Je prendrai le temps de la discussion pour que l'on parvienne à un accord avec les syndicats.

J'observe d'ailleurs que l'UNEF elle-même est très divisée sur ce sujet. Le Parti socialiste, comme sur d'autres sujets, s'interroge également. Je ne le dis pas pour faire de la politique politicienne mais parce que c'est la vérité.

M. le Président - M. le ministre, merci pour ces explications, qui ont le mérite de la clarté et de la sincérité.

Nous avions besoin de vous entendre, car il y avait un peu de trouble dans les esprits. L'intervention qui est la vôtre, par rapport aux revendications essentielles formulées ici ou là, tend à éclairer les membres de la commission.

La parole est aux rapporteurs.

M. Jean-Léonce Dupont - Monsieur le Ministre, merci pour la grande clarté de votre intervention, qui montre qu'il y a souvent un décalage entre la réalité et la perception de celle-ci, et qu'il est difficile de réformer dans ce doux pays de France.

Nous avons mené une série d'entretiens. Je ne sais quel est le sentiment général, mais il me semble qu'il existe, à quelques exceptions près, sur les principes, une adéquation réelle entre ce que vous êtes en train de faire et la perception des différents interlocuteurs, à l'exception d'un seul, qui nous a laissé entendre que le rôle de l'université était de faire augmenter le taux de participation aux élections.

Cependant, nous avons peut-être un effort particulier à faire pour rendre la mobilité possible. Il existe un certain nombre de problèmes, notamment financiers, et se profile également une demande de réforme globale de l'aide sociale étudiante.

Sans revenir sur ce que vous avez dit au sujet des bac +2 et des bac +4, il me semble qu'après la mise en place du LMD, nous allons probablement aller vers une demande d'allongement. Je crois que c'est un sentiment qui a été partagé par les présidents de la CPU, qui nous ont dit que nous rentrions dans un système probablement temporaire. Cela ne veut pas dire que les solutions n'existent pas -vous nous les avez d'ailleurs rappelées au travers de la licence professionnelle- mais il va falloir trouver un certain nombre de moyens.

La mise en place du LMD est un choix personnel de parcours qui nécessite un encadrement plus important, qui peut poser notamment un problème de redéploiement des moyens humains.

Concernant l'autonomie, je partage tout ce que vous avez dit sur la nécessité de mise en réseau des acteurs, sur le fait qu'il faut tenir compte de l'environnement local, régional, national et international.

Oui, il faut allers vers la globalisation, et au moins vers l'expérimentation de la dévolution du patrimoine. Oui, il faut améliorer la gestion. Dans la loi de finances, vous proposez d'ailleurs un certain nombre de renforcements de postes d'encadrement pour assurer une meilleure gestion de chaque université. Oui il, faut développer une culture d'évaluation des enseignements, des établissements, mais également des enseignants.

Ma question, connaissant bien la difficulté de l'exercice, est donc très simple : quand et comment ?

M. Jean-Philippe Lachenaud - Monsieur le ministre, nous avons perçu beaucoup de signes encourageants au cours de ces auditions. Je crois que beaucoup sont conscients de la nécessité de moderniser et d'adapter l'université française, notamment pour mettre le LMD en oeuvre.

Le dispositif baptisé de manière impropre « autonomie », que je baptise donc de « modernisation ou d'amélioration de la gouvernance des projets et du développement universitaire », a fait l'objet de plus d'hésitations.

On a constaté aussi beaucoup de blocages, de contre-vérités, de refus d'ouverture vers le monde des collectivités locales et des entreprises. Certains réflexes archaïques et conservateurs nous ont stupéfaits.

Ces auditions ont également fait ressortir un certain nombre d'idées, qui ne sont pas nécessairement les miennes, mais que je crois utile de vous transmettre.

La première idée qui est apparue, est qu'il serait peut-être souhaitable d'étudier l'hypothèse d'un plan pluriannuel de développement universitaire. C'est une idée intéressante, qui commence à ressortir.

La seconde idée consiste, dans le cadre de l'entrée des universités dans le LMD, à établir un programme contractualisé d'accompagnement en termes de moyens, d'ajustements et de redéploiement des personnels.

S'agissant de la réforme de la gestion des universités, l'idée a été émise qu'elle soit présentée dans son ensemble, de manière à éviter les mauvaises interprétations.

Il nous a été suggéré de distinguer ce qui est d'ordre législatif et ce qui est d'ordre réglementaire -comme cela s'est fait pour certaines lois difficiles qui exigent une concertation de tous les partenaires- en présentant par exemple le thème du cadrage budgétaire avec le projet de décret ou d'arrêté, en accompagnement du projet de loi, de manière à approfondir la concertation.

M. le Président - De façon à ce qu'il n'y ait pas une inquiétude suscitant un rejet a priori. S'il y a une amorce du décret d'application, on pourra donner en même temps une explication.

M. Jean-Philippe Lachenaud - Le sentiment qu'on en a retiré à propos du LMD est qu'il faut plutôt laisser toutes ses chances à l'ouverture et à la personnalisation des projets et des parcours universitaires, sans revenir au cadrage national.

M. le Président - Je crois être dans mon rôle de président en précisant que nous avons également entendu le contraire.

M. Jean-Philippe Lachenaud - Oui, mais ce n'était pas la dominante.

M. le Président - Pardon de revenir là-dessus, mais il faut être complet.

M. Jean-Philippe Lachenaud - Enfin, je rejoins ce qu'a dit Jean-Léonce Dupont. Je crois que l'urgence et la prudence commandent de retravailler sur l'aide sociale, en prenant également en compte la construction et la rénovation des résidences.

Enfin, Jean-Léonce Dupont n'a pas évoqué le sujet, mais je sais qu'il y est très attaché. Le LMD est une chance de réformer le système en profondeur. Ceci me conduit donc à reposer la question du premier cycle et du nombre d'échecs, ainsi que celle de l'orientation.

Il existe une demande très importante de renforcement des dispositifs d'orientation et de valorisation du premier cycle. C'est vraiment difficile d'être étudiant par les temps qui courent.

M. le Président - Surtout dans les six premiers mois.

M. Ivan Renar - Monsieur le Ministre, je me félicite de ce débat, qui est un vrai débat. Même si on n'est pas d'accord sur tout, on peut faire avancer les choses.

Je continue à penser que c'était une erreur de ne pas inscrire l'enseignement supérieur dans le grand débat national. Il y entre de fait. Je crois qu'une partie des jeunes s'est sentie mise de côté.

Il aurait été intéressant d'entendre également les parents depuis la maternelle jusqu'à la fin de l'université.

La dernière fois que vous êtes venu, Monsieur le Ministre, vous vous en souvenez, j'étais porteur d'une supplique des présidents d'université de ma région, afin de ne pas discuter de la loi d'orientation au mois de juin. Je sais qu'une minorité peut bloquer des examens, mais elle ne peut pas bloquer une université dans son fonctionnement au cours de l'année.

Pour autant, il ne faut pas voir des manipulations partout. Il y a un réel malaise dans la jeunesse étudiante, pour des raisons à caractère social -condition étudiante, problème de ressources, de logement, de santé- mais aussi une inquiétude quant à l'avenir, pour des raisons économiques, que l'on rencontre dans l'ensemble de la jeunesse, qui n'est pas différente de la masse des habitants de notre pays.

Je crois que ce n'est pas tant le LMD qui pose problème. Je représente le conseil régional au conseil de l'université. Celle-ci va basculer dans le LMD et j'ai voté pour ma part les propositions de la présidence de région. La quasi-totalité du Nord-Pas-de-Calais va basculer à la prochaine rentrée, et les autres vont suivre.

Par ailleurs, les universités ont formé le pôle européen, en liaison avec les collectivités, quelle que soit leur orientation politique, pour s'inscrire, comme Strasbourg, dans la construction européenne.

Je crois que les étudiants sont pour l'Europe, mais le monde étudiant est à l'image de notre pays.

La véritable inquiétude provient de termes comme « autonomie » ou « régionalisation », qui font peur.

On voit bien la réaction de la fonction publique nationale face au débat sur les TOS. Cela mérite des explications. Personne n'a intérêt à un débat précipité sur ce type de question.

Les universités remontent au Moyen-âge et font partie de l'Histoire française. On n'évitera par le partenariat avec les collectivités, mais déléguer localement les responsabilités nationales ne passera pas bien, alors que les villes ont déjà fait beaucoup d'efforts financiers.

Je crois que le gros problème pour les universités de taille moyenne ou de petite taille est celui de la recherche. Il n'y a pas de véritable enseignement supérieur sans recherche. C'est une question qu'il faut faire avancer, car sans un vrai système de laboratoire de recherche, un certain nombre d'universités risquent de n'être que des collèges universitaires.

Ce débat qui divise peut aussi rassembler, car nous sommes tous attachés à notre système de formation.

M. Luc Ferry - Une remarque préalable pour que vous compreniez bien ce que l'on a fait depuis un an et demi.

Lorsque je suis arrivé, en mai 2002, j'ai trouvé les décrets du 25 avril signés. Il restait beaucoup de problèmes à résoudre. Je le rappelle pour que vous ne pensiez pas que l'on est resté inactif sur ce sujet.

Il y avait notamment un conflit important entre les trois acteurs de l'opération LMD, universités, grandes écoles de commerce et grandes écoles d'ingénieurs.

Les grandes écoles et les universités n'étaient pas d'accord entre elles, les grandes écoles n'ayant pas le droit de délivrer ces diplômes. A l'intérieur même du groupe grandes écoles, les écoles de commerce et les écoles d'ingénieur, qui ont des procédures d'habilitation très différentes les unes des autres, n'étaient pas non plus d'accord entre elles.

Nous avons mis en place un principe clair qui veut qu'à un diplôme national corresponde pour tous une habilitation nationale, selon une procédure commune, devant la même commission, élargie à l'interministériel pour prendre en compte les différentes grandes écoles qui relèvent d'une dizaine de ministères différents.

Nous avons donc réussi -ce n'était pas gagné d'avance- à mettre d'accord les trois acteurs du système qui étaient en désaccord entre eux. Si je l'indique, c'est aussi pour dire que, du coup, nous avons une procédure d'habilitation des diplômes qui est plus nationale que jamais.

Il m'est arrivé, en tant qu'universitaire, d'habiliter des maîtrises, des maquettes d'agrégation, des DEA. C'était une plaisanterie, un peu comme le service des mines pour les voitures. La seule chose qui comptait, c'était le nom des professeurs qu'on avait dans la maquette.

Par ailleurs, l'aide sociale aux étudiants est un sujet majeur pour moi. Nous avons mis en place quatre groupes de travail dès le 1 er septembre et demandé au député Anciaux un rapport qui est d'ailleurs excellent, plein de propositions remarquables qui sont en train d'être discutées par lui-même avec les étudiants.

L'aide sociale aux étudiants est une anthologie de l'absurdité administrative. C'est un désastre et surtout elle est très inégalitaire. Cet héritage est extrêmement lourd.

On va faire très rapidement des propositions aux étudiants. Elles sont déjà finalisées et examinées par les services financiers. Il faut maintenant passer au stade de l'interministériel, avec Gilles de Robien, et Matignon au final.

Nous allons donc avoir une série de propositions très concrètes, très actives et très positives sur des sujets comme la démocratie étudiante mais aussi et surtout sur l'accompagnement social des étudiants.

Nous y travaillons à nouveau depuis le 1 er septembre avec les quatre organisations étudiantes représentatives, que nous recevons pratiquement chaque semaine depuis deux mois et demi.

Je suis totalement d'accord avec vos précisions sur la question bac +2 et bac +4. On se comprend bien.

Je suis entièrement d'accord sur le renforcement de l'encadrement. L'évaluation est le pendant inévitable de l'autonomie et a été très clairement inscrite dans le communiqué de Berlin. Il faut que nous renforcions considérablement nos systèmes d'évaluation, y compris sur les questions de gestion.

