TRAVAUX DE LA COMMISSION :


AUDITION CONJOINTE DU MINISTRE DE L'ÉCOLOGIE ET DU DÉVELOPPEMENT DURABLE
ET DE LA COUR DES COMPTES
DU 15 JUIN 2004

Présidence de M. Jean Arthuis, président

Séance du 15 juin 2004

Ordre du Jour

- Audition de M. Serge Lepeltier, ministre de l'écologie et du développement durable, et de M. Jean-François Bénard, président de la 7 ème chambre de la Cour des comptes, sur le rapport de la Cour des comptes relatif au fonds national de solidarité pour l'eau.

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La séance est ouverte à 16 heures 15.

M. le président - Je voudrais remercier M. Serge Lepeltier, ministre de le l'écologie et du développement durable, qui a bien voulu accepter de répondre à notre invitation pour prendre part à une audition commune avec M. Jean-François Bénard, président de la septième chambre de la Cour des Comptes, sur le rapport de la Cour relatif au fonds national de solidarité pour l'eau.

Je voudrais saluer également le conseiller-maître Gérard Ganser, le directeur de l'eau, M. Pascal Berteaud, M. Michel Dantin, conseiller au cabinet de M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.

Mes chers collègues, ce type d'audition est une procédure que nous avons mise au point en application de l'article 58-2° de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, qui prévoit la réalisation par la Cour des comptes « de toute enquête demandée par les commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances sur la gestion des services ou organismes qu'elles contrôlent ».

A ce titre, la Cour des comptes a transmis à notre commission, en novembre 2003, une « communication » relative au Fonds national de solidarité pour l'eau, portant sur les exercices 2000 à 2002. Cette communication a également été adressée par voie de référé, au ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales, au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, à la ministre de l'écologie et du développement durable ainsi que, en copie, au ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire.

Il m'a semblé, conformément à la procédure déjà suivie, qu'était nécessaire une audition conjointe du ministre de l'écologie et du développement durable, M. Serge Lepeltier, et du directeur de l'eau du ministère de l'écologie et du développement durable, M. Pascal Berteaud, d'une part, de M. Michel Dantin, conseiller auprès du ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales d'autre part, en présence de M. Jean-François Bénard, Président de la septième chambre de la Cour des comptes et de M. Gérard Ganser, conseiller-maître.

Le Fonds national de solidarité pour l'eau a, depuis la transmission de cette communication, été supprimé, l'article 38 de la loi de finances pour 2004 ayant clos le Fonds national de l'eau dont il constituait la deuxième section. Ceci donne à certains aspects de ce rapport un caractère purement rétrospectif, mais d'autres éléments pourront nous être utiles en vue des débats futurs, notamment sur l'avenir de la politique de l'eau.

La communication de la Cour des comptes souligne, comme l'avait déjà relevé notre collègue Philippe Adnot, rapporteur spécial des crédits de l'écologie et du développement durable, la sous-consommation des crédits du FNSE. La Cour des comptes analyse notamment les liens entre les agences de l'eau et l'Etat et souhaite une clarification de leurs interventions respectives, comme la simplification des interventions du ministère de l'écologie et du ministère de l'agriculture. Elle s'interroge par ailleurs sur le prélèvement de solidarité pour l'eau, dont elle relève certaines caractéristiques discutables.

M. Jean-François Bénard, président de la septième chambre, présentera dans un premier temps le contenu du rapport sur le FNSE communiqué à notre commission, puis le ministre de l'écologie et du développement durable, le directeur de l'eau et le représentant du ministère de l'agriculture pourront répondre aux observations de la Cour des comptes. Enfin, je vous inviterai, mes chers collègues, à intervenir si vous le souhaitez.

Conformément à l'article 58-2 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, il nous appartiendra à la fin de cette audition de statuer sur la publication du rapport transmis et qui, sur le plan juridique, est une « communication » de la Cour des comptes.

Monsieur le Président Bénard, vous avez la parole, en insistant surtout sur les recommandations que vous croyez devoir formuler.

M. Jean-François Bénard - Merci.

Je centrerai ma présentation sur ce qui reste d'actualité dans le rapport qui vous a été transmis, puisque ce fonds n'existe plus aujourd'hui.

Néanmoins, l'examen des opérations réalisées permet de dégager quelques leçons durables dans trois domaines.

Le premier concerne les aspects généraux d'utilisation des comptes d'affectation spéciale et le second la question de la solidarité : de quelle solidarité s'agit-il ? Enfin, le troisième domaine est celui des progrès qui nous paraîtraient souhaitables dans la gestion, en termes de finances publiques, des programmes qui étaient attachés à ce fonds et qui ont maintenant un autre destin.

S'agissant de l'utilisation des comptes d'affectation spéciale, je crois qu'un certain nombre de leçons sont à tirer de l'expérience du FNSE qui ont une valeur assez générale.

La première avait été relevée par M. le sénateur Adnot. C'est la question de la sous-consommation des crédits qui, dans le cas de ce fonds, est un phénomène impressionnant puisque, sur 238 millions d'euros de crédits ouverts entre 2000 et 2002, 118 ont été consommés, soit la moitié seulement.

Le rapport analyse en détail les raisons de cette sous-consommation. Il y en a trois principales. La première, c'est l'impréparation au moment de la création de ce fonds qui fait que l'année 2000 a été une année blanche en termes de dépenses, ou peu s'en faut.

La seconde raison générale vaut pour tous les comptes d'affectation spéciale qui intéressent des dépenses d'investissement ou de subvention à l'investissement, titre V et VI en ce qui concerne le budget général. Dans les comptes d'affectation spéciale, on ouvre en même temps les AP et les CP pour des montants équivalents ce qui, par nature, entraîne des reports considérables. Cette critique, on peut la faire pour un très grand nombre de comptes d'affectation spéciale.

