Rapport d'information n° 276 (2003-2004) de M. Joël BOURDIN , fait au nom de la commission des finances, déposé le 28 avril 2004

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N° 276

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SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2003-2004

Annexe au procès-verbal de la séance du 28 avril 2004

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le rapport de la Cour des comptes relatif au Centre national des structures des exploitations agricoles ,

Par M. Joël BOURDIN,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis, président ; MM. Jacques Oudin, Gérard Miquel, Claude Belot, Roland du Luart, Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Aymeri de Montesquiou, vice-présidents ; MM. Yann Gaillard, Marc Massion, Michel Sergent, François Trucy, secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; MM. Philippe Adnot, Bernard Angels, Bertrand Auban, Denis Badré, Jacques Baudot, Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Gérard Braun, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Jean Clouet, Yvon Collin, Jean-Pierre Demerliat, Eric Doligé, Thierry Foucaud, Yves Fréville, Paul Girod, Adrien Gouteyron, Hubert Haenel, Claude Haut, Roger Karoutchi, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, François Marc, Michel Mercier, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, René Trégouët.

Agriculture.

SOMMAIRE

Pages

AVANT-PROPOS 4

TRAVAUX DE LA COMMISSION : AUDITION CONJOINTE DE LA COUR DES COMPTES ET DU CNASEA DU 28 AVRIL 2004 6

ANNEXE : COMMUNICATION DE LA COUR DES COMPTES A LA COMMISSION DES FINANCES DU SENAT SUR LE CNASEA (1995-2001) 31

AVANT-PROPOS

Depuis son entrée en vigueur le 1 er janvier 2002, l'article 58-2° de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances 1 ( * ) a donné lieu à la transmission à la commission des finances du Sénat, sur sa demande, de neuf communications relatives à des enquêtes menées par la Cour des comptes, dont quatre au titre de l'année 2002 et cinq au titre de l'année 2003. Parmi ces communications, on citera notamment celles concernant la développement international d'EDF, le réseau des succursales de la Banque de France, le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) ou encore les services déconcentrés du ministère de la culture et de la communication, qui ont fait l'objet d'autant de rapport d'information de votre commission des finances.

En outre, au titre de l'année 2004, votre commission des finances a de nouveau demandé à la Cour des comptes la réalisation de quatre enquêtes portant respectivement sur les aides aux organisations non gouvernementales dans le cadre de l'aide publique au développement, la direction des constructions navales, l'établissement public Météo France, enfin les subventions d'investissement à la recherche universitaire.

Ainsi que votre commission des finances en a acté le principe, ces communications de la Cour des comptes ont vocation, après analyse par les rapporteurs spéciaux compétents, de nourrir sa réflexion et, si elle en décide la publication, conformément aux dispositions de l'article 58-2° précité, de contribuer au débat public.

Après avoir été destinataire de la communication de la Cour des comptes relative au Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles (CNASEA), portant sur les exercices 1995 à 2001, votre commission des finances a procédé le 28 avril 2004 à l'audition conjointe d'une part, de M. Jean-François Carrez, Président de la cinquième chambre de la Cour des comptes, d'autre part, de M. Gérard Moreau, président du CNASEA, accompagné par M. André Barbaroux, directeur général du CNASEA. En outre, participaient également à cette audition Mme Mireille Riou-Canals, directrice des affaires financière du ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales, et Mme Anne Le Moal, responsable de la mission des affaires financière au ministère de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale.

A l'issue de cette audition, dont le procès-verbal est reproduit dans le présent rapport d'information, votre commission des finances a décidé, en application des dispositions précitées de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances, de publier la communication de la Cour des comptes.

Le présent rapport d'information n'a d'autre ambition que d'éclairer les enjeux de l'évolution des missions et des modalités d'intervention du CNASEA, évolution qui a fait l'objet de certaines dispositions du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux discuté en première lecture au Sénat entre le 28 avril et le 18 mai 2004 .

Le présent rapport d'information met ainsi en évidence plusieurs difficultés liées notamment à la nature juridique ambiguë de cet établissement public administratif -dont la gestion financière et comptable est pourtant celle d'un établissement public à caractère industriel et commercial, en vertu des textes qui le régissent- à la procédure d'engagement des crédits du CNASEA ainsi qu'à l'articulation parfois problématique entre le budget du CNASEA et celui de ses deux ministères de tutelle.

TRAVAUX DE LA COMMISSION :

AUDITION CONJOINTE DE LA COUR DES COMPTES ET DU CNASEA DU 28 AVRIL 2004

Réunie le mercredi 28 avril 2004, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président , la commission des finances a procédé à l'audition conjointe de M. Gérard Moreau, président du CNASEA, et de M. Jean-François Carrez, président de la 5 ème chambre de la Cour des comptes, sur le rapport de la Cour des comptes relatif au Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles (1995-2001). Participaient également à l'audition M. Jean-Louis Chartier , conseiller maître à la Cour des comptes, M. André Barbaroux, directeur général du CNASEA, M. Yves Reynaud , trésorier payeur général, agent comptable, Mme Mireille Riou-Canals, directrice des affaires financières au ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales, et Mme Anne Le Moal, responsable de la mission des affaires financières de la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle, au ministère de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale.

Le procès verbal de cette audition est reproduit ci-après.

La séance reprend à 11 heures 15.

M. le président - Mes chers collègues, l'audition conjointe à laquelle nous allons procéder aujourd'hui est la sixième de ce genre résultant de l'application de l'article 58-2 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, qui prévoit la réalisation par la Cour des comptes, « de toute enquête demandée par les commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances sur la gestion des services ou organismes qu'elles contrôlent ».

A ce titre, la Cour des comptes a transmis à notre commission, en octobre 2003, une « communication » relative au Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles, portant sur les exercices 1995 à 2001. Cette communication a également fait l'objet d'un rapport d'observations définitives transmis le 14 octobre 2003 au Premier ministre, au ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales, au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ainsi qu'au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

Il m'a semblé, conformément à la procédure déjà suivie, qu'une audition conjointe du président du CNASEA, M. Gérard Moreau, et de son directeur général, M. André Barbaroux, en présence de M. Jean-François Carrez, Président de la cinquième chambre et d'autres représentants la Cour des Comptes d'une part, de représentants des deux ministères de tutelle du CNASEA, à savoir le ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales et le ministère de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale, d'autre part, était nécessaire et opportune au moment d'ailleurs où le Sénat s'apprête à débattre du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux, qui contient en son sein une disposition relative aux modalités d'intervention du CNASEA.

En effet, le rapport communiqué par la Cour des comptes à notre commission met en évidence plusieurs difficultés liées notamment à la nature juridique ambiguë de cet établissement public administratif, à la procédure d'engagement des crédits du CNASEA ainsi qu'à l'articulation entre le budget du CNASEA et celui de ses deux ministères de tutelle.

M. Jean-François Carrez, président de la cinquième chambre, présentera dans un premier temps le contenu du rapport sur le CNASEA communiqué à notre commission, puis les représentants du CNASEA et de ses deux ministères de tutelle pourront répondre aux observations de la Cour des comptes. Enfin, je vous inviterai, mes chers collègues, à intervenir si vous le souhaitez.

Conformément à l'article 58-2 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, il nous appartiendra à la fin de cette audition de statuer sur la publication du rapport transmis et qui, sur le plan juridique, est une « communication » de la Cour des comptes.

La parole est donc à M. Jean-François Carrez pour la présentation du rapport relatif au CNASEA sur la période 1995-2001.

M. Jean-François Carrez - Merci.

Une remarque préalable : le travail demandé par la commission des finances du Sénat impliquait la collaboration de deux chambres de la Cour des Comptes, la septième, qui a dans son champ de compétences l'agriculture, et la cinquième, qui a notamment dans son champ de compétences la formation professionnelle et l'emploi.

Il se trouve malheureusement que les deux présidents qui étaient présents au moment où ce rapport a été fait, et qui ont présidé les délibérations des chambres, ne sont plus en fonction. J'ai donc la charge de présenter un rapport dont je n'ai participé ni à l'élaboration, ni au délibéré par les chambres.

Les deux rapporteurs, ici présents, ainsi que le doyen Chartier, qui a joué un rôle important dans la synthèse des travaux, pourront au besoin mieux que moi répondre à vos questions.

Le rapport de la Cour s'applique à un organisme assez particulier, dans la mesure où il a été créé dans les années 65 pour mettre en oeuvre des mesures socio-structurelles qui visaient spécifiquement la modernisation et la transformation des exploitations agricoles, c'est-à-dire la mise en oeuvre de mesures concernant l'installation des jeunes agriculteurs, la modernisation des exploitations et le départ des agriculteurs âgés avec, déjà d'ailleurs, des compétences en matière de formation à destination des agriculteurs.

Le CNASEA a développé à partir de là une compétence d'opérateur spécialisé en matière de paiement de masse, qui a conduit ensuite à lui confier d'autres actions, dont certaines étaient dans la logique de celles qui avaient précédé, par exemple les mesures agri-environnementales, les ICHN ou des mesures en faveur de l'extensification, qui n'étaient jamais que des mesures en faveur de l'adaptation des exploitations agricoles ou des mesures communautaires relatives à ce domaine.

Le CNASEA a aussi été utilisé pour des opérations plus éloignées du point de départ, notamment le paiement de la charge de bonification des prêts agricoles ou la gestion des aides liées au service de l'équarrissage.

Parallèlement, à partir de 1981, le ministère chargé des affaires sociales s'est appuyé sur le CNASEA comme opérateur des politiques sociales de l'Etat, soit comme simple payeur et, accessoirement, fournisseur de statistiques -ce qui est le cas de toutes les opérations concernant les CES, les contrats emploi-consolidé, les contrats emploi-ville ou les emplois-jeune- soit comme véritable opérateur, et non simple payeur, assurant l'instruction et le contrôle des dossiers.

Les principales observations de la Cour, à partir de cette présentation, portent, d'une part, sur l'encadrement juridique de l'activité du CNASEA et, d'autre part, sur la gestion.

Sur l'encadrement juridique du CNASEA, la Cour a formulé quatre principales critiques.

En premier lieu, même si le décret statutaire du 29 août 2000 a réduit l'écart entre les missions statutaires et les activités réelles de l'établissement, il subsiste un écart qui a tendance à se recréer, du fait de la prise en charge par le CNASEA d'attributions nouvelles.

En particulier, la réforme statutaire de 2000 ne couvre pas la prise en charge des bonifications de prêts, ni l'équarrissage, ni l'assistance technique aux programmes communautaires, et encore moins certaines actions latérales, comme la prise en charge de dépenses de communication du ministère de l'agriculture lors de la mise en place du contrat territorial d'exploitation.

A cela, le ministre a répondu à la Cour que de nouvelles modifications statutaires étaient prévues dans le cadre de la loi sur le développement des territoires ruraux, d'une part pour recentrer la vocation du CNASEA sur la mise en oeuvre d'aides publiques, et pour faire mieux coïncider son champ avec les activités réelles, avec un groupe thématique agriculture-développement rural-aménagement du territoire, un groupe thématique formation professionnelle-emploi-insertion, plus l'équarrissage sui generis, ainsi que l'intervention pour le compte des collectivités locales.

La deuxième critique de la Cour porte sur un partage atypique de la fonction d'ordonnateur entre l'ordonnateur du CNASEA et les préfets et les services déconcentrés sur lesquels ils s'appuient, dispositif assez compliqué qui peut confiner à l'absurde si le CNASEA délègue sa fonction à son administration de tutelle et qui, pour l'instant, est contraire d'une part aux règles de la comptabilité publique et, d'autre part, pour un certain nombre d'interventions agricoles, à la réglementation communautaire.

Sur ce point, le ministre de l'agriculture avait répondu que le problème serait réglé par l'arrêté que l'on attendait pour l'application du décret d'août 2000 sur le statut du CNASEA. Cet arrêté du 26 février 2004 est paru un mois plus tard, mais sans les dispositions annoncées, faute, semble-t-il, d'accord entre les administrations concernées.

Troisième critique de la Cour : il n'y n'avait pas réellement de cadre juridique approprié pour encadrer les interventions du CNASEA en matière de formation professionnelle en faveur des collectivités locales, ce qui faisait que les interventions n'étaient pas sécurisées.

Sur ce point, la DGEFP et le ministère de l'intérieur nous ont annoncé qu'une solution serait apportée dans le cadre de la loi sur le développement des territoires ruraux. Ceci doit actuellement constituer l'article 71, mais je n'ai pas de précisions plus récentes.

Enfin, dernière critique sur la légitimité juridique des interventions du CNASEA : la Cour observait que le CNASEA continuait à être utilisé de manière parfaitement irrégulière comme support de la gestion de contractuels rémunérés sur des crédits européens d'assistance technique.

Sur ce point, le ministre de l'agriculture nous a indiqué qu'un premier effort avait été fait en 2004, dans le cadre de la loi de finances pour reprendre ces personnels comme contractuels de l'Etat et que la deuxième étape de cette régularisation serait effectuée dans le cadre de la loi de finances pour 2005.

En ce qui concerne la gestion du CNASEA, le rapport formulait trois critiques principales.

La première est que les ministères de l'agriculture et des affaires sociales attribuaient des subventions au CNASEA pour son fonctionnement qui ne correspondaient pas du tout à la répartition réelle des tâches.

En simplifiant, le ministère de l'agriculture ne couvrait que la moitié des coûts des interventions effectuées par le CNASEA à son profit et le ministère des affaires sociales était anormalement taxé pour « subventionner », si j'ose dire, le ministère de l'agriculture.

Je ne crois pas que nous ayons eu de réponse sur ce point.

La deuxième inquiétude de la Cour reposait sur le fait que l'équilibre financier du CNASEA n'était assuré, de manière importante, que par les produits financiers tirés du placement des fonds et, plus spécialement, des fonds destinés aux aides à l'emploi.

Ces produits financiers représentaient 34 millions d'euro en 2001, alors que les résultats globaux de l'établissement ont été déficitaires pendant quatre des sept exercices et n'ont jamais été fortement en excédent.

Il y a donc un risque relativement important pour l'équilibre financier du CNASEA, d'autant que les aides à l'emploi qui assuraient cette trésorerie et ces produits financiers correspondaient pour l'essentiel aux aides à l'emploi dans le secteur non-marchand, que la politique du Gouvernement vise à réduire au bénéfice des aides à l'emploi dans le secteur marchand.

Il y a là un risque de déséquilibre qui peut être important du fait de ce financement qui n'est pas réellement sain.

Enfin, dernière critique, la Cour notait les faiblesses du contrôle de gestion de performance et émettait par conséquent des doutes sur l'affirmation selon laquelle le CNASEA est plus rapide, plus efficace et moins coûteux que l'administration, si elle intervenait directement.

On a souvent justifié le recours au CNASEA par la nécessité de payer un certain nombre d'aides publiques impatiemment attendues par leurs bénéficiaires ; or, le contrôle des délais de paiement n'est pas véritablement bien assuré dans le système actuel. De même, en matière de coûts, le suivi de la productivité est mal assuré.

Sur ce point, le CNASEA nous a signalé qu'il avait constitué récemment un service « qualité de la gestion », qui a entrepris de s'attaquer à cet aspect du problème.

Voilà les principales observations de la Cour sur la gestion du CNASEA.

M. le président - Merci.

J'invite le président et le directeur général du CNASEA à exprimer leur propre point de vue et à répondre à ces critiques.

M. Gérard Moreau - Merci.

Quelques remarques générales. Vous le savez, un établissement public est une forme de décentralisation spécialisée par objet et non par territoire.

Si je poursuis l'analogie, son conseil d'administration est l'organe délibérant ; il représente le pouvoir législatif, l'exécutif appartenant au directeur général, le commissaire du Gouvernement assurant une forme de contrôle de légalité et d'équilibre général de l'établissement comme correspondant des ministères de tutelle.

Par ailleurs, au-delà de ce cadre juridique très clair, qui renvoie le CNASEA au droit général des établissements publics, dont il forme à lui tout seul une catégorie fondée sur un article législatif du code rural, le CNASEA est un organisme d'intervention technique et financière au service majoritairement de l'Etat, qui le commandite, comme un actionnaire majoritaire, pour exécuter un certain nombre de missions.

A l'évidence, entre le cadre juridique qui me semble clair, et le fonctionnement concret des politiques de l'Etat, nous relevons des difficultés quotidiennes ; c'est la vie et la pratique quotidiennes des politiques qui induit toute une série de questions, que soulève à bon droit le rapport de la Cour, qu'il faut naturellement résoudre progressivement si on n'arrive pas à les anticiper, comme l'expérience l'a montré.

Depuis deux ou trois ans, beaucoup de choses ont été faites : le statut du personnel, la mise en régularisation des emplois irréguliers, comme l'avait fréquemment soulevé le CNASEA lui-même, dans le portage que l'Etat avait imposé au CNASEA pour l'assistance technique des fonds structurels. Je relève qu'une décision interministérielle de l'an dernier a enclenché une mécanique de résorption. Par ailleurs, il faut noter avec l'arrêté de février que vient de citer le président Carrez qui régularise les contrôles du CNASEA et, naturellement, le projet de texte législatif qui vient devant vous dans les jours qui viennent et qui refonde en définitive la base législative et l'objet social du CNASEA, discussion entreprise depuis de longs mois -sinon de longues années- car le sujet qu'évoque la Cour est évidemment bien connu. Le directeur général comme moi-même nous y attachons avec les représentants de l'Etat pour trouver les bonnes formules. Je n'en dirai pas plus.

Au fond des choses, qu'est-ce que le CNASEA ? Le CNASEA est un organisme d'intervention technique et financière. L'Etat, voulant se recentrer sur ses missions essentielles de pilotage, de conduite et de définitions de politiques, a voulu externaliser, confier à une personne juridique distincte la gestion et l'exécution de missions particulières dans différents domaines.

Ces missions sont d'ampleur variable, mais vont de l'instruction des dossiers, selon les interventions confiées, à leur liquidation, à leur paiement, à leur contrôle, au recouvrement des indus et à la restitution statistique et parfois qualitative des interventions confiées au CNASEA.

C'est donc une mission d'ensemble à la disposition tant de l'Etat que des collectivités territoriales, puisque 18 % du budget du CNASEA relève de conventions, notamment régionales, parfois départementales, que les collectivités territoriales lui demandent de remplir avec cette ampleur à dimension variable.

De ce point de vue, la comparaison avec le réseau de la comptabilité publique n'est pas fondée, me semble-t-il, ni par la taille, ni par la nature.

Pour la direction de la comptabilité publique, le CNASEA représente d'une certaine manière un établissement pilote, qui anticipe certaines des évolutions du réseau de la comptabilité publique.

D'ailleurs, nous entretenons régulièrement des contacts avec la direction générale de la comptabilité publique.

Une avant-dernière remarque : il est vrai qu'en déléguant certaines des missions au CNASEA, l'Etat n'est pas allé jusqu'au bout de la logique de délégation ; en particulier, il a voulu garder le contrôle de l'attribution des aides individuelles.

L'ordonnateur du CNASEA mandate donc une aide dont il n'a pas pris la décision d'attribution et sans avoir délégué formellement son pouvoir de décision. En tant qu'organisme payeur, il agit donc irrégulièrement. Les textes pourraient préciser qu'il a compétence liée par une proposition de la DDAF ou bien, selon une formule proposée par la réglementation communautaire, il pourrait déléguer, sous certaines conditions précisées par convention, ses pouvoirs de décision à la DDAF. C'est cette position complexe qu'a retenue le ministre de l'agriculture. Mais cette convention, aujourd'hui, n'est toujours pas signée. D'où la difficulté juridique soulevée par le président Carrez, qui est d'ailleurs plus qu'une difficulté car, en droit communautaire, elle fait courir à la France des risques sérieux !

Je conclurai d'un mot en disant que la centralisation, aujourd'hui, qui fait que l'Etat s'efface en transférant aux collectivités territoriales toute une série de phases interpelle complètement le CNASEA, qui doit se retourner, comme il en a déjà l'habitude, vers les collectivités territoriales. C'est pour lui un défi, car il doit, face aux collectivités territoriales, aux régions ou aux départements, avec leurs nouvelles compétences, démontrer que c'est effectivement un outil efficace qui répond aux exigences et aux critères que la Cour évoque.

C'est bien, aujourd'hui, la question qui lui est largement posée. De ce point de vue, le CNASEA s'inspirera nécessairement des remarques de la Cour des Comptes, quel que soit le travail entrepris par ailleurs.

M. le président - Vous avez dit que, dans ce partage atypique des compétences, les textes étaient venus régulariser des situations contestables, et vous avez évoqué l'arrêté de février 2004, mais le président Carrez nous a dit que cet arrêté ne répondait pas à ce qu'on attendait de lui.

M. Gérard Moreau - L'arrêté de 2004 ne traite pas de la question de l'organisation des pouvoirs d'ordonnateur que j'évoquais en second lieu, qui est aujourd'hui, en droit, une compétence liée par les décisions déconcentrées.

L'arrêté régularise les contrôles de l'ordonnateur et du comptable exercés pour les crédits d'intervention de l'établissement ; il était nécessaire. A mon avis, l'avenir des contrôles comptables consiste non à contrôler un par un les paiements, mais à faire des contrôles adaptés, notamment par sondage, en regardant les risques encourus selon les types de paiements et des plans de contrôle élaborés.

Cet arrêté était prévu par les décrets de 2000 qu'a évoqués le président Carrez. Il est sorti en février 2004. Il ne traite pas et, selon moi, ne pouvait régler -même si j'aurais personnellement souhaité qu'il l'évoque- la question de l'articulation du pouvoir déconcentré de l'Etat avec le CNASEA. Ce sera au représentant de l'Etat de le dire mieux que moi !

M. le président - Les collectivités ne seront-elles pas amenées à faire des appels d'offres pour confier ces missions si elles recourent à l'externalisation ?

M. Gérard Moreau - Il me semble que l'Etat a externalisé les missions vers le CNASEA pour tirer partie des économies d'échelle que présente la gestion soit de procédures homogènes, soit la mutualisation d'une région à l'autre de procédures analogues.

Aujourd'hui, ces économies d'échelle fonctionnent soit, s'il s'agit de prestations, par appels d'offres ou mises en concurrence, soit, si nous ne sommes pas dans le secteur marchand, par discussions négociées et conventionnelles.

M. le président - J'invite M. Barbaroux à compléter votre propos.

M. André Barbaroux - Merci.

Jean-François Carrez a bien montré la particularité de cet établissement public un peu sui generis.

Il a été voulu ainsi par le législateur en 1965, qui n'avait d'ailleurs pas pris position sur sa nature juridique.

Aujourd'hui, c'est clair c'est un EPA, dont la gestion financière et comptable est celle des EPIC en vertu des textes qui le régissent.

La constante de l'histoire de cet établissement repose sur le développement de ses compétences souhaité par les pouvoirs publics, qu'il s'agisse de l'Etat à travers divers ministères -agriculture, travail, outre-mer, DATAR, environnement- de la presque totalité des régions ou de nombreux départements avec lesquels des conventions sont passées.

Pourquoi s'adresser à cet établissement public ? Celui-ci offre trois caractéristiques : tout d'abord, il est réparti sur l'ensemble du territoire : vingt délégations régionales ou interrégionales, sept bureaux, une mission à Mayotte, une intervention constante depuis vingt ans en Nouvelle-Calédonie pour participer à la répartition équitable des terres entre les communautés caldoches et canaques.

Deuxièmement, il s'agit d'un établissement public qui est réputé pour sa sûreté et une gestion qui permet de penser que les crédits sont correctement gérés et permettent d'avoir des rendus de gestion.

Je ne citerai que deux exemples récents. La semaine dernière, je me trouvais avec le président en Martinique. Le directeur général des services de la région nous a demandé si nous voulions bien prendre la gestion des ports de plaisance et des ports de pêche de la Martinique. Dans le même temps, il nous demandait de bien vouloir l'aider à résoudre un problème pendant depuis quinze ans, celui des délaissés du barrage de la Manzo.

Ayant fait valoir que c'était totalement hors de notre compétence, l'argument a été : « Oui, mais avec vous, on a confiance ! ».

Il faut prendre en compte ce genre de mécanisme qui, parfois, a des effets pervers. Nous étions en charge des assistants techniques en régions, ceux qui, dans les préfectures, gèrent les fonds structurels à notre corps défendant depuis l'origine, simplement parce qu'on considérait que le CNASEA était le seul à même de gérer de manière homogène et sûre l'ensemble de ces populations autrefois réparties dans de multiples associations.

Ceci a constitué pour nous des difficultés croissantes. En définitive, par un arbitrage rendu il y a quelques mois, il a été admis de supprimer cette gestion et d'en décharger CNASEA sur les années 2004 et 2005, opération qui, je dois le dire, se fait dans de bonnes conditions de régularité entre les principaux ministères concernés. Voilà donc une opération contestée par la Cour qui, heureusement, disparaît.

Autre remarque : ce développement d'activité a conduit, dans les faits, à ce que l'établissement soit toujours en avance sur le droit.

En 1991, dix ans après les premières interventions en matière de formation professionnelle, une loi est venue régulariser la gestion de l'établissement pour le compte du ministère du travail ; puis en 2000, peu de temps après l'avant-dernier passage de la Cour et d'une mission d'inspection général tripartite (IGA, IGAS, IGF), un décret avait essayé de mieux définir les compétences.

Actuellement, après plusieurs mois de travail, en liaison avec les tutelles, l'article 71 du projet de loi sur le développement des territoires ruraux, élargit notre champ d'action à la gestion des prêts bonifiés et des fonds structurels, en incluant même les aides à la pêche et surtout l'équarrissage, domaine extrêmement difficile à gérer. Cet article vise ainsi à nous doter d'une compétence qui corresponde à la réalité.

Le point III de l'article 71 pose cependant problème. Il tend à créer un droit exclusif pour le CNASEA, dans ses domaines de compétence et, en particulier, dans ce qui a trait aux actions, pour les régions, en matière de formation professionnelle et d'emploi.

Ceci signifie que si la région compétente ne veut pas exercer sa compétence ni la déléguer à un établissement public qui lui est rattaché, elle peut s'adresser directement au CNASEA, sans avoir besoin de passer par des procédures d'appel d'offres. On peut d'ailleurs s'interroger sur le fait de savoir si ces procédures ont vraiment lieu d'être, puisque la prestation que nous remplissons comporte le paiement de deniers publics pour lesquels il faut nécessairement un comptable public.

Par voie de conséquence, si concurrence il doit y avoir, elle ne peut être qu'entre un certain nombre d'organismes publics qui auraient le même type de mission : les Assedic, l'AFPA, le Trésor Public, l'ANPE et, éventuellement, la Caisse des Dépôts.

Plusieurs régions ne souhaitent pas faire d'appels d'offres et souhaitent continuer avec le CNASEA sous forme de conventions comme le Nord-Pas-de-Calais ou PACA ; d'autres, se pliant à des demandes de certaines chambres régionales des comptes (mais pas de toutes) lancent des appels d'offre telles la Bretagne, la Bourgogne, le Poitou-Charentes, le Languedoc-Roussillon.

S'agissant du problème du double ordonnateur ou de la relation entre le CNASEA et les préfets, il ne faut se voiler la face : la France n'a pas encore mis en conformité son droit national avec le droit communautaire.

Ceci lui est difficile car, en matière d'aides agricoles, notre tradition juridique est que le préfet décide or, aujourd'hui, c'est l'organisme payeur des fonds communautaires qui doit le faire. On n'aime pas, dans nos administrations, les phénomènes d'externalisation, de délégation à des organismes techniques. La difficulté est toutefois en voie de règlement.

M. le président - Vous n'avez pas répondu à la critique selon laquelle vous avez pris en charge des dépenses qui n'étaient pas couvertes par vos statuts, notamment des dépenses de communication.

M. André Barbaroux - Il s'agit de la gestion du fonds pour les CTE. Le CNASEA est gestionnaire de ce fonds et reçoit du ministère de l'agriculture, par tranche, au cours de l'année, les crédits qui permettent de rémunérer les bénéficiaires de contrats territoriaux d'exploitation, appelés désormais « contrats d'agriculture durable ».

Le Gouvernement, à l'époque, avait souhaité, pour favoriser le lancement des CTE qui étaient un dossier quelque peu complexe, faire une action de communication de grande envergure. Comme aucune disposition ne prévoyait sur ce fond la possibilité de faire de la communication, le ministère de l'agriculture nous a demandé de bien vouloir prendre en charge et de négocier un certain nombre de dépenses de communication selon des instructions très précises.

J'ai signalé à plusieurs reprises par écrit au commissaire du Gouvernement que cette pratique n'était pas conforme à la pratique budgétaire et que je souhaitais que soit créée une ligne « communication » sur ce chapitre. Ce qui fut, en définitive, fait.

M. le président - Avec quels crédits le financiez-vous ?

M. André Barbaroux - Avec les crédits du CTE.

M. le président - Quel est donc le rôle du commissaire du Gouvernement dans votre institution ?

M. André Barbaroux - Le commissaire du Gouvernement est gardien de la légalité.

M. le président - On a eu connaissance récemment d'autres difficultés dans le monde agricole, où on mettait en cause le commissaire du Gouvernement parce qu'il était témoin de ce qui apparaît contestable au plan juridique.

M. Gérard Moreau - Le commissaire du Gouvernement est représentant de l'Etat et suit les instructions de son ministre.

M. le président - On est en pleine schizophrénie !

M. Gérard Moreau - Non, pas vraiment : je ne peux pas refuser d'inscrire le point à l'ordre du jour du conseil d'administration et le conseil d'administration vote la délibération sur le sujet parce que l'Etat s'y trouve majoritaire.

Nous sommes dans la logique de ce que j'appelle l'Etat actionnaire, qui instrumente dans des conditions de régularité discutables, la communication n'étant pas à mon avis le pire des exemples.

M. le président - A quoi pensez-vous ?

M. Gérard Moreau - Lorsque, sous l'influence de l'Etat, l'établissement sort de son objet, il va au-delà de son statut. Je trouve cela tout à fait dommageable sur le plan juridique.

Qu'une action soit accompagnée d'une communication sur les crédits du fonds est peu discutable. On ne mène pas aujourd'hui une action de grande ampleur si on ne l'explique pas.

M. le président - Voulez-vous répondre maintenant, Madame ?

Mme Mireille Riou-Canals - Je souhaiterais porter à votre connaissance le fait que le ministère a pris, le 24 juillet 2001, un arrêté que je tiens à votre disposition, qui donnait une base juridique au financement sur le fonds de communication des CTE d'actions de communication.

Cet arrêté dit : « Les crédits nécessaires aux actions de communication et d'animation en faveur des CTE doivent être prélevés sur le fonds de financement des CTE ».

En son temps, la passation du marché avec le cabinet de communication qui a été retenu a été formellement votée par le conseil d'administration du CNASEA du 26 avril 2000. Ce n'est pas un marché passé par le ministère, mais un marché passé par la procédure de l'établissement, la personne responsable du marché étant, sur le plan formel, le directeur général du CNASEA.

Cette action de communication entrait d'ailleurs dans une campagne de communication globale, soumise à l'approbation du Premier ministre. Cet arrêté a tenté, a posteriori, d'apporter une régularisation de cette situation, que la Cour a déplorée à juste titre.

M. le président - La Cour est-elle satisfaite ?

M. Jean-François Carrez - La Cour exerce une pression qui n'est pas inutile, en particulier à la direction générale du CNASEA, lorsqu'elle est sollicitée par le ministre ex-abrupto pour résoudre un problème que l'on ne peut régler par les voies normales.

L'arrêté de février 2004 a répondu à une des critiques principales de la Cour, que je n'ai donc plus formulée, sur l'absence totale de fondement juridique des contrôles opérés par sondages.

Si cet arrêté a été pris, il faut bien dire que c'est d'une parce que la Cour est intervenue énergiquement sur le sujet et, d'autre part, parce que l'agent comptable, tenant compte des remarques de la Cour, a bloqué les paiements, ce qui a permis la parution de l'arrêté dans les jours qui ont suivi.

Je crois qu'il est relativement bon que la Cour soit pointilleuse sur ces sorties du champ de spécialités de l'établissement, faute de quoi il deviendrait un peu l'homme à tout faire ou chargé des basses oeuvres qui ne passent pas par les procédures normales.

Sur le cas particulier, il était anormal d'utiliser des fonds explicitement destinés à verser des aides aux agriculteurs pour une campagne de communication ministérielle.

M. Le président - Quel en était le coût ?

M. Jean-François Carrez - 3,2 millions d'euros de 2000 à 2002.

M. le président - Sur le partage atypique entre ordonnateurs, vous considérez avoir répondu ?

M. Jean-François Carrez - Le problème n'est toujours pas réglé quant aux ambiguïtés sur la fonction d'ordonnateur.

M. André Barbaroux - Une convention entre le ministre l'agriculture et le directeur du CNASEA est en discussion depuis plusieurs mois.

Elle devrait permettre d'organiser une délégation de gestion du CNASEA vers les préfets.

M. le président - C'est extraordinaire : l'Etat transfère des fonds au CNASEA, qui délègue ses prérogatives aux préfets. Les préfets pourraient ensuite les renvoyer au CNASEA ou à la CAF !

M. Gérard Moreau - Les crédits ne bougent pas. C'est l'articulation qui est en cause.

M. le président - Ne vaudrait-il pas mieux que l'Etat délègue directement aux préfets ?

M. André Barbaroux - La responsabilité de l'organisme payeur est la logique communautaire, mais ce n'est pas la logique française, qui mêle les pratiques anciennes et les nouvelles règles communautaires.

La Cour elle-même est partagée sur cette situation.