Etant donné la situation actuelle, il est bon de tenir compte de l'expérience de la mise en place du LMD qui nous permettra les uns et les autres de légitimer le dispositif dans des conditions meilleures. Cette semaine même, un préfet a appelé mon chef de cabinet pour lui demander ce que signifie LMD. Nous ne sommes que quelques milliers de personnes, en France, à savoir de quoi il s'agit.

C'est un peu le même problème que l'on a eu sur la décentralisation. Personne n'y comprend rien. Certains de mes collègues universitaires ne savent même pas ce que cela veut dire. Il faut prendre le temps. Cela permettra de légitimer la chose et de montrer aux étudiants que ceux qui en bénéficient sont contents.

Il est très difficile, en France, dans le monde de l'éducation, de faire deux grandes réformes en même temps. L'une parasite l'autre. Alors que nous mettons en place les 15 000 débats, on ne parle que des universités. Pourtant, c'est un tout petit sujet par rapport à cet immense projet qui est de parvenir à une loi d'orientation.

En outre, je ne vois que mon calendrier de ministre de l'éducation nationale, mais il y a également tout le calendrier du Gouvernement. Cela devient très compliqué.

Je voudrais remercier Jean-Philippe Lachenaud pour l'idée de conseil d'orientation -qu'il n'est pas le seul à avoir eue, mais qu'il m'a soufflée- et pour sa conviction qu'on ne peut faire un travail sur le fonctionnement des universités sans inscrire cette grande ambition dans le cadre d'un lien amélioré entre les partenaires économiques et sociaux et les collectivités territoriales.

Il est vrai que le mot d'autonomie fait peur en France, mais je le trouve dans l'escarcelle à la suite du colloque de Lille. Je reviens de Pologne : le mot d'autonomie ne leur fait pas peur, ils sont enthousiastes. Si je faisais, en France, le dixième de ce qu'ils font dans leurs universités, je ne tiendrais pas une semaine à mon poste.

Supprimons donc le mot s'il le faut. « Modernisation » ne plaît pas plus. Disons donc qu'il s'agit de mesures destinées à insérer les universités françaises dans la construction de l'espace européen.

Je suis entièrement d'accord avec vous concernant le plan pluriannuel de développement des universités.

Quant à l'échec sur l'orientation dans les premiers cycles, on a fait énormément avec les recteurs pour résoudre ces problèmes d'orientation, mais je pense qu'un conseil d'orientation dans les universités pourrait prendre en charge ce type de question beaucoup plus activement que le ministère.

Le cadrage national constitue un vrai sujet. C'est peut-être le seul sur lequel la revendication étudiante a une part de légitimité. Je suis tout à fait d'accord sur le fait qu'il ne faut pas de cadrage a priori, mais on peut quand même faire, avec les commissions de suivi et les présidents d'université qui ont mis en place le LMD, un bilan annuel, même s'il faut un socle commun.

J'y suis très favorable et même si une part de recherche doit intervenir dans la construction des diplômes, il y a aussi une part d'enseignement classique traditionnel, de remise à niveau, de culture générale.

Je ne suis donc pas hostile à l'idée de mettre en place un groupe de réflexion avec les présidents d'université, les étudiants et les organisations syndicales.

Cela dit, l'habilitation par la MSTP est une très bonne garantie. Ce ne sont pas des débutants et quand on regarde la réalité des choses, les diplômes sont pratiquement les mêmes partout. On peut très bien avoir une commission de suivi du cadrage des diplômes pour corriger le tir. C'est un thème de réflexion qui n'est pas illégitime.

Fallait-il mettre l'université dans le grand débat national ? On peut en discuter, ce n'est pas absurde. Je n'ai pas d'a priori sur le sujet.

Il faut toutefois bien voir que, dans le débat sur l'école, les problèmes du primaire, du collège, du lycée sont totalement différents.

En second lieu, je n'étais pas certain que ce débat prendrait aussi bien qu'il a pris. Tout ce que j'entends aujourd'hui est extraordinairement positif sur les 6 ou 7 000 débats qui ont déjà eu lieu. Quand on attend 50 personnes, on en a 200 et les gens rentrent chez eux avec le sentiment qu'ils n'ont pas perdu leur temps. Les universités ne concernent pas le même public, ce ne sont pas les mêmes parents et cela pouvait créer une crispation supplémentaire. A charger la barque, on risquait de la faire couler -mais on peut en discuter.

C'est un problème politique, un problème de bon sens et non un problème de fond. Il n'y a pas de désaccord entre nous.

Mme Monique Papon - Merci, Monsieur le Ministre, d'avoir relevé un certain nombre de contre-vérités.

Plus ces contre-vérités sont établies et plus la contestation s'essouffle. Etant de l'Ouest, je suis bien placée pour le dire.

Je voudrais vous poser deux questions.

Au début de votre propos, vous avez indiqué qu'il n'y avait rien de comparable entre la problématique du LMD et la modification des droits d'inscription. Il n'empêche que cette question revient souvent dans les contacts et les conversations que nous avons avec les étudiants. Ceci s'inscrit dans une revendication globale d'aide sociale et d'équité sociale à laquelle se sont référés nos deux rapporteurs.

Je voudrais que vous nous éclairiez : n'est-ce vraiment pas à l'ordre du jour ? Quand cela le sera-t-il ?

En second lieu, on sait très bien que la réussite d'un parcours étudiant se détermine dans les six premiers mois de la vie étudiante. Que faire ? Y a-t-il un tutorat possible pour que ces étudiants qui sortent d'un système scolaire protégé, puissent se sentir aidés ?

Ceci m'amène à vous dire que j'ai une petite opposition avec vous à propos du grand débat. Bien sûr, on ne pouvait mélanger les questions qui concernent l'école, le tronc commun, le collège unique ou autres. Il n'empêche que les questions qui reviennent dans les débats auxquels j'ai participé, qui ont un grand succès -et j'ai participé à beaucoup d'entre eux- concernent l'université.

En effet, les parents qui participent à ces débats ont de jeunes enfants, mais aussi d'autres, plus âgés, qui entrent dans le cycle universitaire. Ils sont donc concernés.

Même si cela n'apparaît pas dans les questions qui ont été préparées, vous aurez cependant des remontées qui concernent le monde étudiant.

M. Pierre Laffitte - Je parlerai essentiellement de l'autonomie pour dire qu'en fait, il existe un niveau, en matière d'enseignement supérieur, où elle existe. C'est celui du doctorat.

Qu'on le veuille ou non, il y a au niveau des doctorats, notamment scientifiques, compétition, responsabilité et autonomie de la part des laboratoires, beaucoup plus que de la part des universités elles-mêmes.

Ces laboratoires ont l'appui des industriels et des collectivités locales, Ils ont des contrats européens ou avec des fondations, pour la plupart malheureusement américaines, car ce sont les seules qui ont beaucoup de moyens.

Il y a là par conséquent quelque chose de fondamental pour attirer les étudiants étrangers et les bons étudiants français, car ce sont les bons qui sont nécessaires. Il faut réhabiliter l'excellence.

Ce sont des mots que les gens n'aiment pas. J'ai d'ailleurs constaté que vous ne les avez pas beaucoup prononcés. Pourtant, je sais que vous êtes convaincu de la nécessité de l'excellence.

Elle peut se trouver dans des domaines très variés, aussi bien techniques qu'artistiques. Tous les métiers d'art sont des métiers d'excellence. Il faut réhabiliter cette notion si l'on veut que la France soit attractive pour les meilleurs étudiants mondiaux.

Il faut des moyens, mais on les trouve si on en a la volonté.

La question que je pose est celle-ci : ne peut-on réaliser une expérimentation d'appui public pour les niveaux M ou D de quelques universités ou de quelques départements universitaires qui le voudraient ?

Vous avez une démarche pragmatique, la seule possible dans ce domaine immense. Ne peut-on pas évoquer ceci et le mettre en pratique ? Il y a quand même, dans votre ministère, ainsi que dans sa partie déléguée à la recherche, des moyens pour développer une action expérimentale au niveau d'un certain nombre de pôles d'excellence.

M. Maurice Blin - Monsieur le Ministre, j'approuve tout ce que vous faites et les risques que vous prenez en engageant cette énième réforme.

Une seule question : est-il vrai -on le lit partout- que la France, depuis de longues années, a beaucoup moins consacré à l'enseignement supérieur que ses voisins européens ?

Nous avons fait dans le domaine du secondaire de gros efforts. Nous en avons fait beaucoup moins dans les domaines liés au problème social ou au logement étudiant.

Puisque votre projet vise à harmoniser les systèmes français et les autres afin de donner à l'Europe un visage unique et relever le défi américain, pouvez-vous nous dire ce qui, dans vos contacts avec les Allemands, les Polonais et autres, vous paraît appeler de la part de la France une riposte et une réaction qui fassent le poids ?

Comme Mme Papon, j'ai participé à certaines réunions. A l'évidence, l'étudiant, dans les six premiers mois, joue sa vie et c'est parce qu'il est angoissé par le changement de milieu qu'il réagit avec la passion que vous dites.

Il est triste que, dans une démocratie éprouvée par l'Histoire comme la nôtre, on ait, sur un point aussi clair, une divergence aussi éclatante, en clair la rencontre entre la modernité et la Préhistoire.

Vous jouez beaucoup et nous sommes vraiment soucieux de vous voir réussir.

M. Serge Lagauche - Monsieur le Ministre, vous lancez à la cantonade que certaines universités ne savent pas où elles en sont à 3 ou 4 millions d'euros près. Ce sont des paroles extrêmement dangereuses. Il faut éviter ce genre de propos.

Je vous ai bien écouté. Vous avez de gros malheurs, mais on en a tous. Arrêtez de gémir de cette façon. Parlez-nous comme à des adultes. Cessez de dire que vous êtes brimé par les médias. Je l'ai déjà dit à des ministres socialistes : on n'est pas brimé, mais on a sûrement mal expliqué les choses.

Nous sommes une grande majorité, tous courants confondus, à penser que le LMD est une nécessité, mais il y a toujours de faux bruits, des malentendus, des gens de mauvaise foi. Il faut passer outre et avancer.

Je vous demande d'arrêter de tenir les propos que vous tenez. Je n'ose même pas vous poser d'autres questions, de peur d'être catalogué. Si François Hollande l'apprend, je ne couperai pas à ses reproches.

M. Paul Dubrule - Je voudrais aborder la concurrence de nos universités avec les universités étrangères et la question de l'accueil des étudiants étrangers.

Des présidents d'université m'ont dit que les résidences universitaires, en France, étaient aujourd'hui non seulement insuffisantes en nombre, mais aussi vétustes et totalement inadaptées.

Il n'y a pas uniquement la qualité de l'enseignement dans les universités étrangères, il y a aussi la qualité de l'accueil. Or, aujourd'hui, en France, il n'y a pas de résidence universitaire.

On a peu de moyens et mieux vaut arbitrer en faveur de la qualité, y compris dans les domaines que Pierre Laffitte vient d'évoquer.

Pourquoi gaspiller son argent dans des résidences universitaires ? Pourquoi ne pas les confier au privé ? En disant cela, on imagine déjà les dangers que peut comporter une telle privatisation. Pourtant, un partenariat entre le public et le privé dans le domaine de l'aménagement des résidences universitaires me paraît une évidence.

J'aurais aimé avoir votre avis là-dessus. A-t-on le droit d'en parler ? Peut-on le faire ? Les présidents d'université ont-ils une autonomie, une indépendance et une flexibilité en ce domaine ?

M. le Président - Monsieur le Ministre, vous avez parole.

M. Luc Ferry - Malgré les leçons de morale de M. Lagauche, je continuerai à vous parler sans langue de bois. A moins que vous teniez à ce que je parle la langue de bois, je pense que la dimension politique du problème, même ici, ne peut être totalement écartée quand on voit la désinformation qui règne parfois sur les campus.