La troisième raison en ce qui concerne le FNSE, c'est la délégation d'AP massive consentie aux services déconcentrés. Or, ceux-ci n'avaient pas de projets au moment où le fonds a été créé et se sont donc trouvés dans une situation dont tout le monde peut convenir qu'elle présente des risques. Au lieu d'analyser des besoins et de faire des demandes de crédit comme à l'ordinaire, on s'est trouvé avec des crédits pour lesquels il fallait trouver des dépenses à mettre en face !

La deuxième critique qui peut être faite est le manque de transparence vis-à-vis du Parlement. Là aussi, ce sont des critiques que l'on peut faire à beaucoup de comptes d'affectation spéciale, qui tiennent au flou dans la définition de l'objet du fonds et aux atteintes ou aux imprécisions par rapport au respect du principe de spécialité, ainsi -cas qui existe dans beaucoup de comptes d'affectation spéciale- qu'à la coexistence, pour les mêmes opérations, de financements sur le compte d'affectation spéciale et sur le budget général.

Ceci est évidemment une facilité pour l'administration, mais une facilité dangereuse en termes de gestion budgétaire. Les exemples qu'on pourrait donner des risques que présente cette pratique sont extrêmement nombreux et, je pense, bien connus de votre commission.

Pour rester dans le domaine qui nous intéresse, on peut citer le programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole, à la fois financé sur le FNDAE et sur le titre VI de l'agriculture ou l'ancien FITTVN qui présentait exactement les mêmes caractéristiques. On pourrait ainsi en citer bien d'autres concernant d'autres ministères. Ce n'est nullement une spécialité du ministère de l'écologie et du développement durable.

Troisième grande remarque tournée vers l'avenir : ce type de fonds est très difficilement compatible -pour ne pas dire incompatible- avec les dispositions de la LOLF pour deux raisons. En effet, l'article 20 prévoit qu'un compte spécial doit faire l'objet d'une mission et l'article 21 prévoit la relation directe entre recettes et dépenses. Ici, elle est un peu limite ; pour beaucoup de comptes d'affectation spéciale, elle sera extrêmement difficile à démontrer, pour ne pas dire inexistante.

Il faut donc s'attendre à la disparition d'un grand nombre de comptes de ce type dans les prochaines années.

En tout cas, sous l'angle de la bonne gestion des finances publiques, on doit considérer la suppression de ce fonds comme un progrès.

Ceci me conduit à la deuxième question abordée dans le rapport : de quelle solidarité parle-t-on s'agissant du FNSE ?

Pour répondre à cette question, il faut regarder les dépenses, puis les recettes. Si l'on regarde les dépenses, deux traits sautent aux yeux : en premier lieu, ce fonds est l'occasion d'un transfert de la métropole vers l'outre-mer. Des dépenses importantes réalisées par l'intermédiaire de ce fonds -plus de 15 millions d'euros- concernent l'outre-mer et s'expliquent par le fait qu'en outre-mer, il n'y a pas d'agence de l'eau, pas de redevance. Or, il existe de gros besoins d'assainissement et donc nécessité de transfert.

On a également un transfert des consommateurs d'eau vers les agriculteurs. C'est une remarque générale que l'on peut faire dans beaucoup de domaines et qui concerne ici le plan phytosanitaire, etc.

Si on regarde les recettes, on peut également déceler des transferts à travers le mécanisme de prélèvement de solidarité pour l'eau.

En effet, ce prélèvement a une singularité : le montant dû par chaque agence est fixé directement par la loi, alors que d'ordinaire on fixe des règles générales, la liquidation de chaque cas individuel étant ensuite affaire d'application.

Là, le montant individuel est fixé par la loi directement, semble-t-il en appliquant deux prorata : pour un tiers, un prorata des populations concernées dans chaque agence et, pour deux tiers, un prorata du montant des redevances autorisées.

Il est assez intéressant d'observer que ces recettes sont prélevées sur les cas où les redevances autorisées sont les plus élevées.

Ceci correspond à deux cas de figures cumulables, soit parce qu'il y a beaucoup de besoins dans l'agence concernée, soit parce que le montant de la solidarité interne au bassin y est très forte.

C'est à partir de ces agences où il y a de gros besoins ou une solidarité forte que se fait le prélèvement le plus important au profit des bassins qui n'ont pas ce type de caractéristiques.

On retrouve là aussi un mécanisme de transfert qui va plutôt de l'urbain vers le rural.

Au total, ce prélèvement qui subsiste mérite réflexion, à la fois parce qu'il a une répartition qui, je crois, appelle examen, qu'il conduit à des recettes qui, pendant la période considérée, ont toujours été sensiblement supérieures aux besoins et enfin parce qu'il présente les inconvénients de tout impôt sur l'impôt, c'est-à-dire qu'il n'est pas transparent pour le contribuable de base.

Ceci conduit à s'interroger sur la finalité des transferts opérés par l'intermédiaire du FNSE.

Il n'appartient pas à la Cour des Comptes de se prononcer -c'est à l'autorité politique de le faire- mais on peut se poser la question de savoir quelle était la raison des interventions de l'Etat en ce domaine. Intervenait-il parce que les besoins dans tel domaine étaient supérieurs à la moyenne, parce que les collectivités étaient moins riches que d'autres ? Ceci n'est pas dit et l'effet des opérations réalisées ne correspond pas à l'appréhension immédiate que l'on peut avoir de ce sujet.

Le troisième domaine concerne les progrès qui nous paraissent avoir été réalisés, que l'on peut corréler à l'aisance financière qui a prévalu.