M. le président - Les fonds européens arrivent-ils directement chez vous ?

M. André Barbaroux - Oui.

M. le président - Combien avez-vous de fonds disponibles en permanence sur les fonds européens ?

M. Yves Reynaud - On reçoit les fonds deux jours avant de payer.

M. le président - L'Europe transfère donc les fonds à l'agence comptable du Trésor, qui les transfère au CNASEA, qui les transfère à l'Etat ?

M. Gérard Moreau - Non, c'est nous qui payons !

M. André Barbaroux - Mais c'est le préfet qui prend la décision d'attribution par exemple pour la dotation d'installation aux jeunes agriculteurs.

M. le président - Etes-vous trésorier payeur général ?

M. Yves Reynaud - Oui. Le circuit financier est très simple, on reçoit directement les fonds de l'Agent comptable central du Trésor. C'est le circuit administratif qui est beaucoup plus compliqué.

M. le président - Qu'est-ce qui pourrait empêcher le trésorier payeur général, dans chaque département, sur décision du préfet, de verser les fonds aux attributaires ?

M. André Barbaroux - Rien, si ce n'est que le circuit est un peu plus long, puisqu'il faut passer par le ministère de l'intérieur, qui délègue aux préfets de régions, qui délègue aux préfets de départements. Un choix différent a été fait par le gouvernement.

M. le président - C'est un vrai sujet pour la LOLF !

M. Yves Reynaud - On gère les fonds au titre du FEOGA-Garantie. C'est totalement différent des autres fonds structurels, qui passent par les circuits habituels.

Mme Mireille Riou-Canals - La Commission nous demande d'avoir des organismes payeurs qui doivent observer un certain nombre de règles. Le grand nombre de trésoreries départementales ou régionales les rend visiblement difficiles à contrôler pour la Commission. Nous avons ainsi transféré certains paiements dans la période récente vers un office d'intervention agricole - ce fut le cas de la prime à la vache allaitante - suite à ce type de difficultés avec l'Union européenne.

Pour nous, il était cohérent de confier à un organisme payeur la totalité des paiements.

M. le président - Il reste donc à régler la régularité de cette pratique. Avez-vous espoir de la voir aboutir rapidement ?

Mme Mireille Riou-Canals - L'arrêté du 26 février 2004 qui a pu être jugé décevant parce qu'il ne comportait pas la mention relative à l'organisation du système administratif. J'ai personnellement demandé à ce que cette mention soit retirée de ce projet de texte, après avoir consulté le président de la septième chambre.

Personnellement, il me semblait que ce type de dispositions devait au minimum relever du décret en Conseil d'Etat. Je ne me voyais pas signer un simple arrêté portant des conséquences aussi lourdes.

Cela toucherait au pouvoir des préfets. Il faut au minimum faire signer le ministère de l'intérieur. Je crois donc qu'il faut que ce soit fait par le Conseil d'Etat.

M. le président - Avez-vous espoir que ce texte, mis en forme, sera prochainement soumis au Conseil d'Etat ?

Mme Mireille Riou-Canals - La difficulté de fond, que tout le monde reconnaît, réside dans le rééquilibrage entre le pouvoir des préfets, des services de l'Etat et de l'opérateur qu'est le CNASEA.

Je ne suis pas sûre que l'on surmontera facilement la contradiction que soulevait le président Carrez. Je pense qu'il faut vraiment l'appréciation du Conseil d'Etat pour en sortir juridiquement.

M. le président - Troisième critique : pas de cadre juridique pour assurer la trésorerie de la formation professionnelle des collectivités locales.

M. André Barbaroux - Notre compétence en matière de formation professionnelle pour les collectivités locales rentre dans le cadre général de la compétence du CNASEA pour le financement pour le compte de l'Etat de la formation professionnelle.

Lorsqu'il y a eu décentralisation de cette action en 1995, l'Etat a indiqué aux régions qu'elles pouvaient s'adresser au CNASEA pour continuer à faire appel à lui, ce qu'ont fait à l'époque la totalité de celles-ci, sur la base de conventions.

L'ambiguïté qui est apparue plus tard a été de savoir si ces conventions pouvaient continuer à être négociées de gré à gré entre chaque région et le CNASEA ou si, au contraire, elles devaient faire l'objet d'appels d'offres.

La jurisprudence des tribunaux n'était pas fixée et les chambres régionales des comptes avaient des positions divergentes. Ainsi, certaines régions faisaient en effet des appels d'offres, d'autres avec la formule juridique très mal adaptée du mandat et d'autres enfin passaient des conventions directes avec le CNASEA sans appels d'offre préalables.

M. le président - Vous envoyez la balle dans le jardin de la Cour, si j'ose dire !

M. Jean-François Carrez - Il s'agit de l'application de textes récents pour lesquels l'étendue et la nature de l'obligation de la passation de marchés publics fait l'objet de discussions, bien au-delà du sujet qui nous occupe aujourd'hui.

On est dans une zone d'incertitudes et, pour l'instant, un certain nombre de points ne sont pas tranchés sur la manière d'appliquer la nouvelle réglementation des marchés publics. Le doyen Chartier peut utilement compléter cette réponse.

M. Jean-Louis Chartier - En effet, ce système a fonctionné pendant longtemps sur la base de conventions librement initiées entre les collectivités territoriales, essentiellement les régions, et le CNASEA.

Puis, on s'est aperçu que la réalité juridique était peut-être plus complexe qu'elle ne le paraissait à première vue, et les chambres régionales des comptes ont soulevé cette complexité, mais en apportant des avis qui n'étaient pas tous concordants.

Ce ne sont que des avis, car il y a des juridictions administratives compétentes pour trancher la réalité de ces conventions et des procédures suivies.

Nous nous sommes demandés si nous étions dans le domaine de la prestation de service ou du mandat.

Tout ceci est sous la réserve de ce que vient de dire le directeur général du CNASEA, mais dépend aussi de la notion de droit exclusif. En effet, le code des marchés n'est pas applicable lorsque le prestataire de services est soit le prolongement de la collectivité -ce qui est le cas du CNASEA- soit lorsqu'il bénéficie d'un droit exclusif.

Une des solutions est que les régions s'engagent dans des appels d'offres, le CNASEA ne bénéficiant pas d'un droit exclusif.

Il semble que le droit exclusif soit une solution envisagée dans l'article 71 du projet de loi sur le développement des territoires ruraux, mais il s'agit là d'une question d'opportunité qui appartient au législateur.

M. le président - La parole est à M. le rapporteur spécial du budget de l'agriculture.

M. Joël Bourdin - Dans le rapport de la Cour des comptes, on note que la délocalisation du CNASEA à Limoges, décidée en 1992 et intervenue en 2000, aurait affecté son fonctionnement durant dix années. Pouvez-vous nous dire pourquoi ?

M. André Barbaroux - L'histoire dira s'il était raisonnable ou non de délocaliser l'établissement. Tout ce que je sais, c'est que nous avons porté un fardeau énorme en faisant en sorte que les paiements soient toujours assurés. Cette charge est encore très lourde puisque 72 % de l'effectif a changé en l'espace de deux ans.

M. le président - A combien s'élève l'effectif ?

M. André Barbaroux - 1.650 personnes à peu près, 400 au siège et le reste en région.

Ce sont des personnels jeunes, extrêmement dynamiques, mais sans mémoire.

M. le président - C'est presque autant que la redevance télévision !

M. André Barbaroux - Tous nos correspondants sont à Paris, ce n'est un secret pour personne. Aujourd'hui, nous sommes installés ; ce n'est pas la peine de pleurer sur le passé. Cependant, cela a coûté cher tant financièrement que socialement.

M. le président - Avez-vous chiffré ce que cela coûte ?

M. André Barbaroux - 117 millions d'euros ont été affectés à la délocalisation, dont il faut défalquer les 11 millions représentant la vente de l'ancien siège à Issy-les-Moulineaux.

M. le président - La quatrième critique de la Cour portait sur la légitimité juridique du support de gestion actuel d'assistance technique.

M. André Barbaroux - Je crois avoir répondu que cette affaire s'était faite contre notre gré parce que nous savions gérer les personnels et qu'une centralisation au CNASEA est apparue préférable au gouvernement en lieu et place de multiples associations. Désormais, à notre demande insistante, un arbitrage interministériel il y a un an y a mis fin prévoyant la disparition de ces assistants techniques par réintégration dans les ministères, où ils travaillaient sur les gestions budgétaires 2004-2005.

M. le président - Des collaborateurs des ministères étaient donc payés par le CNASEA ?

M. André Barbaroux - Oui et mis à disposition sans que nous puissions discuter aucune des conditions d'embauche.

M. le président - Combien étaient-ils dans cette situation ?

M. André Barbaroux - Plus de 400.

M. le président - Nous avons des débats enflammés pour savoir si l'on crée 400 postes de fonctionnaires ou non et, pendant ce temps, 400 fonctionnaires que l'on ne voit pas sont payés par le CNASEA! Il s'agit d'une vraie turpitude !

Comment votre conseil d'administration fonctionne-t-il ? Chaque administrateur a-t-il une responsabilité personnelle ?

M. Gérard Moreau - Sur instruction du ministre. C'est le ministre qui est représenté. C'est le statut actuel.

M. le président - Si vous êtes administrateur et que vous avez un problème de conscience, vous démissionnez !

M. Gérard Moreau - Absolument. Je constate à la lecture des compte-rendus qu'ils n'ont pas démissionné et n'ont même pas voté contre !

M. le président - Combien reste-t-il d'assistants techniques ?

M. André Barbaroux - Un peu plus d'une centaine.

M. le président - Cela signifie-t-il que, dans les effectifs de la fonction publique d'Etat, on a vu apparaître 400 postes supplémentaires ?

M. André Barbaroux - Oui, mais vraisemblablement par substitution. Il s'agissait d'ailleurs de contractuels parce que les fonds structurels communautaires ont une durée de 6 ans ; par voie de conséquence, l'Etat ne voulait pas créer des postes pour des gens qu'il ne pourrait pas licencier en bout de course.

M. le président - Si l'on prend ceux-là plus ceux que le préfet fait de temps en temps payer par le conseil général, cela finit par faire beaucoup d'approximations dans la gestion publique !

M. Gérard Moreau - C'est l'anomalie la plus importante et tout à fait non justifiable.

M. le président - Une autre critique laissait entendre que le ministère des affaires sociales finance celui de l'agriculture.

Mme Anne Le Moal - En aucune façon, le ministère des affaires sociales n'a financé celui de l'agriculture. Effectivement, le ministère des affaires sociales paye, selon une comptabilité analytique, où figurent des ratios, l'équivalent temps plein attaché à des dossiers.

Tous les dispositifs que nous payons sont actuellement sous comptabilité analytique en termes de frais de gestion. Il n'y a pas de pourcentage : les choses sont vues dossier par dossier et on établit, en droit constaté, l'année d'après, l'activité réelle de l'établissement.

Nous payons la subvention uniquement sur frais réels. Effectivement, on pourrait craindre que des crédits liés aux frais de fonctionnement de certains dispositifs emploi et formation professionnelle n'aient pas cette finalité précise à un moment donné de l'exécution budgétaire.

Voilà ce que je peux en dire. Je n'ai pas les clés financières et budgétaires pour dire -et je m'en remets à la Cour- que nous avons subventionné des frais de fonctionnement qu'aurait dû le ministère de l'agriculture. Les affaires sociales ne s'autorisent pas à jeter un regard sur ce que doit l'agriculture au CNASEA, sinon par la responsabilité de ses administrateurs.

Mme Mireille Riou-Canals - Le ministère de l'agriculture reconnaît que la subvention de fonctionnement au CNASEA est historiquement sous-basée.

M. le président - Savez-vous que la LOLF vous oblige à la sincérité ?

Mme Mireille Riou-Canals - Cette situation est en cours de règlement.

Nous avons fait un premier pas sur le budget 2004 puisque la subvention de fonctionnement de l'établissement lui-même a été portée à 22,5 M€, soit une augmentation de 7,2 % par rapport à 2003.

Dans le projet de loi de finances pour 2005, nous prévoyons de rattraper le reste de l'écart et de porter la subvention du ministère de l'agriculture à 38 M€, au vu des besoins exprimés dans la comptabilité analytique de l'établissement.

Ce serait donc une dotation en rapport avec les véritables dépenses de fonctionnement de l'établissement.

Les crédits sont inscrits sur le chapitre 44-41, qui comporte, en bloc, tous les crédits de transfert. J'espère que cette proposition ira jusqu'au bout de la négociation budgétaire.

En tout état de cause, toute l'administration est sensibilisée au fait qu'il nous faut porter la dotation à son niveau normal.

J'espère donc que le projet de loi de finances pour 2005 règlera la question.

M. le président - M. Bourdin l'a bien noté et veillera au respect de ce que vous venez d'annoncer.

M. André Barbaroux - En 1994, une inspection générale tripartite avait déjà estimée que la subvention du ministère de l'agriculture pour le fonctionnement du CNASEA au sens strict était sous-basée.

En 1995, la Cour des comptes, dans sa précédente revue, avait dit que la subvention du ministère de l'agriculture était sous-basée.

En 2001, l'inspection générale tripartie a estimé que les choses devenaient dramatiques, car non seulement la subvention du ministère de l'agriculture était toujours sous-basée mais, de plus, les produits financiers qui servaient à combler l'insuffisance allaient cesser d'exister. La Cour avait dit la même chose.

Pour 2005, nous anticipons 13,5 M€ de produits financiers. Désormais, nous ne pouvons plus assurer le fonctionnement de l'établissement, si un rebasement majeur n'intervient pas.

M. le président - On en vient à la critique suivante : 34 M€ de produits financiers en 2001. Cela veut dire que vous aviez à peu près un milliard d'euros de trésorerie disponible.

Les affaires sociales -qui ont beaucoup d'argent, comme chacun sait- mettraient-elles à votre disposition un milliard d'euros en disant : « Ce sera autant de soustrait à la vigilance du Parlement » ?

M. Yves Reynaud - Compte tenu du volume des fonds gérés, on joue simplement sur les différentiels de trésorerie. Ces petits ruisseaux finissent par faire des sommes importantes. On a en permanence 400 à 500 M€ devant nous, mais on les dépense en deux semaines.

M. le président - Je croyais que l'agence France Trésor avait pour mission de centraliser toute la trésorerie de l'Etat !

M. Yves Reynaud - L'autre solution serait que l'on ait un compte courant sur l'Etat.

M. le président - Ce serait plus simple !

M. Yves Reynaud - C'est une suggestion qui a été faite.

M. le président - Ne pourrait-on la reprendre au nom de la commission des finances ?

M. André Barbaroux - La solution qui avait été retenue pour le CNASEA, en accord avec le ministre des finances était que les réserves de sécurité puissent être placées dans le circuit du Trésor. Ces placements permettant de financer le fonctionnement en temps que de besoin.

M. le président - Cela n'a pas de sens au plan budgétaire. Ceci échappe à notre contrôle ! De telles pratiques ne sont pas justifiables : il faut y mettre un terme !

M. Paul Loridant - L'agence France Trésor a été constituée pour centraliser toute la trésorerie de l'Etat. C'est aberrant !

M. le président - Absolument !

Mme Anne Le Moal - En trésorerie, tous les dispositifs que gère le CNASEA font l'objet d'un versement mensuel. Or, sur l'établissement, il nous avait été demandé de préserver une trésorerie de 21 jours. Nous nous mettons donc en capacité d'apporter une facturation liée à des régularisations de l'état réel des consommations avec un système d'avances pour permettre le paiement du mois d'après.

C'est rééquilibré tous les mois ; en fin de gestion, on enlève le fonds de roulement qui avait été constitué-ce qui est assez rare pour un tel établissement. En cours d'année, on a une visibilité la plus affinée possible au regard de la réalité de la prestation effectuée par l'établissement.

Il n'y a pas de décalage réel. On ne participe pas à un enrichissement de l'établissement au-delà de cette réserve, qui est indispensable au fonctionnement hebdomadaire de l'établissement.

M. le président - Objectivement, il n'y aurait pas d'inconvénient à ce qu'ils aient un droit de tirage sur une ligne chez France Trésor. Cela ne poserait aucune difficulté. Ce serait infiniment plus simple et les ministères auraient à négocier le montant de la subvention qu'ils doivent verser pour assurer le fonctionnement de l'établissement.

Dernière critique des faiblesses de gestion et de performance : l'auto-évaluation faite par le CNASEA aboutit à une conclusion très positive et gratifiante, ce que conteste la Cour.

M. André Barbaroux - Notre système de contrôle de gestion nous paraissait performant. La Cour a estimé que ce n'était pas le cas.

Nous avons donc décidé d'ajuster notre système de contrôle de gestion, d'abord par la création d'un service qualité et contrôle de gestion chargé du pilotage de l'affectation des moyens, à partir de ratios, de l'appréciation des conditions dans lesquelles nous intervenons.

Nous avons découvert -mais nous nous sommes attelés à y remédier- que nous pouvions avoir des délais de traitement de certains dossiers très différents selon nos sites.

Nous avons donc lancé une enquête à ce titre. Nous nous sommes aperçus que certains délais nous étaient effectivement imputables mais qu'il existait aussi des délais amont qui nous ont amenés à négocier soit avec les directions de l'agriculture, soit les directions du travail, au titre de la politique de qualité pour obtenir une transmission des dossiers dans des délais brefs.

L'apport de la Cour a donc été positif, puisqu'il nous contraint à revoir assez fortement notre système d'évaluation de nos prestations.

Mme Anne Le Moal - Je n'ai pas de remarques particulières à faire sur ce dispositif. Il est peut être connu et indiqué dans quelques directions départementales, mais ce n'est pas, en général, le travail pratiqué par l'ensemble des directions départementales.

Merci au CNASEA de l'avoir relevé. Cela nous permettra de nous améliorer et d'apporter une vigilance à ces dossiers. Cela prouve tout l'intérêt et l'utilité de ce type de contrôle.

M. Jean-François Carrez - Une remarque sur la gestion de trésorerie : la solution préconisée est certainement régulière, mais elle va aboutir à réduire fortement les ressources de l'établissement.

Or, le CNASEA, voit sa structure de coûts, notamment salariaux, se rigidifier à un rythme rapide, avec des recettes qui paraissent encore plus fragiles qu'auparavant.

Dernière remarque, nous sommes bien entendu dans notre rôle en faisant un certain nombre de critiques ; il reste que le CNASEA est un organisme réactif et qui réussit à payer de très nombreux bénéficiaires - agriculteurs, mais aussi bénéficiaires d'aides à l'emploi ou stagiaires de la formation professionnelle - pour qui les sommes versées constituent un élément important voire exclusif du revenu, et qui donc en ont besoin à dates extrêmement tendues et sans incident. Plusieurs millions de paiements annuels sont opérés dans des conditions dont on parlerait beaucoup plus s'il y avait des problèmes.

M. le président - Nous sommes une commission parlementaire chargée de vérifier l'efficacité de la dépense publique ; nous n'avons qu'une préoccupation : assurer le bon fonctionnement des institutions.

Nous ne portons pas de jugement. Nous exerçons un devoir de vigilance et rien d'autre. En tant que législateurs, nous sommes souvent dans des contradictions au moins aussi affligeantes que celles qui caractérisent les gouvernements.

L'exercice auquel nous nous livrons peut nous aider à faire preuve nous-mêmes d'une plus grande rigueur dans nos démarches législatives. Il y en a donc pour tout le monde : le Parlement lui-même sait se remettre en cause !

La parole est à Joël Bourdin.

M. Joël Bourdin - La Cour a observé que le CNASEA, sur un certain nombre de points, ne respectait pas les règles de la comptabilité publique ni les règlements communautaires pour les aides cofinancées par le FEOGA. Les irrégularités affectant les opérations bénéficiant des concours financiers européens exposent-elles la France à devoir rembourser celles des aides qui seraient jugées indûment allouées ?

M. André Barbaroux - Les remarques de la Cour portaient sur le contrôle des dépenses d'intervention du CNASEA, qui n'étaient pas conformes au décret de 1962 sur la comptabilité publique.

Le décret d'août 2000 a prévu la possibilité d'un système de contrôle spécifique et l'arrêté qui vient de paraître voici deux mois a réglé cette affaire. Le champ est donc parfaitement clair.

Par contre, le problème de la multiplicité d'ordonnateurs est un sujet qui revient depuis deux ans. Il s'agit d'un défaut de clarification des missions entre le directeur général du CNASEA, ordonnateur de l'organisme payeur, et les autorités gouvernementales sur le terrain, qui prennent des décisions qui, logiquement, devraient revenir à l'ordonnateur de l'établissement.

Je pense qu'il faut passer par le stade de cette convention que je citais, qui aura un effet psychologique et formateur. En effet, les préfets admettent difficilement qu'un organisme payeur puisse remettre en cause certaines de leurs décisions qui, pourtant, sont parfois illégales au regard du droit public ! Nous ne nous privons pas, Yves Reynaud et moi-même, parfois, de dire non lorsque c'est justifié.

Cette phase est nécessaire pour pouvoir ensuite aller vers le décret que Mme Riou-Canals a évoqué, mais je pense qu'il faut tout d'abord une certaine pédagogie sur le terrain.

M. Gérard Moreau - Il y a un risque complémentaire que le directeur général a bien en tête, des prêts bonifiés.

Les conditions de certification des bonifications ne sont pas aujourd'hui remplies. C'est un des gros enjeux de cette année. Si cela ne fonctionne pas bien, ce n'est pas le CNASEA qui sera en cause, mais les finances publiques.

Mme Mireille Riou-Canals - Cela dit, le système de gestion a récemment fait l'objet d'une réforme complexe.

Cette réforme a été présentée à la DG 6, qui l'a approuvée et qui considère que, pour l'avenir, elle règlera la question.

La Commission a fait valoir qu'il pouvait exister des difficultés d'apurement des comptes. Les prêts bonifiés sont en effet cofinancés par l'Union européenne, dans le cadre du règlement du développement rural.

La Commission a fait, sur le fond, trois remarques. Elle a tout d'abord indiqué que nous avions un taux de contrôle sur place et dans les banques insuffisant ; la seconde remarque a porté sur la traçabilité de chaque prêt dans le système de gestion ; en troisième lieu la Commission a estimé que les taux d'intérêt pris en compte pour rémunérer les banques étaient historiquement trop élevés.

Depuis l'année dernière, nous avons mis en place un dispositif de conventions avec les banques, qui distingue une part de rémunération de la gestion des prêts par les banques ; cette part doit baisser d'ici 2006. Il existe un accord interministériel sur ce point. Cette solution a été présentée à la Commission, qui considère qu'elle convient.

M. le président - A-t-on chiffré cette sur-rémunération des banques ?

Mme Mireille Riou-Canals - Nous sommes parvenus à démontrer à la Commission qu'historiquement, les taux payés avaient été corrects. Nous avons simplement encadré les conditions d'appels d'offres, si bien que les exigences des banques n'ont pas pu continuer à monter, notamment quant à la rémunération des services qu'elles rendent en gérant les dossiers.

S'agissant de la certification des factures, nous avons prévu un système d'audit de la gestion de ces prêts dans les banques, qui sont validés par le CNASEA. Ceci est prévu dans les conventions que l'Etat a passées avec chacun des réseaux distributeurs de prêts bonifiés.

Les banques doivent donc ouvrir leurs portes à des agents du CNASEA qui vont vérifier si la facturation des charges de bonification est correcte. Ces opérations sont sur le point de débuter. Le CNASEA a déjà réalisé des audits sur l'exercice antérieur. Nous devons encore auditer plusieurs années antérieures.

Ces audits doivent se réaliser en 2004 au plus vite, afin que nous ayons un système complètement fiabilisé en vue de son cofinancement par l'Union européenne.

M. Joël Bourdin - L'articulation entre le budget du CNASEA et la dotation du ministère de l'agriculture n'est pas toujours respectueuse de l'autorisation parlementaire.

Des décisions modificatives, prises en cours d'année, ont conduit à une répartition des crédits différente de celle des lois de finances et ne vont pas dans le sens du budget adopté par le Parlement.

Le ministère de l'agriculture a-t-il assaini sa pratique en ce domaine ?

Mme Mireille Riou-Canals - La Cour relève en effet deux sources de discordance entre les crédits votés en loi de finances initiale et l'exécution qui est ensuite faite à travers la gestion du CNASEA, avec l'accord de ses tutelles ou sur instructions des tutelles. Je comprends la sensibilité de cette question pour la commission.

D'une part, la Cour relève que des décisions modificatives, en particulier, ont pu conduire à une répartition de crédits différente de celle prévue en loi de finances. Elle relève en outre la confusion introduite par la ventilation des mesures agricoles dans le budget du CNASEA entre la procédure des ressources affectées et celle des ressources propres des établissements.

En second lieu, une remarque connexe relève que des dépassements de crédits ont pu être observés et que les décisions modificatives ont permis d'ajuster les crédits du budget CNASEA, même en l'absence de modification parallèle dans le budget de l'Etat.

On retrouve ici le problème des ordonnateurs. Les conditions d'engagement des crédits du CNASEA permettaient difficilement de limiter les dépenses aux crédits disponibles, notamment du fait que les aides sont octroyées par le Préfet, ordonnateur de fait, qui, jusqu'à une période récente, n'avait pas connaissance des crédits disponibles.

Le ministère de l'agriculture est particulièrement soucieux de garantir le respect de l'autorisation budgétaire et considère que le rapport de la Cour a soulevé à juste titre tous les inconvénients qui résultent des pratiques antérieures.

Il est indéniable que cette sorte de fongibilité interne qui a été pratiqué dans le budget du CNASEA, manquait de fondement juridique sous le régime de l'ordonnance de 1959.

En préparant la maquette des futurs programmes prévus par la LOLF, le ministère a en quelque sorte, tiré les conséquences de ce besoin de flexibilité de gestion. Nous avons par exemple regroupé dans le même programme les actions liées à un investissement dans les exploitations et les aides à l'installation.

Au sein d'un même programme, les difficultés de cette nature seront en quelque sorte aplanies par cette structuration budgétaire et le régime de la LOLF.

D'autre part, le ministre a reconnu que le caractère fluctuant de la gestion des aides, soit en ressources affectées, soit en ressources propres, posait des problèmes. En accord avec la direction du budget, nous avons demandé en 2002 au CNASEA d'inscrire à partir du budget 2003 l'intégralité des crédits nationaux d'intervention agricole en ressources propres.

Ceci va faciliter l'articulation entre le budget du ministère et le budget de l'établissement, améliorer la lisibilité du budget du CNASEA et nous permettre de suivre plus facilement son exécution par rapport au budget du ministère.

Un point important répond à une préoccupation qui a été émise plusieurs fois ce matin : l'ensemble des dispositifs d'aide a été placé sous le système des enveloppes de droits à engager. Nous avons mis les aides versées par le CNASEA sous enveloppe. Ces enveloppes sont soumises au visa préalable du contrôleur financier près le ministère, en même temps que l'engagement des crédits budgétaires correspondants.

Ces enveloppes sont notifiées aux préfets. C'est ce qui commence à régler en pratique une partie de la question.

Pour les mesures pluriannuelles, les enveloppes tiennent compte des engagements pris au cours des années précédentes. En cours d'exercice, ces enveloppes doivent être adaptées.

Ce système a pour but de permettre l'information de tous sur le plafond des crédits de chaque mesure et, d'autre part, de n'autoriser la conclusion par les préfets d'engagements juridiques que dans la mesure ou la délégation régionale du CNASEA aura pu procéder préalablement à l'engagement comptable nécessaire.

C'est un remède pratique que nous avons décidé de mettre au point pour limiter les inconvénients évoqués tout à l'heure. De toute façon, la LOLF prévoit que l'ensemble des crédits sera géré dans un régime d'autorisations d'engagements. Le dispositif des enveloppes de droits à engager nous paraît donc aller dans le sens de ce qu'il faudra faire à partir de 2006.

M. le président - Merci d'anticiper l'application de la loi organique sur les lois de finances.

Merci aux uns et aux autres d'avoir accepté cette audition conjointe, qui aura permis d'éclairer la commission des finances.

Nous devons maintenant nous prononcer sur la publication du rapport de la Cour, qui sera complétée par le compte rendu de l'audition d'aujourd'hui.

Je consulte la commission pour avoir son accord. La commission est d'accord.

ANNEXE

COUR DES COMPTES

I. COMMUNICATION A LA COMMISSION DES FINANCES DU SÉNAT

RAPPORT RELATIF AU

CENTRE NATIONAL POUR L'AMÉNAGEMENT

DES STRUCTURES DES EXPLOITATIONS AGRICOLES

(1995-2001)

A. OCTOBRE 2003

II. INTRODUCTION

Inscrit au programme de la Cour des comptes pour l'année 2003, le contrôle des comptes et de la gestion du centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles (CNASEA) a en outre fait l'objet d'une demande d'enquête, par lettre du 7 février 2003, de M. Jean Arthuis, président de la Commission des Finances du Sénat, au titre de l'article 58-2° de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances selon laquelle : « La mission d'assistance du Parlement confiée à la Cour des comptes par le dernier alinéa de l'article 47 de la Constitution comporte notamment : [...] 2° La réalisation de toute enquête demandée par les commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances sur la gestion des services ou organismes qu'elle contrôle. Les conclusions de ces enquêtes sont obligatoirement communiquées dans un délai de huit mois après la formulation de la demande à la commission dont elle émane, qui statue sur leur publication... ».

Le contrôle du CNASEA a porté sur les exercices 1995 à 2001 2 ( * ) . Les constatations ont été actualisées en tenant compte des données les plus récentes disponibles à l'époque de l'instruction. Le contrôle a été conduit à partir d'entretiens au siège et dans les délégations régionales d'Ile-de-France, de Lyon, de Limoges et d'Amiens ainsi que dans les associations départementales pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles (ADASEA) de la Somme et du Nord, complétés de questions écrites. Les tutelles ont également été rencontrées ou questionnées par écrit de même que des représentants de la commission de certification des comptes des organismes payeurs (CCCOP). Enfin, le contrôle a pu s'appuyer sur les rapports établis par des organismes extérieurs aux CNASEA, relativement nombreux dans le secteur agricole, et notamment celui de la mission d'audit de trois inspections générales (des finances, de l'agriculture et des affaires sociales) conduite dans l'établissement en 2001 et 2002.

L'instruction a été close le 23 juillet 2003 par l'audition du directeur général de l'établissement et des représentants des tutelles après qu'un relevé des constatations provisoires de la Cour leur eut été communiqué.

Le présent document contient les constatations définitives retenues par les 5 ème et 7 ème chambres de la Cour, chacune pour ce qui la concerne, à l'issue de cette procédure contradictoire, dans leurs séances tenues le 24 juillet 2003.

TITRE I.- LE CNASEA ET SON CONTEXTE

I. I.- LES GRANDES CARACTÉRISTIQUES

A. A.- LA NATURE JURIDIQUE DU CNASEA

Le CNASEA a été créé par une loi du 29 novembre 1965, codifiée à l'article L. 313-3 du code rural, pour assurer l'application des dispositions législatives et réglementaires d'aide à l'aménagement des structures agricoles et mettre en oeuvre des actions socio-structurelles concourant à la modernisation et à la transmission des exploitations agricoles ainsi que différentes actions dans le domaine de la formation et de l'emploi dans le secteur agricole. Au cours des années, l'établissement a étendu son activité à la gestion d'autres aides agricoles, puis, à partir de 1981, à celle des aides à la formation professionnelle et à l'emploi confiées par le ministère du travail, puis par les régions dans le cadre de la décentralisation. Il a enfin assuré des prestations de services pour la gestion des fonds structurels européens.

Cette évolution a creusé l'écart entre la réalité des activités exercées par le CNASEA, d'ailleurs le plus souvent confiées par la loi, et les missions qui lui sont confiées par ses statuts mettant ainsi à mal le principe de spécialité applicable à tout établissement public. Il faut attendre la loi du 3 janvier 1991 pour que soit reconnu au CNASEA le soin de mettre en oeuvre « différentes actions dans le domaine de la formation et de l'emploi », puis le décret du 29 août 2000 modifiant le décret d'origine du 22 décembre 1966 fixant les modalités d'organisation et de fonctionnement du CNASEA pour combler, et encore de manière tardive et incomplète, ce décalage entre les textes et la réalité. L'appellation de « centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles » traduit donc très imparfaitement ses activités actuelles.

La nature juridique du CNASEA a donné lieu à discussion depuis plus de trente ans tant cet organisme présente des particularités traduisant la volonté de l'exonérer des contraintes que lui imposerait un statut juridique de droit commun.

Etablissement public à caractère administratif (EPA), doté d'un agent comptable, il se voit cependant appliquer, pour sa gestion financière et comptable, en vertu de l'article R. 313-29 du code rural, les dispositions du décret du 29 décembre 1962 relatives aux établissements publics industriels et commerciaux (EPIC). Le décret du 29 août 2000 prévoit cependant que le comptable peut déroger aux dispositions prévues à l'article 12 du décret de 1962 en exerçant par sondages les contrôles applicables aux aides payables avant service fait, dans des conditions qui devraient être fixées par un arrêté toujours non publié en juillet 2003.

Un autre décalage pourra être relevé entre les règles de la comptabilité publique et la pratique suivie, l'ordonnateur de l'établissement, son directeur général, ne faisant souvent qu'endosser les décisions prises en dehors de l'établissement par les préfets, conformément d'ailleurs aux textes régissant les dispositifs concernés.

Trente huit ans après sa création, la nature juridique de l'établissement reste ambiguë.

La réforme statutaire du décret du 29 août 2000 a pris en compte les critiques et les souhaits exprimés, notamment par la Cour, d'une modification de la composition du conseil d'administration qui tienne compte de l'évolution des activités du CNASEA, sans toutefois aller jusqu'au bout de cette logique.