Vous me permettrez donc de continuer à parler sur le même ton. On ne peut changer sur ce point.

Madame Papon, il n'y aura pas de modification du régime des droits d'inscription. Rien ne changera de ce point de vue et je ne veux pas pour les universités du modèle de Sciences-Po.

Le directeur de Sciences-Po a probablement eu raison de faire ce qu'il fait à Sciences-Po mais, Sciences-Po, c'est rue Saint-Guillaume, dans les locaux que nous connaissons, avec les étudiants que nous connaissons. Le directeur de Sciences-Po a passé un accord avec les étudiants et je pense qu'il contrôle à peu près l'opération, mais je ne veux pas de ce système-là pour les universités car, dans les universités déshéritées, la tentation pourra être forte de recruter des étudiants riches plutôt que des pauvres, parce que cela rapportera plus aux universités. Cette objection est malgré tout valable et il faut y faire attention.

Les autres pays européens n'ont pas réussi à résoudre les problèmes budgétaires par le biais des droits d'inscription. Je m'étais engagé à ce qu'il n'y ait pas d'augmentations autres que l'augmentation mécanique de 3 %. Elle a été comprise entre 3 et 5 % cette années. C'est la plus faible depuis vingt ans. On ne va pas changer. Je ne pense pas que ce soit le bon biais pour régler les problèmes budgétaires.

En ce qui concerne le tutorat, vous avez tout à fait raison. C'est un problème qu'on a du mal à résoudre. J'ai été professeur d'université durant vingt ans. Malheureusement, les professeurs d'université, toutes catégories confondues, ont une tendance -moi le premier, hélas, j'ai été ainsi- à se comporter comme des professions libérales dans le service public.

Il n'y a pas une équipe pédagogique qui se réunit pour prendre en charge les soucis des étudiants.

M. le Président - Cela dépend des disciplines.

M. Luc Ferry - Chez nous, en lettres et sciences humaines, on choisit son cours.

M. le Président - Chez nous, en sciences, c'est un peu différent.

M. Luc Ferry - Les choses sont en train de changer et des équipes pédagogiques se constituent maintenant dans les UFR, avec le souci d'accueillir les étudiants et de les guider davantage.

Cela apparaît surréaliste aux étudiants canadiens ou américains. Eux qui sont encadrés et presque maternés, sont totalement perdus durant les six premiers mois. C'est un des problèmes que l'on doit résoudre.

En ce qui concerne le grand débat, il faut rappeler qu'officiellement, l'articulation secondaire-université existe. On va jusqu'au L. Cela comprend tous ces problèmes-là. On a le droit d'en parler, cela fait partie du jeu.

Si j'avais inscrit la totalité de l'université dans le grand débat, nous aurions eu, cette semaine même, des quantités de réunions boycottées par de petits groupes. On aurait vraiment multiplié politiquement les difficultés. C'est en tout cas mon analyse.

De même que les questions du tutorat et du premier cycle universitaire sont cruciales, la question de l'orientation est déterminante dans la lutte contre l'échec solaire.

Si 50 % des bacheliers technologiques qui ont demandé une affectation STS se retrouvent en philo, en technologie ou en sociologie, ils échouent.

C'est le problème que nous avons à résoudre. Nous y travaillons très concrètement et très activement avec les recteurs, pour faire en sorte que, réunissant les directeurs d'IUT et les professeurs de BTS, ils puissent résoudre les problèmes de place et mettre les bacheliers technologiques dans les filières qui leur conviennent.

Nos résultats sont bien meilleurs cette année. On a fait un énorme progrès sur ce sujet et je pense que cela va faire baisser le taux d'échecs en DEUG.

Cela dit, le tutorat est vraiment crucial.

S'agissant de l'excellence, elle existe. C'est même tout le projet du LMD. Indépendamment des institutions d'excellence, comme l'Institut universitaire de France, nous avons toute une politique de valorisation de l'excellence. Nous avons cette année 150 bourses d'excellence. Ce n'est pas assez, mais cela indique un cap.

Elles ne se situent pas du tout dans le modèle Sciences-Po. Ce sont des bourses d'excellence qui ne fonctionnent pas sur une politique de discrimination positive mais, au contraire, qui sont attribuées à des bacheliers mention bien ou très bien, venant de milieux très défavorisés, et que l'on veut aider à poursuivre leurs études.

Nous avons, dans le cadre du LMD, une politique qui vise à faire en sorte que tel ou tel département d'études juridiques ou de biologie qui est vraiment excellent puisse créer un lien avec un département aussi excellent à Madrid ou Berlin, pour être dans une situation de concurrence positive par rapport aux universités américaines.

Au niveau français comme au niveau européen, on est donc tout à fait sensible à ce que vous dites à ce sujet.

Il est vrai, Monsieur Blin, que la France ne fait pas assez budgétairement pour ses universités relativement à l'enseignement scolaire. Depuis vingt ou vingt-cinq ans on a relativement surdoté l'enseignement scolaire par rapport à l'enseignement supérieur. C'est une des conclusions majeures du rapport du Conseil d'analyses économiques et sociales que m'a présenté Elie Cohen, il y a quelques semaines.

C'est une des raisons pour lesquelles j'ai décidé, dans un contexte budgétaire pourtant très difficile, de basculer 100 millions d'euros de l'enseignement scolaire vers le supérieur, notamment pour augmenter et améliorer les crédits de fonctionnement et d'investissement des universités.

C'est un cap qui est fixé, que je poursuivrais dans les années qui viennent. Je pense que c'est une nécessité. Il est dommage -mais c'est un travers européen et pas simplement français- de ne pas avoir commencé plus tôt.

Nos universités sont en effet dans un état très inquiétant.

Cela me permet d'arriver à la dernière question de M. Dubrule. Les universités allemandes, où j'ai fait mes études, sont le jour et la nuit par rapport aux universités françaises.

J'ai été longtemps professeur à la Sorbonne. Lors des dernières réunions que j'avais organisées, j'étais honteux d'accueillir mes collègues allemands dans les sous-sols de Paris I, qui sont dans un état scandaleux.

Le problème que nous avons, vous le savez ici au Sénat car vous avez publié un rapport excellent sur le sujet, réside dans le fait que la seule réhabilitation de Jussieu coûte près d'un milliard d'euros. Or, le budget d'investissement et de fonctionnement des universités représente 150 millions d'euros, pour donner un ordre de grandeur et 36 % de nos bâtiments ne sont même pas aux normes de sécurité.

Personne ne peut dire le contraire. On a là un énorme travail à faire. De toutes les hypothèses, aucune ne me choque. Il faut savoir que les bâtiments, pour l'instant, appartiennent à l'Etat. Rien ne me choque en la matière.

Dans l'urgence, avant de prendre des décisions politiques de fond sur le sujet, il faut que l'essentiel des crédits inscrits notamment dans les CPER soit consacré à la maintenance plutôt qu'à la construction, car on est dans une situation d'urgence en termes de sécurité.

Nous faisons plus qu'y travailler, mais on a besoin de sommes tellement colossales que, dans la période budgétaire actuelle, elles sont évidemment hors de portée et certainement pas au niveau du problème qui est posé. Je suis obligé de le reconnaître sincèrement, même si cette sincérité est dommageable -mais je parle normalement.

M. le Président - M. le ministre, merci infiniment pour votre exposé et pour les explications que vous avez données. Vous avez mesuré combien elles étaient nécessaires, même à notre niveau et, par conséquent, a fortiori au niveau de ceux qui sont moins informés, moins attentifs et qui, cependant, ont des opinions à formuler.

Merci d'avoir accepté de répondre aux uns et aux autres avec beaucoup de sincérité, en écartant toute langue de bois, même si cela a suscité quelques commentaires sur les recherches en paternité des situations dont nous avons pu hériter les uns où les autres, paternité qui ne vient pas de la génération juste antérieure et qui est, je crois, largement partagé.

Au fil des années, nous avons tous à assumer -moi le premier, d'ailleurs- une part de responsabilité, que ce soit en tant qu'exécutif ou en tant que parlementaires, car nous avons tous voté des lois, des budgets, lorsque nous ne nous y sommes pas opposés.

Malgré cela, le dispositif ne fonctionne pas trop mal, mais il faut le faire évoluer et nous soutenons par conséquent l'action qui est la vôtre, même si elle se développe dans des circonstances quelquefois confuses, à propos desquelles la réalité des choses est masquée par des événements extérieurs, avec l'amalgame classique de nos situations démocratiques extrêmement raffinées.

M. le Ministre, je vous remercie.

Audition de M. Yassir FICHTALI,
Président de l'Union nationale des étudiants de France (UNEF)

(4 décembre 2003)

M. Jacques Valade, président - Nous allons maintenant auditionner M. Yassir Fichtali, président de l'Union nationale des étudiants de France (UNEF).

Nous avons souhaité entendre les acteurs de l'université française, à la fois sur son état actuel mais également sur son évolution, dans un cadre national mais aussi européen et international.

Deux questions nous préoccupent. Nous aimerions connaître votre sentiment, d'une part, sur la mise en place du système LMD et, d'autre part, l'amélioration des modes de fonctionnement de l'université.

Si vous le voulez bien, vous pouvez tout d'abord commencer par vous présenter et ensuite donner votre sentiment sur les sujets évoqués.

Monsieur le président, vous avez la parole.

M. Yassir Fichtali - Merci. Je suis président de l'UNEF depuis un petit peu plus de deux ans. J'ai débuté mes études à Lyon dans une école d'ingénieurs, l'INSA. J'ai fait du génie mécanique développement. Je suis maintenant à l'université de Paris I. Je me réoriente vers l'économie sociale.

Concernant le LMD, l'idée de cette réforme n'est pas nouvelle. Elle a été initiée depuis de nombreuses années. Dans un premier temps par le ministre Claude Allègre, puis appliquée par le ministre Jack Lang, par le biais d'un décret et deux arrêtés publiés en avril 2002, entre les deux tours de l'élection présidentielle. Dans les cadres de concertation et de consultation, l'UNEF s'était alors opposée à ces deux arrêtés, alors même qu'elle avait à la fois soutenu et accompagné la volonté générale et l'objectif d'une harmonisation européenne des diplômes.

L'UNEF a été fondatrice avec d'autres organisations étudiantes européennes de l'organisation étudiante représentative qu'est l'ESIB. C'est sous la présidence de l'UNEF, au moment de la présidence française de l'Union européenne, que nous avons fait reconnaître cette organisation comme représentative auprès de la Commission européenne et du Parlement européen.

Ce qui justifie notre jugement sur la réforme LMD, c'est que nous ne considérons pas qu'une réforme soit juste parce qu'elle est européenne. Nous avons eu un débat qui s'est trop limité à une caricature qui consiste à dire que si nous nous opposons à la réforme LMD, nous nous opposons à l'harmonisation européenne des diplômes.

Les choses sont bien plus complexes que cela. Nous avons en face de nous deux décrets et deux arrêtés qui ne stipulent pas simplement que l'on est pour l'harmonisation européenne des diplômes, mais qui reviennent sur un certain nombre de droits que nous considérons élémentaires.

Tout d'abord, un rappel. L'organisation de nos universités, du point de vue pédagogique et du point de vue du contenu des diplômes, est régi par des arrêtés qui datent de 1997. A l'époque, le ministre François Bayrou avait réformé les modalités pédagogiques et de contenu des diplômes. C'est une réforme que nous avions impulsée, accompagnée et soutenue dans les établissements. Elle avait connu un certain nombre de difficultés d'application.

Aujourd'hui, nous considérons que les arrêtés de 2002 reviennent sur l'organisation de nos études et sur les arrêtés de 1997, puisque les universités qui le souhaitent ont le choix d'appliquer soit les dispositions de 1997 ou bien celles de 2002. Seulement 16 universités ont fait le choix d'abandonner la réforme de 1997 pour appliquer la réforme LMD de 2002.

Je vais vous donner brièvement les cinq éléments qui, de notre point de vue, sont problématiques.