Le prélèvement a donné des recettes supérieures aux besoins et il s'agissait d'un prélèvement sur des redevances perçues par les agences dont on sait qu'elles bénéficiaient elles-mêmes à l'époque d'une trésorerie extrêmement élevée, pour ne pas dire pléthorique.

Ceci soulève toute une série de questions. La première est celle du suivi de l'emploi des crédits.

Le rapport met l'accent sur des difficultés en ce domaine, à la fois de nomenclature -car on relève des divergences entre nomenclature budgétaire et par domaine d'action mises en place par le ministère à juste titre- et des lacunes dans la connaissance de l'emploi des AP qui ont été déléguées et subdéléguées. Il y a manifestement là des progrès nécessaires à faire.

Deuxième grand sujet, celui de l'efficacité des actions entreprises.

On souhaiterait, quand on fait un rapport de la Cour des comptes sur un tel sujet, pouvoir évaluer les actions réalisées mais, pour pouvoir les évaluer, il faudrait savoir quels étaient les objectifs poursuivis et à quel coût prévisionnel on espérait pouvoir les satisfaire. Or, rien de tout cela n'est possible puisque les actions ont été lancées sans étude préalable.

Aujourd'hui, nous ne pouvons dire qu'une chose : c'est que l'évaluation de ces opérations est impossible.

Enfin, la question de la superposition des responsabilités est frappante dans pratiquement tous les domaines dans lesquels le fonds a été amené à intervenir.

Superposition des responsabilités d'abord entre l'Etat et les agences. Dans le rapport, il y a des exemples frappants en ce qui concerne le traitement des données sur l'eau, sujet important sur lequel la directive-cadre du 23 octobre 2000 nous demande de progresser. On voit la multiplicité des intervenants et la difficulté d'organiser de façon cohérente la collecte de toutes ces données.

De la même façon, on constate une superposition des interventions entre l'Etat et les agences dans de multiples domaines touchant les actions sur les milieux naturels et des problèmes particuliers que soulève la question des interventions en ce qui concerne la prévention des inondations.

Il s'agit d'un domaine dans lequel les agences sont autorisées par la loi de 1964 à intervenir, mais où, en pratique, elles ne souhaitent pas intervenir parce qu'il n'y a pas de recettes correspondant à ce type d'opérations. Elles se limitent donc à des interventions indirectes, avec les problèmes de frontière ou de superposition auquel ceci conduit entre l'Etat et les agences.

Outre ce cas de figure, il y a toutes les superpositions entre les différents ministères et les collectivités territoriales ; là aussi, le rapport fournit une liste impressionnante de cas de figure de ce type, par exemple en ce qui concerne l'aide à l'adduction de l'eau et l'assainissement en milieu rural, où interviennent simultanément, avec des règles différentes, le FNDAE, les agences qui sont des établissements publics administratifs sous tutelle de l'environnement, les départements, quelquefois même les régions, avec des singularités. Les règles ne sont en effet pas les mêmes partout : la Corse a un régime spécial en ce domaine, en application de la loi de 2002 qui a créé un programme exceptionnel d'assainissement.

On est donc dans un domaine type où la simplification administrative pourrait trouver à s'exercer. Il y a deux taxes d'Etat sur une même assiette, l'une établie par les directions départementales de l'agriculture, l'autre par les agences, plusieurs circuits de dépenses, plusieurs instructions administratives, même s'il y a des guichets uniques, une seule ingénierie qui est celle des services des directions départementales de l'agriculture et des forêts, également instructeurs des demandes. Un échafaudage administratif particulièrement complexe donc, pour un sujet qui représente des sommes peu importantes et, pour les collectivités, peu lisibles.

Vouloir simplifier n'est pas une question d'esthétique administrative ; c'est aussi vouloir réduire les coûts et surtout vouloir dire qui est responsable, car le problème des situations où il y a de multiples intervenants est que l'on ne sait plus qui est responsable des actions entreprises.

Ce qui est dit à propos de l'aide à l'adduction d'eau ou de l'assainissement rural, on peut le dire aussi de beaucoup d'autres domaines, par exemple du programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole où il y a aussi un grand nombre d'intervenants divers.

Au total, le sujet que votre commission a choisi est sans doute un petit sujet du point de vue des enjeux budgétaires ; c'est aussi un sujet qui, en tant que tel, n'existe plus mais, néanmoins, l'étude demandée est très illustrative du chemin considérable qui reste devant nous dans de nombreux domaines pour nous mettre en ligne par rapport aux exigences de rationalité de l'action publique que dégage la nouvelle loi organique.

M. le président - Merci.

Ce qui avait déclenché de notre part ce souhait d'avoir une communication sur le FNSE, c'est le constat d'une sorte de « viscosité » des crédits entre l'inscription au budget et la difficulté d'utiliser ces crédits, comme si une tuyauterie complexe ne permettait pas aux services déconcentrés de disposer des fonds et de répondre à une attente ressentie avec acuité par nombre de parlementaires.

A ces observations et recommandations, dont certaines ont un caractère historique, mais qui sont riches d'enseignements pour d'autres applications, Monsieur le Ministre, en dépit du fait que vous n'étiez pas en charge de ce ministère pour la période qui a fait l'objet de cette enquête, voulez-vous nous faire part de vos réponses et de vos observations ?

M. le ministre - Monsieur le Président, Monsieur le Président de la septième chambre de la Cour des comptes, Mesdames et Messieurs les commissaires, effectivement, je n'étais pas en charge de ce ministère, mais cela fait partie des fonctions ministérielles que de répondre à des questions d'organisation et de fonctionnement et, au fond, le faire nous fait entrer dans les vrais sujets de notre ministère.