Deux représentants du ministère chargé de l'emploi et de la formation professionnelle ont fait leur entrée au conseil d'administration, réduisant d'autant la représentation de l'agriculture, ainsi qu'un représentant du ministère chargé de l'environnement en remplacement de celui chargé de la sécurité sociale. Le conseil d'administration qui compte toujours 20 membres (plus le président) et est resté paritaire (Etat/représentation de la profession agricole), compte également un représentant de la délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale (DATAR), du budget, du trésor, des corps de contrôle (traditionnellement un membre de la Cour des comptes). Concernant la représentation des organisations syndicales, la parité ne joue qu'au seul bénéfice des professions agricoles, comme à l'origine.

L'équilibre entre les deux ministères n'existe d'ailleurs pas davantage pour le collège des représentants de l'administration, puisque l'agriculture a un siège de plus que le ministère chargé de l'emploi qui n'en a que deux et surtout dispose du siège du Commissaire du Gouvernement et du Commissaire suppléant 3 ( * ).

C'est également le seul ministre de l'agriculture qui propose la nomination du président du conseil d'administration et du directeur général.

Concernant les membres à voix consultative, relativement nombreux pour couvrir le champ d'action de l'établissement, les représentants des syndicats représentés au comité technique paritaire (CFDT et SYCATEA) font leur entrée au conseil d'administration.

Cette réforme n'a cependant pas été complète : il subsiste un déséquilibre réel dans le traitement des deux domaines puisque, si globalement le conseil d'administration connaît de la même manière des programmes des deux ministères, il a à se prononcer spécifiquement sur des sujets agricoles, relativement nombreux du reste du fait de compétences obligatoires. Dans le domaine du ministère de l'emploi, l'ordre du jour du conseil d'administration comporte rarement de débats en dehors du compte rendu d'un groupe de travail « formation professionnelle et emploi » qui expose l'exécution du programme.

Enfin, concernant sa direction, l'établissement public est marqué par une remarquable et exceptionnelle stabilité - qui doit être soulignée - puisqu'il n'y a eu que trois titulaires depuis la création et que le directeur général actuel vient de passer le cap de douze ans de fonctions.

Au total, le CNASEA apparaît comme un établissement public rentrant difficilement dans un cadre juridique bien défini. La composition de l'instance délibérante a été élargie au secteur de l'emploi et de la formation. Mais ses deux tutelles techniques étant, en même temps, donneurs d'ordre, bailleurs de fonds et contrôleurs de l'établissement, cette confusion des fonctions marque l'absence d'autonomie réelle de l'organisme.

B. B.- L'ORGANISATION DE L'ÉTABLISSEMENT

Dès l'origine, d'une part le CNASEA a développé une implantation territoriale déconcentrée en directions régionales, d'autre part, il s'est appuyé sur des associations départementales conventionnées (les ADASEA) : ce cadre départemental était logique en 1966, précisément au moment où le ministère de l'agriculture créait les directions départementales de l'agriculture (DDA) regroupant génie rural, eaux et forêts et agronomie, au début des grandes lois agricoles sur l'orientation et les structures. Outre les services du siège, l'établissement compte aujourd'hui vingt délégations régionales dont quatre dans les départements d'outre-mer. La représentation locale du CNASEA est aussi assurée par sept bureaux installés dans les villes sièges des régions ne disposant pas de délégations régionales et exerçant uniquement des activités dans le domaine de l'emploi et de la formation professionnelle ; deux services départementaux (Dordogne et Gironde) compensant l'absence d'ADASEA dans ces deux départements, ainsi que deux missions, à Mayotte et en Nouvelle-Calédonie.

Cette organisation a fort peu évolué depuis l'origine. Pendant la période sous revue sont intervenues la création de la délégation régionale (DR) de Limoges qui n'a été que la compensation de l'abandon - que l'on pensait assuré en 1996 - du transfert du siège, et celle de Caen constituée par scission des DR d'Amiens et de Rennes dont il était jugé qu'elles couvraient des zones trop vastes (6 régions pour 2 DR).

C. C.- L'ACTIVITÉ ET LES MOYENS

Dans le cadre de la mise en oeuvre de la délocalisation du siège, une circulaire du Premier ministre, en date du 25 janvier 2000, présente ainsi le CNASEA d'aujourd'hui : « outre son rôle de gestionnaire de programmes de l'Etat, de l'Union européenne et des collectivités territoriales en faveur principalement des agriculteurs, le CNASEA est devenu un opérateur spécialisé dans le paiement de masse, notamment des mesures d'aides à la formation professionnelle et à l'emploi ».

L'activité principale du CNASEA consiste en effet à verser des aides aux bénéficiaires des politiques de l'agriculture, de la formation professionnelle et de l'emploi (FPE). Ces dépenses se sont élevées à 7,43 Md€ en 2001 contre 5,37 Md€ en 1995, soit une augmentation de 38 %.

En 2001, le secteur FPE représentait les trois quarts des dépenses d'intervention de l'établissement avec 5,5 Md€ contre 4,1 Md€ en 1995. Les dépenses agricoles s'élevaient respectivement à 1,93 Md€ et 1,24 Md€, soit une hausse de 55 % concentrée sur l'année 2001. Ces dépenses agricoles sont financées à hauteur de 30 % par l'Union européenne.

Les coûts de fonctionnement sont passés de 111,9 M€ en 1995 à 152,45 M€ en 2001, soit une hausse de 36 %, les charges de personnel en représentant plus de la moitié. L'établissement rémunérait 2009 personnes à la fin de l'année 2001, soit une augmentation de 15 % par rapport à 1995, en relevant cependant que plus de 20 % d'entre elles ne travaillaient pas pour lui. Le CNASEA subventionnait en outre 533 emplois conventionnés dans des organismes départementaux 4 ( * ) qui rémunéraient par ailleurs 607 personnes sur leurs ressources propres. Le total des effectifs présents dans ces structures départementales, y compris emplois jeunes, s'établissait ainsi à 1 140 agents.

D. D.- LE CONTRAT D'OBJECTIFS ENTRE L'ETAT ET LE CNASEA

La pratique de contractualisation entre l'Etat et les établissements publics ne s'est appliquée que très récemment au CNASEA avec la signature, le 12 décembre 2001, d'un contrat d'objectifs portant sur la période 2001-2004.

Outre divers points qui seront examinés dans le cours de ce rapport, il peut être relevé que ce document se borne à décrire les missions de l'établissement sous forme de différentes fonctions assorties d'objectifs qualitatifs, d'indicateurs et de valeurs cibles à l'énoncé trop souvent vague ou renvoyant à une définition ultérieure. Il définit un plan d'action dont on pourrait penser qu'il s'agit d'un document interne reprenant ce que l'on attend d'un établissement public correctement géré ; mais trop de mesures dépendent des résultats de la mission interministérielle d'audit de 2001-2002 qui n'ont toujours pas fait l'objet, à la date d'élaboration de ce rapport, de traductions concrètes.

Enfin, en fonction de l'évolution des missions de l'établissement et des modalités de leur réalisation, des avenants pourront intervenir au cours de la période.

Au total, ce document ne constitue pas un contrat dans la mesure où seul le CNASEA se voit rappeler ses missions et récapituler les actions à mener, l'Etat ne prenant quant à lui aucun engagement. Quant aux objectifs, ils sont limités et assortis d'indicateurs fixés de manière trop vague pour être réellement opérationnels.

II. II.- LA DÉLOCALISATION DU SIÈGE DE L'ÉTABLISSEMENT

La délocalisation, imposée au CNASEA comme à d'autres établissements publics, a affecté profondément son fonctionnement pendant plus de dix ans, avec des péripéties qui mettent en lumière les incohérences fortes d'une politique de délocalisation mal maîtrisée.

A. A.- UNE OPÉRATION LONGUE DANS UN PROCESSUS CHAOTIQUE

1. 1.- les péripéties de la délocalisation

Le transfert du siège à Limoges a été décidé par le gouvernement lors du comité interministériel d'aménagement du territoire (CIAT) du 29 janvier 1992. Mais alors que le CNASEA semblait prêt à tenir l'échéance de 1997, ayant notamment élaboré et adopté en 1994 un plan social d'accompagnement, la délocalisation a été remise en cause en 1996 : à cette date, elle s'est révélée mal engagée juridiquement, techniquement et financièrement.

Juridiquement, le conseil d'administration du CNASEA a dû délibérer formellement en 1994 pour accepter le transfert (avec avis défavorable du comité d'établissement) du fait de l'annulation par la juridiction administrative de plusieurs opérations pour non-respect de procédures touchant les établissements publics.

Techniquement, des difficultés sont apparues avec l'architecte concepteur qui avait mal évalué le projet (dépassement global de 39% à l'ouverture des plis) et ne paraissait pas capable de réduire les coûts, ce qui a conduit le CNASEA à constater la rupture du contrat aux torts exclusifs du titulaire. Le litige avec l'architecte s'est terminé par un protocole d'accord en décembre 1999, après intervention du comité consultatif national de règlement amiable des litiges relatifs aux marchés publics, pour un coût de 0,7 M€.

Financièrement, surtout, les problèmes budgétaires du ministère de l'agriculture ont pris le pas sur la délocalisation. Lors d'un débat budgétaire à l'Assemblée nationale le 24 octobre 1996, 24,85 M€ ont été repris sur la provision financière constituée en vue de la délocalisation, au profit du fonds de gestion de l'espace rural.

Alors qu'à la suite de cette décision l'établissement se considérait comme exonéré de la délocalisation (son conseil d'administration ayant voté l'abandon du projet en décembre 1996), l'opération fut relancée par le nouveau gouvernement, qui, le 15 décembre 1997, décida en CIADT le principe d'un certain nombre de transferts tout en préconisant, à la différence de 1992, un nouveau processus décisionnel. Dans ce cadre, les trois ministres concernés demandèrent le 20 février 1998 à un expert indépendant 5 ( * ) un rapport, remis le 9 juin 1998, sur les conditions de mise en oeuvre et le calendrier.

Le CNASEA a alors estimé inutile de reprendre des travaux déjà menés lors de la première phase et, après la confirmation de la délocalisation, il s'est uniquement consacré au traitement des problèmes sociaux entraînés par cette décision (cf. infra ). Le 3 juin 1999, lendemain de la signature d'un protocole d'accord avec le personnel, le conseil d'administration a délibéré et lancé l'opération de construction du nouveau siège à Limoges.

2. 2.-impacts sur la gestion et l'implantation de l'établissement

La relance de la délocalisation n'a pas contribué à faire progresser les réflexions sur l'organisation du CNASEA puisque seule a été envisagée l'hypothèse d'un transfert à l'identique, sans que soit mise en perspective une redistribution des taches avec le réseau déconcentré. Toutefois, la délocalisation a servi d'aiguillon pour progresser sur la réforme des statuts de l'organisme (décret du 29 août 2000) et pour mettre au point un nouveau statut du personnel (décret du 19 juillet 2002).

De même, la signature le 12 décembre 2000 d'un contrat d'objectifs avec le gouvernement a paru le moyen d'afficher, à défaut d'assurer, une sorte de garantie d'un plan de charge, rassurant le personnel sur l'avenir de l'activité de l'établissement, très liée aux fluctuations des interventions ; cette opération a ainsi fourni l'occasion de consolider le champ de compétences et d'activité du CNASEA vis à vis de ses deux principaux « clients », les ministères chargés de l'agriculture et de l'emploi.

Enfin, l'opération de construction elle-même s'est déroulée dans de meilleures conditions que lors de la première phase, dont le CNASEA a su retenir les leçons en cherchant à éviter les difficultés rencontrées avec le premier concepteur. Le schéma du maître d'ouvrage délégué, aux côtés du maître d'oeuvre et d'un bureau d'études, a été complété par un intervenant supplémentaire chargé d'organiser le pilotage et de coordonner les travaux.

Le nouveau siège est une construction de 12 588 m² de SHON 6 ( * ) et 8 772 m² de surface utile pouvant accueillir 487 agents, sur 6 niveaux, le terrain de 6 397 m² étant fourni par la commune, en centre-ville.

Le coût de construction estimé au niveau du concours de maîtrise d'oeuvre est de 23,68 M€ pour un investissement présenté lors de la pose de la première pierre, le 3 juillet 2001, de l'ordre de 26,20 M€, financé par le seul CNASEA avec un emprunt de 25 M€ et la vente du siège actuel d'Issy-les-Moulineaux. Le chantier lui-même a été conduit dans des conditions qui n'appellent pas d'observations, notamment sur les délais, l'échéance de l'été 2003 ayant été tenue. Le CNASEA a voté à deux reprises des extensions pour faire face à des besoins nouveaux, qui ont pu être intégrées lors de l'avancement du chantier ; le coût global, prenant en compte ces extensions, se monte à 27,20 M€.

Ce transfert du siège a une double conséquence en matière de locaux, sur ce qui restera à Paris et sur l'existant à Limoges.

Une antenne parisienne subsistera dans les locaux actuels, propriété du CNASEA, de la rue du Cherche-Midi (690 m²). Resteront à Paris une vingtaine d'agents : le service de la formation, l'inspection générale et l'audit, le gestionnaire des personnels mis à disposition, la cellule de communication et, à titre temporaire selon les indications du CNASEA, le correspondant du programme informatique Présage, conformément à une demande de la DATAR.

La signature de l'acte de vente des locaux du siège à une filiale d'un grand groupe, pour 11,2 M€, est prévue pour l'automne.

Sur Limoges, le CNASEA doit supporter les conséquences du dispositif de compensation mis en place en décembre 1996 en contrepartie de l'abandon du premier projet : la création d'une nouvelle délégation régionale reprenant les dossiers du Limousin traités à Clermont-Ferrand ainsi que d'une antenne du siège composée de services centraux (recouvrement- cellule d'appui aux développements informatiques). Les locaux achetés (0,55 M€) et aménagés (0,57 M€) ont accueilli 70 personnes dès la fin 1997, en priorité des personnels embauchés en Limousin qui avaient été placés au siège dans la perspective de la délocalisation. Les trois services centraux cités ci-dessus rejoignent désormais le nouveau siège, les surfaces ainsi libérées devant être utilisées pour un service de secours pour l'informatique et des locaux d'archives en sous-sol pour le siège. Reste une délégation régionale, à Limoges, dont la raison d'être initiale a disparu.

B. B.- LES CONSÉQUENCES À LONG TERME SUR LA GESTION DES RESSOURCES HUMAINES

1. 1.- les mesures sociales d'accompagnement

Dès la première phase, un protocole de « mesures sociales d'accompagnement de la délocalisation du siège » était intervenu le 21 décembre 1994, issu de négociations par l'intermédiaire des deux organisations syndicales représentatives, CFDT et SYCATEA.

La deuxième phase a conduit, après des négociations difficiles, à la signature le 2 juin 1999 d'un nouveau protocole faisant intervenir un médiateur 7 ( * ) désigné par le ministre de l'agriculture. Le protocole signé entre ce médiateur et les organisations syndicales n'a pas eu cependant la même portée que le dispositif précédent. Les mesures nouvelles qu'il comportait ont dû donner lieu à des autorisations ponctuelles, en attendant qu'elles soient reprises dans le nouveau texte portant statut du personnel du CNASEA. C'est dire que les turbulences sociales ne cessèrent pas en juin 1999, d'autant que les personnels ne comprenaient pas les réserves des tutelles alors qu'il leur avait paru qu'ils négociaient avec « un représentant mandaté par le gouvernement ».

Le bilan social fait apparaître dans ses statistiques les importants remous créés dans l'établissement. Ainsi les années 1999 et 2000 ont été l'occasion d'actions du personnel et se sont traduites par des irruptions dans les conseils d'administration (l'un fut même reporté par précaution) ou des manifestations, comme au salon de l'agriculture. L'activité n'a cependant jamais été bloquée. Ces revendications ne pouvaient que se conclure par des mesures coûteuses pour les finances publiques. En outre, le système adopté, reposant pour la plus grande part sur des décisions du ministre du budget souvent antérieures à la base juridique constituée par l'article 41 du décret du 21 juillet 2002 et non sur un texte spécifique, ne répond pas à la règle de transparence des indemnités, ce qui laisse à penser que l'Etat n'a pas souhaité assurer publiquement les conséquences financières de sa décision de délocalisation.

Les trois principes de cet accompagnement social, traduits dans les protocoles successifs, n'appellent pas de critiques particulières mais ne sont pas sans conséquences :

- le premier principe, appliqué dès le premier dispositif, est la règle du volontariat : les personnels ne souhaitant pas aller à Limoges peuvent être mis à disposition dans les services et organismes à Paris, à condition de les trouver. La masse des agents mis à disposition contre remboursement (MAD) ne sera pas négligeable à l'issue du processus ;

- le deuxième principe vise à éviter les défaillances de personnel au moment du transfert par un système de tuilage, en centrant les nouveaux recrutements sur la province, en encourageant les mutations des DR vers le siège, et en recrutant directement des agents en sureffectifs. Ces emplois de précaution ne pouvaient conduire qu'à un gonflement des effectifs sans lien direct avec le niveau d'activité ;

- le troisième principe est celui du cumul de tous les dispositifs généraux d'accompagnement des délocalisations avec les mesures spécifiques à l'établissement, ce qui a pour conséquence d'augmenter le coût de la délocalisation.

L'opération a ainsi conduit à un cumul d'aides financières : mise en place en 2000, une indemnité « différentielle » de départ (pour les agents ayant au moins 55 ans et 15 années d'ancienneté effective au CNASEA ou dans un organisme assimilé) garantit 70 % du salaire brut journalier de référence et ce jusqu'à la retraite à taux plein, et au plus tard à 65 ans. De même, une indemnité « transactionnelle » de départ, en sus de l'indemnité de licenciement (pour les agents ayant 5 ans d'ancienneté au moins), remboursable s'il y a recrutement dans un emploi public dans les cinq ans, et qui ne peut excéder six mois de la rémunération indiciaire brute, a été décidée en 2000. Le dernier avatar de cet empilement de dispositions prévues dans le protocole est une lettre du ministre du budget du 31 mars 2003 autorisant le remboursement des entretiens d'embauche pour les conjoints d'agents du CNASEA dans la limite de trois déplacements.

Le tableau fourni en annexe 1 synthétise l'application de ces différentes mesures, prises dans des conditions peu transparentes, dépassant largement le droit commun, et se caractérisant par la diversité de leurs objectifs puisqu'il s'agit d'aider ceux qui se délocalisent mais aussi, majoritairement, ceux qui refusent le départ.

Ces mesures sont suivies par le directeur général adjoint et par une cellule rattachée à la direction générale, qui comporte 7 personnes (deux de plus qu'un an avant) dont une à Limoges pour l'accueil. S'est également réuni à Limoges, comme cela se fait habituellement, un comité de suivi avec les services de l'Etat et les collectivités territoriales pour les questions concrètes de l'accueil : scolarité, logement et surtout emploi des conjoints.

A la fin de 2002, ces mesures représentaient plus de 4 M€ de dépenses (hors bonification d'intérêts) dont plus de la moitié provient des indemnités différentielles (40 cas) et transactionnelles (28 cas). Les dispositifs de droit commun, indemnité spéciale de décentralisation et complément exceptionnel de localisation en province, ne comptent que pour 11% du total des dépenses (51 cas).

Les conséquences du dispositif sur la gestion du personnel sont importantes : augmentation des effectifs et de la masse salariale ; turn over spectaculaire (80% par exemple à l'agence comptable) conduisant à une perte de la mémoire 8 ( * ) ; rigidification de la masse salariale notamment par la transformation des contrats à durée déterminée (CDD) en contrats à durée indéterminée (CDI) ; constitution d'une imposante catégorie de personnels qu'il faudra gérer sur le long terme : les mises à disposition remboursées (MAD).

2. 2.- l'impact à long terme des mises à disposition remboursées

Le 25 janvier 2000, sept mois après le protocole d'accord, le Premier ministre, par circulaire aux ministres et secrétaires d'Etat, a fixé un cadre et des objectifs d'accueil par ministère pour 145 agents (à comparer aux 88 qui avaient opté en première phase), en faisant supporter la moitié de l'effort aux deux ministères de l'agriculture et de l'emploi (en incluant celui fait précédemment), et la seconde moitié aux autres ministères au prorata de leurs effectifs réels de fonctionnaires et agents publics implantés en région Ile-de-France. Un dispositif de conventions agent-organisme d'accueil et organisme d'accueil-CNASEA a été mis au point.

Pour appuyer cet engagement fort du gouvernement, le comité pour l'implantation territoriale des emplois publics (CITEP) a été chargé d'un rôle particulier dans cette opération. Il a assuré, avec la direction générale et un comité où sont représentés les personnels du CNASEA, le suivi des options des personnels, relativement lentes et parfois instables, ainsi que des réponses des ministères. Ce n'est qu'au début de l'année 2003 que le premier versement des indemnités de délocalisation permet une connaissance fiable des départs sur Limoges et que les soldes apparaissent, d'une part une quarantaine de postes « théoriquement ouverts » dans les ministères, d'autre part une petite vingtaine de cas difficiles. En définitive, les ajustements se feront, mais avec quelques pertes.

Mais c'est surtout la lourdeur de la gestion de ces agents qui est en cause. Le CNASEA a précisé qu'il gérerait indistinctement les MAD, qu'il s'agisse de mobilités ou d'agents non délocalisables, mais que le remboursement de la charge (le coût réel étant supérieur à ce qui est remboursé du fait de l'affiliation au régime agricole) devrait être différencié dans l'avenir entre ces deux catégories.

C. C.- UN PREMIER BILAN FINANCIER

Le tableau en annexe 2 , fourni par le CNASEA, permet de dresser un premier bilan financier sur la pério de 1995-2002. Au total, à la fin 2002, les dépenses liées aux opérations de délocalisation ont atteint 40,55 M€ dont 44% au titre des dépenses de fonctionnement (17,86 M€) pour lesquelles les dépenses de personnel comptent pour 12,5 M€, moins du fait des allocations (qui n'en sont qu'au démarrage) que des coûts des emplois de tuilage ou occupés à la gestion de cette opération.

Le coût de la délocalisation ne saurait donc se réduire à la construction d'un nouveau siège, en partie autofinancée par la revente de l'ancien, mais comprend une part importante de charges de personnel. Par ailleurs, ce coût est encore bien plus élevé - quoique difficilement chiffrable - si l'on tient compte des perturbations causées à l'établissement depuis dix ans, et de celles à venir, tenant notamment aux difficultés de gérer un important réseau déconcentré depuis un chef-lieu de région qui n'est pas le mieux relié aux autres villes. Des surcoûts de fonctionnement sont inéluctables. Enfin, les conséquences sociales, dont certaines touchent les ressources humaines et le potentiel de l'établissement, auront des effets à long terme.

TITRE II.- LES MOYENS DU CNASEA

I. I.- LE CADRE COMPTABLE ET BUDGÉTAIRE

A. A.- LE CADRE COMPTABLE

Le budget voté par le conseil d'administration du CNASEA comprend l'ensemble de l'activité de l'établissement, y compris les actions faisant l'objet d'une comptabilité distincte rattachée à la comptabilité principale de l'établissement. Avec 8,9 Md€ en 2001, il a progressé de plus de 21 % depuis 1995. Les dépenses sont essentiellement constituées par les interventions payées par le CNASEA notamment pour le compte de l'Etat dans le domaine agricole et surtout dans celui de la formation professionnelle et de l'emploi. Les prévisions de dépenses d'intervention se sont ainsi établies à 8,8 Md€ en 2001, en progression de 50 % par rapport à 1995, pour représenter 98,15 % des dépenses prévues.

Les comptabilités distinctes concernent :

1. les opérations communautaires dont les exercices comptables vont du 16 octobre d'une année au 15 octobre de l'année suivante et présentent donc un décalage avec les opérations nationales comptabilisées sur l'année civile;

2. les transferts de droits à primes dans les secteurs bovins, caprins et ovins pour lesquels le CNASEA est chargé, en vertu du décret du 24 novembre 1993 de procéder aux encaissements et aux versements liés aux transferts de droits(environ 0,46 M€ en 2001) ;

3. les opérations foncières à Mayotte : en application de l'ordonnance du 24 juin 1998 relative à l'action foncière, aux offices d'intervention économique dans le secteur de l'agriculture et de la pêche et à l'aide au logement dans la collectivité territoriale, l'établissement s'est vu confier les opérations liées à la mise en oeuvre de la politique foncière définie par la collectivité locale de Mayotte (0,52 M€ au 31 décembre 2001) ;

4. l'équarrissage et le traitement des farines animales : les dépenses du fonds du service public de l'équarrissage (SPE) se sont élevées à 420,3 M€ en 2001. Le produit de la taxe sur les viandes qui l'alimentait étant désormais affecté à l'Etat, ce fonds a été supprimé au 1er janvier 2002 comme le FODREFA 9 ( * ) qui a eu une activité moins intense, la taxe additionnelle le finançant n'ayant été appliquée qu'en 1998 et 1999 pour des dépenses d'un montant de 5,95 M€ en 1999.

Dans le bilan et le compte de résultat principaux de l'établissement, les opérations de ces services à comptabilité distincte n'apparaissent que sous une forme contractée à travers un compte de liaison entre comptabilité principale et comptabilités distinctes. A propos des opérations communautaires des offices agricoles, présentées de la même façon, la Cour avait souligné dans son rapport public pour 2001 que ce traitement n'était pas satisfaisant.

Dans sa note de présentation des comptes de 2000 et 2001, le comptable a certes fourni des « éléments de consolidation » mais ceux-ci sont assez rudimentaires et ne peuvent tenir lieu de comptes consolidés. En application de la nouvelle instruction M9-5 applicable aux établissements publics tenant une comptabilité d'EPIC, le CNASEA doit fournir des comptes agrégés 10 ( * ) à partir de l'exercice 2002.

B. B.- LA GESTION BUDGÉTAIRE

1. 1.- Le vote du budget et le suivi de son exécution

Le budget n'est voté en équilibre que par prélèvement sur le fonds de roulement, les prévisions de recettes étant inférieures à celles des dépenses. Cette pratique est ancienne dans l'établissement et s'appuie sur le fait que les réserves dont dispose l'établissement sont essentiellement constituées des produits de la trésorerie qui sont sollicités dès le budget primitif d'autant que les opérations en capital ne font l'objet d'aucune dotation par les ministères de tutelle. Cette pratique conduit cependant à financer des dépenses à caractère pérenne par des ressources à caractère précaire et peut conduire à une flexibilité excessive au regard du caractère limitatif que doit présenter un budget. Elle risque d'autre part d'inciter la tutelle à fixer sa dotation de fonctionnement non en fonction des besoins courants de l'organisme, mais en fonction du niveau des produits financiers attendus ou de ses réserves.

La lisibilité des documents budgétaires soumis au conseil d'administration au titre des exercices sous revue est imparfaite pour ce qui concerne les interventions. Pour l'adoption du budget primitif, deux tableaux (recettes et dépenses) constituant une « résolution » regroupent les interventions par chapitre et sont accompagnés de tableaux annexés à la note de présentation qui ventilent les crédits par mesure en distinguant l'origine des financements. Il est cependant impossible de faire le lien entre ces tableaux détaillés par mesure et la « résolution » car les regroupements qui y sont opérés ne correspondent pas aux chapitres budgétaires et la ventilation des chapitres par mesure n'est pas fournie. De même, les notes sur l'exécution du budget ne regroupent pas les dépenses d'intervention par chapitre budgétaire et il n'est pas possible de procéder à ce regroupement car la nomenclature budgétaire n'est pas fournie. Il est donc permis de s'interroger sur le point de savoir sur quoi porte exactement la délibération du conseil d'administration lors de l'adoption des budgets et sur sa capacité à apprécier le respect de l'exécution des budgets approuvés.

D'autre part, tous les crédits d'intervention étaient gérés selon la procédure des ressources affectées sauf une partie des interventions agricoles financées par le budget de l'Etat qui sont gérées comme des ressources propres de l'établissement ; la ventilation des mesures agricoles entre ces deux modalités de gestion n'obéit à aucune logique particulière et contribue à rendre plus difficile la lecture des documents budgétaires et comptables. Alors que les ressources affectées donnent normalement lieu à des conventions avec les organismes pour lesquels elles sont gérées, ce n'est pas le cas pour les crédits du ministère de l'agriculture.

Le CNASEA a indiqué que certains de ces défauts avaient d'ores et déjà été corrigés pour ce qui concerne tant la présentation budgétaire que le traitement des interventions agricoles qui doivent être gérées à partir de 2003 en ressources propres pour la totalité (cf. infra ).

2. 2.- L'articulation avec le budget du ministère de l'agriculture

Dans le secteur agricole, les budgets du CNASEA et de l'Etat n'avaient pas exactement la même nomenclature jusqu'à l'exercice 2003, ce qui complique le suivi de l'utilisation des crédits votés par le Parlement dans les comptes de l'établissement.

Malgré cette difficulté, il apparaît que le budget primitif du CNASEA n'a pas toujours coïncidé avec la loi de finances initiale et, surtout, que des décisions modificatives prises en cours d'année, avec l'aval ou à l'initiative des ministères chargés de l'agriculture et du budget, ont conduit à une répartition des crédits différente de celle des lois de finances. On peut donner les exemples suivants de ces pratiques:

- en 2000, les ministres chargés de l'agriculture et du budget ont demandé au CNASEA d'augmenter de 18,8 M€ les crédits destinés aux dotations aux jeunes agriculteurs en réduisant d'autant ceux qui étaient destinés à la bonification des prêts agricoles alors même que ces mesures relèvent de chapitres différents du budget de l'Etat et que ceci revenait à corriger l'impact des dispositions inscrites en loi de finances ;

- au cours des années 1997 à 2001, les ministres ont autorisé le CNASEA à opérer des prélèvements sur les crédits d'intervention agricole au profit du fonds de financement du service public de l'équarrissage, ou du fonds de financement de l'élimination des farines animales, qui ont été « remboursés » au cours d'exercices ultérieurs ;

- en 2000 et 2001, des décisions modificatives du budget approuvées par le conseil d'administration ont permis d'accroître les crédits de fonctionnement du CNASEA et de financer en particulier des campagnes de communication pour le compte du ministère de l'agriculture en utilisant des crédits destinés aux aides agricoles, notamment aux CTE ; ses moyens de fonctionnement ont ainsi été relevés de 15 M€ en 2001 sans que la subvention de fonctionnement du ministère de l'agriculture au CNASEA ne soit elle-même modifiée dans le budget de l'Etat.

Ces pratiques ne sont pas récentes et la Cour, par un référé de son Premier président du 31 mars 1999 relatif à la gestion du chapitre 44-41 du budget de l'agriculture, avait déjà eu l'occasion de les critiquer.

3. 3) L'engagement des crédits et le respect du budget

Des dépassements de crédits ont pu être observés pour trois chapitres d'interventions agricoles sur six en 1997 et un en 1999 et le suivi en engagement a donc été insuffisant en 1997 (avant 1997, les crédits d'intervention ne constituaient qu'un seul chapitre). Au niveau de chaque mesure, des dépassements ont été aussi observés.

Les crédits par chapitre approuvés par le conseil d'administration n'ont pas été plus souvent dépassés, en matière agricole, parce que les prévisions de dépenses ont été assez largement surestimées au cours de ces dernières années et parce que les décisions modificatives ont permis d'ajuster les crédits, même si des modifications parallèles n'étaient pas faites dans le budget de l'Etat. Les conditions dans lesquelles sont engagés les crédits du CNASEA rendent pourtant très difficile en pratique de limiter les dépenses aux crédits disponibles.

En effet, le directeur général du CNASEA est l'ordonnateur de droit des recettes et dépenses de l'établissement mais il n'a en pratique aucun pouvoir d'engagement de ses crédits d'intervention, notamment en matière agricole et d'emploi. L'ordonnateur de fait est le préfet qui décide d'attribuer les aides à leurs bénéficiaires, conformément aux textes en vigueur, mais ne connaît pas les crédits disponibles sur le budget de l'établissement public. Lorsque les dossiers d'aides sont transmis au CNASEA pour paiement, les délégués régionaux et les services techniques du siège ne font en outre aucun contrôle de la disponibilité des crédits et des fonds.

Des dispositifs de portée limitée ont été mis en place par le ministère de l'agriculture pour régler ce problème mais ils n'ont concerné que peu de mesures et pas les plus importantes. L'attribution des dotations aux jeunes agriculteurs (DJA) ou des contrats territoriaux d'exploitation (CTE), par exemple, est restée à guichets ouverts ce qui est particulièrement critiquable dans le cas des CTE car il s'agit de contrats entre l'Etat et les exploitants agricoles que les préfets n'ont pas d'obligation de signer.

Un nouveau dispositif de gestion des crédits affectés par le ministère de l'agriculture au CNASEA a toutefois été défini par des circulaires de ce ministère depuis fin 2000 et devait être opérationnel au début de 2003 avec l'installation au CNASEA d'un logiciel dénommé OCEAN spécialement conçu par l'établissement. Les services centraux du ministère de l'agriculture délèguent désormais aux préfets des « enveloppes de droits à engager » que les délégations régionales du CNASEA gèrent dans OCEAN et, avant tout engagement juridique d'une aide par le préfet, la DDAF consulte la délégation régionale qui lui indique s'il reste des crédits sur l'enveloppe.

Ce dispositif permettra sans doute au ministère de l'agriculture de mieux suivre et contrôler le développement des interventions agricoles, en évitant ainsi les déboires connus en 2002 avec la croissance non contrôlée des paiements au titre des CTE. Si les enveloppes de « droits à engager » sont annuelles, les informations par dossier enregistrées dans OCEAN permettent en outre d'établir des échéanciers de paiement et de les suivre sur un horizon pluriannuel.