Premier aspect, l'absence de toute réglementation en terme de modalités de contrôle des connaissances, en terme de modalités d'examens. Les étudiants sont attachés à un dispositif introduit en 1997 qui s'appelle la « compensation annuelle » et qui a le mérite de permettre, notamment aux étudiants salariés et aux nouveaux bacheliers, de compenser des notes du premier semestre par de meilleures notes du second semestre.

C'est très important, car nos universités restent encore extrêmement anonymes. Il y a des problèmes d'adaptation du fait de la mobilité des étudiants -certains quittent par exemple le domicile familial-, des problèmes que l'on perçoit très bien chez les étudiants de première année. L'idée était donc de prendre en compte la progression de l'étudiant sur une année universitaire.

Désormais la session de rattrapage peut être organisée deux semaines après la proclamation des résultats de la première session.

Deuxième aspect, la question du contenu des diplômes qui est peut-être l'une des questions les plus saillantes. Depuis 1997, nous avons des maquettes qui sont définies par le biais de concertation. Ces maquettes fixent aussi bien le contenu que les dénominations nationales des diplômes. Elles ont l'avantage d'assurer, sur l'ensemble du territoire, des diplômes avec un même contenu et une même dénomination, ce qui apporte une visibilité nationale, condition essentielle si l'on veut avoir une visibilité au niveau européen.

La difficulté des dispositions de 1997 était d'entraîner un certain nombre de cursus tubulaires. Tout le monde convenait qu'il y avait une nécessité à modifier ces textes un peu trop rigides afin d'y introduire la pluridisciplinarité favorisant les réorientations.

Aujourd'hui, nous avons tordu le bâton un peu trop dans l'autre sens puisque désormais ce sont les équipes pédagogiques qui vont créer leurs diplômes sans être cadrées ni en terme de contenu, ni en terme de dénomination nationale. Nous allons avoir une habilitation a posteriori par le ministère mais qui de notre point de vue n'est pas suffisante.

Nous considérons qu'il faut libérer nos universités, mais la liberté ce n'est pas faire ce que l'on veut. C'est faire ce que l'on veut dans la limite de ce qui nous protège collectivement. Ce qui signifie qu'à partir du moment où nous n'avons pas de cadre qui permette aux étudiants d'être rassurés et encadrer par un certain nombre de textes, nous considérons qu'il s'agit d'une conception quelque peu anarchiste de la liberté.

Troisième aspect, c'est la possibilité de sélection à la sortie de bac +3. Aujourd'hui nous avons une sélection qui se pratique à l'université pour l'accès aux diplômes d'études approfondies (DEA) ou aux diplômes d'études supérieures spécialisées (DESS), c'est-à-dire entre bac +4 et bac +5.

La mise en place aujourd'hui d'un processus 3-5-8, par le biais d'une circulaire de novembre 2002, autorise les universités à pratiquer la différenciation entre le master professionnel (ex DESS) et le master recherche (ex DEA) à la sortie de bac +3. Cela implique une chose extrêmement importante : certaines universités pourront désormais pratiquer de la sélection à bac +3. C'est un problème au moment où tout le monde convient que nous avons besoin d'augmenter le niveau de qualification de nos jeunes et cette sélection va donc dans le mauvais sens.

Quatrième aspect, les moyens de la mobilité européenne. Est-ce que l'on se donne les moyens de nos objectifs ? On voit la création, dans le cadre du budget 2004, des bourses mobilité, à la hauteur de 6 000 mois de bourse. Cela représente le départ à l'étranger de 650 étudiants pendant 9 mois. Ces moyens ne sont pas suffisants pour cette réforme d'harmonisation européenne et pour une véritable mobilité qui ne soit pas celle uniquement des étudiants les plus favorisés.

Cinquième aspect, les risques de dévalorisation des diplômes intermédiaires que sont le diplôme d'études universitaires générales (DEUG) et la maîtrise. L'UNEF plaide pour qu'à chaque niveau il puisse y avoir une possibilité de qualification mais aussi une possibilité de poursuite d'études. Le DEUG et la maîtrise ne sont pas supprimés mais ne peuvent être délivrés que sur demande de l'étudiant. Ce qui pose au moins deux problèmes.

Les niveaux 3-5-8 étant surlignés par la réforme, il sera légitime pour les employeurs de reconnaître principalement ces niveaux de qualification. Alors même que l'on sait que, par exemple pour les étudiants des instituts universitaires de technologie (IUT) sortant à bac +2, les diplômes universitaires de technologie (DUT) correspondent à des niveaux de qualification qui satisfont à un certain nombre de besoins dans les entreprises. Donc les sorties qualifiantes à bac +2 et bac +4 vont se raréfier.

Nous savons que les formations DUT et BTS sont des formations qui coûtent plus cher que les formations classiques universitaires et à aucun moment n'est posée la question des moyens qui seront alloués aux formations technologiques pour amener les étudiants de bac +2 à bac +3.

Nous sommes prêts à partager l'argumentaire s'il s'agit de tirer les étudiants de bac +2 vers bac +3, accédant ainsi à un meilleur niveau de qualification. Mais on se retrouve malheureusement dans une situation où le passage entre le DUT et la licence professionnelle n'est pas de droit et donc se pratiquera une sélection et certains étudiants seront bloqués à bac +2.

Voilà les cinq aspects qui posent problème sur la réforme LMD. J'en viens maintenant au projet de loi sur l'autonomie des universités.

Cette problématique, elle aussi, n'est pas nouvelle car l'autonomie des universités existe. Le débat qui nous intéresse est de savoir sur quelles prérogatives. Nous ne sommes pas pour l'autonomie parce que cela serait la modernité. La modernité, il faut lui donner un contenu. De notre point de vue, il y a deux visions pour traiter la question de l'autonomie.

Il y a la vision qui consiste à dire, comme en 1984, nous allons renforcer l'autonomie des établissements en responsabilisant l'ensemble des acteurs, qu'ils soient étudiants, personnels enseignants et non enseignants, sur un certain nombre de prérogatives qui sont l'objet des discussions. Essayons de renforcer la vie démocratique de nos établissements et responsabilisons les différents acteurs.

La deuxième vision de l'autonomie consiste à répondre à un certain nombre d'intérêts catégoriels que nous ne partageons pas. Nous considérons sur le projet de loi autonomie que c'est cette deuxième voie qui a été prise.

Pour vous donner un seul exemple, nous considérons que nos universités sont parmi les plus démocratiques et les plus performantes du monde. Nous avons des équipes de recherche qui sont capables de rivaliser avec les plus grandes équipes de recherche internationales. Le problème est que nous avons aujourd'hui un système en panne y compris d'un point de vue démocratique. Tous les deux ans, les deux millions d'étudiants sont appelés à voter pour des élections universitaires nationales et c'est le seul corps électoral qui ne bénéficie pas de l'envoi des professions de foi. Ce qui entraîne une participation électorale des étudiants inférieure à 10 %.

Si nous souhaitons nous donner les moyens d'une responsabilisation des différents acteurs, il faudrait se poser cette question-là. Aujourd'hui, le ministre s'y refuse toujours. Les mesures qu'il souhaite mettre en place ne répondent pas à l'enjeu de la démocratie qui pour nous n'a pas de prix.

Parmi les 24 mesures du projet de loi sur l'autonomie des universités, certaines, techniques, permettent de soulager les universités et de sortir des inerties qu'elles peuvent connaître, et puis, d'autres mesures qui n'ont rien à voir avec l'autonomie des universités. Je vais donner un exemple qui pour nous est une véritable provocation. Il s'agit de la possibilité pour les universités qui forment des cadres du tertiaire, c'est-à-dire l'écrasante majorité des universités, d'adopter le statut d'université de technologie, ce statut permettant une sélection à l'entrée. Ce statut est aujourd'hui réservé à trois écoles d'ingénieurs, les universités de technologie de Compiègne, de Belfort-Montbéliard et de Troyes.

A la décharge du ministère de l'éducation nationale, cette mesure a vocation à régler un problème, de notre point de vue, d'une très mauvaise façon, celui de l'université de Paris IX Dauphine. Cette université pratique une sélection illégale à son entrée.

De la même façon, à la décharge du ministère, cette situation n'est pas nouvelle et les différents ministres n'ont pas souhaité la régler parce que ce règlement est forcément manichéen. Soit on autorise une université à passer en force et à ne pas respecter la loi et on légalise a posteriori le comportement de l'université de Paris IX, ou bien alors, on fait un rappel à la loi pour qu'elle s'applique aussi dans cette université.

M. le Président - Quel est votre sentiment sur les différentes réformes réalisées par l'Institut d'études politiques de Paris ?

M. Yassir Fichtali - Concernant Sciences-Po, je crois qu'il est extrêmement condamnable pour cette école de faire comme si la loi n'existait pas et de légiférer a posteriori des situations illégales. Sur l'ensemble des dispositions qui ont été mises en place à Sciences-Po, cela s'est fait par le biais de cavaliers parlementaires qui ont légalisé des situations.

Nous avons soutenu et accompagné le dispositif ZEP, pas parce que nous plaidons pour la discrimination positive mais parce que cela permettait dans cette école de poser le débat de la démocratisation de l'établissement. Le dispositif ZEP n'est pas en soi l'alpha et l'oméga de la démocratisation. Il s'agissait simplement de pratiquer un électrochoc de façon à poser la question centrale qui est celle du concours.

Nous sommes opposés au système des inscriptions. Nous considérons que l'éducation n'est pas un investissement individuel mais un investissement collectif. Plus nous amenons le jeune à un haut niveau de qualification, plus c'est l'ensemble de la société qui en profite. La charge et le coût du financement de nos établissements doivent reposer sur la solidarité nationale. Cette école pratique un système en vase clos de privatisation d'un d'impôt sur le revenu, d'un impôt progressif dans l'enceinte de l'école. Ce système consiste à considérer que les revenus d'un étudiant sont directement proportionnels à ceux de ses parents. Cette mesure se révèle inefficace économiquement car si on applique la démocratisation, si on transpose les catégories socioprofessionnelles à Sciences-Po, un certain nombre d'étudiants ne paieront pas de frais d'inscription et les ressources seront inférieures à ce qu'elles sont actuellement.

M. Jean-Philippe Lachenaud - J'ai le sentiment, Monsieur Fichtali, que votre présentation de la réalité de vos critiques et de l'action que vous avez engagée ne répond pas à la réalité des objectifs que vous poursuivez.

J'ai le sentiment à la fois de comprendre les observations et les problèmes techniques que vous avez soulevés sur le LMD et que finalement, après un certain nombre d'explications, de concertations et d'ajustements, on pourrait répondre aux inquiétudes des étudiants et de votre association mais que dans le même temps vous n'allez pas jusqu'au bout de votre action qui consiste à demander le retrait du LMD.

Je suis avec beaucoup d'attention la situation universitaire. Je lis les documents émanant de l'UNEF et j'ai eu le sentiment qu'au cours du mouvement, il y a eu une évolution de la thématique. Je ne fais pas allusion au discours altermondialiste mais je reste sur le domaine technique. On commence par parler du LMD puis on se branche sur le thème de l'autonomie, ensuite on repart sur le thème des moyens en disant que le budget est en régression et ensuite d'un plan pluriannuel et maintenant la thématique de la vie étudiante. Ce mode d'action rend le dialogue difficile. Quel est le thème sur lequel vous mettez aujourd'hui la priorité dans le développement universitaire et qui vous pose difficulté ?

S'agissant de l'autonomie, sur l'idée qu'il faut améliorer la démocratie et le débat à l'intérieur des conseils d'administration, et qu'il faut assurer des élections étudiantes. Ce sont des thèmes de démocratie sur lesquels un dialogue peut s'instituer. En effet, la participation n'est pas bonne. Les modalités de documentation et de vote ne sont peut-être pas bonnes. Ce sont des thèmes sur lesquels on peut discuter. Mais en fait on s'aperçoit que vous transformez cela en disant : ce sont les droits d'inscription qui augmentent de manière massive, c'est la marchandisation des universités. Tous ces thèmes n'ont qu'un rapport lointain. Le but des universités ce n'est pas uniquement la démocratie étudiante. C'est l'intérêt des étudiants, c'est de leur donner une formation et un développement de recherche dans un contexte européen qui est une ouverture et un chance extraordinaire.