C'est pourquoi je suis très heureux de me retrouver parmi vous, non seulement pour apporter des réponses aux observations de la Cour sur la gestion du FNSE, mais pour vous indiquer aussi, puisque nous sommes au coeur de la politique de l'eau, comment, à ce stade, j'entends la réformer. Ce sera l'objet du projet de loi sur l'eau que je souhaite porter à la discussion parlementaire en 2005.

Depuis plusieurs années, la Cour des comptes a entrepris d'examiner de près plusieurs plans de l'activité du ministère de l'écologie et du développement durable. Dans le domaine de l'eau plusieurs contrôles ont eu lieu : la direction de l'eau, les six agences de l'eau, le conseil supérieur de la pêche, l'office international de l'eau et, aujourd'hui, le FNSE.

D'autres contrôles ont été entrepris par votre commission et par l'inspection générale des finances et je trouve que tous ces contrôles ont le mérite d'amener le ministère et ses établissements publics à réfléchir à des mesures d'amélioration de la gestion publique et à mettre en chantier des pistes de progrès.

Je pense que nous allons là dans le bon sens dans les relations entre les pouvoirs exécutif et législatif.

M. Adnot m'a adressé, ainsi qu'au ministre du budget, un questionnaire détaillé relatif à l'exercice de la tutelle sur les agences de l'eau. Je viens de vous adresser mes réponses, Monsieur le Sénateur, et suis tout disposé à en débattre puisque, comme je le disais, je viens de soumettre à la concertation un avant-projet de loi sur l'eau qui vise à moderniser le dispositif des institutions de bassins et à définir un encadrement des redevances conforme au principe retenu par le Conseil constitutionnel.

C'est vrai que le financement du volet national de la politique de l'eau est un des éléments de ce projet de réforme.

Il est donc particulièrement opportun que la Cour des comptes ait pu se pencher sur la gestion des trois premières années du FNSE, même si ce n'est plus d'actualité, mais en voir un peu le fonctionnement et quelquefois peut-être quelques éléments de dysfonctionnement est intéressant. Je vais donc aller plus avant dans ces réponses.

Force est de constater effectivement que le FNSE a connu un démarrage difficile, dû à une certaine lenteur dans la définition des conditions de réalisation de politique nouvelle, objectif principal de la création du FNSE.

A titre d'exemple, il a fallu attendre août 2000 pour voir publier la circulaire relative au plan de lutte contre les pollutions dues aux produits phytosanitaires. De même, il a fallu attendre mars 2001 pour la circulaire relative au programme d'économies d'eau dans l'habitat social.

Cette dernière politique, aux effets marginaux par rapport à l'ensemble des crédits publics consacrés à la cohésion sociale et à l'habitat, a été abandonnée depuis lors au bénéfice de priorités liées à la publication des directives européennes concernant les pollutions d'origine agricole.

Autrement dit -et c'est bien la clef du problème- le FNSE disposait de crédits, mais les services n'avaient pas les textes permettant de les utiliser. Il n'est donc pas étonnant que la gestion des années 2000 et 2001 ait été peu efficace et que des reports non seulement de CP mais aussi de dépenses ordinaires se soient accumulés jusqu'à début 2002. La gestion du fonds a donc été approximative.

A ceci s'ajoute une particularité inhérente aux comptes spéciaux largement signalée par la Cour : le prélèvement sur les ressources des agences de l'eau s'effectue en AP et en CP d'un montant équivalent, ce qui engendre mécaniquement des reports structurels de CP.

Qui plus est, la gestion financière du fonds a été compliquée par l'expérimentation de l'application « Accord » dans le ministère. Cette application informatique ne me permet toujours pas de recevoir des fonds de concours tels que ceux du plan Loire. Il a fallu faire revivre la vieille procédure.

L'ensemble de ces éléments explique donc la situation du fonds jusqu'en 2002 et a conduit mon prédécesseur à réagir vigoureusement, dès l'automne 2002.

Ainsi, plusieurs mesures d'amélioration de la gestion du fonds ont été mises en place. Elles ont concerné notamment :

- un démarrage plus précoce de l'exercice de programmation conduit par les DIREN avec l'ensemble des services départementaux dès la fin 2002 pour l'exercice 2003. C'est une règle qui devrait d'ailleurs être assez générale ;

- la mise en place d'un dispositif exigeant de contrôle de gestion ;

- l'abandon d'interventions peu efficaces comme les économies d'eau dans l'habitat social ;

- la suppression des subventions croisées versées aux communes pour la restauration des rivières et pour les contrats de rivières ou de baies, à la fois par le FNSE et les agences de l'eau ;

- enfin, la clarification des interventions respectives du budget général et du compte spécial du trésor.

Ces mesures ont porté leurs fruits. Ainsi, ces efforts ont permis un assainissement financier important au cours de l'année 2003, pour une dotation initiale en loi de finances de 60 millions d'euros. Le total des mandatements a dépassé finalement 98 millions d'euros, rattrapant ainsi une partie du retard pris de 2000 à 2002. Je me permets d'attirer l'attention des sénateurs pour leur dire que ce n'est pas parce qu'on a eu un certain retard pendant quelques années qu'on n'a pas besoin d'argent pour la suite parce qu'on peut quelquefois se mettre à consommer.

Vous voyez à quoi je fais allusion pour le prochain budget.

Ces mesures ont aussi permis de préciser les frontières d'intervention du FNSE et de concentrer les efforts de ce fonds sur quatre sujets essentiels : le système d'information de l'eau, la solidarité inter-bassin, les politiques de lutte contre la pollution diffuse et de restauration des zones humides et la prévention des inondations.

Toutes ces mesures ont permis une rationalisation de la gestion financière et une remise en ordre du FNSE.