Il n'en demeure pas moins que pour résoudre les problèmes posés par la séparation entre les ordonnateurs de droit et de fait du CNASEA, le ministère de l'agriculture a mis en place un dispositif très complexe et dont les fondements juridiques sont mal établis ; en effet, les « enveloppes de droits à engager » en question ne correspondent en réalité ni aux crédits de l'Etat, ni à ceux du CNASEA. Ce dispositif établit une relation budgétaire entre les services centraux du ministère de l'agriculture, ses services déconcentrés et les délégations régionales du CNASEA en ignorant le siège et le budget propre du CNASEA.

Dans le cas des aides à la formation professionnelle et à l'emploi, cette situation n'a guère de conséquences dans la mesure où elles sont gérées en ressources affectées, où le ministère chargé de l'emploi a autorisé le CNASEA à globaliser les mesures en trésorerie et, surtout, où les versements des avances de l'Etat au CNASEA font l'objet d'un suivi mensuel et apparaissent en phase avec les engagements dans les services déconcentrés.

II. II.- LA GESTION FINANCIÈRE

A. A.- LES RECETTES DE FONCTIONNEMENT

1. 1.- La structure des recettes

Hors reprises sur provisions les produits de fonctionnement ont augmenté de 23,2 % entre 1995 et 2001 pour atteindre 152,54 M€. Les recettes du CNASEA sont composées de trois grandes masses.

Les subventions et remboursements, qui progressent de 28 % entre 1995 et 2001 pour atteindre 88,4 M€, représentent de l'ordre de 60 % des produits de l'établissement. Ils proviennent pour les premières essentiellement des ministères chargés de l'agriculture et de l'emploi et, pour les seconds, des remboursements effectués par les administrations publiques bénéficiant du concours d'agents mis à leur disposition par le CNASEA, notamment les agents ne souhaitant pas suivre l'établissement à Limoges dans le cadre de la délocalisation de son siège. Le montant de la dotation du ministère de l'agriculture pour le fonctionnement du CNASEA fait cependant illusion dans la mesure où, comme il est expliqué ci-après, une bonne part de ces crédits ne servent pas au fonctionnement de l'établissement mais sont redistribués par lui sous forme de subventions à des organismes agricoles (29,55 M€ en 2001). Il peut être enfin relevé que, pour l'exercice 1997, le faible niveau de la dotation du ministère de l'agriculture (7,56 M€) a été compensé par une reprise sur les provisions constituées en vue de la délocalisation de l'établissement, y mettant ainsi un coup d'arrêt momentané.

Les rémunérations des prestations de service apportées par le CNASEA à différents partenaires progressent de plus de 60 % pour s'établir à 28,89 M€ en 2001 et constituent de l'ordre de 20 % des ressources. Elles consistent essentiellement en frais de gestion d'actions menées par l'établissement pour le compte des collectivités locales qui comptent pour près de 10 % des produits de fonctionnement du CNASEA, et en remboursement des salaires des agents de l'assistance technique aux programmes européens.

Enfin, les produits financiers trouvent leur origine dans le placement de la trésorerie de l'établissement et occupent une place significative avec plus de 20 % en moyenne des recettes annuelles de l'organisme, soit 34,6 M€ en 2001.

(en M€)

Source : Comptes financiers

La structure des recettes du CNASEA se caractérise par une corrélation forte entre les subventions et les produits financiers, les premières diminuant lorsque les seconds augmentent donnant ainsi aux subventions de fonctionnement provenant de l'Etat plus le caractère d'une variable d'ajustement, malgré leur part dans l'ensemble, que celui d'une ressource pérenne de nature à permettre un fonctionnement normal de l'établissement.

2. 2.- Le mode de facturation aux donneurs d'ordre

Le CNASEA n'a pas arrêté un mode de facturation unique des prestations qu'il gère pour le compte de ses trois grands donneurs d'ordre.

Le ministère de l'agriculture verse une subvention calculée sur une base forfaitaire sans que soit évalué le coût réel des prestations servies pour son compte. Elle est davantage fixée en fonction des autres produits financiers de l'établissement que des besoins. Encore faut-il noter que la dotation de fonctionnement du ministère de l'agriculture au CNASEA a un double objet : compenser les prestations apportées par cet établissement mais aussi lui permettre de servir les subventions aux organismes subventionnés : essentiellement la mutualité sociale agricole (MSA) pour le paiement de l'indemnité viagère de départ et les ADASEA. Ainsi, en 2001, sur une subvention au CNASEA de 50,61 M€, ce ne sont que 21,06 M€ qui constituaient la dotation de fonctionnement proprement dite.

Pour le ministère de l'emploi, le calcul se fait sur une base prévisionnelle du volume d'activité, à savoir le nombre de dossiers par dispositif que le CNASEA sera amené à gérer. A chaque dispositif est affecté un ratio correspondant au nombre de dossiers théoriquement gérés par agent ce qui permet d'évaluer le nombre d'emplois budgétaires ; ces ratios ont très généralement été fixés en 1994 à l'issue des travaux menés par une première mission tripartite d'inspection. Une troisième variable est constituée du coût moyen d'un agent auquel sont ajoutés les frais de fonctionnement d'un agent en équivalent temps plein (ETP), soit un coût total de 59 887,61 € en 2001. Au fil du temps se sont ajoutées des dépenses se rattachant à des missions identifiées auxquelles correspondent des emplois : ainsi, pour 2001, les services généraux du siège (134), l'amélioration de la qualité (35), etc.

Pour les collectivités territoriales, la facturation est censée représenter le coût complet des prestations, y compris une partie des investissements, sur la base d'un coût par dossier majoré d'un coefficient de charges de structures de 1,65 représentant le nombre d'agents occupant des fonctions transversales et le nombre d'agents total du CNASEA. Le tarif est fixé par type d'aide et sous forme d'un prix unitaire par dossier géré uniforme sur tout le territoire. Fixés en 1994, ces prix sont réactualisés sur un élément étranger à l'activité de l'établissement, l'évolution de l'indice INSEE des prix, dont la croissance est inférieure à celle des coûts de l'établissement compte tenu des taux de progression de sa masse salariale au cours des années récentes. Pour les actions spécifiques à la collectivité territoriale, les prix sont établis au cas par cas.

Si l'on voulait comparer le taux de couverture des coûts par les dotations de ces trois donneurs d'ordre par référence à celui qui utilise les critères les plus objectifs de calcul du prix du service rendu, à savoir le ministère chargé de l'emploi, et en postulant que le coût moyen calculé pour ce ministère couvre à 100 % les dépenses qui lui reviennent, les collectivités territoriales couvrent leurs coûts à hauteur de 96 % et le ministère de l'agriculture ne couvrirait que 56 % du coût des prestations de ce secteur.

Pour apprécier la pertinence du niveau des prestations facturées, la mission d'inspection tripartite a tenté de reconstituer le coût complet du CNASEA au titre de 2001, puis de le répartir entre chacun des secteurs agricole et FPE et en identifiant enfin les donneurs d'ordre pour le secteur FPE. Pour ce faire, la ventilation des coûts entre chaque secteur a privilégié une clé de répartition calculée au prorata des ETP réels intervenant dans chaque secteur. Cette approche permet, pour le moins, de donner une idée du décalage entre montants versés et coût des interventions. Pour 2001, selon les calculs du CNASEA appliquant la méthodologie de l'IGF, il en ressort que la subvention du ministère chargé de l'emploi couvre les interventions du CNASEA à son profit à hauteur de près de 78 % (31,23 M€ sur 35,02 M€) ; que ce taux de couverture s'établit à hauteur de 83,3 % (13,91 M€ sur 16,69 M€) pour les collectivités territoriales et de 46,2 % (21,06 M€ sur 45,58 M€) pour le ministère de l'agriculture.

Cette méthodologie inclut les coûts d'investissement, mais ne prend pas en compte les produits financiers ; or, ceux-ci, comme il est exposé ci-dessous, proviennent pour une bonne part de la trésorerie procurée par les dispositifs gérés pour le compte du ministère chargé de l'emploi, et, faute de dotations budgétaires par les tutelles, financent de facto les investissements.

La Cour observe enfin que le CNASEA est un établissement public employant en quasi-totalité des agents sous contrat de droit public à durée indéterminée, rendant difficile une adaptation rapide des moyens à l'évolution des charges confiées au CNASEA. L'actuelle méthodologie de fixation des dotations budgétaires ne correspond pas à cette situation.

Il ressort clairement de ces observations que le ministère de l'agriculture laisse peser sur d'autres le financement du CNASEA. Une plus grande équité et une plus grande transparence doivent donc être recherchées pour déterminer le financement de chacun en fonction du service rendu, sans perdre cependant de vue qu'il s'agit d'un établissement public avec les rigidités et des engagements de long terme propres à ce type de structure. Pour atteindre cet objectif, l'établissement doit être capable de mieux rendre compte qu'il ne le fait aujourd'hui de ses coûts de gestion, notamment en rapport avec les dispositifs gérés ou selon les sites, mais l'absence de comptabilité analytique constitue un handicap à cet égard. Les pistes tracées par la mission tripartite mériteraient d'être explorées plus avant de façon à améliorer, grâce à une meilleure connaissance de ses coûts, la transparence du financement de l'établissement et l'équité entre ses divers financeurs.

3. 3.- La trésorerie du CNASEA

A l'occasion de l'examen des mesures en faveur de l'emploi dans le secteur non marchand gérées par le CNASEA pour le compte de l'Etat, la Cour avait déjà relevé que le mode de calcul du financement se traduisait par des avances importantes de trésorerie dans les comptes du CNASEA générant ainsi des produits financiers 11 ( * ) , notamment du fait de l'existence d'un fonds de roulement correspondant à 60 % des dépenses effectives du dernier mois connu.

L'examen des comptes du CNASEA permet d'élargir l'analyse des flux financiers avec ses principaux donneurs d'ordre, ce qui permettra ensuite de déterminer plus précisément la participation de chacun à la constitution des produits financiers de l'établissement.

a) a) L'analyse des soldes de trésorerie

Le tableau présenté en annexe 3 synthétise par secteur et par grands donneurs d'ordre de l'établissement les soldes des flux financiers constitués par la différence entre les encaissements des avances faites au CNASEA et les paiements des mesures effectués par ce dernier sur la période 1998-2001. Il fait clairement apparaître le mode de gestion de chacun des partenaires de l'établissement.

Le ministère en charge de l'emploi utilise, pour chacune des grandes mesures (CES, CEC, CEJ) une procédure d'avance mensuelle basée sur des prévisions d'entrées dans les dispositifs modulées par une constatation des entrées effectives augmentées d'un fonds de roulement correspondant à 60 % des dépenses du dernier mois connu. Un écrêtement est réalisé à la fin de chaque exercice en ne versant pas le fonds de roulement calculé pour le mois de décembre. Cette pratique explique que le solde de trésorerie à la fin du mois de décembre de chaque année retombe à des niveaux plus faibles qu'au cours de l'exercice (par exemple 81,82 M€ en 1998, 15,55 M€ en 2000). Les pics parfois importants constatés correspondent à des prévisions trop optimistes par rapport à la réalité - ainsi peut-on relever un solde de 638,10 M€ en avril 2001 - toutefois le phénomène est amplifié par la consolidation dans ce tableau de plusieurs mesures.

La pratique suivie par le ministère chargé des DOM pour calculer le montant des avances tend à se rapprocher de celle suivie par le ministère chargé de l'emploi.

La mesure gérée par le ministère de l'éducation nationale (versement aux établissements publics locaux d'enseignement du solde restant à leur charge pour l'emploi de CES et CEC) fait apparaître des soldes en fin de mois presque systématiquement négatifs, si ce n'est une petite amélioration de la situation dans la deuxième partie de l'année 2001. Paradoxalement, c'est donc le CNASEA qui fait les avances de trésorerie pour le compte de ce ministère.

Pour les collectivités territoriales, essentiellement les conseils régionaux, qui effectuent généralement des avances trimestrielles, les soldes apparaissent constamment positifs à un niveau élevé et avec une marge de variation relativement limitée.

Les soldes des flux financiers entre le ministère de l'agriculture et le CNASEA varient assez peu autour d'une moyenne de 230 M€. Les ajustements des besoins financiers du CNASEA se font au cours de réunions de trésorerie. On peut cependant relever le niveau élevé des soldes en fin de mois entre mai et septembre 2001, avec un pic à 574,6 M€ en août 2001, correspondant à la poursuite de la perception par l'établissement, jusqu'à cette date, de la taxe sur la distribution des viandes du fait du retard de l'adaptation des applications informatiques de la direction générale des impôts.

Au total, il ressort de cet examen que, compte tenu du mode de gestion des flux financiers et de leur masse, le secteur FPE et singulièrement les crédits de l'Etat destinés aux mesures d'aide à l'emploi contribuent majoritairement à la trésorerie du CNASEA.

S'il n'est pas anormal que des montants importants de crédits d'intervention figurent dans les comptes du CNASEA en fin de mois afin de pouvoir payer les mesures du mois suivant sans incident, un meilleur ajustement des prévisions serait cependant, pour les gros donneurs d'ordre, de nature à en optimiser le volume. D'autre part, la présence d'une trésorerie confortable ne devrait pas dispenser l'établissement de réagir à l'égard des donneurs d'ordre qui lui font supporter la charge des avances.

b) b) La constitution des produits financiers

Les tableaux ci-après présentent par grands donneurs d'ordre les soldes moyens de trésorerie pour les années 1998 à 2001 et la part de chacun dans le total.

Soldes annuels moyens de trésorerie

Les soldes moyens annuels fin de mois progressent de façon régulière entre 1998 (635,15 M€) et 2001 (864,41 M€), soit une augmentation de 36 %. Cette évolution est assez étroitement corrélée avec celle des recettes d'intervention dans le secteur FPE, en hausse de 34,2 % sur la même période. Le tableau suivant détermine la part des produits financiers qui correspond à chacun des donneurs d'ordre en appliquant à ces produits la part de sa contribution au solde annuel moyen de trésorerie qui vient d'être calculé.

Répartition des produits financiers par donneur d'ordre

La contribution du ministère chargé de l'emploi à la trésorerie de l'établissement représente 35 % de sa subvention de fonctionnement pour 1998 ou 63,4 % pour celle de 2001.

Pour ce qui concerne le ministère de l'agriculture les pourcentages s'élèvent respectivement à 28,2 % et 20,9 %.

Ainsi, non seulement, le ministère chargé de l'emploi apporte une dotation supérieure à celle du ministère de l'agriculture pour le fonctionnement de l'établissement, mais de plus, il contribue également plus fortement à ses recettes par les produits financiers.

B. B.- LES DÉPENSES DE FONCTIONNEMENT

Le tableau présenté en annexe 4 récapitule l'évolution entre 1995 et 2001 des charges d'exploitation du CNASEA en fonction des différents postes. Au total, les charges ont augmenté de 36,1 %, mais si l'on exclut les reversements aux organismes agricoles de subventions du ministère de l'agriculture transitant par les comptes du CNASEA, qui évoluent de près de 17 %, ainsi que les dotations aux provisions, cette évolution est de 43 %.

Pour appréhender correctement les charges de fonctionnement propres aux missions du CNASEA, il convient de neutraliser les dépenses liées aux conventions destinées à assumer la gestion des personnels affectés à l'assistance technique aux programmes européens et pour lesquels l'établissement sert d'organisme emplo yeur alors même que les missions exécutées ne relèvent pas de lui, mais des préfets ; ces dépenses se sont élevées à plus de 8,76 M€ en 2001. Pour conserver la comparabilité dans le temps, il convient également de neutraliser les dépenses liées à la délocalisation.

Ces deux éléments neutralisés, les charges ont augmenté de 30,3 % sur la période et de 35 % si l'on neutralise également les subventions versées aux organismes agricoles (essentiellement les ADASEA).

Si l'on analyse l'évolution et la structure des dépenses hors interventions, subventions et provisions exceptionnelles, la progression est particulièrement marquée pour les charges d'exploitation, notamment le poste 61 (services extérieurs) dont le montant double sur la période pour représenter près de 14 % des dépenses en 2001, avec 15,88 M€, contre 9,6 % en 1995. La principale cause en est le compte 617 - Etudes et recherches - qui passe de 0,11 M€ en 1995 à 6,19 M€ en 2001 et représente, sur ce dernier exercice, 5,4 % des dépenses ainsi définies. La rupture est particulièrement sensible entre 1997 (0,27 M€) et 1998 (5,78 M€) ; elle résulte, d'une part, du coût du changement du système informatique comptable de l'établissement, d'autre part, de la mise en oeuvre de la refonte des traitements centraux communs (RTCC).

Le principal poste de dépenses est constitué des charges de personnel qui en représentent plus des deux tiers. Elles ont augmenté de 42 % entre 1995 et 2001 pour s'établir à 75,89 M€. Avec les impôts et taxes qui lui sont étroitement associées, en progression de 49 % sur la période, elles représentent le principal moteur de l'évolution des charges de fonctionnement.

Enfin, les dépenses payées au titre des autres services extérieurs (compte 62), après avoir baissé depuis 1997, faisant apparaître un taux d'évolution de 11,6 % entre 1995 et 2001, ont augmenté de 22,7 % entre 2000 et 2001 pour s'établir à 71,99 M€. L'opération de délocalisation de l'établissement n'est pas étrangère à cette évolution. Parmi les dépenses composant ce compte, certaines évolutions peuvent être relevées ; ainsi, le compte 622 - Rémunération d'intermédiaire et d'honoraires - dont le montant quadruple sur la période pour s'établir à 0,70 M€ en 2001 doit beaucoup aux frais d'honoraires et de contentieux dans le cadre des procédures de recouvrement ; le compte 623 - Publicités, publications, relations publiques - observe le même rythme d'évolution pour afficher un montant de dépenses de 1,33 M€ en 2001.

Les frais de mission et de réceptions (compte 625) qui se situaient autour de 1,2 M€ par an connaissent une évolution brutale entre 2000 et 2001 (34,4%) due pour une part au recrutement de contrôleurs de terrain amenés à se déplacer et à l'augmentation des réunions de travail pour la mise en place des mesures nouvelles du règlement de développement rural (RDR) : frais de colloque de 0,23 M€ en 2001.

Au total, comme le montre le tableau récapitulatif des soldes de gestion (hors opérations d'intervention) ci-après, l'excédent brut d'exploitation négatif sur l'ensemble de la période illustre le caractère structurel du déséquilibre entre les charges et les produits d'exploitation.

Le taux de progression des charges de fonctionnement courant (+ 50,8 %) et des charges de personnel (+ 42,6 %) sur la période 1995-2001 apparaît nettement supérieur au taux de progression des produits et singulièrement des subventions qui devraient représenter la ressource principale du CNASEA pour faire face à ses charges courantes.

L'importance du résultat financier permet de limiter les résultats déficitaires à quatre exercices sur sept. La capacité de l'établissement à limiter son déficit d'exploitation structurel est donc fortement dépendante de la masse de trésorerie qu'il peut placer et des taux offerts sur les marchés financiers. Une telle dépendance n'est pas normale pour un établissement public et constitue un facteur de fragilité.

C. C.- LES OPÉRATIONS D'INTERVENTION

1. 1.- Les interventions financées sur ressources propres

Les opérations d'intervention sont exécutées uniquement sur ressources affectées dans le secteur FPE ; en revanche, dans le secteur agricole, elles sont exécutées soit sur ressources propres, soit suivies en ressources affectées. Les interventions financées sur ressources propres représentent plus de la moitié des dépenses agricoles enregistrées dans les comptes du CNASEA.

Alors qu'elles avaient tendance à baisser au cours de la période, elles sont brutalement remontées en 2001 sous l'effet de la prise en compte des indemnités compensatrices de handicaps naturels (ICHN : 205,81 M€).

2. 2.- Les ressources affectées

Concernant les opérations gérées en ressources affectées, le tableau ci-après récapitule pour chaque secteur, agricole et FPE, l'évolution des recettes, des emplois et des soldes.

Les montants des opérations suivies en ressources affectées ont augmenté de 34 % entre 1995 et 2001 sous l'effet d'une croissance dans les deux secteurs, notamment par la prise en compte de mesures nouvelles comme les contrats territoriaux d'exploitation (CTE) à partir de 2000 ou les contrats emplois jeunes. Si l'on rapporte les soldes en fin d'exercice aux emplois, les ratios apparaissent nettement plus élevés pour les interventions agricoles que pour le secteur FPE, ce qui marque un suivi moins précis des flux financiers avec le CNASEA par le ministère de l'agriculture. Les soldes disponibles concernent essentiellement toujours les mêmes rubriques dans ce dernier secteur : les programmes pour l'installation des jeunes en agriculture et pour le développement des initiatives locales (PIDIL) et les CTE et viennent compenser les insuffisances éventuelles des dotations pour les interventions gérées hors ressources affectées.

Une analyse par mesure montre que, comme pour les opérations gérées en ressources budgétaires, certaines d'entre elles présentent des soldes négatifs en fin d'exercice et, parfois, de manière récurrente ; ainsi des CES de l'Education nationale, des contrats aidés ou des mesures d'accompagnement vers l'emploi. La gestion en trésorerie des mesures avec le ministère pour l'emploi fait que le solde global est positif.

Certaines des nombreuses conventions gérées par le CNASEA sont anciennes, ne sont plus mouvementées ou concernent des programmes clos et méritent un apurement.

3. 3.- Le résultat des opérations d'intervention

Le résultat des opérations d'intervention sur la période 1995-2001 est récapitulé dans le tableau suivant :

Le résultat des opérations d'intervention est déficitaire pour quatre des sept exercices de la période contrôlée. Les opérations gérées en ressources affectées voyant leurs recettes comptabilisées exactement à hauteur des dépenses constatées, ce résultat dépend uniquement des recettes et dépenses gérées sur ressources propres.

D. D.- LE RÉSULTAT COMPTABLE

Le résultat comptable du CNASEA est la somme du résultat de fonctionnement et du résultat des opérations d'intervention. Comme ce dernier ne correspond qu'aux interventions sur ressources propres, les interventions sur ressources affectées ayant par construction un résultat nul, le résultat comptable de l'établissement est totalement dépendant de la ventilation des mesures entre celles qui sont gérées en ressources propres et en ressources affectées. Il est par conséquent peu significat if, d'autant moins que les modifications du budget opérées en cours d'exercice peuvent conduire à transformer des ressources affectées en ressources propres, ce qui contribue alors à améliorer le résultat comptable sans pour autant que les ressources et emplois de l'établissement n'aient au total changé. En 2000, la transformation de 18,8 M€ de ressources affectées aux prêts bonifiés agricoles en autant de ressources propres destinées à la dotation aux jeunes agriculteurs a ainsi mécaniquement amélioré le résultat comptable de 18,8 M€.

C'est donc le seul résultat de fonctionnement qui a une signification pour la gestion de l'établissement.

Résultat de fonctionnement

Ce résultat de fonctionnement apparaît déficitaire sur plus de la moitié des exercices. Il convient cependant de relever que, pour 2001, le résultat positif constaté n'a été permis que par la transformation de crédits d'intervention agricoles gérés en ressources affectées en crédits de fonctionnement pour un montant de 72 MF (10,98 M€).

Le CNASEA a enregistré une subvention de fonctionnement du ministère de l'agriculture de 332 MF (50,61 M€) dans son compte financier alors que l'Etat n'a enregistré dans ses comptes qu'une subvention de 260 MF (39,64 M€) correspondant à ce qui a été réellement versé et aux crédits inscrits en loi de finances.

Dans le même temps, un transfert interne aux réserves du CNASEA de 28 MF (4,27 M€) permettait d'abonder les réserves de fonctionnement à partir des crédits d'intervention agricoles non consommés et reportés. Cela explique que dans son rapport d'activité pour 2001, l'établissement a fait figurer une subvention de fonctionnement du ministère de l'agriculture de 360 MF (54,88 M€), soit 260 + 72 +28 MF.

L'établissement a pris la décision, en 2003, de gérer toutes les interventions agricoles financées par le ministère de l'agriculture en ressources propres. Il devrait en résulter plus de clarté dans ses comptes, à condition que le résultat et les réserves de fonctionnement soient bien distingués des résultats et réserves relatifs aux interventions. Il convient en effet de mettre un terme aux pratiques auxquelles s'est livré l'établissement avec l'accord des tutelles qui conduisent à afficher des subventions de fonctionnement ne correspondant pas à ce que lui a versé le ministère de l'agriculture mais à des crédits d'intervention.

E. E.- LE BILAN

Le bilan du CNASEA, figurant dans le tableau présenté en annexe 5 , est passé de 589,71 M€ en 1995 à 704,35 M€ en 2001, soit une progression de 19,4 %. Il se caractérise essentiellement par l'importance du bas de bilan qui traduit l'importance des flux financiers transitant par l'établissement pour la gestion des mesures.

1. 1.- L'actif du bilan

On constate un doublement de la valeur de l'actif immobilisé entre 1995 et 2001 : avec 39,64 M€, il représente 5,62 % du montant total de l'actif en 2001 (contre 3,5 % en 1995).

Cette progression trouve son origine, d'une part, dans l'évolution importante des dépenses liées à l'informatique, notamment à partir de 1999 ; le poste concessions-logiciels représente ainsi près de 32 % de l'actif immobilisé en 2001 ; d'autre part, dans la réalisation du siège de l'établissement à Limoges. Les immobilisations financières progressent de 33 % sur la période et sont essentiellement constituées des participations de l'établissement dans les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER).

Dans le même temps, le montant de l'actif circulant est passé de 569,1 M€ en 1995 à 664,7 M€ en 2001, soit une évolution de près de 17 %. La masse principale est constituée de la trésorerie de l'établissement (surtout disponibilités et valeurs de placement) qui, bien que représentant 57 % de l'actif en 2001 (400,94 M€) contre 75 % en 1995 (441,19 M€), reste abondante. Ces montants sont la constatation en fin d'exercice du volant financier des crédits versés au CNASEA par ses donneurs d'ordre, destinés à régler les dépenses d'intervention du début de l'année suivante.

Les créances diverses constituent la deuxième masse de l'actif en 2001 avec 263,74 M€ (31,3 %). Elles comprennent essentiellement les ressources affectées à encaisser, soit les sommes attendues des donneurs d'ordre (216,48 M€) pour régler les sommes mandatées en fin d'exercice et les créances à court terme nettes (34,91 M€ contre 20,40 M€ en 1995) qui représentent pour l'essentiel les restes à recouvrer sur les interventions (39,38 M€ contre 43,02 M€ en 1995) diminués des provisions sur les débiteurs de l'établissement (18,49 M€ contre 27,46 M€ en 1995) que l'on retrouve au passif.

A ce titre, la Cour relève l'amélioration de la gestion du recouvrement des paiements indus dans un contexte difficile (par construction, les interventions sont génératrices d'indus du fait du paiement d'avance, d'autre part, notamment dans le secteur de la FPE, elles s'adressent à des personnes peu solvables, très mobiles ou à des structures trop souvent fragiles comme les associations) obtenue grâce à une nouvelle organisation mise en place à partir de 1997. Une réflexion sur la conformité des dispositions retenues en matière de remises gracieuses et d'admissions en non valeur avec la réglementation européenne semble toutefois souhaitable et aurait été entamée en concertation avec les autres organismes payeurs sous l'égide de l'Agence centrale des organismes d'intervention dans le secteur agricole (ACOFA).

L'examen de l'état des immobilisations a montré que l'ancienneté de bon nombre d'immobilisations rendrait nécessaire une mise à jour. Un rapide sondage sur quelques pièces enregistrées dans les années 1980 avec le secrétariat général a montré que le matériel en cause était rebuté. A cette occasion, ni l'ordonnateur ni l'agent comptable n'ont pu indiquer à quel moment avait eu lieu le dernier récolement de l'inventaire comptable avec l'inventaire physique de l'ordonnateur. Il est vrai que l'agent comptable a d'autres priorités « au double motif du déménagement du siège et des travaux que menait l'ordonnateur pour se doter d'un logiciel ad hoc qui permettra de lier les inventaires ». Lors des visites sur le terrain l'agent comptable vérifie l'existence du fichier des immobilisations de la délégation régionale et sa tenue, mais sa tenue reste très formelle à l'agence comptable.

2. 2.- Le passif du bilan

L'essentiel du passif est constitué de dettes à court terme qui sont essentiellement les soldes créditeurs des opérations gérées en ressources affectées.

Les capitaux propres incluent un poste « crédits d'interventions agricoles reportés » qui correspond aux ressources propres destinées à des interventions agricoles, reçues et non consommées ou encore au résultat cumulé des interventions des exercices passés.

Les réserves incluent les réserves de fonctionnement, normalement alimentées par le résultat de fonctionnement, et les crédits d'intervention reportés qui correspondent en fait à des reports budgétaires. Les réserves de fonctionnement sont restées stables sur la période avec une décroissance régulière depuis 1996. Leur apparente progression en 2001 (0,89 M€) n'est que la résultante de l'affectation du résultat de fonctionnement négatif de 2000 (-3,38 M€) et d'un transfert de 4,27 M€ depuis les crédits d'intervention reportés. Sans ce mouvement, les réserves de fonctionnement n'auraient été que de 50,90 M€, soit une baisse de 6,3 % par rapport à 1995.

La diminution des provisions pour créances douteuses traduit un progrès dans l'apurement des indus et donc une diminution des restes à recouvrer anciens.

III. IV. III.- LES DÉPENSES DE PERSONNEL

A. A.- PRÉSENTATION GÉNÉRALE

Le personnel rémunéré sur le budget du CNASEA recouvre différentes réalités selon les documents de l'établissement auxquels on se réfère. Les documents budgétaires et les comptes financiers prennent en compte l'ensemble des personnels rémunérés par l'établissement qu'ils y travaillent ou non.

Dans cette acception, les effectifs physiques sont passés de 1 742 personnes au 31 décembre 1995 à 2 009 au 31 décembre 2001, soit une progression de plus de 15 %. La masse salariale correspondante a progressé, quant à elle de 42,6 % pour s'établir à 81,6 M€ en 2001. Exprimés en équivalent temps plein annuel moyen (ETP), les effectifs ont progressé de plus de 13 % pour s'établir à 1 824 personnes à fin 2001.

Cependant, une distinction doit être opérée entre :

• les effectifs travaillant effectivement au sein du CNASEA qui expliquent pour la plus grande part l'évolution totale avec une progression de près de 20 % entre 1995 (1 343 personnes) et 2001 (1 609 personnes) en effectifs physiques et de 12,3 % en ETP annuel moyen (de 1 307 à 1 468). La masse salariale correspondante a progressé de 43 % sur la même période pour représenter de l'ordre de 68 M€ en 2001. Ces effectifs correspondent aux moyens en personnel sous statut dont dispose effectivement le CNASEA et aux personnes recrutées sous contrats aidés, CES et CEC dont le nombre diminue de façon conséquente sur la période ;

• les agents du CNASEA mis à disposition contre remboursement dans d'autres administrations dont le nombre a doublé sur la période en passant de 80 personnes en effectifs physiques (67 ETP annuel moyen) à 166 (148 ETP) en 2001 pour représenter une masse salariale de 6,45 M€ en 2001. Leur cas sera étudié dans la partie relative aux actions du CNASEA;

• enfin, le personnel dont la rémunération est assurée par le CNASEA, mais dont le recrutement et l'emploi ne relèvent pas de lui. Il s'agit de personnel sous contrat à durée déterminée dans le cadre de l'assistance technique prévue par les règlements relatifs aux fonds structurels européens. De 232 personnes en effectifs physiques, en 1995, leur nombre a culminé à 294 en 1998 pour s'établir à 217 à fin 2001. Pour ce dernier exercice, la masse salariale s'établissait à 6,94 M€.

Une analyse de la structure des effectifs physiques montre que dans cet ensemble, le personnel permanent du CNASEA renforce sa position pour représenter 80 % des effectifs en 2001 contre 77 % en 1995 ; la part des agents mis à disposition représente désormais 8,3 % contre 4,6 % en 1995, la part des contrats aidés est devenue négligeable et celle des personnes portées par le CNASEA mais n'y servant pas est passée de 13,3 % à 10,8 %.

B. B.- LE PERSONNEL DU CNASEA

L'évolution du nombre des agents n'est pas le seul facteur pouvant expliquer la progression de 43 % de la masse salariale pendant la période sous revue ; la modification de la structure des effectifs et l'évolution du régime indemnitaire y ont également participé. Dans le même temps, la transformation de nombreux contrats à durée indéterminée (CDD) en contrats à durée indéterminée (CDI) dans un contexte de dispersion des centres de production a introduit des rigidités dans la gestion.

1. 1.- La structure des effectifs du CNASEA

Les agents du CNASEA sont répartis en cinq cadres d'emplois, outre les emplois fonctionnels. Le cadre d'emploi I est du niveau BEPC, le II du niveau baccalauréat, le III du niveau DEUG, le IV du niveau maîtrise, le V de niveau troisième cycle.

La période 1995-2001 a vu un recentrage important des effectifs sur le cadre d'emploi intermédiaire et sur le cadre d'emploi IV. Selon le CNASEA, cette modification de structure tient à l'évolution des missions de l'établissement (contrôles sur place, développement de l'appui technique aux programmes européens comme LEADER, nouvelles actions du RDR) et à une gestion de dossiers de plus en plus complexes nécessitant des niveaux de formation plus élevés.