Pour moi autonomie veut dire responsabilité. Je préférerai que l'on abandonne le mot d'autonomie pour mettre l'accent sur le développement des responsabilités de tous les partenaires de l'université. Pourquoi ne pas travailler sur une amélioration du dispositif et des projets, une meilleure concertation et un renforcement des dispositifs de responsabilité ?

Il est surprenant de voir des étudiants proposer de revenir à un cadrage de maquettes de diplômes qui est complètement irréel, qui n'a absolument pas supprimé les disparités et les inégalités et qui aujourd'hui est une vision corporatiste et archaïque du cursus universitaire.

M. Paul Dubrule - Je reste un peu sur ma faim, Monsieur Fichtali. Vous avez beaucoup parlé de textes, d'aspects juridiques et techniques, de modalités. Mais être étudiant n'est pas une finalité. Je n'ai pas senti d'objectif, de vision pour l'université, d'une part, et pour l'étudiant, d'autre part. Une vision, qu'elle soit pour l'Europe, pour la France, qu'elle soit aussi pour la vie de l'étudiant dans l'avenir, sa vie professionnelle, intellectuelle, personnelle, sociale. De plus, on sait aujourd'hui que toute la vie il faut apprendre, il faut continuer à étudier.

M. le Président - Monsieur Fichtali, quel est votre sentiment après la journée d'hier ?

M. Yassir Fichtali - Aujourd'hui, nous demandons sur le LMD de nouveaux textes pour très rapidement repréciser le cheminement et ce qui s'est passé ces derniers mois. Cela correspond aux cinq axes que j'ai exposés.

L'UNEF a plaidé dans un premier temps pour un moratoire et un arrêté complémentaire aux deux arrêtés d'application. Lors de notre premier entretien, le ministre Ferry avait reconnu que la publication de ces textes avait été faite de façon folklorique. Les textes ayant été publiés entre les deux tours de l'élection présidentielle, nous avions demandé à M. Luc Ferry un moratoire et arrêté complémentaire afin de revenir sur les cinq éléments que j'ai signifiés. Il s'avère que tout cela n'a pas abouti et il a fallu en arriver à des mobilisations pour que le ministre reconnaisse devant l'Assemblée nationale, pour la première fois, des dysfonctionnements quant à la réforme LMD.

M. le Président - Je ne veux pas faire l'exégèse des déclarations des uns et des autres. Mais que Luc Ferry ait dit qu'il y avait des aménagements indispensables, laissés à la diligence des équipes pédagogiques des différentes universités, c'est évident. Compte tenu de l'hétérogénéité des diplômes que vous contestez par certains côtés, cela paraît naturel. Comme tout n'est pas identique, il faut bien adapter. Par conséquent, le ministre a accepté l'idée de l'adaptation nécessaire aux cas particuliers qui pourraient se présenter. De là à dire qu'il faille remettre en cause de ce fait le système LMD, il y a un pas que, contrairement à vous, nous ne franchissons pas.

M. Yassir Fichtali - Effectivement, nous l'avons franchi. Et c'est maintenant que nous allons commencer à avoir la discussion sérieuse sur ces décrets et arrêtés.

M. le Président - C'est l'application des décrets et des arrêtés qui nous intéresse. Nous sommes en marche et pas seulement crispés sur des textes.

Vous avez vu en participant aux commissions de suivi comment cela se passait sur le terrain.

M. Yassir Fichtali - Bien sûr. Mais il est difficile, pour une organisation syndicale étudiante, de dire que nous mettons en place une réforme qui s'applique mal dans un certain nombre d'établissements où il y a des problèmes et en même temps de laisser passer un certain nombre d'étudiants dans ces filières.

M. le Président - Mais les étudiants de l'UNEF votent dans les conseils la mise en place du LMD.

M. Yassir Fichtali - Dans les conseils d'administration, il y a deux votes. Un premier vote sur le principe de l'harmonisation européenne et les élus de l'UNEF ont toujours voté pour ce principe. Puis un second vote sur l'application de la réforme dans l'établissement et là, il y a eu des votes variables.

Quand l'UNEF plaidait pour un moratoire et des textes complémentaires, nous avons empiriquement, puisque nous ne demandions pas le retrait, dans un certain nombre d'établissements, essayé de voir si, avec le cadre des arrêtés, nous arrivions à maintenir ce que nous considérions essentiel.

Il s'avère que dans certains établissements, comme Lyon II, nous avons réussi à maintenir les éléments que j'ai signifiés précédemment. D'une part, parce que les élus étudiants ont bien fait leur travail et, d'autre part, parce qu'il y a un effet « mémoire ». C'est-à-dire que lorsque que l'on passe des textes de 1997 à ceux de 2002, ne croyez pas que dans les 16 établissements les diplômes ont changé. Les maquettes sont donc aussi rigides et les équipes enseignantes peuvent se sentir plus libres mais aussi plus démunies. Sauf pour ceux qui s'y sont préparés à l'avance, la règle de l'application est donc un copier coller des formations de 1997.

Sur l'évolution de la thématique, l'UNEF se situe dans le champ réformiste. Elle a accompagné, quel que soit le Gouvernement, un certain nombre de réformes fondamentales qu'il s'agisse du plan social étudiant du ministre Allègre ou de la réforme de 1997 du ministre Bayrou.

Nous considérons que l'université doit évoluer car nous avons un système qui est en panne. Nous pensons qu'il y a deux axes principaux, d'une part, le volet pédagogique et, d'autre part, le volet social.

Concernant le volet pédagogique, nous n'apprenons pas aux enseignants à enseigner. Il n'y a pas de pédagogie dans les universités, particulièrement pour les premiers cycles.

S'agissant du volet social, nous considérons que nous sommes face à un système d'aide sociale à la fois injuste, inefficace et illisible pour les étudiants.

L'intervention de l'UNEF ne s'est pas faite là où on nous attendait. Il aurait été plus confortable de faire une campagne sur le budget 2004. Mais nous n'acceptons pas que des réformes structurelles, comme celles de l'autonomie ou du LMD, se fassent sans que le moindre de nos avis soit pris en compte, alors même que nous plaidons pour l'harmonisation européenne des diplômes et nos revendications ne sont pas extraordinaires.

Nous ne sommes pas opposés à l'autonomie des universités, mais nous souhaitons des discussions sur les prérogatives et la responsabilisation. Nous n'acceptons pas d'avoir été mis de côté sur la mise en place de ces deux réformes alors même que l'UNEF a amené à chaque étape un certain nombre de propositions et a essayé de faire avancer le débat aussi bien des les établissements qu'au niveau national.

Sur les questions de marchandisation et de droits d'inscription, l'UNEF n'a jamais expliqué que la mise en place des deux réformes allait entraîner un privatisation de nos établissements. Nous considérons simplement que les pressions marchandes qui s'exercent aujourd'hui sur notre éducation, et en particulier sur le supérieur, sont d'autant plus fortes que l'Etat est susceptible de se désengager aussi bien d'un point de vue politique que d'un point de vue financier. C'est la crainte qui est la nôtre mais ce n'est pas directement lié.

Sur la question des inégalités et des maquettes, on sait que le système est inégalitaire. Une licence d'histoire à Paris IV n'a pas la même valeur que la licence d'histoire à Nice. Alors, il y a deux solutions. Soit on explique aux jeunes, dont on se plaint qu'ils ne vont pas voter, que le nouveau système va entraîner des inégalités mais que ces inégalités existent déjà. Je trouve que cela n'est pas éducateur et c'est extrêmement dangereux du point de vue du message que nous faisons passer aux jeunes. Soit on dit qu'il y avait des inégalités et que l'objectif est de tendre vers la réduction de ces inégalités.

Sur la vision d'avenir, j'ai expliqué que nous avions un des meilleurs systèmes mais qu'il était en panne. Face à une société qui devient complexe avec des mutations technologiques très importantes, face à un marché du travail qui évolue, nous considérons que l'université, que l'école instruit l'écolier mais forme aussi le citoyen. C'est sur ces deux aspects que doit fonctionner notre école et nous aurions aimé le dire dans le cadre du grand débat sur l'école.

La qualification, c'est la liberté et la possibilité pour l'étudiant, pour le futur salarié d'être reconnu dans le monde du travail. Tout cela avec la volonté d'un haut niveau de qualification initiale qui permettra la formation continue.

L'école et l'université constituent des lieux de socialisation qui permettent de former des futurs citoyens. La revendication par l'UNEF de l'envoi des professions de foi n'est pas une question annexe lorsque l'on voit la faible participation des étudiants aux élections universitaires mais aussi politiques. Aujourd'hui l'université n'assume pas cela.

Sur le sentiment de démobilisation d'hier, nous avons une mobilisation qui dure et qui est significative de craintes extrêmement fortes. Quant à l'université de Rennes, où le mouvement de grève dure depuis un mois avec 5 000 étudiants qui se réunissent chaque jour dans l'établissement, qui font le choix délibéré de ce mouvement de grève dur et difficile, il faut être sacrément convaincu. Soit on laisse pourrir mais après il faut en assumer les conséquences. Soit on reconnaît -et je vois des signes des deux côtés- que ces aspirations peuvent être légitimes et on essaie d'avancer pour répondre à un certain nombre de craintes.

Ceci explique l'évolution des revendications et des thématiques. Il y a aujourd'hui de nombreux chantiers auxquels nous devons nous atteler. Notre volonté première était d'intervenir sur les dossiers des réformes structurelles qui ne sont pas les plus simples. On ne réfléchit pas en termes de stratégie et de tactique. Ce qui m'importe c'est d'abord le fond. Il y a deux réformes qui sont en train de nous échapper. L'organisation majoritaire n'est pas écoutée depuis un an et demi et c'est là-dessus que nous devons intervenir. On ne peut pas reprocher à une organisation syndicale étudiante d'être pointilleuse sur les textes. J'ai assez de respect pour l'excellence universitaire pour ne pas me cantonner à des discours comme : le LMD c'est l'Europe et l'autonomie c'est la modernité. Le débat est plus complexe que cela.

M. le Président - Monsieur Fichtali, mes chers collègues, je vous remercie.

Audition de M. Jean-Pierre MAILLES,
Conseiller technique chargé de l'enseignement supérieur
à l'Union nationale des syndicats autonomes (UNSA) - Education

(17 décembre 2003)

Présidence de M. Jacques VALADE, président

M. Jacques Valade, président - Nous poursuivons notre série d'auditions sur la situation de l'université.

Ces auditions s'inscrivent dans un cadre de réflexion plus large, que nous conduisons sur l'état actuel de l'université, sur les nouvelles dispositions relatives au système LMD, sur l'amélioration de son fonctionnement, notamment sa place dans la Nation, en Europe et dans le monde.

Vous êtes conseiller technique chargé de l'enseignement supérieur de l'UNSA-Education.

J'aimerais que vous nous précisiez le contour de votre responsabilité, la place de votre syndicat, ainsi que votre activité professionnelle au sein de l'université.

M. Jean-Pierre Mailles - L'UNSA-Education est sans doute plus connue sous le nom de FEN (Fédération de l'éducation nationale). Elle a changé de nom en se rattachant à une confédération regroupant l'ensemble des professions, et sortant du monde de l'éducation nationale pour que toutes les catégories de salariés se confrontent.

Il s'agit d'une fédération de syndicats. Je suis moi-même secrétaire général du syndicat Sup-recherche, qui regroupe des enseignants, des enseignants-chercheurs et des chercheurs de l'enseignement supérieur.