Cependant, il est apparu qu'il fallait aller plus loin et afin de rationaliser encore plus l'utilisation des CP, le gouvernement a proposé, dans la loi de finances pour 2004, une nomenclature budgétaire unique et la suppression du compte spécial du trésor. Celle-ci permet à travers l'agrégat « eau » d'avoir une vision d'ensemble de toutes les interventions financières de l'Etat dans le domaine de l'eau.

Ainsi, comme vous l'avez dit, une grande partie des remarques de la Cour des comptes a trouvé une réponse.

En ce qui concerne l'avenir, je souhaite réformer la politique de l'eau afin de nous doter des institutions et outils nécessaires pour atteindre l'objectif qui nous a été fixé par la directive-cadre sur l'eau : atteindre le bon état écologique des eaux d'ici 2015.

Même si 2015 apparaît très loin, c'est un objectif ambitieux qui nécessitera une forte mobilisation de l'Etat, des collectivités et des acteurs de l'eau, notamment le monde agricole et industriel.

Je viens de lancer, comme je le disais en introduction, la concertation sur la base d'un avant-projet de loi. Il a été diffusé à l'occasion du comité national de l'eau du 2 juin dernier, présidé par votre collègue Jacques Oudin, à l'ensemble des acteurs institutionnels de la politique de l'eau.

Je souhaite qu'il soit adopté en conseil des ministres d'ici fin 2004 et qu'il puisse être examiné par le Parlement en 2005.

Pour atteindre cet objectif, l'avant-projet de loi sur l'eau prévoit de multiples dispositions dont notamment le renforcement de la lutte contre les pollutions diffuses, notamment les nitrates et les produits phytosanitaires, le développement des schémas d'aménagement et de gestion des eaux à l'échelle des sous-bassins versants dans une logique de définition locale de la politique de l'eau par les acteurs eux-mêmes, et enfin la réforme des agences de l'eau afin d'en faire un outil essentiel de l'Etat pour le financement de la politique de l'eau.

Sur cette réforme des agences de l'eau, il s'agit notamment de renforcer le rôle de démocratie participative des comités de bassins, tout en faisant encadrer le régime fiscal des redevances de bassins par le Parlement, et de renforcer le rôle des agences de l'eau.

Dans ce cadre, l'ensemble des interventions financières locales touchant à la gestion de l'eau sera effectué par les agences et l'Etat n'interviendra plus localement que pour ce qui concerne la sécurité des personnes et des biens, achevant ainsi le décroisement que nous avons lancé en 2003.

En ce qui concerne les missions de niveau national, l'avant-projet de loi avance comme proposition de rationaliser l'action des différents acteurs en transformant le Conseil supérieur de la pêche en une agence nationale de l'eau et des milieux aquatiques regroupant les milieux humains et financiers consacrés aux tâches nationales de mise en oeuvre de la directive-cadre sur l'eau.

En effet, compte tenu des objectifs ambitieux de bon état de l'eau et des milieux aquatiques que nous assignent la directive-cadre, il me semble indispensable d'optimiser les actions des uns et des autres au niveau national et de se doter par redéploiement des moyens humains et financiers à la hauteur de l'enjeu.

Une des options est de laisser à cette agence un statut d'établissement public qui se substituerait au FNSE, serait financé par les six agences de bassin et prendrait en charge les missions de niveau national concernant la connaissance des milieux aquatiques, les études et recherches, l'observation des services publics d'eau et d'assainissement.

Compte tenu de leur rôle important en matière de connaissances des milieux aquatiques, les gardes du Conseil supérieur de la pêche y resteraient affectés.

A contrario, cette agence ne serait pas chargée de la tutelle des six agences de bassin, qui resterait naturellement du ressort de la direction de l'eau.

Je souhaite que la réforme de la politique de l'eau me donne l'occasion, après votre rapport, d'un débat approfondi avec les parlementaires sur de telles pistes d'amélioration de la gestion publique, en vue d'identifier clairement les responsabilités et les moyens d'intervention qui incombent aux autorités nationales, aux institutions de bassins et aux collectivités décentralisées.

Ceci me permettra, je l'espère, de vous proposer avant la fin de l'année un projet de loi qui donne à notre pays tous les moyens pour atteindre les objectifs ambitieux que nous nous sommes fixés.

Avant de conclure, je voudrais relever une ou deux questions du président, notamment sur l'objectif de solidarité et de péréquation. De quelle solidarité s'agit-il ? Il faut bien voir comment sont perçues les redevances des agences. Les deux-tiers de l'assiette du fonds sont calés sur le niveau des redevances perçues par les agences et le tiers restant sur la population du bassin.

Dans certains bassins ruraux, tels que Adour-Garonne et Loire-Bretagne, les ruraux ne sont souvent pas raccordés à l'égout et ne paient pas la redevance. L'assiette basée sur la population permet donc de rééquilibrer la contribution les agences plus rurales.

Finalement, ce sont les bassins les plus riches qui sont les plus contributeurs au fonds. On ne peut pas dire qu'il n'y a pas de solidarité dans ce domaine et je crois que la solidarité doit être considérée du point de vue des politiques financées par le fonds.

Cette solidarité se fait surtout en direction des départements d'outre-mer. En l'absence d'agences de l'eau dans les départements d'outre-mer et dans le cadre des contrats de développement passés avec les territoires d'outre-mer, le FNSE a beaucoup contribué aux dépenses de solidarité nationale dans les DOM.

C'est une vraie question que vous posez. Dans le cadre du projet de loi sur l'eau, une concertation avec les élus d'outre-mer en vue de consacrer un régime ad hoc pourra être envisagée.