La répartition par cadre d'emplois a largement évolué durant la période sous contrôle comme le montre le tableau suivant dont la population comprend les agents contractuels du CNASEA, les agents en activité ou mis à disposition auprès d'autres organismes, les fonctionnaires détachés et les agents d'organismes extérieurs mis à disposition du CNASEA :

La répartition des effectifs par cadre d'emploi figure bien en annexe au projet de budget soumis au conseil d'administration. Cependant, l'établissement ne dispose pas d'effectifs cibles par cadre d'emplois. Au cours du contrôle, l'établissement a indiqué que : « Les effectifs du CNASEA sont négociés chaque année en fonction du volume d'activité et des ratios établis par action. Un pyramidage des emplois est ensuite proposé en fonction du passé et des nouvelles actions éventuellement confiées et notamment de leur complexité (ex : contrôle terrain). Il ne peut donc y avoir de répartition cible ». Même si les évolutions rapides que peut connaître le CNASEA dans la définition et le volume de ses missions sont de nature à constituer un handicap pour lui permettre d'établir ce type de projection, cette défaillance dans la gestion prévisionnelle des effectifs et des compétences peut avoir d'autant plus de conséquences en matière financière qu'une large majorité du personnel est aujourd'hui en CDI.

2. 2.- Le régime indemnitaire

Les dépenses indemnitaires sont passées de 4,41 M€ en 1995 à 8,87 M€ en 2001, soit un doublement sur la période. Les primes et indemnités (hors c/641450) ont pris une place de plus en plus importante dans le traitement des agents ; elles en représentaient 18,5 % en 2001 contre 12,8 % en 1995.

Le régime indemnitaire comprend une prime de fonctions dont le taux et les modalités d'attribution sont fixés par arrêté ministériel (AM). La politique indemnitaire du CNASEA consiste à suivre l'évolution du taux appliqué dans les offices agricoles. Les bases de la prime de fonctions ont évolué ainsi qu'il suit sur la période sous contrôle :

La décision n° 02/202/DG du 13 novembre 2002 du directeur général du CNASEA relative aux primes reprend les dispositions d'une décision du n° 00/90/DG du 11 mai 2000 relative à l'attribution d'une prime de mobilité géographique qui n'est pas prévue par les textes régissant le CNASEA, mais a fait l'objet d'une lettre du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie du 4 mai 2000. Si cette indemnité est destinée à devenir permanente, comme cela paraît être le cas, elle ne saurait reposer sur une décision du directeur général, mais doit faire l'objet d'un texte réglementaire publié l'intégrant aux dispositions applicables au personnel pour être juridiquement fondée.

Si la mobilité tant géographique que fonctionnelle ne peut être qu'encouragée de par l'enrichissement qu'elle permet, il faut souligner que ce dispositif s'est étendu au-delà de ce que prévoyait le protocole social, et peut également bénéficier aux mises à disposition à la demande de l'agent. En revanche, une obligation de mobilité pourrait être envisagée pour certains postes, comme ceux de délégués régionaux. Ceux-ci sont en poste en moyenne depuis plus de 7 ans ; parmi les plus anciens, le DR de Rennes est en poste depuis 26 ans, celui de Toulouse depuis 19 ans, celui de Lyon depuis 17 ans.

De plus, il est prévu que cette prime puisse être doublée « en cas d'affectation sur un poste sensible offrant des difficultés en matière de logement, de conditions de vie ou de travail ; ce sera notamment le cas pour une mobilité au siège, une fois ce dernier installé à Limoges ». Cette décision imprécise faute de définition de ce qu'est un poste sensible, paraît difficilement applicable en l'état. Seul Limoges est bien précisé comme étant un poste sensible ; il est à craindre, dans ces conditions, qu'une application extensive n'en soit faite.

3. 3.- La répartition des effectifs réels par type de contrat

Le tableau suivant comprend, exprimés en effectifs réels payés au 31 décembre de l'année, les agents des cadres d'emploi du CNASEA et travaillant pour lui dans la partie haute du tableau ; les personnes dans d'autres situations figurant dans la moitié inférieure.

La part des effectifs en contrat à durée indéterminée (CDI) s'est largement renforcée entre 1995 et 2001. En effet, à l'occasion de la médiation entreprise en 1999 pour obtenir l'accord des syndicats à la délocalisation, 245 agents en contrat à durée déterminée (CDD) ont été intégrés en CDI.

La part des CDD est cependant remontée en 2001 pour représenter 12 % des effectifs hors agents mis à disposition (11 % y compris ces derniers). Le plafond des effectifs pouvant être recrutés en CDD, fixé à 15 % des effectifs par le décret n° 2002-1012 du 19 juillet 2002, n'était donc pas atteint à fin 2001. L'établissement a d'ailleurs précisé lors du contrôle que le taux de 15 % est issu de négociations liées au protocole de 1999 et qu'il ne comprend que les effectifs affectés aux missions CNASEA et non ceux relevant de l'assistance technique ou mis à disposition. Le taux auquel était parvenu le protocole, dont l'établissement n'est pas signataire mais que le directeur général vise dans ses décisions, était de 10 % et le décret ne contient pas la restriction apportée par le CNASEA.

Si l'on peut comprendre la préoccupation sociale qui sous-tend cette disposition, ses effets seront à analyser. L'encadrement réglementaire du recours au CDD est, en effet, de nature à emporter plusieurs conséquences : empêcher l'établissement d'adapter dans des délais rapides ses effectifs à la charge de travail, le pousser à rechercher du chiffre d'affaires pour assumer la charge des sureffectifs potentiels, voire limiter la marge de choix des donneurs d'ordre traditionnels de l'Etat qui pourront continuer de recourir au CNASEA non parce qu'il délivre la meilleure prestation, mais pour maintenir son équilibre tant financier que social, devenant par là même incontournable.

4. 4.- L'adéquation des moyens aux besoins

a) a) Les évolutions structurelles

Le CNASEA dispose d'un siège et de structures qui maillent le territoire. Le rôle de ces implantations territoriales, délégations régionales et bureaux, est notamment de saisir les conventions dans le système informatique du CNASEA, le paiement étant centralisé.

Le tableau suivant, tiré du bilan social compare les effectifs en ETP par site au 31 décembre entre 1995 et 2001, étant entendu que les agents mis à disposition d'autres administrations sont gérés au siège comme un site. Alors que, globalement et hors mises à disposition, le nombre d'agents a augmenté de 16,3 % entre ces deux dates (de 1 375 à 1 651,7), ce gain a plus profité au siège (de 332,8 à 422,8, soit + 25 %) qu'aux sites régionaux (de 951 à 1076,7, soit + 13,2 %). Alors que ces derniers représentaient près de 74 % du total (hors MAD) en 1995, ils n'en représentaient plus que 71,8 % en 2001.

La période 1995-2001 a connu la création de deux nouvelles structures régionales : une antenne à Limoges tout d'abord, décision « politique » selon les termes de l'établissement, pour compenser le non-transfert du siège à Limoges. Issue d'une scission de la DR de Clermont-Ferrand, le bilan de l'opération en termes d'effectifs est de 22,2 ETP en plus. En l'état actuel des réflexions de l'établissement, la DR de Limoges sera maintenue. La création de la DR de Caen, ensuite, par scission d'une partie de celle de Rennes et d'une partie de celle d'Amiens, relève d'une décision « géostratégique » car, d'une part, ces deux DR couvraient des territoires étendus, ce qui rendait difficilement gérable la représentativité locale du CNASEA dans ces régions ; d'autre part, la poursuite de la décentralisation a conduit l'établissement à travailler avec un nombre croissant de partenaires locaux.

Le tableau ci-après explicite, sur la base des données du bilan social, l'évolution des effectifs en poste au siège qui ont augmenté de 25 % sur la période.

L'établissement explique l'évolution de plus de 84 ETP entre 1995 et 2001 par le contexte de la délocalisation qui est à l'origine du renouvellement de la moitié des effectifs du siège en quatre ans et qui a conduit à la création de postes de « tuilage » pour assurer la continuité du service et éviter les pertes d'informations sur des postes sensibles. Cette première explication vaut pour les 30 ETP de l'espèce figurant dans la note d'exécution du budget 2001.

Ensuite, la prise en charge par le CNASEA d'actions nouvelles et de plus en plus complexes (CTE, RDR, LEADER+...) a conduit à une augmentation des effectifs de la direction de l'économie des exploitations et de l'aménagement rural (DEEAR) pour permettre la mise en place des procédures de gestion, le suivi des actions et la coordination des délégations régionales. La DEEAR a effectivement bénéficié de près de 24 ETP supplémentaires sur la période.

Enfin, la direction des systèmes d'information (DSI) s'avère être le plus grand bénéficiaire de cette évolution avec un quasi doublement de ses moyens, encore ne comprennent-ils pas les personnels extérieurs rémunérés sur des marchés de prestations intellectuelles qui peuvent être estimés à une trentaine d'ETP. L'établissement explique, de manière lapidaire, que cet investissement croissant des moyens humains alloués à la DSI était nécessité par « le développement de mesures complexes et la volonté toujours croissante du CNASEA d'améliorer ses circuits de paiement et la sécurité des informations », ce que ne démontrera pas l'examen des dépenses informatiques présenté ci-après.

La direction des actions de formation et d'emploi (DAFE), quant à elle, a vu ses effectifs diminuer de plus de 20 %. Il faut sans doute y voir l'effet de rapports moins compliqués avec le ministère chargé de l'emploi, et d'une plus grande simplicité des mesures gérées.

b) b) La répartition des effectifs

Le bilan social du CNASEA distingue trois secteurs d'activité et dégage la répartition des effectifs en ETP en activité au 31 décembre de la manière suivante :

Répartition par secteurs d'activité

On constate une relative stabilité de la part des effectifs dans le secteur de la formation professionnelle et emploi et une nette remontée dans le secteur agriculture sous l'effet, d'une part, d'une modification de la répartition effectuée par l'établissement à partir de 2000 pour affecter plus précisément des agents qui étaient affectés par défaut au secteur administratif, d'autre part, d'une augmentation de leur nombre.

Les annexes aux comptes financiers permettent de mesurer la répartition en termes plus quantitatifs :

L'évolution des effectifs par secteur fait apparaître une certaine stabilité des effectifs oeuvrant dans le secteur FPE à hauteur de près de 870 personnes. Alors que ce secteur représentait plus de 67 % des effectifs en 1995, sa part dans l'ensemble diminue pour s'établir à près de 60 % sous l'effet d'une croissance des effectifs du secteur agricole de plus de 38 %. Ces derniers étaient de 588 à fin 2001.

Pour adapter les moyens aux besoins, l'établissement utilise des ratios d'activité budgétaires, qui sont des ratios de productivité observés par l'inspection tripartite de 1994 prenant en compte deux éléments : les temps unitaires de traitement des dossiers et des forfaits correspondant notamment aux services généraux, au temps consacré aux études, à la mise en place de la gestion des actions nouvelles, ainsi que l'assistance auprès des ADASEA pour les mesures agricoles. Ces ratios multipliés par le nombre de dossiers permettent de déterminer des effectifs théoriques qui sont ensuite comparés aux effectifs en poste pour déterminer par secteur, puis de façon globale, si la délégation régionale est en manque d'effectifs ou au contraire en surplus.

Pour contribuer à relativiser les observations qui suivent, il convient de relever que, pour ce qui concerne le secteur FPE, la récente mission tripartite a suggéré le desserrement de certains de ces ratios (emplois jeunes notamment).

Chaque année un tableau rapproche pour l'ensemble de l'établissement les emplois budgétaires, les postes théoriques calculés comme indiqué ci-dessus et les ETP. Ce tableau est fourni au conseil d'administration dans la note d'exécution du budget, à l'appui des comptes financiers. Le rapport de l'effectif réel à l'effectif théorique permet à l'établissement de mesurer ce qu'il appelle sa productivité : lorsque le rapport est supérieur à 100 %, l'établissement n'a pas eu besoin de l'effectif qu'il aurait théoriquement pu déployer, ce qui est le cas pour tous les exercices en ce qui concerne le secteur FPE ; le secteur agricole présente un ratio défavorable en 1995 et 2000.

Un approfondissement de l'analyse au niveau des sites régionaux présente cependant une image différente. Ainsi, il a été demandé à l'établissement de fournir, pour les exercices 1999 à 2001, un tableau permettant de rapprocher les effectifs réels des effectifs théoriques, tableaux que tient d'ailleurs l'établissement en gestion de manière assez détaillée.

La synthèse de ces informations figure dans le tableau présenté en annexe 6 . Le rapport des ETP théoriques aux ETP en fonction (+ part administrative) montre de manière globale qu'il y a plus d'agents que théoriquement nécessaire dans le secteur FPE pour les trois exercices (30,89 ETP en 1999, 28,44 en 2000 et 36,08 en 2001) et pour le seul exercice 2000 dans le secteur agricole (14,25 ETP, la montée en puissance du CTE ayant été inférieure aux prévisions). Dans ce secteur, le déficit par rapport au théorique était de 8,33 en 1999 et de 20,64 en 2001.

Dans le secteur FPE, les sites faisant apparaître les sureffectifs relatifs les plus importants et de manière récurrente sont le bureau de Lille (de 3,8 à 4), la DR de Clermont-Ferrand (de 6,2 à 8,77), le bureau de Cergy (de 2,1 à 1,4), la DR de Lyon (4,2), la DR de Nancy (1,17 à 3,2), la DR de Nîmes (1 à 1,5) la DR de Rennes (1,6 à 3,34), Toulouse (3,4 à 4,6). La Guadeloupe ne connaît un déséquilibre que pour la seule année 2001 avec un effet de ciseau remarquable entre les effectifs théoriques qui diminuent et les effectifs réels qui augmentent.

Il peut cependant être relevé que, dans tous ces sites sauf Rennes, les effectifs réels ont été revus régulièrement à la baisse, mais avec un exercice de retard et dans un contexte de contraction des mesures pour l'emploi. D'autre part, le contrôle sur place à la DR de Lyon a permis de constater que l'effectif réel était revenu à l'équilibre par rapport à l'effectif théorique, la DR s'étant vu confier une nouvelle mission par le conseil régional. Il n'en demeure pas moins que certains sites ont peu de marge de manoeuvre comme les DR de Clermont, Lyon, Nancy ou Nîmes dont les taux de CDI (au 1er janvier 2003, cependant) sont supérieurs à 90 %, voire pas du tout comme la Guadeloupe avec un taux de 100 %.

Dans le secteur agricole, les seuls sureffectifs apparaissent en Guadeloupe et dans une moindre mesure à la DR d'Amiens.

Il ressort de cette analyse qu'il y a un problème d'adaptation des moyens aux besoins dans le secteur FPE dans de nombreux sites. L'établissement est certes confronté à un problème de prévision dans un domaine où le volume des mesures gérées peut varier de façon importante, phénomène aggravé par l'instauration d'une limitation du taux de CDD à 15 %, marge non utilisée pleinement, mais pouvant entraver localement une adaptation rapide des effectifs à la charge de travail. La récente mission tripartite a également mis en lumière l'inadéquation des ratios de productivité, préconisé leur abandon à terme et identifié des marges de productivité qui sont des pistes de réflexion pour le CNASEA.

De plus, l'existence de ces ratios, de par leur relative automaticité, peut expliquer la faiblesse du contrôle de gestion au sein de l'établissement et limite le dialogue de gestion qui devrait être renforcé avec les délégations régionales dans le cadre d'un pilotage objectifs/moyens. De même, l'établissement se doit également de réfléchir à la bonne adéquation de ses structures, aujourd'hui très morcelées et ne facilitant pas les économies d'échelle, s'interroger sur le point de savoir si tous les sites doivent tout faire ou en spécialiser certains sur des mesures à la volumétrie plus limitée, comme il avait pu le faire avec la mesure nouvelles filières de formation d'ingénieurs (NFI) centralisée à Rouen, ou sur certaines implantations (Antilles-Guyane, Corse).

C. C.- LES AGENTS MIS À DISPOSITION

1. 1.- L'économie du dispositif

Pendant la période sous contrôle (1995-2001), les règles relatives aux mises à disposition sont fixées à l'article 29 du décret du 30 décembre 1992 qui prévoit que les agents peuvent être mis à disposition, dans l'intérêt du service et avec leur accord.

Dans le cadre de la charte du 21 décembre 1994, qui précise les droits et les devoirs du personnel du siège ne souhaitant pas suivre la délocalisation du siège à Limoges et demandent à être reclassés en région parisienne, la mise à disposition est un des mécanismes de reclassement prévus pour répondre au souhait des agents. Il est également prévu que tout agent ayant souscrit une « clause Limoges 12 ( * ) » dans son contrat de travail et affecté ou nommé au siège au moins six mois avant la date effective du déménagement, bénéficiera des dispositions prévues pour les agents transférés à l'exception du droit à reclassement. Cette clause a été levée dans le cadre de la négociation du protocole de 1999 pour les agents en poste au siège avant le 3 juin 1999.

A la fin de l'année 2001, 166 agents étaient en situation de mise à disposition, soit près de 10 % de l'ensemble des agents sous statut CNASEA. D'après des documents actualisés remis au cours du contrôle, 191 agents étaient dans cette situation en mars 2003.

Les mises à disposition se font dans le cadre de conventions type : une convention cadre avec l'organisme d'accueil et une convention relative à chaque agent mis à disposition pour une durée indéterminée. Ces conventions visent « les mesures sociales d'accompagnement de la relocalisation du siège du CNASEA » et prévoient le remboursement sur une base trimestrielle des traitements et accessoires par l'organisme d'accueil.

Cependant, les coûts de l'agent sont facturés sur une base IRCANTEC alors que les agents relèvent du régime agricole en vertu de l'article L. 722-20-6° du code rural. Ce régime atypique pour un établissement public de l'Etat entraîne un surcoût de l'ordre de deux millions d'euros selon l'établissement pour des gains de droits inférieurs. L'établissement supporte donc la différence entre le régime de droit commun et le régime agricole plus coûteux.

Le montant des titres de recettes émis est ainsi passé de 2,79 M€ en 1995 à 8,1 M€ en 2001.

2. 2.- Caractéristiques des mises à disposition

Le mouvement de mises à disposition a suivi les vicissitudes de l'établissement au regard de la délocalisation de son siège dans la mesure où l'on constate deux moments forts : les années 1993 à 1996, puis de 1999 à aujourd'hui. Près de 60 % des agents mis à disposition l'ont été depuis 1999, ce qui explique une durée moyenne dans cette situation d'un peu plus de quatre ans.

Sur 191 mises à disposition, 159 intéressent des agents du siège et 32, soit 16,7 %, concernent des agents qui étaient en poste dans les sites régionaux. Ils représentent une part significative des flux de départ entre 1996 et 2001. Ces agents bénéficient d'une mise à disposition à durée indéterminée au même titre que les agents du siège ne souhaitant pas partir à Limoges. L'ancienneté moyenne dans l'établissement avant une mise à disposition s'établit à neuf ans, mais 58 agents mis à disposition, soit plus de 30 %, étaient entrés au CNASEA depuis moins de cinq ans. Il est permis de s'interroger sur le fait d'autoriser des mises à disposition d'agents ayant une faible ancienneté ou ne relevant pas de la délocalisation.

Certains sites ont connu de nombreux départs sur la période : 4 pour la DR de Corse, 13 pour la DR Ile-de-France. L'ajustement des effectifs aux besoins n'est sans doute pas étranger à l'extension d'un dispositif qui fonctionne beaucoup plus dans le sens des départs que des retours (respectivement 98 contre 27 entre 1995 et 2001 selon le bilan social). Alors que l'établissement dit peiner pour trouver des agents souhaitant venir à Limoges, un agent de cette DR a été mis à disposition en septembre 1999. A ce titre, le dispositif méritait d'être mieux encadré.

Le décret n° 2002-1012 du 19 juillet 2002 pourrait être une première réponse. L'article 23 de ce décret prévoit que les agents peuvent être mis à disposition sur leur demande ou avec leur accord pour une durée de trois ans renouvelable. Une disposition transitoire prévoit que les agents qui ne souhaitent pas suivre le transfert de leur poste dans le cadre de la délocalisation du siège, peuvent être mis à disposition pour une durée indéterminée et que les agents déjà placés dans cette position administrative pour une durée indéterminée en conservent le bénéfice.

Se pose enfin l'avenir des agents ainsi mis à disposition dans le cadre de la délocalisation. Compte tenu de leur âge moyen (un peu plus de 41 ans), la situation risque, en effet, de se prolonger de longues années.

La charte de 1994 avait envisagé une sortie de la mise à disposition par la fonctionnarisation, la qualité de contractuel de droit public conféré par le statut du CNASEA donnant accès aux concours internes de la fonction publique. Aucun cas n'est intervenu à ce jour ni aucune mesure prise à ce titre. Les agents semblent donc se satisfaire de la situation et l'établissement en assure la gestion avec une cellule de deux personnes rattachée au directeur général adjoint qui fait office de responsable du site « MAD ». Ces agents bénéficient des mêmes avancements et d'une harmonisation des primes de fonction, selon une enveloppe propre, avec les agents des autres sites.

V. IV.- L'IMMOBILIER DU CNASEA

La politique immobilière développée par le CNASEA vise à adapter ses infrastructures de travail au volume et à la dynamique de son activité en choisissant au cas par cas la solution la plus adaptée, en privilégiant la flexibilité et la diversification de son patrimoine. Cette politique s'est inscrite au cours des dix dernières années dans un environnement de forte croissance d'activité entraînant une augmentation sensible des effectifs en région.

Depuis le dernier contrôle de la Cour, les surfaces (bureaux et archives) occupées par les services du CNASEA ont progressé de plus de 45 % en huit ans.

 

Fin 1993

%

Fin 2001

%

Evolution

Surfaces totales

En propriété ou MAD

26 116 m²

9 113 m²

34,9 %

38 063 m²

14 583 m²

38,3 %

45,7 %

60,0 %

Locations

17 003 m²

65,1 %

23 480 m²

61,7 %

38,1 %

La répartition de l'immobilier entre surfaces en location et propriété a légèrement évolué en faveur de la propriété qui représente plus de 38 % des surfaces occupées.

Le siège occupait en fin d'année 2001, 8 992 m², soit 23,6 % des surfaces totales contre respectivement, à fin 1993, 6 535 m² et 25 %. Cet agrandissement s'est fait par la location de 1 673 m² de bureaux rue d'Oradour, à proximité du siège situé rue Ernest Renan à Issy-les-Moulineaux, et l'acquisition de 690 m² rue du Cherche-Midi en 1995 pour constituer une antenne parisienne dans le cadre de la première délocalisation.

Depuis 1995, les changements de locaux ont donc concerné 12 sites, quatre outre-mer dont une acquisition à La Réunion, Ajaccio, Rouen et Caen dans le cadre de la redéfinition des circonscriptions avec la création d'une DR à Caen pour la Haute et la Basse-Normandie ; l'acquisition de locaux pour la DR de Clermont-Ferrand et d'une antenne à Limoges ; Strasbourg et une acquisition à Nantes de locaux adjacents à des locaux loués.

Alors qu'à fin 1993 l'établissement disposait de 31 implantations dont 7 en propriété, à fin 2001, ce nombre est passé à 35 dont 9 détenues intégralement ou partiellement en propriété, dont 2 pour le seul siège, et un occupé par dotation domaniale. L'établissement indique n'avoir jamais souhaité privilégier systématiquement l'achat sur la location de ses locaux tant au siège que dans les DR et bureaux de formation professionnelle et apprécie au cas par cas, en fonction des données et opportunités, les meilleures localisations au meilleur coût en gardant à chaque fois une marge de développement. De même, l'établissement privilégie l'extension sur place des locaux pour éviter des déménagements onéreux (Lyon, Rennes, Nîmes, La Réunion).

Les dépenses immobilières de l'établissement sont passées de 6,4 M€ en 1995 à 8,2 M€ en 2001, soit une progression de 27,4 %. La part des dépenses de l'espèce dans les charges de fonctionnement observe une légère diminution en passant de 7,9 % en 1995 à 7,2 % en 2001. Les dépenses de travaux et d'entretien connaissent un accroissement constant depuis 1998. En revanche, les dépenses de location et les charges locatives montrent un léger repli entre 2000 et 2001. Cette évolution, qui reste encore à confirmer, peut être une conséquence d'un arbitrage entre l'achat et la location que l'établissement mène de manière cohérente.

Le CNASEA a défini une surface cible pour ses locaux tendant à proposer une surface utile de bureau de 12 m² par agent et par site, ce qui est un ratio habituellement observé, et s'efforce de rendre les conditions d'hébergement de ses agents homogènes d'un site à l'autre tout en tenant compte de la configuration particulière des locaux.

La situation de l'immobilier du CNASEA apparaît bien appréhendée par les services. Si certains sites apparaissent moins bien placés que d'autres, une approche à moyen terme devrait prendre également en compte les évolutions des effectifs nécessaires aux missions, des éventuels sureffectifs et de leur caractère compressible ou non en fonction de la nature des contrats, à durée indéterminée ou non. A cet égard, l'acquisition des locaux de Clermont-Ferrand en 1997, DR en sureffectifs à fin 2001 avec un taux de CDI supérieur à 93 %, peut surprendre alors que dans le même temps le CNASEA implantait une DR à Limoges.

VI. V.- LES DÉPENSES INFORMATIQUES

A. A.- UNE PROGRESSION SENSIBLE DES MOYENS

Les dépenses du CNASEA en matière informatique ont progressé de 60,5 % entre 1995 et 2001 pour s'établir à plus de 15 M€, soit une croissance beaucoup plus élevée que celle des dépenses totales de l'établissement (29 %) ou des seules dépenses de fonctionnement et en capital (36,5 %).

La part de l'informatique dans les dépenses de l'établissement s'établit en moyenne à près de 10 % pendant la période sous contrôle. Les dépenses liées aux passages à l'an 2000 et à l'euro se sont élevées respectivement à 0,95 M€ et 1,09 M€ et ces deux événements n'ont pas posé de problème à l'établissement.

Les dépenses informatiques (en M€)

L'analyse du personnel du CNASEA a fait ressortir une progression sensible des effectifs de la direction des services informatiques (DSI), de 57 personnes en 1995 à 121 en 2002. Le secteur des études a le plus profité de cette évolution avec un triplement de ses agents. Le secteur technique (exploitation et support système et réseau) a nettement moins progressé (69,4 %) et sa part de l'effectif total est passée de 63 % à 50 % entre ces deux années (respectivement 37 et 50 % pour les études).

Ce rééquilibrage s'explique par la gestion de nouvelles aides mais aussi par deux grands chantiers informatiques de ces dernières années. Le développement de RMC (refonte des mini-ordinateurs du CNASEA) pour les délégations régionales a vu l'intégration d'une bonne partie des équipes du prestataire en charge du projet. La mise en place de RMA (refonte des mini-ordinateurs en ADASEA) s'est traduite par l'installation de l'antenne DSI de Limoges grossie des transfuges de l'équipe Présage (progiciel de gestion des fonds structurels européens développé par le CNASEA). Ainsi l'équipe en charge des applications FPE est passée de 3 personnes en 1995 à 15 aujourd'hui.

Cependant, une telle progression des moyens humains n'a pas diminué le recours aux prestataires extérieurs. La part de ces dépenses dans les dépenses informatiques a atteint 41 % en 1999 pour diminuer depuis et en représenter 29 % en 2001. Plus de 50 agents ont pu être présents à un moment ou un autre de l'année (non simultanément), ce qui représente de l'ordre d'une trentaine de prestataires en ETP venus en renfort des effectifs normaux de l'établissement, soit environ 30 % de ceux-ci en moyenne. Le recours à la sous-traitance permet d'absorber les hausses d'activité pour des besoins ponctuels mais n'a pas empêché la croissance des effectifs de l'établissement.

B. B.- LA POLITIQUE INFORMATIQUE DU CNASEA

1. 1.- L'évolution des systèmes d'information

Le dernier schéma directeur informatique établi par l'établissement remonte à la période 1986-1988. Il a fait l'objet d'une refonte en janvier 1990 en vue de couvrir la période 1990-1992. Il n'y en a pas eu de nouveau depuis lors, les orientations étant arrêtées dans le cadre du comité de pilotage informatique de l'organisme.

La DSI ne disposait pas de document décrivant l'architecture informatique du CNASEA au moment du contrôle, ce qui est caractéristique d'un organisme qui a connu quatre directeurs de l'informatique en six ans et qui a souffert de la délocalisation avec une perte de mémoire induite par les départs et aggravée par une culture plus orale qu'écrite.

L'actualisation de 1990 du schéma directeur a jeté les bases des principales évolutions du système d'information du CNASEA qui restent toujours d'actualité : RMC et RMA ainsi que la refonte de la chaîne de traitement informatique de la rémunération des stagiaires de la formation professionnelle (REMU) et la refonte des traitements comptables et statistiques centraux (RTCC).

Une refonte des chaînes emploi (RCE) a été entreprise entre 1997 et 2001 et a concerné les emplois jeunes, les CES et les CEC. En parallèle, l'établissement a développé des outils d'infocentre sous forme d'extranets ouverts aux services de l'Etat : NSEJ pour les emplois jeunes en 1998 et Syracuse à mi-1999 pour les autres mesures emploi.

Sur la période 1995-2001, la politique de l'établissement a principalement visé à : généraliser la mise en place de réseaux locaux et serveurs bureautiques en ADASEA et délégations régionales (RMA et RMC) ; renforcer la sécurité par la mise en place d'un plan de secours ; faire évoluer les réseaux de télécommunication reliant le siège aux délégations régionales ; remplacer tous les terminaux passifs par des ordinateurs de type PC ; développer l'usage des nouvelles technologies dans les relations à l'intérieur du CNASEA et vers les partenaires extérieurs.

Sur le plan technique, l'établissement a fait le choix, dès la fin des années 1980, d'évoluer vers les systèmes ouverts (monde Unix). L'infrastructure matérielle et logicielle est répartie sur trois niveaux. Le site central est équipé d'environ 400 micro-ordinateurs sous Windows 9.x connectés sur un réseau local, de deux Bull DPS 7000 pour les applications de paiement et de recouvrement et de nombreux serveurs. Les 27 sites régionaux (DR et bureaux) sont équipés d'environ 1 000 micro-ordinateurs sous Windows 9.x connectés sur un réseau local servant à la bureautique et aux applications de gestion du CNASEA. Les 90 sites départementaux (ADASEA) sont équipés d'environ 900 micro-ordinateurs sous Windows connectés à un réseau local servant à la bureautique, à la gestion interne des ADASEA et aux applications de gestion du CNASEA.

A cette décentralisation des infrastructures correspond une administration centralisée du réseau du CNASEA constitué en étoile : tous les sites distants (sites régionaux, ADASEA et partenaires) sont reliés et communiquent par l'intermédiaire du siège qui organise ainsi la protection des données circulant sur le réseau.

2. 3.- Les grands chantiers informatiques

Faute de bilan de l'exécution des grands chantiers, il a été demandé au CNASEA d'indiquer pour le moins, pour chacun d'entre eux, les dates de lancement des opérations, les dates prévisionnelles d'achèvement et les dates de déploiement effectif ou prévu, ainsi que les coûts prévisionnels et les coûts effectifs ou atteints au moment du contrôle. Le CNASEA a eu des difficultés à réunir ces informations au vu des délais mis pour répondre et de l'absence de précision des réponses. Deux chantiers méritent une attention particulière.

a) a) La refonte des mini-ordinateurs en ADASEA (RMA)

Ce projet lancé en avril 1994 portait sur la mise en place de modules communs et sur la refonte des systèmes de gestion des aides. Alors que la date prévisionnelle d'achèvement était fixée à décembre 1996, les travaux de refonte proprement dits se sont achevés en décembre 1999. Le CNASEA avance deux éléments pour expliquer ce report : la mise en place d'une nouvelle méthode d'expression des besoins applicable à tous les projets a eu pour effet de reporter le démarrage de la réalisation en mai 1997 ; une évolution des spécifications des programmes locaux intervenue en juin 1998 a conduit à revoir les modules spécifiques en profondeur et à modifier les priorités, la date d'achèvement étant reportée de ce fait à 1999.

Le budget initial de l'opération, élaboré en septembre 1993, était fixé à 3,5 M€. Les dépenses réelles correspondant au programme initial ont représenté un total de 4,2 M€ à fin 2001, soit un faible dépassement. Cependant, alors que le budget initial reposait sur la réalisation par une équipe interne au CNASEA pour 0,82 M€, l'établissement a fait appel à des prestataires externes pour 2,2 M€.

b) b) La refonte des traitements centraux communs (RTCC)

Les nouveaux traitements centraux communs devaient remplir trois fonctions : le paiement, y compris la gestion des ordres de reversement; le recouvrement des créances ; le pilotage budgétaire. Les objectifs visés par ce projet initié en 1994 étaient de diminuer les délais de paiement, d'améliorer l'efficacité des rapprochements de dossiers, d'améliorer le suivi des bénéficiaires d'aides et de renforcer la sécurité des procédures. Il s'agissait aussi d'adapter les traitements centraux à la déconcentration des tâches de gestion et d'accroître la qualité du travail comme les échanges entre les services.

Les étapes de conception et de spécification détaillées furent réalisées par la DSI à partir de l'expression contractuelle des besoins des services entre 1994 et 1997. Il a alors été décidé de lancer deux consultations, l'une pour le choix d'un progiciel de recouvrement, l'autre pour la réalisation des deux autres fonctions à travers un appel d'offres sur performances.

Dès le départ, la refonte informatique des fonctions paiement et pilotage budgétaire n'a pas fait l'objet de toute l'attention nécessaire ce qui s'est traduit par une mise en production en mai 2003 seulement et par des coûts supplémentaires importants.

Le marché principal a fait l'objet de quatre avenants successifs en raison des carences du dossier de spécifications détaillées qui a dû être révisé plusieurs fois pour répondre à l'expression des besoins et à la nécessité de renforcer certaines configurations de matériel. Ils ont porté le montant final du marché à 7,50 M€ (+ 82 %) et prolongé sa durée de 18 mois. La commission spécialisée des marchés d'informatique (CSMI) a rendu un avis défavorable en raison du bouleversement de l'économie du marché ainsi entraînée mais le directeur général du CNASEA a passé outre en invoquant l'aspect stratégique du projet, la nécessité des modifications apportées et le fait que seule la société retenue pouvait les réaliser.