Les résultats récents des élections au comité technique paritaire universitaire nous placent en 4 e position pour les enseignants-chercheurs avec 11 % des voix, le SNESUP ayant obtenu 36 % des voix, le SGEN 19 %, la Fédération des syndicats autonomes 17 % et Sud 7 %.

Je suis statisticien, enseignant-chercheur à l'université Paris I en mathématiques appliquées.

Il faut distinguer les deux sujets que sont le dispositif LMD et l'autonomie des universités.

L'harmonisation européenne des diplômes est une réforme importante qui est venue progressivement à maturité. Elle a été lancée par M. Claude Allègre en 1998, puis poursuivie par M. Jack Lang.

Cette réforme a toujours été considérée avec bienveillance de la part de l'UNSA-Education. Nous sommes réformistes. Nous n'avons pas, en général, d'opposition a priori sur les projets de réforme.

Elle est devenue vraiment opérationnelle à partir de 2001 et a été conçue lentement jusqu'en avril 2002 avec beaucoup de négociation et de réflexion. Le vote du CNESER s'est déroulé en novembre 2001. Les grands traits généraux de la réforme ont été présentés, avec l'instauration de paliers qui permettent de repérer les niveaux de formation en Europe (LMD). Malgré quelques oppositions, le CNESER a largement approuvé ces textes. Les choix auraient pu être différents, mais la tendance vers un niveau bac + 3 comme vers bac + 5 est générale. Par exemple, le niveau licence est celui du recrutement des cadres A dans la fonction publique. De même, il existe une pression des étudiants pour s'inscrire en DESS après une maîtrise. Les textes ont été signés avant les élections présidentielles.

La période de négociation s'est déroulée de manière très satisfaisante. Ce fut une bonne procédure d'instaurer cette réforme, qui porte le nom d'harmonisation européenne. Elle change la nature des études, c'est-à-dire les cursus pré-établis. Car elle permet à l'étudiant de construire des parcours de formation, avec une autonomie dans ses choix et une souplesse. Les universités peuvent ainsi proposer des parcours diversifiés, facilement adaptables pour répondre à des évolutions sur le plan de l'insertion professionnelle. Il était important d'instaurer cette souplesse dans les cursus proposés aux étudiants.

En même temps, deux autres lois sont venues compléter et améliorer le système universitaire : les articles sur la validation des acquis de l'expérience, qui ont bénéficié d'un succès plus qu'attendu, et les textes d'application de la loi sur l'innovation, qui permettent d'établir des passerelles entre la recherche publique et la recherche privée, et d'impliquer l'université dans la vie économique de notre pays.

Ces réformes ont été appliquées consciencieusement et progressivement. Les enseignants se sont fortement impliqués. Le changement s'est opéré en particulier lors de la renégociation du contrat quadriennal de l'université.

Comme toute réforme, des inquiétudes, des oppositions plus ou moins justifiées sont apparues.

Déjà l'an dernier, une certaine agitation à propos du LMD s'était manifestée dans les universités. Cela avait amené l'UNSA-Education, avec trois autres organisations, le SGEN-CFDT, la FAGE et la FCPE à nous exprimer sur ce sujet pour apporter notre soutien au dispositif LMD. D'ailleurs, une séance de travail avait été organisée avec le ministre et la CPU. Nous avions présenté des points qui nous semblaient à préciser.

Cette année, l'agitation est revenue, à mon appréciation, plutôt moins importante que l'an dernier. En dehors d'une certaine persistance du contexte politique et social du printemps, deux autres facteurs sont à prendre en compte.

Dans la mise en place de cette réforme, le ministère n'a pas été aussi diligent qu'il aurait pu l'être. Je prendrai quelques exemples. Les textes avaient instauré un comité de suivi pour les diplômes de licence et de master, qui est le corollaire de textes moins stricts sur les diplômes nationaux. Un comité de suivi avait déjà été établi lors de la mise en place de la licence professionnelle. Le ministère a beaucoup tardé à installer ce comité de suivi de la réforme LMD.

Un autre exemple concerne la suppression envisagée des IUP. La structure administrative peut être supprimée, mais la pédagogie et la formation IUP doivent être conservées. Il fallait permettre aux IUP de perdurer sous une forme sans doute différente. On a laissé planer le doute. Au mois de novembre, les étudiants et les responsables d'IUP ont manifesté pour obtenir des circulaires d'application en attente. Il aurait été préférable de les publier plus tôt.

De même, sur le supplément de diplôme qui suscite des inquiétudes et des oppositions de principe, il revient aux enseignants de fixer le contenu. Parallèlement, les procédures administratives d'habilitation ont été un peu pointilleuses.

Le deuxième facteur de difficulté dans la mise en oeuvre du LMD se situe au niveau du budget. Il est très difficile de mettre en place une réforme à moyens constants. Il n'a été prévu aucune création de poste d'enseignant-chercheur. Les universités en croissance ou les plus dynamiques dans la création de nouveaux diplômes sont lésées, car les redéploiements de postes sont très difficiles à concevoir.

Cette réforme est très novatrice, mais elle demande des moyens.

M. le Président - En ce qui concerne les comités de suivi, le ministre, lors de son audition, paraissait très favorable, sans doute oubliant que la mise en place avait un peu tardé.

Vous avez évoqué les créations d'emplois. Sur ce point, deux éléments sont à prendre en compte. Même si les équipes pédagogiques travaillent à moyens constants, il est indispensable de redistribuer les cartes et d'assumer la mise en place de la nouvelle pédagogie. Certes, il faut peut-être investir des moyens nouveaux, mais cela se fera sur des objectifs bien précis, des finalisations d'utilisation des moyens supplémentaires, dans le cadre de contrats qui pourraient être quadriennaux, avec le développement des expérimentations et une évaluation. Un rapport d'exécution de ce contrat conditionnerait, soit la poursuite, soit l'abandon ou l'inflexion de ces moyens nouveaux.

J'ai trouvé de la part du ministre une écoute satisfaisante et qui paraît satisfaire, notamment, la CPU.

M. Jean-Pierre Mailles - Nous sommes d'accord, sous réserve d'en connaître les modalités.

Le système San Remo n'est pas la panacée. Il est possible de trouver d'autres critères d'attribution des moyens, pourquoi pas le contrat. Cependant, il faut maintenir les équilibres et le rôle régulateur de l'Etat.

Je serai plus critique sur la réforme des structures de l'université. Le problème est mal engagé.

Un des premiers thèmes discutés a été celui du renouvellement du mandat du président. C'est un problème second qui a créé des crispations. Une loi a été proposée qui s'est d'abord nommée régionalisation, puis autonomie, avant de devenir modernisation. Je ne vois pas le point commun entre ces trois concepts. Comment voulez-vous mobiliser la communauté universitaire avec ses opinions diverses, s'il n'est pas indiqué clairement ce qu'il est envisagé de faire ?

Sont apparus ensuite les établissements publics de coopération universitaire, dont on ne connaît pas vraiment la finalité : le problème n'a pas été posé clairement.

Si le Gouvernement souhaite entreprendre des réformes, il est nécessaire de lancer un débat. Lors de l'établissement de la loi de 1984, il y a eu au moins une année de débat dans la communauté universitaire, dans le pays et au sein des responsables. Je garde le souvenir d'une réflexion. Aujourd'hui, elle n'existe pas.

Je discerne quatre débats, qui devraient avoir lieu, sur lesquels le ministre et le Gouvernement devraient prendre position. Le premier débat est celui de la carte universitaire. La carte universitaire a été construite sur des critères politiques en 1968, et modifiée par la volonté de quelques maires qui ont souhaité avoir un site universitaire. Le maillage universitaire n'est pas forcément bon. Faut-il restreindre le nombre d'universités, redistribuer la carte des DEA, établir des liaisons entre telle ou telle formation de la recherche au niveau européen ? Il faut avoir le courage d'en débattre.

J'identifie un deuxième sujet qui est le rapport aux partenaires, aussi bien les régions que le tissu économique. L'université est une chance pour une région. Dans le cadre d'un contrat, il est possible de l'élargir à d'autres partenaires avec des règles claires et transparentes, le monde universitaire et le tissu économique y trouveront une valorisation.

Le troisième problème concerne la gouvernance des universités. Quel est le type de président d'université souhaité ?

Le statut actuel a été défini pour ne pas donner trop de poids au président d'université, par rapport aux directeurs des UFR. Aujourd'hui, compte tenu de l'existence d'un contrat, le président est obligé de composer avec des conseils élus en cours de mandat. C'est une affaire d'équilibre entre responsabilité du président devant les conseils, concomitance de l'élection du président avec celle des conseils, négociation du contrat quadriennal...

Le dernier point envisagé est la place du personnel dans l'université, notamment le statut des enseignants qui est appelé à évoluer. L'enseignant doit aujourd'hui participer à la vie de la cité. Nous devons tenir compte de toutes les tâches de nos collègues, recherche, enseignement, administration et même engineering éducatif. Ces quatre facettes de notre métier pourraient être rééquilibrées, afin que l'université remplisse toutes ses missions.

M. le Président - Devant l'impossibilité de régler les problèmes locaux, j'avais été sensible à une demande formulée par la CPU relative à la possibilité de renouveler dans leurs fonctions des hommes ou des femmes qui avaient donné satisfaction.

Par conséquent, j'avais introduit cet amendement qui était très partiel et ne s'inscrivait pas dans une réflexion d'ensemble.

M. Daniel Eckenspieller - Pensez-vous que l'harmonisation européenne des diplômes entraînera une plus grande mobilité des étudiants français vers un certain nombre de pays étrangers et un accueil plus important d'étudiants étrangers en France ?

J'aimerais connaître votre sentiment concernant l'orientation des étudiants. Ces dernières années, des étudiants se sont dirigés massivement vers des formations en sciences humaines, en éducation physique, qui offrent aujourd'hui peu de débouchés professionnels.

Comment vivez-vous la validation des acquis de l'expérience ?

Enfin, les présidents d'université que j'ai rencontrés sont très demandeurs d'une plus grande autonomie, notamment en faisant état de la nécessité d'une meilleure cohérence avec l'environnement social et économique.

M. Victor Reux - Je voudrais simplement faire une réflexion sur l'harmonisation des diplômes qui me paraît être une certaine copie de ce qui se passe dans les pays anglo-saxons. Que devient dans ce système le concours de l'agrégation ?

M. le Président - Le ministre a pris acte de la nécessité du maintien de la maîtrise pour préparer les concours du second degré. Le système n'est pas bloqué.

M. Jean-Pierre Mailles - Je souhaite que la mobilité devienne effective. Le frein sera lié aux conditions matérielles. Il serait souhaitable de développer par les CROUS les cités universitaires et le logement étudiant. Le ministre s'y est engagé lors du congrès de la FAGE. La mobilité se situera plutôt en fin de cursus universitaire. Elle sera d'autant plus facilitée si en même temps se développent les liaisons entre les laboratoires et les programmes de recherche de la Communauté européenne.

A propos de l'orientation, je vais plaider non coupable pour les universitaires, qui sont déjà tributaires de ce qui se passe en amont. L'orientation s'opère suivant la hiérarchie des filières et les qualités supposées des élèves dans le second degré.

Dans l'enseignement supérieur, les meilleurs taux d'encadrement se situent dans des filières qui devraient être réservées aux bacheliers technologiques ou professionnels. Je parle des IUT. On sait que nombre de bacheliers scientifiques cherchent à y entrer. Certes, des efforts ont été faits pour faire évoluer la situation.

A l'université, je ne suis ni pour ni contre la sélection. Elle existe forcément. Je ne suis pas capable de dire quel étudiant réussira son DEUG. On peut certes dessiner des profils de réussite.

Il est nécessaire d'informer les étudiants sur les diplômes. Plus l'étudiant a un projet professionnel précis et fiable, plus ses chances de réussite sont importantes.

