B. HARMONISER L'APPLICATION DU PRINCIPE DE PRÉCAUTION AU SEIN DE L'UNION EUROPÉENNE

Le principe de précaution est reconnu dans certaines limites (proportionnel, non discriminatoire, provisoire et révisable) par l'Union européenne.

Mais les conditions réelles de sa mise en oeuvre sont différentes entre l'Union et les États membres.

On a ainsi vu récemment, dans l'affaire dite des semi-carbazides 82 ( * ) , que l'Agence européenne de sécurité des aliments (AESA) et l'AFSSA avaient émis des avis divergents, l'un défavorable à l'interdiction, l'autre réservé quant à son emploi.

Au-delà des différences d'appréciation scientifique, ces divergences proviennent d'une culture européenne encore très marquée par le principe de libre circulation des marchandises .

Mais un autre élément est susceptible d'intervenir, à l' échelon non des évaluations des risques, mais de leur gestion .

Les commissaires européens et les fonctionnaires européens disposent « d'une immunité de juridiction pour les actes accomplis par eux » ainsi que pour leurs écrits et leurs paroles.

Ce n'est le cas ni des ministres, ni des fonctionnaires français, appelés, le cas échéant, à en répondre devant la Cour de justice de la République ou devant le juge pénal.

A terme, il pourrait résulter de cette différence de statut juridictionnel autant de divergences de décisions qui pourraient rendre plus difficile l'harmonisation des conditions de gestion de la sécurité alimentaire dans l'Union européenne .

C. CONSOLIDER LES IDENTITÉS ALIMENTAIRES

Beaucoup de facteurs contribuent au maintien des identités alimentaires : ceux qui président à la formation des préférences alimentaires chez le jeune enfant ainsi que ceux qui résultent de la conscience qu'ont les firmes multinationales de l'ancrage de ces préférences chez les consommateurs.

Mais d'autres facteurs menacent ces identités : en particulier, la déstructuration des comportements alimentaires.

Le maintien de ces identités est doublement important pour un pays comme le nôtre.

Économiquement bien sûr, mais aussi sur le plan sanitaire, car la France, avec sa variété de références alimentaires liées à notre identité, appartient encore au cercle alimentaire des pays de l'Europe du Sud dont le modèle culturel génère des risques moindres de progression de l'obésité, et de déclenchement de maladies cardio-vasculaires.

Deux types d'actions pourraient contribuer à maintenir cette identité alimentaire.

1. Mieux transmettre la mémoire culinaire

Nous avons évoqué le risque d'une perte de mémoire culinaire corrélé avec l'augmentation du taux d'activité féminine et l'amputation du temps alimentaire.

Il serait souhaitable, à l'échelon local de référence, de généraliser les expériences tentées par des chefs de cuisine visant à sensibiliser les enfants des écoles et des collèges aux produits, à leurs variétés de goût et à leurs possibilités de préparation.

2. Mondialiser la différence

La mondialisation des échanges agroalimentaires recèle le risque d'une uniformisation mais peut porter aussi l'espérance d'une reconnaissance mutuelle des différences.

A cet égard, deux points doivent être mentionnés :

- d'une part, la défense des appellations et des indications européennes d'origine géographique ainsi que leur protection doivent être poursuivies, en particulier à l'encontre des pays qui estiment que les produits alimentaires sont génériques 83 ( * ) ,

- d'autre part, l'initiative « Origins », qui consiste à délivrer des appellations d'origine à des produits du Tiers-Monde, devrait être plus encouragée par une des institutions spécialisées de l'ONU .

* 82 Produits assurant l'étanchéité, et donc la sécurité microbienne, des petits pots pour bébés, dont certains travaux ont fait supposer qu'ils pouvaient être cancérigènes.

* 83 Curieusement, ce sont les mêmes qui poussent à breveter des gènes qui le sont aussi...

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