M. le président - L'inertie de la consommation est-elle aussi forte outre-mer qu'en métropole ?

M. Gérard Ganser - Non. Le rapport explique que ce sont les crédits qui ont été le plus rapidement consommés, pour lesquels les AP déléguées ont été le plus rapidement affectées semble-t-il car, s'agissant du recueil statistique des informations, autant le ministère s'est efforcé de savoir ce qui se passait dans les départements métropolitains avec un succès relatif, autant outre-mer le ministère a eu plus de difficultés. Quant aux territoires d'outre-mer, le ministère a avoué son ignorance.

M. le président - On ne sait donc pas ce qu'on en fait ?

M. Pascal Berteaud - On sait ce qu'on en fait et ce pour quoi on les dépense. Ce qu'on a du mal à mesurer, c'est la vitesse d'exécution des travaux sous maîtrise d'ouvrage des collectivités.

M. le président - Vous ne l'avez pas vérifié ?

M. Jean-François Bénard - On n'en a pas les moyens.

M. Gérard Ganser - Il faut aller sur place.

M. le président - Vous allez sur place pour le vérifier ?

M. Pascal Berteaud - On exécute des missions de temps en temps sur place, mais toute la difficulté est de voir la réalité de l'avancement des travaux. J'ai les mêmes interrogations, à ceci près que je sais à quoi cela sert puisqu'on a des comptes rendus réguliers.

M. le président - Les comptes rendus vous rassurent ?

M. Pascal Berteaud - Les comptes rendus me rassurent moyennement.

M. le président - Vous n'avez donc rien pour vous rassurer !

M. Pascal Berteaud - En pratique, on envoie des missions sur place.

M. le ministre - Enfin, le dernier groupe de questions que vous avez évoquées, Monsieur le Président, concerne la nécessité de clarification face aux divers croisements financiers. Nous partageons cette analyse. C'est une de nos préoccupations. Beaucoup de progrès doivent être faits pour clarifier la répartition des responsabilités et des financements pour savoir qui fait quoi.

Globalement, on peut néanmoins dire que ce croisement n'a pas empêché de mener de bonnes politiques. Ce qu'il faut, c'est clarifier, simplifier administrativement. Avec le projet de loi sur l'eau, nous aboutirons à une clarification.

Merci de votre attention.

M. le président - La Cour des comptes a-t-elle des observations ?

M. Jean-François Bénard - Sur de nombreux points, ce qu'a dit le ministre me paraît en ligne avec nos constats.

Un point que je voudrais préciser porte sur l'effet de transfert lié au prélèvement de solidarité.

Vous avez dit, Monsieur le Ministre, que c'est un transfert des agences riches vers les agences pauvres, puisqu'il est assis pour une grande part sur le montant des redevances autorisées.

De fait, quand on regarde le tableau, cela saute aux yeux. On voit très bien que l'agence Seine-Normandie paye un montant très important, etc.

Mais la remarque de la Cour n'était pas fondée principalement sur ce sujet. C'était plutôt la constatation qu'un montant élevé de redevances autorisées, si celles-ci ont été normalement établies, traduit soit des besoins très importants, soit une solidarité très développée au sein du bassin.

Le fait de prendre ceci comme assiette veut dire que les agences où la solidarité est développée et où les besoins sont importants payent pour les autres où la solidarité n'est pas développée, ce qui n'est pas forcément scandaleux, mais surprenant pour un fonds de solidarité.

M. le président - Plus l'agence est active, plus elle est taxée. Les agences qui ne font rien échappent à ce prélèvement et les territoires dont les agences ne font rien peuvent bénéficier de subsides prélevés sur les agences les plus actives. Voilà qui est accablant comme mise en oeuvre d'un principe d'équité !

M. le ministre - C'est quelque chose qui, malheureusement, se retrouve dans pas mal de cas.

M. le président - Vous allez maintenant y renoncer ?

M. le ministre - Nous allons en discuter avec le Parlement dans le cadre du projet de loi sur l'eau.

M. le président - On a quelquefois l'impression que le ministère de l'écologie et du développement durable inscrit des crédits, ce qui donne une immense satisfaction au montant de la présentation du budget, mais ne consomme pas nécessairement ce qu'on inscrit, comme s'il y avait une politique virtuelle.

M. le ministre - Je m'inscris en faux contre votre remarque. Moi qui suis en train d'appliquer le budget 2004, je voudrais expliquer les choses.

Ce ministère souffre de cette image. Pendant de nombreuses années, il n'a pas consommé ses crédits. Pourquoi ? A un moment donné de son histoire politique, ce ministère a vu ses compétences croître. On a considéré qu'il fallait lui faire changer d'échelle et il s'est d'ailleurs beaucoup développé en termes de personnels dans un certain nombre de domaines. Je fais allusion à la fin des années 1990 et au début 2000.

Par rapport à ses compétences, des AP pour lancer les programmes ont été accordées et les crédits de paiement ne l'ont pas été. Vous pouvez le vérifier.

Progressivement, ces politiques se sont mises en place mais pour mettre en place des politiques aussi lourdes que celles qui concernent la défense de l'environnement, il faut un peu de temps. Il est vrai que l'annualité budgétaire n'est pas toujours conforme à ce rythme.

On a lancé de vraies politiques de l'environnement. Au départ, ces politiques avec AP ont été lancées mais sans consommer car nous sommes liés à de nombreux acteurs sur le terrain, en particulier les collectivités locales, où un certain nombre de financements doivent aussi avoir lieu. Aujourd'hui, nous sommes dans la situation inverse. Les AP ont été lancées il y a quelques années, les CP n'avaient pas été prévus, et nous sommes au même niveau alors même que les dépenses sont faites.