L'orientation est une question difficile. Il faudrait avoir le courage de dire qu'il y a 10 % de places au CAPES de STAPS par rapport au nombre d'étudiants qui rentrent dans cette filière. Il faut résister aux effets de mode sans exclure telle ou telle catégorie d'étudiants.

M. le Président - M. Mailles, je vous remercie de la clarté de vos propos.

Audition de M. Jérôme MOURROUX,
Président de l'association Promotion et défense des étudiants (PDE),
de Mlle Solenne LE GOAZIOU et de M. Guillaume BRIANT,
administrateurs de la PDE

(17 décembre 2003)

M. Jacques Valade, président - Nous allons maintenant auditionner M. Jérôme Mourroux, président de l'association Promotion et défense des étudiants (PDE) qui est accompagné de Mlle Solenne Le Goaziou et M. Guillaume Briant, administrateurs de la PDE.

Notre commission procède à une série d'auditions concernant la situation actuelle de l'université au travers des deux éléments essentiels que sont la mise en place du LMD et l'évolution des structures universitaires.

Nous souhaitons connaître votre avis sur ces sujets. Je vous cède la parole en vous demandant de bien vouloir tout d'abord vous présenter et également présenter votre association.

M. Jérôme Mourroux - Merci, M. le Président.

L'association Promotion et défense des étudiants est une des quatre organisations étudiantes représentatives. Nous avons été créés en 1994. Nous sommes une confédération regroupant huit fédérations d'associations étudiantes.

Nous intervenons sur les campus, dans les conseils centraux d'université, les CROUS et l'ensemble des instances représentatives de l'enseignement supérieur avec des valeurs associatives. Notre association se déclare indépendante, apolitique et asyndicale.

Nous siégeons au Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (CNESER) et au Centre national des oeuvres universitaires et scolaires (CNOUS) et, à ce titre, nous intervenons sur l'ensemble de la politique sociale et de la politique générale de l'enseignement supérieur.

En ce qui me concerne, j'ai effectué une première partie de mon cursus à l'université de Pau, mon premier et deuxième cycle en administration économique et sociale. J'ai fait un DESS en gestion de ressources humaines à l'université de Bordeaux IV et je termine un DEA de sociologie des organisations à l'université de Paris Dauphine et je suis en cours d'inscription en thèse. J'ai été élu notamment au Conseil des études et de la vie universitaire (CEVU) de l'université de Pau.

M. Guillaume Briant - Je suis étudiant en DEA de droit international à l'université de Paris II. Auparavant, j'ai effectué mon cursus à Toulouse où j'ai été vice-doyen de la faculté de droit de Toulouse et vice-président étudiant du CROUS.

Melle Solenne Le Goaziou - Je suis étudiante en maîtrise administration économique et sociale et maîtrise droit des affaires à l'université de Versailles Saint-Quentin en Yvelines. Je suis présidente de l'association des étudiants en administration économique et sociale de Versailles et élue au Conseil des études et de la vie universitaire de Versailles.

M. Jérôme Mourroux - Par rapport aux différentes orientations, nous pensons que l'enseignement supérieur a besoin d'un encadrement plus d'ordre quantitatif que qualitatif. Malgré les prévisions, aujourd'hui l'évolution des effectifs étudiants est à la hausse dans certaines filières et nous sommes dans une logique d'augmentation de moyens pour accompagner cette hausse globale et non pas sur une amélioration qualitative. Nous nous félicitons des réflexions sur l'accompagnement social qui sont en cours.

La prévention de l'échec en premier cycle universitaire est une de nos priorités. On constate que l'encadrement et les nouvelles pédagogies universitaires sont relativement en retard dans leurs mises en oeuvre. Les moyens accordés dans l'encadrement des étudiants, notamment par le nombre des enseignants-chercheurs, sont relativement faibles. Ce taux élevé d'échec en premier cycle est une de nos principales préoccupations.

Du point de vue social, nous nous félicitons que les objectifs du plan social étudiant soient atteints et que notamment la barre des 30 % d'étudiants boursiers soit atteinte. Toutefois, il reste encore de grosses difficultés, notamment s'agissant du logement étudiant, de l'accueil des étudiants étrangers et de la mobilisation du parc locatif privé. Ces questions essentielles préoccupent énormément la population étudiante.

Concernant le projet de loi de décentralisation, le sujet des nouveaux statuts au niveau des CROUS est une question importante sur laquelle nous attendons des modalités concrètes de mise en oeuvre avec les collectivités et des efforts en matière de logement.

On pouvait s'attendre cette année à des efforts tout particuliers pour l'accueil des étudiants handicapés. Ce n'est pas le cas. Quelques universités, comme le campus de Grenoble, ont pris cette question à coeur mais globalement les moyens octroyés sont extrêmement faibles.

S'agissant de la réforme LMD, le mouvement dans les universités a été moins important que l'écho médiatique qu'il a pu recevoir. Sur les campus universitaires, la mobilisation a été faible. Jouant le rôle d'information par rapport à la réforme, nos associations sont intervenues et nous nous sommes rendus compte que la politique de communication et d'information autour du LMD était extrêmement faible. C'est un premier regret et une des causes de ce mouvement. Pour nous, c'est plus un problème d'information des étudiants sur les tenants et les aboutissants de la réforme LMD qu'un problème de fond.

Globalement, les établissements ont très peu pris en charge leur communication sur le LMD ou alors tout récemment du fait des mouvements. Sur les universités, comme Lille, Dijon, Toulouse, Grenoble, qui sont passées au LMD, les mouvements ont été extrêmement faibles. Dans ces établissements, les étudiants sont plutôt favorables à cette réforme. Les élus, en conseil d'université, ont participé et ont été des relais importants en terme d'information dans les universités qui sont passées au LMD.

En revanche, dans les universités où le mouvement a pris, on a eu l'impression que les étudiants ont eu peur du changement et que l'on a exploité cette peur, et quant une information relativement objective sur le LMD a été diffusée, ce mouvement s'est éteint.

Melle Solenne Le Goaziou - Sur l'université de Versailles Saint-Quentin en Yvelines, une large concertation a précédé l'adoption du système LMD qui est intervenue quinze jours avant le mouvement. Mais il y a eu un amalgame entre la réforme LMD et l'avant-projet de loi sur l'autonomie des universités. Le mouvement a commencé à prendre mais est très vite redescendu.

Il faut savoir que les mouvements ont essentiellement pris dans les UFR de sciences humaines.

En tant qu'élue, j'ai été consultée et il y a eu un large débat sur la mise en place des maquettes. Tous les étudiants ont été informés par l'université sur le LMD.

M. Jérôme Mourroux - Si le mouvement s'est développé tout particulièrement dans les UFR de lettres et de sciences humaines, c'est qu'il y a un malaise social étudiant sous-jacent.

Il y a aujourd'hui des problématiques étudiantes auxquelles nous n'apportons aucune réponse. Notamment, le sentiment pour certains étudiants d'être mis de côté. Dans les UFR de gestion, de sciences sociales, de sciences on à moins le sentiment d'être étudiant pour rien. Il y a une problématique de débouchés professionnels, de prise en compte de certains besoins d'encadrement dans certains UFR qui ont été au coeur du déclenchement de ce mouvement.

Il serait intéressant de se poser les véritables questions et pour nous cela relève de l'accompagnement social.

M. le Président - Donc, lorsque l'information est donnée, le système LMD ne marche pas trop mal.

L'harmonisation des diplômes au niveau européen est importante à la fois pour la mobilité mais aussi pour l'insertion professionnelle. Il faut aussi une visibilité suffisante pour éviter les disparités.

M. Jérôme Mourroux - La réforme LMD comporte deux volets. L'ensemble des étudiants est plutôt favorable au volet mobilité. La question est également celle des moyens. Certes, les bourses de mobilité européenne ont été prévues à la hausse par le projet de loi de finances pour 2004, mais sans lisibilité. Il n'existe pas de volonté politique d'accroître cette mobilité européenne voulue par les étudiants.

Le second volet se situe au niveau pédagogique, autour duquel se sont cristallisées de nombreuses critiques. Les critiques ont notamment porté sur l'articulation des deux cursus, la licence et le master. Des craintes sont apparues concernant le passage du cursus licence vers le cursus master. Dans plusieurs établissements, l'entrée dans le cursus master est aujourd'hui conditionnée par la validation de pré-requis, ce qui n'était pas le cas auparavant. Ce passage est donc organisé de manière assez restrictive pour certains étudiants. On donne l'impression d'organiser un nouveau modèle de sélection entre les deux cursus.

Une autre difficulté se pose entre les deux années du cursus master. Que deviendra l'étudiant qui sera bloqué à la fin du 2 e semestre de son cursus master ? La sélection qui existait auparavant entre le 2 e et le 3 e cycle persiste en plein coeur du cursus master.

Cette difficulté a été évoquée à plusieurs reprises dans les débats du CNESER lors de l'adoption de la réglementation LMD. Quelle sera la lisibilité du CV de l'étudiant lorsqu'il présentera un parcours qui aura été stoppé en plein coeur du cursus master alors même que son objectif est d'obtenir ce diplôme ?

Nous pouvons également comparer l'application de la réforme LMD avec un autre pays européen comme l'Italie. Les moyens octroyés à la mise en place de la réforme en France sont assez faibles. Dans le cadre de l'adoption de la réglementation LMD au niveau du cursus licence, l'article 13 prévoyait que 50 % au maximum des cours seraient magistraux. Une place majeure était donnée aux travaux dirigés et aux travaux pratiques, donc à une nouvelle pédagogie universitaire organisée autour de groupes réduits de travail. Nous ne comprenons pas que cette partie du volet pédagogique de la réforme LMD ait été complètement abandonnée et qu'au niveau du premier cursus les moyens n'aient pas été donnés pour mieux encadrer les étudiants.

L'accompagnement des étudiants constitue une nécessité pédagogique. La réforme instaure des cursus plus individualisés, plus souples où l'étudiant dispose de facilités pour choisir son parcours. L'étudiant a donc besoin d'être mieux organisé, mieux informé, mieux encadré au niveau des enseignements.

Toutes ces notions ont disparu. Certes, il reste le cadre d'harmonisation européenne, la visibilité des cursus de licence et master. Mais le volet pédagogique est malmené.

M. le Président - L'université propose une mise en place pédagogique et ensuite met en oeuvre la réforme. Le discours du ministre repose sur une meilleure utilisation des moyens dont dispose l'université, ce qui implique des redéploiements et des adaptations aux nouvelles formes d'enseignement. Il ajoute que si on constate que les moyens notamment en personnel ne sont pas suffisants, des moyens supplémentaires pourront être octroyés à l'université dans le cadre de contrats quadriennaux. Nous sommes dans une phase expérimentale. La bonne volonté de chacun doit s'exprimer.

M. Jérôme Mourroux - Le projet de loi de finances pour 2004 ne prévoit pas la création de poste d'enseignant-chercheur. La réforme se met en place sur quatre ans. Toutefois, il n'y a pas aujourd'hui de signe politique fort qui marque la volonté d'accroître les moyens d'accompagnement de cette réforme. Sur certains points, elle montre des faiblesses, qui ne doivent pas être ignorées. Il manque quelques signes qui auraient pu apaiser certaines craintes. Je pense que les taux d'échec dans les premières années universitaires ne diminueront pas.

S'agissant de l'avant-projet de loi sur l'autonomie des universités qui nous avait été présenté, nos critiques portent d'abord sur la confusion des discours sur ce texte. Il a suscité de nombreux mouvements de protestations. Pour notre organisation qui a soutenu ce projet tel qu'il est ressorti de la période de négociation, il est apparu que la communication faite autour a été très mauvaise.

Le projet de loi sur l'autonomie des universités nous semblait extrêmement important, notamment pour les étudiants. Il permettait ainsi de développer des politiques de site de vie étudiante par de nouvelles coopérations avec les collectivités territoriales, par exemple au niveau du logement, du transport ou des cartes de formation. Ces politiques ne peuvent être mises en place que par une mise en réseau de l'ensemble des acteurs que sont notamment les collectivités territoriales.