Les deux parties ont prononcé la vérification d'aptitude le 31 août 2000 alors que de nombreuses anomalies subsistaient, puis la vérification de service régulier le 28 février 2001, l'une et l'autre sans réserve. Or, les anomalies sont restées importantes jusqu'au début de 2003. Il a cependant été décidé de passer en phase de démarrage le 14 mai 2003, juste avant le déménagement à Limoges.

S'il est difficile de distinguer les responsabilités relevant de l'établissement et du titulaire du marché, il n'en demeure pas moins que ce marché a été mal maîtrisé à la fois par la maîtrise d'ouvrage, du fait en grande partie de son absence de définition d'un schéma directeur, et par le maître d'oeuvre, en raison de ses défaillances en termes de spécifications. Les nombreuses difficultés rencontrées étant relativement prévisibles, vu l'ampleur du projet, des études préalables plus importantes étaient nécessaires et leur coût aurait été facilement amorti.

Ce marché principal a été complété par de nombreux marchés de prestations intellectuelles. Un marché négocié de maintenance applicative a été confié à l'entreprise titulaire du marché principal et, compte tenu des problèmes rencontrés, on peut s'interroger sur ce choix. En outre, il comporte des prestations de maintenance corrective qui auraient sans doute pu être laissées à la charge du titulaire. Un marché d'assistance à direction de projet a été confié à une autre société pour organiser et coordonner les activités spécifiques de la maîtrise d'oeuvre, préparer et animer les différents comités de suivi et mettre en oeuvre un plan de réduction des risques. Plus que d'assistance, il s'agissait plutôt de pilotage du projet, mission qui aurait normalement pu être effectuée par la DSI elle-même.

Le coût total du projet RTCC de 1995 à 2001 s'est élevé à 15,8 M€, essentiellement en prestations extérieures.

Ce projet, marqué par une dérive importante des délais et des coûts, laisse douter de la maîtrise de l'établissement et illustre une caractéristique plus générale de la gestion de l'informatique du CNASEA. Alors qu'il parait capable d'adapter ou mettre en place rapidement des dispositifs de gestion d'aides, l'établissement peine à mener des projets plus lourds de moyen terme, ce qui conduit à ces dérives. L'absence de schéma directeur n'est sans doute pas étrangère à cette situation. Une programmation pluriannuelle permettrait de dresser un bilan périodique de l'avancement, de l'efficacité et de l'efficience des investissements et donnerait au conseil d'administration une meilleure vision des effets des budgets votés que le simple compte rendu des marchés relevant de sa compétence.

TITRE III.- LES ACTIVITÉS DU CNASEA

I. I.- LE DÉVELOPPEMENT DES ACTIVITÉS

L'activité principale du CNASEA consiste à verser des aides aux bénéficiaires des politiques de l'agriculture, de la formation professionnelle et de l'emploi (FPE). Les dépenses en question se sont élevées à 7,4 Md€ en 2001 contre 5,3 Md€ en 1995, soit une croissance de 38 %.

En 2001, le secteur FPE représentait les trois quarts des dépenses d'intervention de l'établissement avec 5,5 Md€, dont 0,9 Md€ à la charge des collectivités territoriales, contre un total de 4,1 Md€ en 1995.

Les dépenses agricoles s'élevaient respectivement à 1,9 Md€ et 1,2 Md€ sur ces deux exercices, soit une hausse de 55 %, concentrée sur l'année 2001. Ces dépenses agricoles sont cofinancées à hauteur de 30 % environ par l'Union européenne.

A. A.- LES ACTIVITÉS DU SECTEUR AGRICOLE

1. 1.- La compatibilité avec les compétences techniques et statutaires du CNASEA

L'article L. 313-3 du code rural prévoit que le CNASEA met en oeuvre « des actions socio-structurelles concourant à la modernisation et à la transmission des exploitations agricoles ». Conformément à son statut, l'établissement était spécialisé à l'origine dans la gestion des aides relevant du triptyque [installation, modernisation, départ] dont une caractéristique commune est d'appuyer un projet.

Ses activités avaient déjà été élargies en 1995, notamment aux mesures agri-environnementales, puis sa diversification a été renforcée avec, en particulier, la gestion des aides associées au service public de l'équarrissage (1997) et au traitement des farines animales (1998).

En 2000, le nombre de dossiers traités par le CNASEA restait toutefois plus faible qu'en 1995 et il n'a augmenté qu'en 2001 avec l'attribution au CNASEA du paiement de quasiment toutes les aides prévues par le plan de développement rural national (PDRN).

Cette augmentation a été très forte et 464 000 dossiers ont été traités en 2001 contre 323 000 en 1995. Le nombre de dispositifs gérés, dont les principaux figurent dans le tableau suivant, a plus que doublé depuis 1995.

Les principales dépenses d'interventions agricoles en 2001 (M€) 13 ( * )

Mesure

Dépense nationale

Mesure

Dépense nationale

Traitement farines

240

Prime à l'herbe

92

ICHN 14 ( * )

207

CTE 15 ( * )

80

Equarrissage

180

Indemnité départ

80

Prêts bonifiés

178

DJA 16 ( * )

63

Plusieurs mesures moins importantes n'entraînent en fait que des dépenses minimes, voire nulles, alors que leur coût de gestion n'est pas négligeable (aides au pastoralisme, rémunération des femmes d'agriculteur, exploitations bananières en difficulté...). Certaines d'entre elles pourraient toutefois connaître un fort développement à l'avenir (Natura 2000).

Le CNASEA s'est éloigné de ses missions initiales et la cohérence de son portefeuille d'activité actuel n'apparaît pas clairement. Le développement rural constitue certes un dénominateur commun à de nombreuses mesures mais plusieurs n'en relèvent pas (équarrissage...) alors que, parmi celles qui en relèvent, la nouvelle prime herbagère lui a été retirée. Certaines interventions sont particulièrement éloignées de ses compétences techniques de base et discutables :

- depuis une douzaine d'année, le CNASEA est chargé de rembourser la charge de bonification des prêts bonifiés agricoles aux banques habilitées à les distribuer, après avoir certifié leurs factures. Comme on le verra plus loin, il n'a acquis que très récemment les moyens techniques de certifier correctement ces factures et d'assurer cette mission très différente du paiement de masse d'aides aux agriculteurs ;

- une loi du 26 décembre 1996 a chargé le CNASEA de gérer le fonds de financement du service public de l'équarrissage et une part très importante des moyens de son agence comptable est mobilisée pour contrôler le paiement de marchés très délicats, comme en témoignent les taux élevés de rejets, ou encore, en raison du nombre élevé d'appels d'offres infructueux, pour payer des indemnités de réquisition, sans disposer d'avantages comparatifs particuliers en ces domaines.

Cette diversification pose aussi un problème de compatibilité avec ses missions statutaires. Il a fallu en effet attendre le décret du 29 août 2000 pour inclure, par exemple, dans ses missions statutaires définies à l'article R. 313-14 du code rural, l'extensification des exploitations ou la préservation de la qualité de l'environnement, domaines dans lesquels il intervenait déjà depuis longtemps.

La compatibilité de ce décret avec les dispositions inchangées de l'article L. 313-3 du code rural n'est en outre pas du tout certaine. Le projet de loi sur le développement des territoires ruraux pourrait cependant modifier cet article en incluant notamment la protection de la nature dans les missions de l'établissement.

Le service public de l'équarrissage n'est pas non plus compris dans l'article L. 313-3 et la loi du 26 décembre 1996 indique seulement que le CNASEA gère le fonds par lequel transitent les ressources qui financent ce service public dont les modalités de gestion sont définies par un décret du 30 octobre 1997. Celui-ci institue en un seul article un dispositif organisant, pour le paiement des marchés, une répartition de la fonction d'ordonnateur des dépenses entre les préfets et le directeur général du CNASEA qui est incohérente avec les dispositions du décret de 1962 sur la comptabilité publique et ne résout pas les problèmes posés par cette incohérence. Il ne prévoit rien en cas de réquisition, modalité de gestion pourtant la plus fréquente.

Etant donné que ce dispositif est juridiquement très fragile, que l'intervention des services spécialisés du ministère chargé de l'agriculture est en tout état de cause nécessaire et que les services du trésor public se déclarent prêts à assurer ces paiements, il est difficile de comprendre pourquoi cette mission a été confiée au CNASEA et pourrait être étendue, comme l'administration semble l'envisager, à la passation des marchés.

2. 2.- La compatibilité avec les règles communautaires

Par un arrêté du 16 octobre 2000, le CNASEA a été agréé comme organisme payeur de presque toutes les mesures prévues par le PDRN conformément au règlement 1257/99 concernant le soutien au développement rural (RDR). Alors que plusieurs dispositifs étaient cofinancés jusque là par le FEOGA Orientation, ils le sont quasiment tous par le FEOGA Garantie depuis 2001.

Plusieurs mesures payées par le CNASEA sont toutefois uniquement financées par le budget national. Elles doivent alors faire l'objet d'une notification à la Commission européenne mais, d'après les services du ministère de l'agriculture, une seule d'entre elles aurait été notifiée, ce qui laisse planer un doute sérieux sur la régularité des autres. En outre, des contrats territoriaux d'exploitation ont été signés avant l'accord de la Commission, laquelle a obligé la France à corriger son dispositif, et n'ont pas été ensuite régularisés, ce qui n'est pas conforme aux règles communautaires quand bien même les aides non conformes au dispositif agréé n'auraient été financées que sur le budget national.

B. B.- LE SECTEUR DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE ET DE L'EMPLOI

1. 1.-Le choix du CNASEA comme opérateur

Le rôle d'opérateur dans les secteurs de la formation professionnelle et de l'emploi (FPE) du CNASEA s'est développé à partir des années quatre-vingts avec la montée en charge des interventions de l'Etat dans ce domaine. La décentralisation de l'action publique vers les régions est venue amplifier et diversifier ce rôle.

Le recours au CNASEA plutôt qu'au réseau des comptables du trésor a été présenté dès le départ comme un choix pragmatique : le CNASEA n'était pas seulement sollicité comme payeur mais également pour effectuer diverses opérations, à la fois en amont et en aval du paiement, que les collectivités gestionnaires entendaient externaliser pour pouvoir centrer leur action davantage sur le pilotage et le contrôle que sur la gestion ; d'autre part, l'établissement bénéficiait d'ores et déjà de l'expérience acquise dans la gestion d'aides publiques à la formation dans le secteur agricole ; enfin, sa structure à la fois centralisée (comptable public unique) et déconcentrée apparaissait comme garante d'efficacité.

Aujourd'hui, selon la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) qui est son principal donneur d'ordre, le recours au CNASEA se justifie plus que jamais dans la perspective de l'application de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) du 1er août 2001, qui doit conduire l'Etat à se recentrer sur les fonctions de conception et de pilotage, en sous-traitant les tâches qui peuvent être effectuées ailleurs avec plus d'efficience. Le CNASEA assure autant un rôle de payeur que, ce que ne fait pas le réseau du trésor, de remontée d'informations statistiques utiles et nécessaires au pilotage et au suivi des mesures.

Dans cet esprit, la DGEFP a envisagé de lui confier le paiement des aides aux structures d'insertion par l'économique et aux structures qui assurent l'activité professionnelle des travailleurs handicapés (ainsi que le paiement de la garantie de ressources) ; ces transferts sont toujours en cours d'étude. Selon la DGEFP, le recours à un opérateur « efficace et neutre » couvrant l'ensemble du territoire a permis de réorienter l'action des services déconcentrés vers la conduite des politiques et de spécialiser le prestataire en favorisant une meilleure efficacité des activités qu'il assure.

2. 2.- L'évolution du volume d'actions

De 1995 à 2001, les dépenses ont augmenté de 36 % mais d'une manière très inégale selon les secteurs : +45 % pour les aides à l'emploi et + 4 % pour la formation professionnelle. En 2001, les aides à l'emploi (4,0 Md€) ont représenté 73 % des dépenses d'intervention de l'ensemble FPE (5,5 Md€).

Cette croissance des dépenses, qui incluent chaque année le stock des conventions passées en cours d'exécution, doit être relativisée, en termes d'activité, par la baisse du nombre de dossiers nouveaux observée sur la période. Le flux annuel de dossiers nouveaux a diminué de 28 % sur la période, passant de 1,4 million en 1995 à un million en 2001 ; cette tendance s'est poursuivie en 2002 du fait de l'extinction progressive des contrats emplois jeunes. Cette divergence d'évolution trouve sa source dans la place importante prise par les mesures s'étalant sur plusieurs années.

Les principales dépenses d'interventions dans le domaine FPE en 2001 (M€)

Mesure

Total des dépenses

CES, CEC, CEV

2 062

Emplois jeunes

2 063

Rémunération des stagiaires

684

Subventions aux centres de formation

543

Dans le domaine de l'emploi, le CNASEA assure le paiement des principales aides prévues dans les budgets des ministères, notamment les contrats emploi solidarité (CES), les contrats emploi consolidé (CEC), les contrats emploi-jeunes (CEJ) et les contrats emplois de ville (CEV) pour le compte des ministères chargés de l'emploi et de l'outre-mer mais aussi la part restant à la charge des établissements d'enseignement employeurs de CES ou CEC pour le compte du ministère de l'éducation nationale. La période sous revue a été caractérisée par la montée en charge des CEC et CEJ qui a beaucoup contribué à la hausse des paiements ; mais certaines mesures parmi les plus importantes (CEJ, CEV...lesquelles représentent 22 % du volume de dossiers) sont aujourd'hui en extinction.

Le CNASEA assure également le paiement d'aides complémentaires apportées par les départements (par exemple rémunération des salariés en CES bénéficiaires du RMI) ; leur volume a été multiplié par huit sur la période mais elles ne représentent encore que 53 M€ en 2002. Le CNASEA intervient aussi, pour des prestations plus limitées qu'en métropole, dans la gestion des contrats d'insertion par l'activité dans les DOM.

Dans le domaine de la formation professionnelle, le CNASEA intervient pour le compte de l'Etat dans le financement de certains stages, notamment ceux dont bénéficient les travailleurs privés d'emploi et non indemnisés. Il assure la rémunération des stagiaires ainsi que le versement des subventions aux centres de formation.

La compétence de l'Etat n'est cependant plus que résiduelle dans ce domaine qui a été transféré aux régions. Celles-ci ont étendu le champ des aides à la formation professionnelle et toutes sauf deux ont confié au CNASEA le paiement des rémunérations des stagiaires ; les deux tiers des régions lui ont confié le versement des subventions de fonctionnement aux organismes de formation.

L'activité de rémunération des stagiaires a connu une érosion significative de 1995 à 2001 tant en nombre de stagiaires (- 15 %) qu'en volume de paiements (- 22 %). Le CNASEA a rémunéré un peu plus de 350 000 stagiaires en 2001 se répartissant pour moitié entre l'Etat et les régions, pour un volume total de paiements de 684 M€. En revanche, les subventions versées aux centres de formation (543 M€) ont presque doublé, la part de cette activité exercée pour le compte des régions ayant connu la progression la plus notable.

Au-delà de ces actions auparavant assurées par l'Etat, chaque collectivité travaillant avec le CNASEA a mis en place sa propre politique comprenant des dispositifs spécifiques, prenant ainsi progressivement ses distances avec le livre IX du code du travail ; les actions menées se caractérisent par leur grande diversité.

3. 3.- Les prestations réalisées par le CNASEA

Les prestations demandées au CNASEA en tant que gestionnaire sont assez différentes d'un dispositif à l'autre. En matière d'aides à l'emploi, son rôle est presque exclusivement celui d'un payeur - dans un cadre déclaratif - et d'un fournisseur d'informations, qui n'effectue ni, en amont, l'instruction des dossiers ni, en aval, leur contrôle sur le terrain. Son rôle est nettement plus développé dans le domaine de la rémunération des stagiaires, qui a constitué historiquement sa première intervention dans le domaine FPE par la voie de la prise en charge des formations destinées aux agriculteurs. En prenant en charge l'instruction des dossiers, la vérification de leur caractère éligible et le respect des agréments délivrés, le CNASEA intervient réellement comme un opérateur et non comme un simple payeur. Sa responsabilité s'en trouve accrue.

Quel que soit le dispositif géré, le CNASEA assure en outre selon des modalités variables et adaptées à chaque donneur d'ordre la fourniture d'informations statistiques ; s'agissant de ses relations avec les services déconcentrés de l'Etat dans le domaine FPE, la direction concernée du ministère (DARES) a indiqué qu'elle souhaitait que ces prestations soient mieux décrites et incluses dans une convention, dans le cadre de la révision du contrat d'objectifs.

Il a également développé des outils de gestion et de pilotage : ainsi à la demande de l'Etat SYRACUSE, un extranet destiné à permettre à la DGEFP de mieux gérer, dans une perspective de contrôle de gestion, les dispositifs d'aide aux chômeurs de longue durée, par intégration de fichiers en provenance de diverses sources. Pour le compte des régions, il a développé CLEO, un système de suivi des formations sous forme d'intranet. Cette application permet le suivi de l'offre de formation, des stagiaires et de la consommation des agréments dans les centres de formation, et peut être adaptée aux besoins spécifiques d'une région.

L'établissement assure enfin la fourniture d'informations ou de formulaires au public, cette dernière prestation étant cependant nettement moins développée que dans le secteur agricole.

4. 4.- Le CNASEA n'est pas maître de son volume d'actions

Le CNASEA ne maîtrise pas les évolutions de son volume d'actions qui tiennent aux politiques menées par l'Etat et les collectivités territoriales et peuvent être assez erratiques, alors que ses charges se caractérisent par une rigidité croissante. Ces évolutions sont d'autant moins prévisibles qu'il existe une pluralité d'opérateurs possibles en dehors de l'Etat lui-même.

Le régime public de formation professionnelle comprend ainsi plusieurs payeurs : l'AFPA, l'UNEDIC, l'ANPE et le CNASEA, suivant le public bénéficiaire. Une évolution notable de la répartition du périmètre entre les différents payeurs a concerné les SIFE collectifs : le versement des subventions aux centres de formation, précédemment confié à l'AFPA, a été transféré au CNASEA depuis le 1er janvier 2001, l'AFPA continuant de payer les conventions conclues les années antérieures ; les SIFE individuels sont, quant à eux, gérés par l'ANPE chargée par ailleurs de la mise en oeuvre des mesures d'aide au retour à l'emploi dans le secteur marchand que sont le contrat initiative emploi et le stage d'accès à l'entreprise.

La Cour a déjà relevé la diversité des opérateurs pour la gestion financière du dispositif de formation professionnelle. La répartition des compétences entre les différents payeurs repose sur une spécialisation par public, sans que la qualité spécifique de l'organisme payeur (capacité à payer rapidement, niveau de qualité et de contrôle des prestations) n'ait constitué, apparemment, un critère explicite de choix.

Le ministère du travail et des affaires sociales avait présenté le 31 décembre 1996 un rapport relatif à l'examen du circuit financier des aides à l'emploi et à la formation professionnelle, qui a relevé la grande diversité des procédures et des compétences en indiquant que « les raisons et les conséquences de cette dispersion des circuits de paiement (...) n'ont pas été complètement analysées. » Sans porter de véritable appréciation comparative sur la qualité globale des différents payeurs, l'audit appelait à davantage d'homogénéité et envisageait le transfert du paiement de certaines aides, non précisées, au réseau du trésor public. Il ne semble pas avoir connu de suites.

5. 5.- Un cadre juridique à sécuriser

L'article L. 313-3 du code rural prévoit que le CNASEA met en oeuvre « différentes actions dans le domaine de la formation et de l'emploi » et la partie réglementaire du code ne donnait aucune précision sur ces actions jusqu'au décret du 29 août 2000 qui dispose que le CNASEA « gère les aides dont l'Etat décide de lui confier le traitement » et précise la nature des prestations qui peuvent lui être ainsi confiées : gestion des dossiers, paiements, contrôle interne des procédures et des droits des bénéficiaires, informations statistique et financière. Il prévoit aussi de lui confier des « missions particulières connexes » et l'autorise à apporter son concours aux collectivités territoriales en matière de gestion, de contrôle ou de mise au point d'outils techniques et informatiques.

L'article L. 961-2 du code du travail prévoit toutefois depuis longtemps que la rémunération des stagiaires de la formation professionnelle puisse être assurée par un établissement public administratif de l'Etat et les articles R. 961-8 et R. 961-11 indiquent, pour celles à la charge de l'Etat, la répartition de leur gestion entre les institutions d'assurance chômage, l'AFPA et le CNASEA. Pour les rémunérations à la charge des régions, cette répartition n'est pas prévue par un texte.

Sur ces bases, fragiles jusqu'en 2000 hors rémunération des stagiaires, les mesures confiées au CNASEA par l'Etat et les régions l'ont été par voie de conventions. Avec l'Etat, une première convention a été signée le 28 janvier 1992 et sept avenants sont intervenus par la suite. Ces conventions comportent en annexe des cahiers des charges qui décrivent assez précisément les modalités d'intervention, techniques et financières, de l'établissement. On notera qu'il n'existe pas de conventions de ce type avec le ministère de l'agriculture pour ce qui concerne les aides agricoles. Les conventions passées avec les régions sont au nombre de 237 et ont des formes diverses.

Ces conventions posent le problème de l'application du code des marchés publics. En effet, seule la rémunération des stagiaires de la formation professionnelle pour le compte de l'Etat est explicitement réservée par la loi à un établissement public administratif comme le CNASEA.

Pour ce qui concerne les autres mesures confiées par l'Etat au CNASEA, il apparaît toutefois certain que le premier exerce sur le second un contrôle comparable à celui qu'il exerce sur ses propres services, que le second réalise la plupart de ses activités pour le premier et qu'il est lui-même soumis au code des marchés publics. Dans ces conditions, on peut estimer, sous réserve de l'appréciation des juridictions compétentes pour en connaître au contentieux, que le code des marchés publics, en application de son article 3-1, n'est pas applicable à ces conventions. Ceci peut être étendu aux cofinancements des mesures d'aide à l'emploi par les collectivités territoriales, qui suivent le régime de la prestation principale.

En revanche, vis à vis des mesures propres aux régions en matière de formation professionnelle, le CNASEA n'est pas sous leur dépendance et ne détient aucun droit exclusif, notamment pour ce qui concerne les subventions aux organismes de formation, puisque la loi (art. L. 961-2 précité du code du travail) qui prévoit le versement des rémunérations des stagiaires par un établissement public administratif ne vise pas ces subventions. Le régime du mandat, parfois utilisé dans ces conventions, n'exonère pas d'une mise en concurrence. Enfin, le régime de la délégation de service public ne correspond pas à la nature des relations entre l'établissement et les régions.

Le CNASEA gère donc ces mesures pour le compte des régions dans une situation de forte insécurité juridique, puisqu'il apparaît difficile, dans l'état actuel des textes, d'écarter l'application du régime des marchés publics.

Les administrations de tutelle ont annoncé qu'un projet de loi sur le développement des territoires ruraux devrait comprendre des dispositions visant à mieux définir les compétences du CNASEA et permettre aux collectivités territoriales et aux établissements publics de confier à cet établissement la mise en oeuvre de leurs interventions ; celles-ci pourraient lui être confiées à titre exclusif dès lors qu'elles concernent des actions rentrant dans son champ de compétence.

La Cour insiste sur la nécessité de mettre fin sans retard à l'insécurité juridique potentiellement préjudiciable qui affecte actuellement les relations du CNASEA et des collectivités territoriales.

C. C.- DES DÉVELOPPEMENTS CONTESTABLES

A la demande de l'Etat ou à son initiative, le CNASEA a étendu ses activités au-delà des missions qui lui étaient imparties par la réglementation en vigueur et dans des domaines où ses compétences techniques n'étaient pas toujours manifestes. Les trois exemples suivants illustrent les dérives particulièrement graves auxquelles cette faculté de sortir des limites de sa spécialité statutaire a pu conduire le CNASEA.

1. 1.- L'assistance technique aux programmes communautaires

Le CNASEA s'est trouvé impliqué dans la gestion de l'assistance technique aux programmes communautaires depuis le début des années 1990.

Il a tout d'abord été l'organisme intermédiaire dans le cadre de l'initiative communautaire Liaison entre actions de développement de l'économie rurale (LEADER) I. Ce programme était cofinancé par les trois fonds structurels : Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA), Fonds européen de développement régional (FEDER) et Fonds social européen (FSE), et les bénéficiaires finaux - les groupes d'actions locaux (GAL) - devaient bénéficier d'une subvention globale. Dans la mesure où chacun des ministères intéressés par chacun des fonds structurels ne pouvait gérer les fonds européens de manière globale, la DATAR s'est tournée vers le CNASEA.

Dans ce cadre, le CNASEA a donc géré les fonds communautaires à partir d'un compte ouvert à son nom à l'Agence comptable centrale du trésor (ACCT). Comme chaque GAL gérait ses cofinancements nationaux, l'établissement a également mis en oeuvre un dispositif de suivi de l'avancement du programme et de la mise en place des cofinancements nationaux. Le programme LEADER I a été soldé fin 1997. Enfin, il a assuré l'assistance technique du programme sur un financement européen pour assumer des charges de personnel et mettre en oeuvre des actions d'information, de mise en réseau, d'animation et de suivi des GAL.

La gestion de LEADER II n'a pas été confiée au CNASEA, mais la DATAR lui a demandé de continuer d'en assurer l'assistance technique pour son compte avec, notamment l'animation des GAL, mais aussi la consolidation des paiements et le traitement des informations physico-financières.

C'est dans ce contexte que la DATAR a demandé à la fin de l'année 1995 au CNASEA d'étendre sa mission d'assistance technique aux autres programmes d'initiative communautaire (PIC) et aux programmes régionaux européens de l'objectif 2 (régions en déclin industriel) et de l'objectif 5b (zones rurales). La mise en oeuvre et la gestion de ces programmes sont déconcentrées auprès des préfets de région et le CNASEA est chargé d'en agréger les données, de faciliter les échanges, former les acteurs et communiquer, notamment sur les actions innovantes.

L'établissement a pris en charge la consolidation financière des programmes communautaires par la fourniture d'un état des programmes (par région, par fonds, en programmation et en paiement) ainsi que l'élaboration du logiciel de gestion des programmes européens pour le compte des secrétaires généraux aux affaires régionales (SGAR) appelé Présage (Programme Régional et Européen de Suivi, d'Analyse, de Gestion et d'Evaluation).

Avec la nouvelle programmation, l'action du CNASEA en matière d'assistance technique s'articule désormais autour de trois conventions : une convention cadre avec la DATAR en date du 17 décembre 2001 pour lui apporter un appui à la mise en oeuvre du programme national d'assistance technique objectifs 1 et 2 ; une convention cadre avec la DATAR du 26 janvier 2001 relative au programme national informatique (PNI) pour la période 2000-2008 destiné à assurer l'informatisation des programmes européens grâce au logiciel Présage ; enfin, une convention avec le ministère de l'outre-mer du 19 juin 2002 qui, en tant qu'autorité de gestion du PNAT objectif 1 DOM décline la convention passée entre la DATAR et le CNASEA pour le PNAT métropolitain.

Le CNASEA s'est ainsi progressivement écarté du champ de spécialité qui lui était fixé par son décret constitutif.

De plus, pour tenter de régulariser la situation des personnels contractuels rémunérés sur des crédits d'assistance technique en poste dans les services de l'Etat, le CNASEA est devenu organisme support de ces emplois, ce qu'il ne souhaitait d'ailleurs pas. Une telle mission ne rentre pas non plus dans son champ de compétence. Les agents ne sont ni recrutés ni gérés par le CNASEA, mais par diverses administrations parmi lesquelles dominent largement les secrétariats généraux aux affaires régionales (SGAR).

Personnels extérieurs pris en charge par le CNASEA pour le compte de tiers

 

FSE objectif 3

Assistance technique

FEOGA

TOTAL

 

Travail

Industrie

DATAR

Présage

Postes autorisés au 1/01/2003

38

0

180

36

65

319

ETP au 15/01/2003

34,54

0

175,27

33,86

48,09

291,76

Source CNASEA/SG/DDRH

Pour régulariser cette situation, la décision de principe a été prise lors d'une réunion interministérielle tenue le 27 février 2003 de prendre en charge ces personnels sur des emplois de contractuels inscrits sur les budgets des différents ministères intéressés, sur la période 2003-2005. D'une nouvelle réunion interministérielle tenue le 4 juin 2003, il ressort que si les ministères de l'agriculture et de l'emploi semblent effectivement avoir pris des dispositions en ce sens, le ministère de l'intérieur fait état de davantage de difficultés pour la mise en oeuvre de cette décision.

La Cour souligne la nécessité de mettre fin à cette situation irrégulière.

2. 2.- Les dépenses d'équarrissage en 1996

Une loi du 26 décembre 1996 a créé une mission de service public, qui relève de la compétence de l'Etat, consistant à collecter et éliminer les cadavres d'animaux et les abats impropres à la consommation humaine et animale dont le financement est assuré par une taxe sur la distribution de viande au détail. A compter du 1er janvier 1997, son produit a été affecté par la loi à un fonds géré par le CNASEA qui paye les dépenses imputables au service public.

Avant cette date, le « service d'utilité publique de l'équarrissage » était financé par les équarrisseurs eux-mêmes grâce au monopole géographique dont ils bénéficiaient et à la valorisation des sous-produits de leur activité (farines, cuirs et graisses notamment). En cas de difficultés financières, les préfets pouvaient fixer par arrêté le prix d'enlèvement facturé aux abattoirs. L'épizootie d'encéphalopathie spongiforme bovine qui a sévi à partir de mars 1996 a conduit le gouvernement à prendre en juin 1996 un arrêté interdisant certaines utilisations des farines, privant ainsi les équarrisseurs de leur principal débouché commercial.

Les abattoirs refusant d'assumer le relèvement des prix d'enlèvement, l'Etat a mis au point par circulaire et dans l'urgence un dispositif aux fondements juridiques incertains aux termes duquel il s'engageait à prendre en charge 50 % des surcoûts et laissait aux autres acteurs (collectivités territoriales et professionnels) le soin de répartir le reste entre eux. Ce régime transitoire a duré jusqu'au 31 décembre 1996.

Des accords ont été passés dans quelques départements où les collectivités locales ont apporté une contribution financière mais, dans la plupart des cas, aucun accord n'a été obtenu sur les 50 % non pris en charge par l'Etat et, au début de 1997, les préfets avaient un stock important de factures impayées adressées aux services vétérinaires et aux DDAF.

Sur instruction du cabinet du Premier ministre relayée personnellement par le ministre de l'agriculture, en mai 1997, le CNASEA a payé ces factures en 1997 et 1998 pour un montant total de 10,4 M€. Ces dépenses ont été imputées au compte du service public de l'équarrissage en dépenses sur exercices antérieurs, pour 2,6 M€, et en « avances aux collectivités locales », pour 7,8 M€.

Cette intervention du CNASEA était irrégulière puisque les factures ainsi payées correspondaient à des opérations effectuées en 1996 alors que la loi ne lui a donné compétence dans le domaine de l'équarrissage qu'à partir du 1er janvier 1997.

Les contrôles des services du CNASEA sur ces factures ont été particulièrement légers alors même que les services de l'Etat n'ont pas toujours certifié que les prestations avaient été faites.

Ces dépenses ont été imputées à un compte d'avance alors qu'il n'existe aucune convention avec des collectivités s'engageant à rembourser ces « avances ». En outre, il n'était pas du tout certain que des collectivités locales eussent pu être obligées en droit à participer au financement de ces opérations. Cette imputation comptable est donc très critiquable et, au surplus, ces « avances » n'ont été provisionnées que dans les comptes de 2001 alors que leur « remboursement » était improbable dès l'origine.

On peut comprendre que, dans une situation d'urgence, l'Etat n'ait pas pu mettre en place un dispositif juridiquement solide en 1996 mais, plutôt que d'en assumer les conséquences, il a préféré demander au CNASEA, qui a accepté, de payer ces factures à sa place, ce qui est contestable. En outre, les collectivités qui ont accepté de contribuer au financement de ces opérations en 1996 et celles qui ont refusé ont finalement été ainsi traitées de manière inéquitable.

3. 3.- La communication sur la politique du ministre de l'agriculture

En février 2000, le chef du service de la communication du ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales (MAAPAR) a écrit au directeur général du CNASEA pour lui demander de financer une « campagne de communication institutionnelle grand public sur la multifonctionnalité » dont les objectifs étaient, entre autres, « d'entraîner la profession agricole dans le processus d'établissement des CTE » et de « positionner le MAAPAR comme l'interface de communication entre la société française et la profession agricole et de valoriser la politique menée par le Ministre ». Cette campagne devait comprendre une enquête d'opinion sur les nouvelles missions attendues de l'agriculture dont les résultats devaient être « portés par le Ministre et exploités par des actions de relations publiques ».

Le CNASEA n'a aucune compétence dans ce domaine et a donc confié un marché à un cabinet de consultants en relations publiques associé à un spécialiste des sondages d'opinion pour réaliser cette campagne. Ce marché de 0,6 M€, signé le 30 mai 2000 après avoir été approuvé par le conseil d'administration de l'établissement malgré les réserves émises par certains de ses membres, comprenait, entre autres, les prestations suivantes :

- consultant relation presse (négociation et mise en place des partenariats presse, assistance au service de presse du Ministre) : 31,7 K€ ;

- attachée de presse (assistance opérationnelle sur la prise de parole nationale et les déplacements du Ministre) : 32,9 K€ ;

- dossier de presse (conception, rédaction) : 7,6 K€ ;

- consultant en relations publiques et événementielles (pilotage de la conception du stand, de sa mise en place et préparation de 10 voyages du Ministre avec le Cabinet) : 18,3 K€ ;

- dossiers de presse à 4000 exemplaires : 19,8 K€ ;

- stand au salon des maires de France (location de l'espace, fabrication du stand, hôtesses, bar...) : 69,7 K€ ;

- édition d'un document sur les CTE tiré à un million d'exemplaires :26,7 K€ ;

- vins d'honneur à l'issue des conférences de presse régionales et des déplacements du Ministre sur la base de 1 500 € par opération :15 000 € ».