Mon ministère qui, hier, ne dépensait pas ce qui était inscrit pour un affichage politique fort, aujourd'hui, dépense et n'a pas assez d'argent en inscription. Je voulais attirer votre attention là-dessus. Nous sommes dans une situation difficile et c'est qui a valu au budget 2004 la nécessité de prélever 210 millions d'euros sur les agences de l'eau, qui correspondent à des montées en puissance des politiques qui avaient été faites par AP et dont les crédits de paiement n'avaient pas été votés.

M. le président - Peut-on dire qu'il y a une ardoise à éponger ?

M. le ministre - Non, ce sont des mots que je n'emploie pas moi-même, parce que cela semble vouloir faire porter la responsabilité à d'autres. J'assume la politique de ce ministère, car je considère que ce ministère est un ministère en construction et que, dans l'avenir, il aura à dépenser plus, inévitablement.

Son périmètre s'accroît ; on lui demande, face aux besoins de sécurité, notamment sur le plan industriel, de plus en plus de politiques ; à l'évidence, c'est un ministère dont l'enveloppe budgétaire ne peut décroître sous peine de revenir en arrière sur des sujets essentiels, même si des efforts d'organisation dans le ministère, en termes de personnels, doivent être faits.

J'ai le sentiment, grâce à votre aide, d'aborder la question du budget 2005.

M. Jean-François Bénard - Je me garderai bien de m'exprimer sur le fond de la comparaison entre besoins et crédits, mais il me semble que l'on pourrait objectiver cette discussion très facilement si les projets dont il est question faisaient l'objet d'une évaluation prévisionnelle préalable et ensuite d'objectifs affichés.

A ce moment, on pourrait comparer les dépenses et les prévisions et voir si les objectifs ont été atteints. Une grande partie de la difficulté pour se faire une religion sur les questions que vous venez de soulever réside dans le fait qu'on ne sait pas quels étaient les objectifs poursuivis ou dont l'action est lancée, ni combien on avait l'intention de dépenser ! La discussion devient du coup assez subjective !

M. le président - La parole est au rapporteur général.

M. Philippe Marini - Merci.

Je ne voudrais pas nous déporter sur le terrain budgétaire, parce que nous aurons des réunions pour traiter de ces grands enjeux.

Pour en rester aux aspects strictement organisationnels et en partant d'une relativement petite chose, j'ai noté qu'il existait toujours un bureau du FNSE au sein de la direction de l'eau.

Est-il prévu de restructurer cette administration et de faire disparaître ce bureau ? De façon plus générale, est-il prévu des modifications organisationnelles internes à la direction de l'eau, de manière à s'assurer d'un meilleur suivi des programmes ?

Ma seconde question est de portée plus générale. Elle concerne la superposition des interventions de l'Etat et des agences de l'eau dans une série de domaines, en particulier en matière de préservation ou de restauration des milieux aquatiques.

Quelles sont vos orientations et vos options pour clarifier les compétences respectives ? Est-il possible d'opérer une simplification et de viser à une meilleure visibilité de ces financements, du point de vue du Parlement et des collectivités territoriales en particulier ?

Enfin, vous situant dans le cadre de d'application de l'application prochaine de la loi organique, la réflexion sur les indicateurs de performance a-t-elle avancé dans ce domaine ? A la lumière des travaux de la Cour des comptes, comment abordez-vous cette analyse ? Comment s'assurer que, dans ce domaine complexe, on a bien défini les priorités et que l'on dispose bien des indicateurs permettant de rapprocher la réalité de ce qui est fait des objectifs auxquels on adhère ?

M. le ministre - Effectivement, le bureau du FNSE existe toujours et il y a là un risque puisque nous supprimons en permanence un certain nombre de choses dans nos administrations, mais sans supprimer les organes chargés de les mettre en place.

Nous sommes en train de réorganiser le ministère de l'écologie et, dans ce cadre, il est prévu de réorganiser la direction de l'eau. Un décret de réorganisation sera prochainement pris ; il a largement été étudié avant ma prise de fonction.

Le bureau du FNSE sera donc supprimé dans ce cadre et la direction elle-même n'aura qu'un seul bureau en charge du budget.

S'agissant de la double intervention de l'Etat et des agences de l'eau dans certains domaines, votre remarque est tout à fait fondée, mais je dois dire que nous sommes en cours d'amélioration.

Ainsi, à compter de début 2004, certains financements ont été décroisés. Il s'agit notamment de la politique en matière de contrats de rivière, de restauration des cours d'eau et d'action en faveur des poissons migrateurs.

Désormais, seules les agences de l'eau interviennent dans ces domaines. L'Etat s'est recentré sur les missions de financement du système d'informations, de la prévention des inondations, de la restauration des zones humides et de la lutte contre les pollutions diffuses.

Nous allons donc vers une clarification entre ce que financent les agences de l'eau et ce dont se charge l'Etat.

Sur les indicateurs de performances, dans le cadre de la LOLF, une quarantaine d'indicateurs ont été définis et sont prévus.

M. le président - La parole est à M. Philippe Adnot, rapporteur spécial.

M. Philippe Adnot, rapporteur spécial - Je vous remercie d'avoir créé les conditions de ce débat contradictoire, Monsieur le Président.

Beaucoup de questions ont déjà trouvé des réponses ou des explications.

Il y a bien deux choses différentes, d'une part le FNSE et quelle utilisation des fonds on en faisait. Est-ce que cela ne servait pas en réalité de substitut pour le ministère pour faire d'autres choses ? Quelle était la qualité du contrôle et la légitimité de l'utiliser dans certains domaines ?

On a eu aujourd'hui les explications sur le sujet. Je n'ai pas vraiment de questions complémentaires à poser.