Un autre point important concernait les nouvelles coopérations avec les universités, c'est-à-dire le projet d'établissement public de coopération universitaire (EPCU). Aujourd'hui, des groupements d'intérêt public organisent ces relations entre les collectivités locales et les universités. La création de tels établissements offrait l'opportunité d'une véritable représentation étudiante qui pouvait mieux gérer des domaines qui aujourd'hui nous échappent en termes de démocratie étudiante. Ce projet était extrêmement intéressant.

Nous sommes aussi dans une culture d'évaluation très faible à tous points de vue. Ce point était donc primordial. Je citerai sur ce sujet le rapport du recteur Belloc.

Enfin, à travers le budget global, il était possible d'avancer sur de plus grandes cohérences. On critique assez régulièrement les réserves faites par les universités qui ne sont forcément le fait de leur responsabilité mais de leurs composantes et d'une politique de gestion qui mutualise peu.

Nous étions favorables aux dispositions présentées sur le budget global.

Nous étions également en faveur d'une vice-présidence étudiante qui était institutionnalisée et de la formation des élus étudiants qui permettaient de responsabiliser les établissements d'enseignement supérieur de manière accrue.

En fonction de ces différentes orientations, il est important de réformer la loi de 1984. Les craintes persistent car même si l'avis général est plutôt positif au niveau de nos associations, de nombreuses questions restent posées par exemple sur le conseil d'orientation stratégique qui associe les personnalités qualifiées. Les explications sur les dispositions présentées manquent.

Il n'est pas souhaitable que ce projet soit décortiqué en petites mesures ou abandonné sur le plan législatif. Il faut donner au niveau de l'enseignement supérieur un signe fort d'un projet d'envergure qui mette les universités françaises dans une logique de compétition dans laquelle elles sont inscrites mais peu armées.

Nous maintenons notre soutien dans les termes du projet de loi arrêté à la fin du mois de mai 2003. Nous espérons avancer sur des concertations.

M. Jacques Legendre - J'ai entendu parler du problème du logement étudiant, notamment lors d'une réunion à Lille avec les présidents d'agglomération et les présidents d'université du Nord où cette question a été fortement évoquée. Je voudrais demander quelques précisions supplémentaires.

La situation telle que je l'ai ressentie dans ma région est très inégale. Cela semble surtout être un problème de la métropole, et non pas des centres secondaires. Est-ce que vous constatez un problème de logement étudiant dans l'ensemble des sites universitaires ou est-ce qu'il est concentré sur quelques points du territoire ? Comment ressentez-vous également la question du logement pour les étudiants étrangers ?

M. Jérôme Mourroux - Sur cette question, les disparités sont assez importantes selon les académies et selon les villes. Dans le cadre de la décentralisation, nous espérons que les collectivités prendront toute leur place dans le financement, mais aussi dans une partie de la gestion du logement étudiant tout en consacrant le rôle des CROUS dans ses prérogatives. Dans certaines agglomérations, comme Lille, Montpellier ou Paris, la question est principalement quantitative. La problématique se situe à la fois en termes de réhabilitation mais surtout de construction. Les mesures attendues concernent l'accompagnement social, et la construction de futurs logements pour les étudiants.

Sur la question des étudiants étrangers, l'inquiétude concerne aujourd'hui l'opposition qui peut être faite entre politique internationale de l'établissement et accueil des étudiants. Par exemple, au niveau de l'université de Nantes, la politique d'accueil des étudiants étrangers est freinée à un moment donné car il n'est plus possible de la gérer en termes de logement. Les universités devraient pouvoir développer cette politique sans subir ce type de contrainte.

Une autre crainte forte est l'opposition qui peut exister au sein de l'université entre les étudiants français et les étudiants venant de l'étranger. C'est extrêmement dangereux de prononcer des choix en faveur de l'accueil d'étudiants étrangers au détriment d'étudiants français alors même qu'aucune mesure de mobilisation du parc locatif privé n'est mise en oeuvre. Il faut arriver à concilier accueil des étudiants étrangers et politique sociale.

M. le Président - Je vous remercie. Votre présentation est très consciente et responsable.

Audition de M. Michel DEYME,
Secrétaire fédéral de la branche enseignement supérieur
des Syndicats généraux de l'éducation nationale - Confédération française
démocratique du travail (SGEN - CFDT),
et de M. Dominique BROSZKIEWICZ,
Secrétaire fédéral de la branche ATOS du SGEN-CFDT

(17 décembre 2003)

M. Jacques Valade, président - Nous allons maintenant entendre M. Michel Deyme, secrétaire fédéral de la branche enseignement supérieur du SGEN-CFDT accompagné de M. Dominique Broszkiewicz, secrétaire fédéral de la branche ATOS du SGEN-CFDT.

Nous souhaitons connaître votre position sur la réforme LMD et sur l'évolution de l'université française.

Messieurs, je vous cède la parole en vous demandant de bien vouloir en premier lieu vous présenter.

M. Michel Deyme - Merci, Monsieur le Président.

La fédération SGEN-CFDT a une double organisation. Une organisation territoriale à travers des syndicats qui sont départementaux ou académiques, et également une structuration en branches professionnelles. Je représente la branche des enseignants du supérieur et Dominique Broszkiewicz représente la branche des personnels ATOS du supérieur.

Je suis maître de conférence de pharmacotechnie à la faculté de pharmacie de Châtenay-Malabry qui dépend de l'université Paris Sud.

Vous nous avez demandé notre position sur la mise en place du système européen de diplômes qui après bien des vicissitudes et des changements de nom s'appelle maintenant le LMD. C'est un système que le SGEN-CFDT a défendu publiquement. Nous l'avons fait à travers un certain nombre de communiqués de presse, y compris des communiqués communs avec des organisations comme la FAGE, la FCPE et l'UNSA. Nous sommes également intervenus auprès du M. Luc Ferry, peu après sa nomination, pour lui de demander de s'assurer que les arrêtés d'habilitation des formations seraient bien mis en oeuvre.

Sur le LMD, nous n'avons qu'un seul problème qui est celui de la façon dont on le met en oeuvre et la façon dont le ministère assure le suivi de cette mise en oeuvre.

Deux points nous ont chagriné. Le premier est un point structurel. Il était prévu des comités de suivi. Ils ont été mis en place effectivement mais très tardivement et c'est le reproche que nous avions fait à l'époque au ministère.

On se rend compte actuellement dans le fonctionnement des ces comités qu'ils permettent de préciser progressivement les choses. C'est-à-dire de faire en sorte que les universités puissent réellement expérimenter des formations nouvelles et des cursus qui soient mieux adaptés aux besoins de formations, tant fondamentaux que professionnels des étudiants, tout en gardant une vue d'ensemble du système et afin que les décisions prises par les établissement n'aillent pas à l'encontre d'une meilleure lisibilité de la totalité du système.

On sait qu'il y a des problèmes de vocabulaire, en particulier au niveau des domaines scientifiques, des spécialités et des mentions. Il est à la fois nécessaire que les établissements bénéficient d'un minimum de liberté et puis que pour les étudiants, en particulier ceux qui entrent à l'université dans le cycle licence, tout ceci ne soit pas trop touffu.

Ces commissions fonctionnent bien. Je peux dire, pour avoir participé aux premières réunions de la commission licence, que l'ensemble des participants apporte en général une contribution tout à fait constructive quelques soient les organisations auxquelles ils appartiennent.

Le deuxième point qui nous oppose plus énergiquement au ministère et au Gouvernement, c'est qu'à notre avis la mesure des moyens nécessaires à la bonne mise en oeuvre de ce système n'a pas été prise en compte en termes budgétaires. La mise en place de ces structures, avec ce qu'elles demandent de suivi des étudiants et de travail d'orientation, l'ensemble des tâches pédagogiques ainsi rajoutées seront effectuées par les enseignants-chercheurs. Mais ceci va se faire au détriment de ce qui est la base de leur raison d'être et qui est leur activité de recherche. Cela me semble extrêmement pernicieux.

S'agissant de l'évolution de l'université, il y a le cadre législatif et réglementaire actuel qui est l'arrière-plan de ce qui a été le projet de loi sur l'autonomie ou la modernisation des universités. On nous avait indiqué, lors des réunions avec le cabinet du ministre, que c'était un projet de loi indispensable à la survie des universités. Apparemment, la nécessité est maintenant beaucoup moins pressante.

Si j'en crois les communiqués, ce projet de loi est remis à 2007. En effet, il faut attendre que l'ensemble des universités ait expérimenté la mise en oeuvre du LMD et le calendrier de cette mise en oeuvre suit celui de la contractualisation des universités dont les derniers contrats seront renouvelés en 2006.

Ceci étant, nous n'avons jamais été demandeurs d'un projet de loi modifiant profondément le cadre législatif actuel. Nous pensons que le dispositif résultant de la loi de 1984 comporte énormément de possibilités et permet aux établissements de se structurer de façon variable avec des fonctionnements qui peuvent être adaptés pour la plus grande part à leurs besoins.

Nous pensons que l'on n'a pas encore épuisé toutes les possibilités qui sont ouvertes aux établissements qui veulent bien s'en donner la peine, par cette loi de 1984. Qu'ils s'agissent des collaborations avec les collectivités territoriales, de l'organisation des établissements, de la mise en place de comité ou de commission, de la création de conseils d'orientation stratégique, des moyens fournis aux membres des différents conseils.

Nous ne sommes donc pas convaincus de l'urgence ni même de la nécessité d'un remaniement important de cette loi de 1984, à l'exception de deux ou trois petites dispositions intéressantes comme la délégation de signature des présidents d'université.

M. Dominique Broszkiewicz - À l'intérieur de notre organisation, les personnels non enseignants partagent le même point de vue que les personnels enseignants.

S'agissant du projet de loi sur l'autonomie des universités qui avait été envoyé aux organisations syndicales, nous avons eu quelques craintes ou questionnements.

La notion de budget global nous pose quelques problèmes. C'est quelque chose de relativement nouveau imposé par la LOLF. Nous ne voyons pas la nécessité de l'appliquer aux universités de manière aussi mécanique sans un débat de fond préalable.

Concernant les relations avec les conseils régionaux, ce sont des réalités qui existent déjà et les personnels ATOS ont été un peu échaudés par les récentes décisions concernant la décentralisation.

M. le Président - Je ne comprends pas les raisons pour lesquelles les personnels, notamment techniques, n'envisagent pas favorablement leur transfert de la fonction publique d'Etat à la fonction publique territoriale, dans la mesure où une proximité de leur employeur présente des avantages, sans pour autant remettre en cause leur appartenance à la communauté éducative.

M. Dominique Broszkiewicz - C'est bien au nom de la communauté éducative que nous avons des craintes. Le SGEN-CFDT se prononce sans ambiguïté pour le principe de la décentralisation.

Dans l'éducation nationale, il y a une déconcentration qui existe déjà au niveau de la gestion des personnels. Notre organisation est très attachée à la notion d'équipe éducative. La soumission à une double hiérarchie -collectivités territoriales et ministère de l'éducation nationale- peut être source de tiraillements. Les régions peuvent être tentées également d'utiliser autrement ces personnels.

M. Daniel Eckenspieller - Je regrette cette résistance de principe à une évolution pourtant logique. La maintenance des collèges est mieux assurée depuis qu'elle relève de la responsabilité des départements. Dans les écoles maternelles, les professeurs des écoles qui relèvent du ministère de l'éducation nationale, et les aides maternelles qui sont sous la responsabilité des collectivités territoriales, travaillent en bonne harmonie.

M. le Président - Tous les élus sont attachés à la qualité de l'enseignement scolaire et supérieur. Les craintes exprimées me paraissent sans fondement. Par contre, je suis opposé à ce que les collectivités territoriales procèdent elles-mêmes au recrutement des enseignants car là, il y aurait de graves disparités.

Messieurs, mes chers collègues, je vous remercie.

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