Ce marché a été géré par le CNASEA sous le contrôle total du service de la communication du MAAPAR et les dépenses se sont élevées finalement à 0,5 M€. Il s'insère dans un ensemble beaucoup plus vaste de dépenses de communications du MAAPAR payées par le CNASEA sur les fonds destinés au financement des CTE.

La loi d'orientation agricole du 9 juillet 1999 qui a créé les CTE a prévu la création d'un fonds de financement des CTE (FFCTE) dont les crédits sont inscrits au budget de l'agriculture (chapitre 44-84). Les dépenses de ce fonds sont constituées par des subventions au CNASEA qui verse les aides aux agriculteurs et gère ces crédits en ressources affectées.

Dans une note du 28 septembre 2000 adressée au commissaire du gouvernement, le directeur général du CNASEA soulignait que rien ne permettait d'utiliser les crédits venant du FFCTE pour financer autre chose que des aides aux bénéficiaires des CTE et que 1,3 M€ avaient pourtant déjà été dépensés pour des actions de communication commandées par le MAAPAR. Il en concluait à la nécessité de modifier l'arrêté du 8 novembre 1999 fixant les modalités de financement des CTE en précisant : « ceci m'apparaît tout à fait indispensable si nous voulons échapper à toute critique tant de la profession agricole...que des instances de contrôle et, notamment, la Cour des comptes qui pourraient contester un usage des crédits sans base réglementaire ». Cet usage contestable des crédits du FFCTE avait cependant déjà commencé et a continué ensuite.

Avec l'autorisation du conseil d'administration, le directeur général du CNASEA a fait prélever 1,3 M€ en 2000 et 1,5 M€ en 2001 sur les ressources affectées aux CTE pour les transformer en subventions de fonctionnement à l'établissement grâce auxquelles ont été payées les dépenses de communication du MAAPAR. C'est seulement le 24 juillet 2001 qu'un arrêté a modifié celui du 8 novembre 1999 en précisant que « les crédits nécessaires aux actions de communication et d'animation en faveur des CTE peuvent être prélevées sur le FFCTE ». Ces dépenses se sont au total élevées à 3,2 M€ de 2000 à 2002.

L'arrêté du 24 juillet 2001, en autorisant le financement de telles dépenses par le FFCTE, chapitre du budget de l'Etat, ne permettait pas pour autant qu'elles soient payées par le CNASEA alors qu'il s'agissait de dépenses de communication de l'Etat et que les statuts de l'établissement ne prévoient pas qu'il les finance : numéro spécial du bulletin d'information du ministère, colloques organisées par les DDAF, frais de déplacements des agents du MAAPAR, présence du ministère dans les salons et foires, plaquette de présentation des CTE et de la politique du ministère...outre le marché évoqué ci-dessus.

Dans une note adressée au commissaire du gouvernement le 25 septembre 2002, le directeur général du CNASEA précisait que l'établissement « se borne à exécuter des instructions sur lesquelles il n'a aucune prise alors qu'il est juridiquement responsable » et souhaitait que ces actions soient payées par le MAAPAR sur une ligne bien identifiée du budget de l'agriculture.

Des crédits destinés aux aides aux agriculteurs signataires de CTE votées par le Parlement ont ainsi été employés à des dépenses de communication ministérielles qui auraient dû être imputées sur le budget de l'agriculture. L'agrément du Premier ministre sur cette campagne de communication a été sollicité par le service de la communication du MAAPAR mais il n'est pas certain qu'il l'ait obtenu.

L'ordonnancement de ces dépenses et la certification du service fait par le directeur général du CNASEA et ses délégués ont été purement formels, ces fonctions ayant été en pratique assurées par les services du MAAPAR. Le CNASEA n'a joué qu'un rôle passif, ce qui est contraire aux règles de la comptabilité publique, le directeur général de l'établissement public devant assurer pleinement ses fonctions d'ordonnateur.

II. II.- L'INSTRUCTION DES DOSSIERS ET LES CONTRÔLES

Malgré les observations antérieures de la Cour 17 ( * ) la gestion des interventions publiques confiées au CNASEA continue à enfreindre sur des points essentiels les règles de la comptabilité publique ainsi que, pour les aides cofinancées par le FEOGA, les règlements communautaires, étant d'ailleurs rappelé que ces derniers imposent aux Etats membres de respecter non seulement les normes qu'ils édictent, mais aussi leurs propres dispositions nationales ayant pour objet de garantir la réalité et la régularité des opérations bénéficiant de concours financiers européens.

Les irrégularités affectant ces dernières opérations exposent la France à devoir rembourser celles des aides qui seraient jugées indûment allouées. Elles méritent d'autant plus d'attention.

A. A.- L'INSTRUCTION ET LES CONTRÔLES ADMINISTRATIFS

1. 1.- Le schéma institutionnel

Aux termes de l'article R. 313-27 du code rural, le directeur général du CNASEA est ordonnateur principal des dépenses et recettes de l'établissement.

Toutefois, pour la plupart des dépenses d'intervention gérées par le CNASEA, le pouvoir d'engager et de liquider les dépenses est en fait partagé avec les préfets et les services déconcentrés de l'Etat.

Pour la plupart des aides à l'emploi, le directeur général du CNASEA a compétence liée pour effectuer la liquidation et l'ordonnancement, sur la base des conventions transmises par les services de l'Etat. Pour les rémunérations des stagiaires de la formation professionnelle, il a également compétence liée pour ordonnancer les paiements, dans la limite des agréments notifiés, même si son rôle d'instruction préalable à la liquidation est plus étendu.

En matière agricole, l'article R. 313-14 du code rural dispose que le CNASEA reçoit et instruit, sous le contrôle de l'administration, les demandes d'aides et les transmet, en vue de décision, au préfet.

L'article R. 313-18 ajoute que, dans les départements où il n'estime pas nécessaire d'exercer lui-même ses missions, il peut confier la responsabilité de leur exécution à des organismes agréés, en pratique les associations départementales pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles (ADASEA). Le CNASEA rémunère les ADASEA pour les services publics qu'elles rendent ainsi. Dans la pratique, les ADASEA reçoivent les dossiers et, après une pré-instruction, les transmettent aux DDAF qui sont responsables de l'instruction, sans passer par le CNASEA, qui les rémunère pour des services qu'il n'est pas en mesure d'apprécier. Le CNASEA n'intervient, pour le paiement, qu'après la décision du préfet et sa notification au bénéficiaire.

Cette division de la responsabilité d'ordonnateur est sans fondement juridique et contrevient aux règles de la comptabilité publique. Elle conduit les préfets à engager de fait des dépenses sur un budget dont ils ne connaissent pas les crédits disponibles. Elle dilue les responsabilités et nuit à la qualité des contrôles, qui sont de fait partagés entre le CNASEA d'une part, et les DDTEFP et DDAF d'autre part.

Enfin, dans le cas des interventions agricoles cofinancées par des crédits européens, ce schéma institutionnel n'est pas conforme aux règlements communautaires applicables au CNASEA, en tant qu'organisme payeur des aides bénéficiant de concours du FEOGA.

La réglementation européenne prévoit bien qu'un organisme payeur puisse déléguer la fonction d'ordonnancement et les contrôles administratifs à un autre organisme mais à condition que plusieurs conditions soient respectées. En particulier, cette délégation doit être formalisée, les compétences et obligations respectives du déléguant et du délégataire doivent être claires et l'organisme payeur doit procéder lui-même aux contrôles nécessaires pour être sûr que l'instruction des dossiers est correctement effectuée par son délégataire.

Les conditions nécessaires pour que les DDAF puissent être considérées comme des délégataires du CNASEA au sens de la réglementation européenne ne sont pas remplies. Il n'existe pas de délégation formelle de compétence du CNASEA à l'Etat. Comme le soulignait déjà la Cour dans son rapport public de 2001 à propos de la gestion des aides européennes à l'agriculture, il est en fait difficile d'imaginer quelle signification pourrait avoir une telle délégation d'un établissement public à ses autorités de tutelle.

Le MAAPAR considère qu'une délégation formelle n'est pas nécessaire dans la mesure où les compétences respectives des organismes intervenant dans l'instruction et l'attribution des aides sont clairement fixées par la réglementation nationale. S'il est clair que l'attribution des aides revient aux préfets et que les DDAF ont un rôle éminent à jouer dans l'instruction des dossiers, le schéma institutionnel est en fait assez confus, contrairement aux obligations communautaires.

Les règlements communautaires, la complexité des règles applicables aux interventions agricoles et l'éclatement des responsabilités entre le CNASEA, les DDAF et les ADASEA rendent nécessaire l'établissement de manuels de procédure exposant précisément les fonctions imparties à chaque agent et permettant à ceux qui les contrôlent de savoir ce qu'ils doivent faire. Le CNASEA, avec la collaboration du MAAPAR, a entrepris depuis quelques années de rédiger de tels manuels mais cet effort est récent et encore insuffisant. Toutes les mesures ne font pas l'objet d'un manuel ; certains d'entre eux sont incomplets, notamment parce qu'ils ne couvrent pas les traitements opérés par les DDAF ou les ADASEA ; d'autres n'ont pas été mis à jour.

Le CNASEA et ses administrations de tutelle ont fait état de ce que le projet d'arrêté interministériel préparé en application du décret du 29 août 2000 modifiant le statut de l'établissement s'efforçait, en son article 8, selon les termes de l'exposé des motifs, « d'apporter une réponse à la détermination de la qualité de l'ordonnateur et de la justification du service fait ». Il s'agirait, selon la rédaction portée en son temps à la connaissance de la Cour, de permettre que la constatation des droits des bénéficiaires puisse le cas échéant être « effectuée pour le compte du CNASEA » par les différents donneurs d'ordre.

Quelles qu'en soient les modalités, une clarification s'impose, dans le respect des normes tant nationales que communautaires.

2. 2.- La réalité des contrôles du CNASEA et leurs suites

a) a) Les contrôles administratifs

Dans la mesure où il délègue l'ordonnancement des aides aux services de l'Etat, le CNASEA doit, en application des règles communautaires, vérifier que ces services effectuent bien les contrôles administratifs requis. Il qualifie lui-même ces vérifications, opérées par ses délégations régionales, de contrôles administratifs.

Pendant la période sous revue, les délégations régionales du CNASEA vérifiaient en principe tous les dossiers transmis par les DDAF. La composition de ces dossiers, et donc l'étendue des contrôles, est toutefois très différente d'un dispositif à l'autre : dans le cas de la prime à l'herbe et des indemnités compensatoires de handicaps naturels (ICHN), seules les données nécessaires au paiement (état civil et coordonnées bancaires du bénéficiaire...) sont transmises, par voie informatique, et le CNASEA ne vérifie en rien que les aides sont régulièrement attribuées ; les dossiers relatifs aux contrats territoriaux d'exploitation (CTE) et transmis au CNASEA restent très légers ; pour les préretraites ou la dotation aux jeunes agriculteurs (DJA), ils sont plus fournis.

Les vérifications faites par le CNASEA sont généralement formelles et ne portent que sur l'existence de certaines pièces, notamment les rapports des DDAF attestant que les contrôles administratifs requis par la réglementation ont été effectués. Le CNASEA n'a d'ailleurs pas les moyens de procéder à certains contrôles de fond : ses agents n'ont pas les qualifications nécessaires pour apprécier les projets technico-économiques qui appuient les demandes d'aides, par exemple les études prévisionnelles d'installation dans le cas de la DJA ; ils n'ont pas un accès automatique aux bases de données que gèrent les DDAF sur les aides qui permettent de vérifier l'absence de cumuls prohibés.

A partir de 2000, le CNASEA a distingué des contrôles administratifs dits de premier rang, exhaustifs mais portant sur des dossiers allégés, et de second rang, sur un échantillon de 5 % des dossiers mais portant sur toutes les pièces d'instruction. Au début de 2003, ces contrôles administratifs de second rang avaient un caractère encore expérimental : ils ne portaient que sur les DJA et CTE ; leur méthodologie était encore imprécise ; les obligations respectives du CNASEA, des DDAF et des ADASEA devaient encore être spécifiées. Il n'y en a d'ailleurs pas encore d'états récapitulatifs au niveau du siège.

b) b) Le contrôle interne

Le contrôle interne a été défini par la Cour 18 ( * ) comme « l'ensemble des moyens ayant pour objectif la maîtrise de l'activité d'une institution par ses dirigeants ». S'agissant d'un organisme payeur de masse comme le CNASEA, il convient de s'attacher à la manière dont un système organisé est mis en place pour pallier les risques financiers inhérents aux missions qui lui sont confiées.

Sur le plan organique, le contrôle interne suppose, dans un organisme public réalisant des paiements de masse, l'étroite association de l'ordonnateur et du comptable, sans pour autant que leurs responsabilités respectives puissent être confondues. C'est ainsi qu'il est entendu, notamment, dans les organismes de sécurité sociale. Au CNASEA, ce point revêt une importance particulière dans la mesure où, de fait, les contrôles du comptable s'effectuent sur un échantillon de mandats : la qualité des paiements du comptable est largement dépendante de celle des contrôles effectués, avant ordre de paiement, par l'ordonnateur et il convient que l'échantillon sur lequel il procède à ses contrôles soit constitué en tenant compte des contrôles déjà opérés par les services de l'ordonnateur. Le décret du 29 août 2000 cite explicitement le contrôle interne comme une contrepartie nécessaire du régime particulier des contrôles du comptable.

A la suite de la découverte de fraudes, une note du directeur général du 24 octobre 1994 a établi les modalités de traitement des dossiers, les contrôles nécessaires et l'organisation du travail dans les délégations régionales dans la perspective d'une amélioration de la qualité et de la sécurité des opérations. Cette note a ainsi posé les bases d'un contrôle interne.

Ce dispositif repose sur un ensemble de principes intégrant les systèmes informatiques, l'organisation du travail et les règles de procédure (compostage du courrier à l'arrivée, habilitation des agents pour modifier des fichiers informatiques, rotation et polyvalence des personnels), la coordination des actions entre ordonnateur et comptable, et une évaluation en continu par l'inspection générale.

La panoplie des contrôles prévus est large : avant paiement, sont prévus des contrôles « embarqués » intégrés en amont au système informatique ; un « autocontrôle » quotidien en délégation régionale, par sondages, le taux de contrôle ne pouvant en théorie être inférieur à 5 % et devant être adapté en fonction des risques inhérents à chaque mesure ; le contrôle quotidien par le siège des situations à risque ; des contrôles sur pièce par la direction technique compétente, en nombre toutefois limité ; des contrôles systématiques effectués par l'agence comptable à l'aide de listes d'anomalies ; des contrôles de RIB par l'agent comptable, par sondage.

Après le paiement, sont prévus des contrôles sur pièces par l'agent comptable, à partir d'un échantillon figurant depuis 2003 dans un plan annuel de contrôles, et des contrôles « conjoints » effectués sur place par l'ordonnateur et le comptable sous la direction de ce dernier.

Si ce dispositif de contrôle interne donne une impression favorable, sa mise en oeuvre s'est révélée déficiente : absence d'autocontrôle sur de nombreuses mesures, absence jusqu'à 2003 d'analyse de risques, déficience du pilotage des contrôles, de leur traçabilité et de l'exploitation de leurs résultats, cantonnement de l'inspection générale et de la mission d'audit interne au seul secteur agricole. La rotation et la polyvalence paraissent parfois difficiles à mettre en oeuvre, surtout pour des aides pour lesquelles la réglementation est complexe et le nombre de dossiers faible.

En outre, les 85 postes budgétaires qui ont été créés dans le secteur FPE spécifiquement au titre du contrôle et de la qualité ne peuvent être identifiés comme tels dans les délégations régionales et ont été largement affectés à des tâches de production ; cette constatation n'a au demeurant appelé aucune réaction de la part des tutelles qui votent pourtant chaque année le financement de ces postes à l'occasion de l'adoption du budget primitif. Si ces agents étaient effectivement affectés aux fonctions qui ont justifié leur création, par exemple avec la création de cellules de contrôleurs relevant de l'ordonnateur dans chaque site, il est incontestable que la politique de contrôle s'en trouverait renforcée.

c) c) Les anomalies et les suites données

Il n'existe pas, au niveau du siège du CNASEA, de recensement fiable des anomalies mises en évidence par les contrôles administratifs et des suites qui leur sont données. Des sondages montrent toutefois que des taux d'anomalie supérieurs à 30 % par délégation régionale et par mesure ne sont pas rares dans le secteur agricole.

La plupart de ces anomalies consistent en l'absence de pièces qui sont ensuite demandées aux DDAF et obtenues, ce qui permet de régulariser le dossier. Il reste cependant une proportion, qui peut dépasser 2 %, d'anomalies graves pour lesquelles la délégation régionale considère que la demande d'aide était inéligible. L'attribution de l'aide ayant été déjà notifiée au bénéficiaire, il est alors nécessaire que le préfet prenne une décision modificative.

Dans un rapport de 2002, les inspections générales des finances et de l'agriculture ont noté que les DDAF, voire le ministre, pouvaient alors demander au CNASEA de payer par dérogation. Les informations de synthèse sur ces paiements dérogatoires sont encore plus difficiles à obtenir mais les inspections les estimaient à plus de 1 % des montants payés en 2001 au titre de la DJA ou des préretraites.

Le cofinancement du FEOGA n'est en principe pas demandé pour ces paiements dérogatoires, bien que des exceptions aient pu être notées par les inspections, mais ces pratiques n'en sont pas pour autant conformes au droit communautaire car elles sont assimilables à des aides d'Etat non notifiées.

B. B.- LES CONTRÔLES DE L'AGENT COMPTABLE

1. 1.- La situation jusqu'à 2002

Le décret du 29 août 2000 modifiant les règles statutaires du CNASEA a prévu la faculté de fixer par arrêté interministériel « les modalités particulières de contrôle applicable aux aides payables avant service fait, les conditions dans lesquelles le comptable peut exercer par sondage les contrôles prévus par l'article 12 du décret du 29 décembre 1962 ainsi que le dispositif de contrôle interne des procédures et des droits des bénéficiaires ». Malgré de nombreux échanges entre le CNASEA et les ministères concernés, cet arrêté n'était toujours pas signé en juillet 2003 et le décret de 1962 restait applicable au CNASEA sans aucune restriction.

L'agent comptable n'effectue pas les contrôles prescrits par les articles 12 et 13 du décret de 1962 sur les 3,5 millions de paiements annuels (interventions) de l'établissement et n'est d'ailleurs pas matériellement en mesure de les effectuer 19 ( * ) .

Dans les cas les plus fréquents, l'agent comptable ne contrôle pas la validité des créances sur l'établissement dans les conditions prévues à l'article 13 du décret de 1962 car il ne peut pas s'assurer de l'intervention préalable des contrôles réglementaires, ni de la production des justifications au vu des pièces qui lui sont transmises.

L'agent comptable ne réalise un contrôle complet que sur un échantillon de paiements avec un objectif de taux de sondage qu'il s'est fixé à 5 % dans le domaine agricole (1 % dans le domaine FPE) en attendant l'arrêté l'autorisant à procéder par sondage qui devrait reprendre ces chiffres. Le taux effectif était de 7,3 % en 1997 et est descendu à 3,2 % en 2001 mais la nature des dossiers examinés a changé et ils ne sont vraiment complets que depuis 2000. Dans le domaine FPE le taux moyen de contrôles s'est établi à 0,4% sur la période 1995-2001.

Le taux de contrôle est toutefois très différent d'une mesure agricole à l'autre : quasiment nul pour la prime à l'herbe et les ICHN ; de plus de 70 % pour l'équarrissage. Ces différences sont parfois justifiées par la nature des risques (équarrissage) mais n'ont souvent pas de justification particulière autre que la commodité (disponibilité des dossiers au siège). Pour chaque mesure, le sondage est en outre aléatoire, sans analyse des risques. Dans le secteur FPE, les taux de contrôles sont uniformément faibles.

Si on retire les paiements relatifs à l'équarrissage et aux farines animales pour ne prendre que les interventions agricoles au sens strict, le taux de contrôle avant paiement était de 1,4 % en 2001. Les anomalies détectées ayant conduit à invalider les dossiers ne sont toutefois pas négligeables : 1,6 % des paiements contrôlés en 1999 puis 1,0 % en 2000 et 1,2 % en 2001.

L'agent comptable ne procède donc pas aux contrôles avant paiement auxquels il est réglementairement tenu mais effectue des contrôles après paiement sur des dossiers complets qui ne rentrent pas dans ses missions. Ils ont porté en 2001 sur 0,8 % des paiements et 3,3 % d'entre eux présentaient des anomalies considérées comme significatives.

2. 2.- Les perspectives

Le contrôle par sondage avant paiement a été autorisé pour les offices agricoles par un arrêté de juillet 2002 pris en application d'un décret signé moins de quatre mois plus tôt. Les ambitions affichées dans les projets d'arrêté relatif au CNASEA sont cependant plus grandes, ce qui peut en partie expliquer, sans la justifier, une mise au point beaucoup plus longue. En effet, conformément au décret du 29 août 2000, ces projets visent les contrôles du comptable qui pourront être limités à des échantillons mais aussi les procédures de contrôle interne de l'ordonnateur en essayant de les articuler dans une approche globale de la qualité des paiements, consacrant ainsi les orientations prises par le CNASEA en matière de contrôle.

Au début de 2003, sans attendre la parution de cet arrêté, l'agent comptable a pris l'heureuse initiative d'établir un projet de plan de contrôle avant paiement fondé sur une analyse des risques par mesure, tenant compte notamment de la nature des contrôles déjà effectués par l'ordonnateur, ce qui constitue un progrès certain par rapport à la situation antérieure même si le contrôle par sondage n'est toujours pas autorisé. On peut toutefois regretter que la diversité des pratiques de gestion et de contrôle des délégations régionales n'ait pu encore être intégrée dans cette analyse des risques faute d'informations disponibles : les contrôles sont organisés comme si l'établissement comportait une seule entité géographique car le choix a été fait de ne pas disposer d'un réseau d'agents comptables secondaires ou de placer des délégués de l'agent comptable dans les sites.

Cette approche globale des contrôles de l'ordonnateur et du comptable pose de délicats problèmes de définition et de séparation de leurs rôles respectifs. Il était ainsi prévu, dans les projets examinés, que le dispositif de contrôle interne soit arrêté par le directeur général mais vérifié par une mission de contrôle interne présidée par l'agent comptable qui reprendrait les « contrôles conjoints ordonnateur/comptable ». Par ailleurs, le directeur général et l'agent comptable ont signé à la fin de 2002 un protocole prévoyant de fusionner les contrôles administratifs de l'ordonnateur et les contrôles avant paiement du comptable dans le cas des ICHN, le contrôle commun devant se faire en délégation régionale sous l'autorité de l'agent comptable.

Si le contrôle par sondage sur la base d'objectifs correctement hiérarchisés constitue une amélioration dans la situation du CNASEA, le contrôle « partenarial » entre l'ordonnateur et le comptable pose des problèmes plus difficiles et, en tout état de cause, ces évolutions devraient reposer sur des fondements juridiques solides qui faisaient toujours défaut en juillet 2003.

L'agent comptable a fait état de sa volonté d'améliorer son dispositif de contrôle : les autocontrôles devraient être généralisés, automatisés, codifiés et tracés ; les contrôles « embarqués » devraient devenir plus performants dans le cadre de la réforme des traitements comptables centraux (RTCC) ; il a également prévu d'augmenter les contrôles avant paiement, d'améliorer la formation des agents, et de renforcer la coordination et le suivi de l'ensemble des résultats de ses contrôles.

C. C.- LES CONTRÔLES SUR PLACE ET L'AUDIT INTERNE

1. 1.- Les contrôles sur place

a) a) Dans le secteur agricole

Le règlement 1750/99 portant application du RDR pour la période sous revue précise que les contrôles sur place doivent être réalisés sur 5 % des bénéficiaires de chaque mesure. Les aides au développement rural sont généralement conditionnées par des engagements des exploitants sur leurs pratiques agricoles qui ne peuvent être vérifiés que sur le terrain, ce qui confère à ces contrôles une importance majeure.

Le CNASEA transmet la liste des bénéficiaires aux DDAF qui sélectionnent un échantillon de dossiers à contrôler selon des modalités qui ne sont pas précisément connues. Le contrôle sur le terrain est ensuite réalisé par des contrôleurs du CNASEA dont le nombre est passé de 23 en 2000 à 55 en 2002. Ceux-ci établissent des comptes-rendus où ils notent les anomalies éventuellement constatées et leur degré de gravité puis les délégués régionaux les transmettent aux DDAF qui proposent ou non aux préfets de prendre des sanctions (déchéance partielle ou totale selon la gravité de l'irrégularité).

Il n'existe pas de statistiques fiables au niveau du siège du CNASEA sur le nombre de contrôles effectués et sur les suites qui sont données en cas d'anomalies constatées par les agents du CNASEA. Les informations partielles qui ont été obtenues suggèrent seulement que le taux de contrôle est globalement de l'ordre de 5 % depuis 2001 (il n'y a rien d'utilisable pour les années antérieures) mais aussi qu'il est inférieur à ce chiffre pour certaines mesures. La proportion de dossiers non conformes à la réglementation (anomalies dites « majeures » et « significatives » devant en principe entraîner une déchéance au moins partielle) semble très élevée : 15 % des dossiers examinés en 2001 et 24 % en 2002 (63 % pour les seuls CTE).

Il apparaît aussi que les sanctions décidées par les préfets sont systématiquement en retrait par rapport à la gravité des anomalies telle qu'elle est appréciée par les délégations régionales du CNASEA.

b) b) Dans le secteur FPE

Dans le secteur FPE, l'Etat se réserve explicitement le contrôle sur le terrain, par ses services déconcentrés, des bénéficiaires des dispositifs de formation et d'aides à l'emploi. Le contrat d'objectifs l'a réaffirmé (art. 2-3) sur le fondement du « pouvoir d'investigation » des inspecteurs du travail.

Le CNASEA a pourtant déjà effectué des contrôles de ce type, en Guyane et en Guadeloupe, en coordination avec les services déconcentrés du ministère, sous forme de contrôles conjoints sur place et d'envoi de questionnaires aux bénéficiaires. Ces travaux ont permis de déceler des irrégularités importantes. C'est à l'initiative de l'établissement que des états trimestriels de présence ont été exigés en matière d'aide à l'emploi, afin de mieux prévenir d'éventuelles fraudes, mais ce dispositif ne repose que sur un système déclaratif. Les services déconcentrés de l'Etat ne font pratiquement pas appel au CNASEA pour vérifier des informations ou obtenir des indications permettant de mieux orienter leurs contrôles.

Une trop faible coordination entre l'Etat, qui dispose des moyens juridiques, et le CNASEA, qui dispose des moyens techniques, fait que les contrôles sur bénéficiaires, notamment en matière d'aide à l'emploi, restent insuffisants comme la Cour avait déjà eu l'occasion de le relever lors de ses contrôles des aides au retour à l'emploi. Une meilleure mobilisation des moyens dont dispose le CNASEA - qui fait des propositions en la matière - pourrait permettre de remédier à cet état de fait.

2. 2.- L'audit interne

Une inspection générale a été créée en 1993 mais elle s'est surtout consacrée au contrôle des ADASEA et des délégations régionales sous l'angle de l'efficience et de l'efficacité et non de la régularité du traitement des dossiers. Pour cela, une mission d'audit interne a été instituée dès 1995 au sein de l'inspection générale mais ses moyens étaient très faibles. Dans son rapport sur l'exercice 1998, la commission de certification des comptes des organismes payeurs (CCCOP) soulignait que l'audit interne est la « clé de voûte du système » de contrôle et que le CNASEA devait engager un « effort conséquent et soutenu afin de résorber les retards et dysfonctionnements accumulés ».

Le CNASEA n'a pas fait cet effort, les moyens mis en oeuvre étant insuffisants, et la CCCOP s'est vue obligée de lui recommander, dans son rapport sur l'exercice 2002, de présenter un programme d'audit réaliste et de procéder à une réalisation effective de ce programme.

La CCCOP a aussi souligné à plusieurs reprises que la séparation entre les services d'audit interne du CNASEA et du MAAPAR pour les mêmes mesures, gérées en partie par le CNASEA et en partie par les DDAF, pouvait nuire à la qualité des audits. Elle recommande une étroite collaboration entre ces services d'audit. Le directeur général du CNASEA et le responsable des services d'audit du ministère ont bien signé en octobre 2001 une convention de coopération mais, en pratique, sa portée est très faible. En 2002, ces services ont ainsi procédé séparément à des audits des CTE en s'ignorant.

L'inspection générale et la mission d'audit ne sont intervenues que dans le secteur agricole.

D. E. D.- LE CAS PARTICULIER DES PRÊTS BONIFIÉS AGRICOLES

Les agriculteurs demandent un prêt à une banque habilitée à en distribuer qui fait une pré instruction. Le Crédit agricole a perdu son monopole en 1990 mais distribuait encore 84 % des prêts en 2001 selon le CNASEA. Si la banque accepte d'accorder le prêt, après avoir vérifié le respect des conditions d'éligibilité, elle demande à la DDAF, qui est chargée de l'instruction proprement dite, une autorisation de financement puis débloque le prêt si elle l'obtient.

La banque adresse ensuite au CNASEA une facture correspondant à sa charge de bonification qui correspond au produit de l'encours de prêts par l'écart entre le taux demandé aux agriculteurs et le taux de rémunération total de la banque, cet écart étant fixé au moment de son habilitation à distribuer ces prêts. Le CNASEA a ainsi payé 228 M€ en 2001 dont 177 M€ sont remboursables par l'Etat et 51 M€ par le FEOGA.

Avant de payer cette charge, le CNASEA est chargé de certifier la facture de bonification que les banques lui adressent, tout au moins le solde de la facture définitive pour une année donnée car il verse d'abord des acomptes sur la base des factures définitives des années précédentes. Cette certification est faite au niveau du siège pour l'ensemble des prêts d'un même réseau bancaire. Le CNASEA n'effectue pas de contrôles administratifs ou sur place, sauf éventuellement au titre des aides que les prêts bonifiés accompagnent (DJA...). L'agent comptable a un rôle très limité car il ne dispose même pas de ces factures de bonification.

Jusqu'à 2000, le CNASEA procédait, pour effectuer cette certification, à une comparaison globale entre le montant de la facture reçue et une estimation de la charge de bonification obtenue grâce à un logiciel de simulation de cette charge alimenté par les informations transmises par les banques au moment du versement des prêts. En cas de discordance et faute d'explications convaincantes des banques, il pouvait vérifier l'exactitude de la facture sur la base d'un échantillon de dossiers et appliquer une réfaction proportionnelle à l'écart constaté sur cet échantillon.

En 1999, un rapport des inspections générales des finances et de l'agriculture a montré que les simulations du CNASEA n'étaient pas fiables, que la méthode suivie était inadaptée et que l'établissement ne pouvait pas exercer correctement sa mission de certification. Il notait aussi qu'un important réseau bancaire refusait de lui communiquer l'échantillon de dossiers demandé et que ses factures n'étaient pas certifiées depuis 1995, le CNASEA les payant tout de même en appliquant une réfaction forfaitaire de 5 %. Un autre réseau bénéficiant d'un traitement particulier, ce rapport concluait que « la certification ne produit pleinement ses effets que sur moins de 4 % des montants de bonifications facturées, ce qui suffit à mesurer l'inefficience du dispositif ».

Depuis 2000, les cahiers des charges des banques habilitées prévoient un audit systématique de leurs procédures internes par le CNASEA et un renforcement des sanctions en cas de refus de communication des informations demandées.

Son service d'audit interne n'en ayant pas les moyens, le CNASEA a confié à un cabinet privé le soin de définir les modalités de ces audits bancaires, de réaliser dans une large mesure l'audit de la facturation pour 2000 et 2001 et de former son personnel à cette nouvelle fonction. L'urgence d'une certification incontestable et l'impréparation du CNASEA l'ont conduit à passer ce marché dans des conditions qui ne permettaient pas vraiment de respecter l'égalité des candidats.

L'audit devant permettre la certification des factures de 2000 a été plus long et coûteux que prévu, le cabinet retenu ayant découvert de nombreuses anomalies dans les chaînes de traitement des banques. Il a rendu son rapport au début de 2002 mais certaines banques ont alors contesté les conclusions que le CNASEA entendait en tirer et ce dernier n'a pas certifié leurs factures. De nombreuses réunions entre le CNASEA, les ministères de tutelle, qui ne semblent pas avoir toujours soutenu l'établissement, et les banques ont eu lieu sans être conclusives et la procédure de certification des exercices 2000 à 2002 a été suspendue.

C'est seulement en juin 2003 que des conventions portant modification des cahiers des charges de 2000 à 2002 ont été signées et devraient permettre la reprise de cette procédure. Un accord aurait aussi été obtenu sur les factures des exercices 1995 à 1999. En attendant, la majeure partie des factures de bonification adressées par les banques depuis l'exercice 1995 n'était toujours pas certifiées en juin 2003 et le CNASEA versait toujours des acomptes, qu'il se fait rembourser par l'Etat et le FEOGA, sur des bases provisoires.

Il est nécessaire que cette certification qui présente un enjeu important pour les finances publiques, tant nationales que communautaires, soit assurée le plus rapidement possible.

F. E.- OBSERVATIONS GÉNÉRALES SUR LES INTERVENTIONS AGRICOLES

Les contrôles exercés sur les aides agricoles payées par le CNASEA sont, en théorie, très nombreux et multiformes mais, faute d'un suivi organisé, il est difficile d'en mesurer l'efficience. Il apparaît toutefois que leur réalité est assez souvent éloignée des principes affichés et en deçà des prescriptions réglementaires, notamment pour ce qui concerne l'agent comptable. Dans le cas des prêts bonifiés, ils sont particulièrement inefficients. Lorsqu'ils sont réalisés, ils mettent en évidence de très nombreuses anomalies, la plupart vénielles mais aussi, pour une part importante, de nature à entraîner une déchéance. Les services de l'Etat, lorsqu'il s'agit d'en tirer les conséquences, sont toutefois beaucoup moins rigoureux que ceux du CNASEA. Sans doute ont-ils plus d'indulgence face à la complexité de règlements qu'ils ont élaborés, mais on peut aussi y voir l'effet du schéma institutionnel retenu : le partage des rôles entre l'Etat, le CNASEA et les ADASEA n'est pas responsabilisant et les contrôles du CNASEA interviennent après la décision préfectorale et sa notification aux intéressés qui peuvent difficilement être remises en cause.

Compte tenu de moyens nécessairement limités, le CNASEA essaye d'optimiser les contrôles dont il a la responsabilité en reliant étroitement ceux de l'ordonnateur et ceux du comptable. La démarche n'est pas sans intérêt mais risque de se traduire par une confusion de leurs rôles qui n'est pas conforme au droit actuel et n'est pas non plus de bonne gestion.

Surtout, cette démarche ne permet pas d'éliminer les redondances les plus fâcheuses qui se trouvent entre les contrôles exercés par les services de l'Etat et du CNASEA parce que la fonction d'ordonnancement est éclatée entre les deux et que les règles communautaires obligent alors le CNASEA, organisme payeur, à contrôler les services de l'Etat, ce qu'il ne peut pas faire correctement.

Après avoir examiné le fonctionnement du CNASEA, il convient de rappeler les conclusions que la Cour avait tirées, pour ce qui concerne l'Etat, de l'examen de la gestion de l'ensemble des aides européennes à l'agriculture dans son rapport public de 2001: « Alors que ses services instruisent toutes les demandes d'aides directes jusqu'à l'ordonnancement et la liquidation de fait, il laisse les offices (et le CNASEA) assurer le paiement de la dépense publique en dehors des règles » 20 ( * ) .

III. III.- LES FONCTIONS CONFIÉES AUX ADASEA

A. A.- LES MISSIONS DE SERVICE PUBLIC

En application de l'article L. 313-3 du code rural, le CNASEA met en oeuvre les actions qui lui sont confiées avec le concours d'organismes professionnels conventionnés.

L'article R. 313-8 précise que, dans les départements où il n'estime pas nécessaire d'exercer lui-même ces fonctions, il les confie à des organisations agricoles, les organismes départementaux pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles (ODASEA), qui doivent se conformer à ses instructions et se soumettre à son contrôle après avoir été agréés par le ministre de l'agriculture.

Pour la plupart des aides dont il assure le paiement, le CNASEA confie par convention aux ODASEA ses fonctions autres que le paiement proprement dit, telles que l'article R. 313-14 les définit, à savoir notamment : recevoir et instruire les dossiers et les transmettre à l'autorité compétente, en pratique la DDAF ; informer les agriculteurs sur les mesures prévues en leur faveur ; leur apporter le concours nécessaire à la réalisation de leurs projets. Le CNASEA rémunère ces services par des subventions qui ont atteint 28,4 M€ en 2001.

Dans 84 départements, ces ODASEA sont des associations (ADASEA) et, dans les autres, des services du CNASEA lui-même ou des chambres d'agriculture (en Ile-de-France, il n'y a qu'une association régionale). Les membres des ADASEA sont statutairement la FDSEA, le CDJA, la famille rurale, le syndicat des vignerons, la chambre départementale d'agriculture et des représentants des réseaux des SAFER, du Crédit agricole et de la mutualité agricole. La confédération paysanne et la coordination rurale ne peuvent y adhérer que depuis les années quatre-vingt-dix à la suite d'un changement des statuts imposé par l'Etat et le CNASEA.

Bien que l'attribution des aides soit décidée par arrêté du préfet sur proposition de la DDAF, la composition de ces associations présente un risque évident de discrimination dans le traitement des dossiers entre les adhérents ou clients de leurs organismes membres et les autres. Ces caractéristiques appellent un contrôle strict de leur activité mais le dispositif mis en oeuvre n'y est pas vraiment propice.

Contrairement à ce que suggèrent les articles susmentionnés du code rural et alors que c'est le CNASEA qui les rémunère pour leurs missions de service public, les ADASEA travaillent en réalité directement pour les DDAF. Elles font une pré instruction des dossiers qu'elles transmettent, sans passer par le CNASEA, aux DDAF pour décision du préfet. L'étendue de cette pré instruction est variable, d'une mesure à l'autre et d'un département à l'autre, et elle peut correspondre à une instruction quasi complète. Il n'existait cependant pas de convention entre les DDAF et les ADASEA précisant leurs obligations respectives jusqu'à 2000 où des conventions ont été passées pour les seuls CTE. Celles-ci ne peuvent être que d'une grande ambiguïté puisque, réglementairement et financièrement, la seule relation est entre le CNASEA et les ADASEA. Elles prévoient ainsi que les ADASEA « puissent être sanctionnées selon les modalités habituelles par le CNASEA » qui n'est pas signataire de ces conventions Etat/ADASEA et dont les conventions passées avec les ADASEA ne précisent nulle part en quoi pourraient consister ces modalités habituelles.

B. B.- LA FRONTIÈRE ENTRE SERVICE PUBLIC ET ACTIVITÉS COMMERCIALES

Les ADASEA aident les agriculteurs à monter leurs projets et à remplir leurs dossiers. Elles effectuent dans ce cadre des analyses technico-économiques complexes, comme les études prévisionnelles à l'installation (EPI) nécessaires pour obtenir une DJA, pour lesquelles elles disposent d'un personnel souvent très qualifié. Elles remplissent ainsi une fonction très utile mais ces services sont généralement rémunérés, plus de 500 € pour une EPI, par les agriculteurs et parfois par les collectivités territoriales, ce qui pose de multiples problèmes.

Il y a d'abord un sérieux problème déontologique car les ADASEA interviennent sur les mêmes dossiers d'abord comme prestataires de services commerciaux pour aider les agriculteurs à les monter puis comme représentants de l'Etat pour les instruire. Cette situation peut aussi fausser la concurrence avec les autres organismes qui vendent les mêmes services. Une séparation des agents chargés des activités commerciales et des missions de service public a parfois été introduite mais elle trouve vite ses limites dans la petite taille de ces structures (en moyenne une dizaine d'agents par ADASEA) et la nécessaire spécialisation par dispositif des personnels.

Ensuite, le CNASEA ne doit pas financer des activités commerciales, les ADASEA n'ont pas à faire payer des services publics pour lesquels elles sont elles-mêmes subventionnées et la fiscalité applicable à ces deux catégories n'est pas la même, les activités non lucratives étant exonérées de TVA et d'impôt sur les sociétés.

Il est donc nécessaire de définir clairement la frontière entre les activités commerciales et le service public. Or, cette frontière n'est pas du tout claire et les ADASEA étendent leurs activités marchandes, avec l'assentiment sinon l'encouragement du CNASEA qui y voit le moyen de limiter ses subventions. Pour assurer la charge de travail due à la montée en puissance des CTE, les ADASEA ont ainsi augmenté leurs effectifs de 836 personnes en 1999 à 988 en 2001, hors emplois jeunes, mais le nombre de postes conventionnés par le CNASEA (523) est resté identique et ses subventions n'ont augmenté que de 2 %. Or, les résultats comptables des ADASEA n'ont quasiment pas varié, ce qui s'explique par la facturation de nombreux services liés au montage des dossiers de CTE (1 400 € semble un tarif normal pour un projet de CTE). Pourtant, les ADASEA sont mandatées par le CNASEA pour apporter aux agriculteurs « le concours nécessaire à la réalisation de leurs projets et, notamment, les assister dans l'établissement des dossiers individuels » (article 1 de la convention type CNASEA/ADASEA).

Pour des raisons fiscales, les ADASEA établissent depuis 2000 des comptes par activités (lucratives et non lucratives) en plus des comptes de l'association. Cette décomposition est toutefois fragilisée par le manque de précision de la frontière entre ces activités et par le fait que le CNASEA rend des services non facturés aux ADASEA (formation, informatique...). D'après ces comptes analytiques et selon les estimations du CNASEA, les ressources des ADASEA proviennent pour 56 % des subventions du CNASEA, pour 20 % des activités commerciales, pour 13 % des versements des collectivités territoriales (subventions ou achats de services marchands) et pour 11 % de produits divers (cotisations des membres...). Il semble, au vu de ces comptes et sous réserve des observations précédentes, que les subventions du CNASEA couvrent à peu près le coût des missions de service public et que les activités commerciales dégagent des profits.

C. C.- LE CONTRÔLE EXERCÉ PAR LE CNASEA

Les risques présentés par la nature des membres des ADASEA et la dualité de leurs activités imposent une tutelle stricte de la part du CNASEA. Elle est exercée au quotidien par les délégués régionaux et un bureau spécialisé du secrétariat général du CNASEA ainsi que par l'inspection générale à travers ses contrôles ponctuels. Elle ne porte pas vraiment sur la qualité de l'instruction des dossiers qui ne peut en fait être appréciée que par les DDAF. L'inspection générale et les délégués régionaux ne peuvent que faire part d'observations émises par les DDAF sur cette qualité.

La tutelle du CNASEA s'exerce sur la gestion administrative et financière de ces associations et beaucoup moins sur la qualité des services qu'il paye. Un rapport de l'inspection générale établi en 2002 montre qu'elle présente d'importantes déficiences alors que l'indépendance des ADASEA à l'égard de leurs membres et la facturation de services conventionnés constituent, selon ce rapport, des risques majeurs. Il apparaît ainsi que « nombre de directeurs récemment recrutés exerçaient précédemment la même responsabilité dans les organisations syndicales membres de l'ADASEA, ce qui n'offre pas les meilleurs garanties d'indépendance ».

Ce rapport souligne que « on ne peut pas parler à ce jour de pilotage du réseau ». Ces défaillances viennent en partie d'un partage flou des responsabilités entre les délégations régionales et le siège. Une note de service de mai 2002 les a clarifiées mais il n'est pas sûr que les délégations régionales disposent des moyens nécessaires pour exercer les fonctions de contrôle qui leur sont dévolues.

De 1995 à 2002, l'inspection générale a contrôlé 37 ADASEA et l'examen des lettres envoyées par le directeur général du CNASEA aux présidents des ADASEA concernées par ces inspections met en évidence de très graves problèmes de gestion (« situation de crise, très préoccupante... ») dans huit d'entre elles et de sérieux problèmes (« anomalies comptables, mauvaise situation financière, relations non acceptables avec les autres organismes... ») dans treize autres. Les ADASEA inspectées devraient sans doute être celles qui posent le plus de problèmes mais les inspections sont déclenchées en général par les informations transmises par les délégations régionales et le bureau spécialisé du siège dont les capacités d'analyse sont limitées.

Le CNASEA a ainsi transmis à la Cour, sans s'en apercevoir, deux exemplaires totalement différents des comptes d'une ADASEA pour le même exercice dont l'un, bien que certifié apparemment par son commissaire aux comptes, était de toute évidence faux. Or cette ADASEA avait fait l'objet de deux inspections générales depuis quatre ans qui avaient signalé de graves dysfonctionnements, notamment en matière comptable, ce qui aurait dû appeler une vigilance particulière.

Le CNASEA est en fait assez démuni pour corriger ces errements bien qu'il puisse par exemple modifier le nombre de postes conventionnés et moduler ses subventions. Il a peu de pouvoirs sur les conseils d'administration et leurs présidents dont la nomination dépend beaucoup des rapports de force entre les organisations agricoles du département et qui recrutent eux-mêmes leurs directeurs, même si le CNASEA est appelé à donner son avis. Le CNASEA ne peut intervenir efficacement que s'il a le soutien de la DDAF pour laquelle travaille l'ADASEA.

D. D.- LES RÉSULTATS DES ADASEA

La situation financière des ADASEA était bonne en 2001 malgré les charges dues au développement des CTE. Elles ont dégagé un résultat net de 1,6 M€ pour 51,1 M€ de produits d'exploitation, dont 28,4 M€ de subventions du CNASEA, et leurs capitaux propres s'élevaient à 24,5 M€ (toutes ADASEA).

L'utilité des services publics rendus par les ADASEA est grande et leurs compétences sont souvent reconnues. Il n'existe cependant pas d'indicateurs de la qualité de ces services (délais de traitement des dossiers, respect des procédures...) et la fréquence des anomalies relevées par les services du CNASEA lors de leurs contrôles laisse planer un doute sur cette qualité. Ces anomalies tiennent certes souvent à l'oubli d'une pièce sans grande importance mais il est anormal que ce soit aussi systématique.

Pour répartir ses subventions, le CNASEA suit des indicateurs d'activité des ADASEA (nombre de dossiers traités pondérés par le délai de traitement par dossier propre à chaque mesure) qui présentent des imperfections mais sont les seuls qui permettent d'évaluer les évolutions de leur productivité. Celle-ci ne semble pas avoir augmenté de 1998 à 2002 : elle a d'abord baissé avec la diminution de l'activité puis est remontée avec le développement des CTE.

On peut enfin noter que les ADASEA se sont particulièrement investies au cours de ces dernières années dans l'installation des jeunes agriculteurs et les dispositifs associés (répertoire à l'installation...). Or un rapport remis en mars 2001 au MAAPAR émet des doutes sur l'efficacité de cette politique. Par un référé du 31 mars 1999 de son Premier président relatif au chapitre 44-41 du budget de l'agriculture, la Cour avait déjà souligné les dysfonctionnements de la politique d'installation et de la gestion de la DJA.

E. E.- REMARQUES GÉNÉRALES

Les fonctions d'instruction des dossiers et de conseils payants aux agriculteurs sont éminemment utiles et il peut être plus efficace de les confier à des structures légères au contact des agriculteurs.

Il faudrait cependant engager une réflexion approfondie sur les deux questions suivantes : les activités privées et publiques actuelles des ADASEA, qu'il s'agit de mieux distinguer, peuvent-elles et doivent-elles être exercées par la même structure ? Convient-il que les missions de service public soient exercées par des associations contrôlées par des organisations agricoles ? L'analyse de ces problèmes devrait intégrer une analyse de la place des ADASEA au sein des réseaux d'organismes agricoles (chambres d'agriculture...) et du rôle des organismes privés qui interviennent dans ces domaines. Le ministère de l'agriculture a fait état de réflexions en cours sur le rôle des ADASEA et leur financement. Il serait souhaitable qu'elles abordent ces questions.

Tant que l'organisation actuelle est maintenue dans ses grandes lignes, il est nécessaire de clarifier les relations entre les ADASEA, le CNASEA et les DDAF et d'exercer une véritable tutelle sur ces associations dont le coût n'est pas négligeable pour les finances publiques et dont la structure et les activités sont porteuses de risques. Il faudrait aussi examiner si une restructuration géographique de ce réseau, avec notamment des regroupements régionaux, ne le rendrait pas plus efficace.

IV. IV.- L'EFFICIENCE DU CNASEA

A. A.- LES DÉLAIS DE PAIEMENT

Les objectifs généraux assignés au CNASEA sont de payer vite, objectif particulièrement sensible pour des prestations versées à des personnes en difficulté ou à des structures dont la trésorerie peut être fragile, et qui est notamment à l'origine du choix du CNASEA comme opérateur par l'Etat dans le secteur FPE ; et payer « bien », c'est à dire la bonne somme au bon bénéficiaire en conformité avec la réglementation applicable.

Mais ces objectifs généraux ne font pas l'objet d'une déclinaison précise et le management par objectifs n'est pas dans la tradition de l'établissement.

Le « contrat d'objectifs » conclu avec l'Etat le 12 décembre 2001 « dans le cadre de la modernisation de l'Etat » pour la période 2001-2004 récapitule les missions assignées à l'organisme, de manière nettement plus détaillée dans le secteur agricole que dans le secteur FPE. Mais il fixe peu d'objectifs précis et n'est pas directement utilisable pour constituer la base d'une analyse de performance.

La réglementation des aides à l'emploi et à la formation professionnelle fixe des délais de paiement parfois peu réalistes (dès la prise d'effet de la convention pour les CES et CEC ce qui revient à un paiement instantané) et, en matière agricole, il y a peu de règles explicites. L'Etat et le CNASEA se sont finalement fixés un objectif de 21 jours en moyenne entre la réception du dossier et le paiement au bénéficiaire dans le contrat d'objectifs en vigueur.

Le CNASEA a tardé à mettre en place les outils nécessaires à la comptabilisation de ces délais, ce qui a conduit la mission tripartite d'inspection a faire des estimations sur des échantillons de dossiers ; il en ressort une grande disparité suivant les mesures et suivant les délégations régionales. Dans le secteur FPE, le suivi précis des délais a été introduit en 2002 dans les chaînes de paiement, ce qui permet les mesures suivantes: entre la réception du dossier complet et la transmission des instructions de paiement aux banques, le délai moyen proprement imputable au CNASEA a été en 2002 de 9 jours pour la rémunération des stagiaires, 16 jours pour les CES, 27 jours pour les CEC et 26 jours pour les CEJ. Sur un échantillon de dossiers d'aides agricoles, les inspections générales de l'agriculture et des finances estimaient en 2002 le délai total entre 28 et 126 jours selon les mesures. Le délai propre à l'agence comptable, entre la décision financière et le paiement, était en outre estimé entre 18 et 28 jours. La direction générale de la comptabilité publique estime de son côté à environ 5 jours le délai entre l'émission du mandat par l'ordonnateur et la mise en paiement par le comptable pour les interventions agricoles dans le réseau du trésor public, mais ces chiffres ne correspondent pas tout à fait aux mêmes fonctions et ne sont donc pas directement comparables.

Toutefois, la performance du CNASEA ne peut pas uniquement être appréciée en termes de délais moyens, ceux-ci étant caractérisés par une très forte disparité entre les délégations régionales, quelle que soit la mesure envisagée. Le CNASEA n'apporte pas d'explication globale à ces disparités entre les sites ; il ne ressort pas qu'elles puissent s'expliquer par le volume des dossiers à traiter ni par le rythme d'arrivée des dossiers. Ni la dotation des sites en effectifs réels, ni leur taille, ni le degré de polyvalence des agents ne font apparaître de corrélation avec les délais de traitement.

En outre, le CNASEA ne maîtrise notamment pas, en amont, le délai d'instruction et de transmission des dossiers par les services extérieurs de l'Etat qui représente une part importante, quoique variable suivant les mesures et les sites, du délai global. Le délai total de traitement des dossiers est ainsi sans doute en partie imputable au fait que des pièces complémentaires doivent être demandées aux services instructeurs. Cette responsabilité des DDAF et DDTEFP dans le non-respect des délais n'a fait l'objet d'aucun commentaire de la part des tutelles du CNASEA.

Il ne semble pas, en réalité, que malgré leur importance, les délais de paiement soient érigés en outil de pilotage et de contrôle de gestion par le CNASEA : les causes des écarts entre sites ne sont pas analysées, le respect ou l'amélioration des délais n'est pas un objectif formalisé de management, et il n'y a pas d'action globale engagée pour réduire les délais amont imputables aux partenaires de l'établissement. Cette hétérogénéité implique de la part du CNASEA un effort de suivi et de pilotage. Il peut cependant être noté que les aides pour lesquelles un retard de paiement serait directement préjudiciable au bénéficiaire, comme la rémunération des stagiaires, sont payées plus rapidement ; en outre, les paiements concernés s'inscrivent dans la durée ; les retards constatés le sont lors du premier paiement des aides et n'apparaissent plus lors des paiements ultérieurs qui représentent l'essentiel des sommes en jeu dans le secteur FPE.

Les délais de paiement ne sont toutefois pas le seul critère de qualité pour les bénéficiaires des aides. L'information du public en est, par exemple, un autre mais elle reste limitée sauf dans le domaine agricole où elle est relayée par les ADASEA et par les données mises en ligne sur Internet.

B. B.- LES COÛTS DE GESTION DES PAIEMENTS

Le CNASEA ne dispose pas de la capacité de mesurer directement et de manière fiable sa productivité. Par construction, le système de ratios ne constitue pas un aiguillon de productivité puisque les moyens qui lui sont alloués sont strictement corrélés au nombre de dossiers traités : cela revient en théorie à postuler une productivité constante et contribue à figer la situation de l'établissement en fonction de ratios qui ont faiblement évolué depuis leur mise en place.

Le CNASEA calcule deux types d'indicateurs de productivité : le rapport des dépenses de fonctionnement au montant des interventions, et le montant d'interventions mises en oeuvre par agent. Ces ratios ont peu d'intérêt car le montant d'une aide n'a qu'un rapport très lointain avec la charge de travail des agents. Même s'il ne s'agit que d'une approche, compte tenu du fait que les effectifs comprennent ceux du siège et ceux des sites régionaux, plus directement concernés par les flux de dossiers, le graphique ci-après permet pour le moins de tirer une tendance, à savoir un décrochage important dans le secteur FPE entre une stabilité des effectifs et une décroissance importante du nombre de dossiers traités entre 1995 et 2001, le même constat pouvant être fait, mais dans une moindre mesure pour le secteur agricole entre 1995 et 2000.

Une telle évolution peut apparaître comme une dégradation de la productivité de l'établissement, notamment dans le secteur FPE qui a enregistré une baisse du volume annuel de près de 400 000 dossiers sur la période alors que les effectifs restaient stables. Le CNASEA estime pour sa part ne pas avoir enregistré de perte structurelle de productivité dans la mesure où ce seraient les mesures les moins complexes à traiter (surtout les CES) qui ont entraîné une diminution d'activité. Toutefois, l'établissement n'est pas en mesure de démontrer cette analyse chiffres à l'appui, faute des indicateurs adéquats et d'un système performant de contrôle de gestion.

Le rapport parfois présenté entre le nombre de dossiers pondéré par le délai de traitement spécifique à chaque mesure, d'une part, et les effectifs en équivalent temps plein, d'autre part, pourrait être intéressant mais le caractère assez conventionnel des délais de traitement par dispositif retenus le rend peu exploitable. C'est toutefois l'indicateur disponible le plus significatif et son évolution dans le temps suggère que la productivité des agents du CNASEA aurait, en moyenne, diminué de 1995 à 2001 dans le secteur FPE et serait restée au même niveau dans le secteur agricole. Du fait de l'inertie des effectifs, cette évolution de la productivité est en fait très dépendante de la croissance de son activité.

Enfin, il y a encore moins d'éléments de comparaison entre les coûts de gestion des divers organismes chargés de payer des aides de ce type (Etat, offices agricoles, AFPA...). De telles comparaisons avaient été demandées dans la lettre de mission des inspections générales des finances et de l'agriculture en 2002 mais elles n'ont manifestement pas trouvé le moyen de les réaliser.

Il faut cependant noter que, dans le domaine agricole, l'enjeu des écarts de coût de gestion d'un organisme à l'autre est moindre que celui des pénalités financières que la Commission européenne peut imposer à la France si le dispositif mis en place ne garantit pas la régularité des paiements.

Au total, il est regrettable que le CNASEA ne dispose pas d'un vrai dispositif de contrôle de gestion qui lui permette de déterminer ses coûts et ses marges de progression, alors que ses charges sont de plus en plus rigides ; il est vrai que le contexte d'incertitude qui est le sien quant à l'évolution de son volume d'activités, ainsi que les péripéties de sa délocalisation, n'ont pas facilité la mise en oeuvre d'une telle démarche.

CONCLUSION

En confiant au CNASEA la gestion et le paiement d'un volume important d'interventions publiques dans deux domaines aussi différents que le développement de l'agriculture et le secteur de l'emploi et de la formation professionnelle, l'Etat a poursuivi un double objectif : externaliser des tâches de gestion et de paiement pour se concentrer sur la conception et le pilotage, et disposer d'un retour en termes statistiques que seule la conception ad hoc d'un système d'information, au sein d'un organisme dédié, semblait permettre de réaliser tout en assurant l'impératif de rapidité des paiements.

La mise en oeuvre de cette formule a donné l'occasion d'éluder, dans la gestion des crédits d'intervention, certaines contraintes budgétaires résultant de l'ordonnance de 1959, ainsi que plusieurs règles essentielles posées par le décret de 1962 sur la comptabilité publique, sans que le statut et le régime comptable de l'établissement aient été préalablement et complètement adaptés en conséquence.

Les avantages attendus du recours au CNASEA étaient renforcés par la relative souplesse d'une gestion ainsi déléguée, l'organisme étant censé pouvoir s'adapter rapidement aux changements de périmètre de son action, que ce soit à la baisse grâce au recours à des emplois à durée déterminée, ou - ce qui a été en pratique le cas - à la hausse grâce à une réactivité reconnue pour prendre en charge de nouveaux dispositifs.

Cette spécialisation a rapidement conduit à rendre le CNASEA incontournable dans ses deux domaines d'intervention, les collectivités territoriales ayant très majoritairement fait appel à lui en matière de formation professionnelle.

Mais le développement continu de son activité ne doit pas faire oublier que le « chiffre d'affaires » de l'établissement, qui dépend de politiques publiques, n'est nullement garanti sur le moyen terme. Cette incertitude se pose à deux niveaux : non seulement le volume des aides publiques est fixé hors du CNASEA, mais la multiplication des donneurs d'ordre, dans un contexte de décentralisation, fait courir le risque du recours à d'autres opérateurs.

Or l'un des avantages comparatifs dont disposait naguère l'établissement, à savoir sa souplesse de gestion, est aujourd'hui bien entamé du fait d'une rigidité croissante de ses charges, notamment salariales, condamnées à croître compte tenu de la faible moyenne d'âge de ses agents. Pour des raisons diverses, parmi lesquelles a beaucoup joué la nécessité d'assurer dans des conditions sociales acceptables une délocalisation qui a connu de nombreuses péripéties, les charges de personnel du CNASEA ont nettement augmenté et son effectif est aujourd'hui très majoritairement composé de contrats à durée indéterminée.

L'aléa économique résultant de recettes plus incertaines face à des charges croissantes se double aujourd'hui d'une forte incertitude juridique tenant à la place reconnue à l'établissement dans le système comptable et juridique français, lui-même sous contrainte européenne. Non seulement, du fait même de la réactivité de l'établissement ses activités ont souvent précédé l'encadrement par des textes, mais sa position est fragilisée par les évolutions du droit des marchés publics et les contraintes imposées par la distribution, strictement encadrée, d'aides d'origine européennes. En outre, organisme payeur de masse et qui doit payer vite, le CNASEA n'a jamais été en mesure de respecter l'ensemble des contraintes qui pèsent sur l'exécution de la dépense publique alors qu'il reste encore soumis, à ce jour, au droit commun de la comptabilité publique. Il revient à l'Etat de prendre les dispositions nécessaires pour sécuriser, dans ces différents domaines, la position de son établissement public.

Ces évolutions pressenties pourraient confirmer le CNASEA dans la situation de monopole de fait qu'il détient ou croit détenir aujourd'hui. Elles pourraient, au contraire, conduire à une situation de concurrence. Dans l'un et l'autre cas, le CNASEA devra faire face à un impératif de transparence et de maîtrise de sa gestion, avec pour objectif au moins de maintenir, au mieux d'améliorer une productivité et des coûts aujourd'hui mal connus faute d'un système performant de comptabilité analytique et de contrôle de gestion.

Enfin, si la relative rapidité de ses paiements et la qualité des informations connexes qu'il peut fournir constituent un savoir-faire reconnu au CNASEA, ces objectifs sont naturellement doublés, s'agissant d'aides publiques, d'un impératif de contrôle interne permettant de s'assurer de la bonne destination des fonds maniés. Sur ce point, l'établissement qui s'était doté d'un système performant en théorie, mais mal appliqué, semble avoir engagé les réformes nécessaires.

ANNEXES

Annexe 1 : ...............Indemnités d'accompagnement de la délocalisation

Annexe 2 : ...............Coût des opérations liées à la délocalisation

Annexe 3 : ...............Situation de trésorerie fin de mois des crédits d'intervention

Annexe 4 : ...............Evolution des dépenses de fonctionnement

Annexe 5 : ...............Bilan du CNASEA 1995-2001

Annexe 6 : ...............Evolution des écarts entre effectifs théoriques et réels

Annexe 7 : ...............Index des sigles utilisés

A. A. A. B. A. INDEX DES SIGLES UTILISES

ACCT Agence comptable centrale du trésor

ACOFA Agence centrale des organismes d'intervention dans le secteur agricole

ADASEA Associations départementales pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles

AFPA Association pour la formation professionnelle des adultes

CCCOP Commission de certification des comptes des organismes payeurs

CDD Contrat à durée déterminée

CDI Contrat à durée indéterminée

CEC Contrat emploi consolidé

CEJ Contrat emploi jeunes

CES Contrat emploi solidarité

CEV Contrat emploi de ville

CIAT / CIADT Comité interministériel d'aménagement du territoire

CITEP Comité pour l'implantation territoriale des emplois publics

CSMI Commission spécialisée des marchés d'informatique

CTE Contrats territoriaux d'exploitation

DAFE Direction des actions de formation et d'emploi (au CNASEA)

DARES Direction de l'animation et de la recherche des études et des statistiques (au ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité)

DDAF Direction départementale de l'agriculture et de la forêt

DDTEFP Direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle

DEEAR Direction de l'économie des exploitations et de l'aménagement rural (au CNASEA)

DGEFP Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (au ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité)

DJA Dotation aux jeunes agriculteurs

DR Délégation régionale (du CNASEA)

DSI Direction des systèmes d'information (au CNASEA)

EPA Etablissement public à caractère administratif

EPI Etudes prévisionnelles à l'installation

EPIC Etablissement public à caractère industriel et commercial

ETP Equivalent temps plein

FEDER Fonds européen de développement régional

FEOGA Fonds européen d'orientation et de garantie agricole

FFCTE Fonds de financement des CTE

FODREFA Fonds pour le retraitement des farines

FPE Formation professionnelle et emploi

FSE Fonds social européen

GAL Groupes d'actions locaux

ICHN Indemnité compensatrice de handicaps naturels

IRCANTEC Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités publiques

LEADER Liaison entre actions de développement de l'économie rurale

MAAPAR Ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales

MAD Personnel mis à disposition

MSA Mutualité sociale agricole

NFI Nouvelles filières de formation d'ingénieurs

ODASEA Organismes départementaux pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles

PDRN Plan de développement rural national

PIC Programme d'initiative communautaire

PIDIL Programme pour l'installation des jeunes en agriculture et pour le développement des initiatives locales

PNAT Programme national d'assistance technique

PNI Programme national informatique

PRESAGE Programme régional et européen de suivi, d'analyse, de gestion et d'évaluation

RDR Règlement de développement rural

RMA Refonte des mini-ordinateurs en ADASEA

RMC Refonte des mini-ordinateurs en région

RTCC Refonte des traitements centraux communs

SAFER Société d'aménagement foncier et de développement rural

SIFE Stages d'insertion et de formation à l'emploi

SYCATEA Syndicat des cadres, techniciens et assimilés

* 1 Cet article dispose que « la mission d'assistance du Parlement confiée à la Cour des comptes par le dernier alinéa de l'article 47 de la Constitution comporte notamment : ... 2° La réalisation de toute enquête demandée par les commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances sur la gestion des services ou organismes qu'elle contrôle. Les conclusions de ces enquêtes sont obligatoirement communiquées dans un délai de huit mois après la formulation de la demande à la commission dont elle émane, qui statue sur leur publication ».

* 2 L'examen de la gestion a été partagé entre les 5 ème et 7 ème chambres, compétentes l'une en matière d'emploi et de formation professionnelle et l'autre en matière agricole. Le jugement des comptes et l'examen des questions générales ont été attribués à la 5 ème chambre par arrêté du Premier président.

* 3 Le directeur général de la forêt et des affaires rurales et le directeur adjoint de la même direction.

* 4 ADASEA et organismes remplaçant ces associations dans les départements où il n'y en a pas

* 5 M. Gérard BELORGEY, préfet honoraire

* 6 surface hors oeuvre nette

* 7 M. Guy RAFFI, inspecteur général de l'agriculture

* 8 tout en notant une stabilité exceptionnelle de l'équipe de direction

* 9 Fonds pour le retraitement des farines

* 10 Le terme « agrégé » est en fait ici préférable à « consolidé » car il ne s'agit pas d'entités juridiquement distinctes.

* 11 Voir notamment rapport public 2001, p. 84 pour les emplois jeunes.

* 12 A savoir un engagement de suivre le déplacement du siège à Limoges.

* 13 Hors montants remboursés par l'Union européenne

* 14 Indemnités compensatrices de handicaps naturels

* 15 Contrats territoriaux d'exploitation

* 16 Dotation aux jeunes agriculteurs

* 17 cf. en particulier, rapport public 2001, p. 251, « la gestion des aides européennes à l'agriculture » et référés n° 8587 à 8591 / 17023 du 23 décembre 1998.

* 18 rapport public 2001, 2 ème partie : la mise en place d'un contrôle interne dans le régime d'assurance chômage.

* 19 Au cours du contrôle, l'agent comptable a estimé que serait nécessaire, pour réaliser un contrôle exhaustif avant paiement, en appliquant le barème des points charges des services déconcentrés du trésor, un effectif de 80 à 90 agents pour les affaires agricoles et de 110 à 120 agents pour la formation professionnelle et l'emploi.

* 20 Rapport public 2001 page 279

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