Sur les agences, il en reste encore beaucoup. On peut se poser la question de savoir dans quelles conditions il est possible de constituer des trésors de guerre aussi conséquents.

Là, on n'est pas dans le cadre de politiques nouvelles, comme l'étaient les crédits du FNSE, mais dans un cadre régulier de consommation, et on s'aperçoit que les sommes sont colossales.

Je ne sais si l'explication qui a été donnée sur le calcul du prélèvement de solidarité est exacte.

J'avais eu le sentiment que le calcul de solidarité était lié à l'excédent de trésorerie et que les agences qui avaient tout consommé avaient un très faible prélèvement. Je ne sais pas si l'on peut me donner des chiffres exacts, mais cela fait partie de mes interrogations.

Je m'interroge moi aussi sur le risque de reconstitution de ces trésors de guerre. Est-ce que les agences, depuis le prélèvement, n'ont pas diminué les méthodes de financement et les taux de subvention, ou arrêté la baisse des redevances ou augmenté les redevances pour reconstituer les excédents qui leur ont été prélevés ? Dans ce cas, le prélèvement de solidarité revient à faire un prélèvement supplémentaire, alors que l'on veut lutter contre l'augmentation des prélèvements !

Pour le reste, s'agissant de la future loi sur l'eau et sur la manière dont vous envisagez la modification de la pêche, etc., on aura l'occasion d'y revenir et d'avoir des explications plus complètes.

Il faut surtout que l'on veille à diminuer le nombre de structures et à faire en sorte que l'argent soit mieux utilisé. Je ne suis pas sûr que, si l'on continue à avoir une juxtaposition d'un certain nombre de services sans diminuer le nombre d'intervenants, on atteigne à l'efficacité optimale. On aura l'occasion d'en reparler.

M. le ministre - S'agissant du contrôle de l'utilisation des fonds du FNSE, il s'agit plus de problèmes de retard que d'utilisation.

M. Philippe Adnot - La Cour a montré qu'on avait utilisé le fonds à des fins qui n'étaient pas prévues initialement dans les missions du FNSE. C'est clair !

M. le ministre - Le président le confirmera.

Sur la question des agences, j'attire votre attention sur le fait que se sont accumulés au cours du temps un certain nombre de moyens financiers qu'on a pu appeler « trésor de guerre ».

Ce que je souhaite dire à la place qui est la mienne aujourd'hui, c'est que nous sommes assurés d'avoir besoin de répondre à des besoins de financements considérables dans l'avenir en matière d'eau.

Ces trésors de guerres qui ont pu, à un moment, être accumulés, pouvaient aussi correspondre à la projection de dépenses beaucoup plus importantes dans l'avenir et à la nécessité de ne pas trop augmenter les redevances dans la politique des agences.

En second lieu, le projet de loi sur l'eau tel qu'il est prévu aujourd'hui n'est qu'un avant-projet de loi -et je suis ouvert à toute modification- et de par la nécessité dans laquelle nous sommes dans le cadre européen, prévoit de toute façon un encadrement du Parlement. C'est donc le Parlement qui définira les règles d'établissement des redevances. A partir de là, nous ne serons plus dans les mêmes effets pervers qui pourraient se produire, puisqu'il y aura un vote du Parlement et une déclinaison au niveau des agences.

En troisième lieu, je pense qu'il y a une confusion dans votre propos entre le fonds de solidarité et le fonds de concours.

M. Philippe Adnot - Je suis d'accord.

M. le ministre - Ce que l'on appelé le « fonds de concours » l'année dernière, c'est-à-dire un prélèvement de 210 millions d'euros sur les agences, s'est effectivement fait en fonction de la trésorerie que les agences avaient. Une agence a d'ailleurs quasiment financé la moitié de ce fonds de concours, à hauteur de 100 ou 110 millions de mémoire.

Ce que nous appelons la solidarité, c'est un autre principe. C'est un principe destiné à donner des moyens à ceux qui n'en auraient pas.

M. Jean-François Bénard - Sans revenir sur ce que vient de dire le ministre, la question des trésoreries des agences de l'eau est un point que la Cour avait analysé et sur lequel elle a fait une insertion dans son dernier rapport publié pour préciser l'étude de ce point.

Quand on regarde l'évolution dans le temps de ce sujet, il y a eu en permanence une trésorerie très excédentaire par rapport aux besoins et l'argument consistant à dire qu'il y a des projets ponctuels dans les tuyaux, même s'il a une certaine valeur, ne permet pas de justifier des excédents durables.

Cela ressemble plus à un comportement que la Cour connaît bien dans beaucoup d'établissements publics administratifs, dans lequel on se constitue une cagnotte parfois considérable. Je crois que c'est quand même un problème que la commission des finances du Sénat souhaite aborder.

Il y a un point dans l'intervention de M. Adnot que je me permettrai de souligner, car il est important. Vous avez soulevé la question de la simplification des dispositions administratives. On a là un exemple assez frappant dans le sujet de l'assainissement, des adductions d'eau, etc., de cet empilement de dispositifs. Bien sûr, c'est délicat en termes administratifs parce cela joue sur des compétences respectives des ministères, mais il y a là quelque chose où une simplification serait la bienvenue.

M. le président - Avez-vous des projets d'affectation de crédits que l'agriculture abandonnerait à votre profit ?

M. le ministre - Je le souhaite, mais je ne suis pas sûr qu'on ait des projets !

M. Michel Dantin - Vous aurez à arbitrer le devenir du FNDAE, qui est un fonds de substitution, dans le débat sur la loi sur l'eau.

Je rappelle que s'est posé en 2002 le problème de la trésorerie de ce fonds. Le Parlement a souhaité prendre un certain nombre de dispositions, notamment en supprimant l'apport du PMU. Dès 2003, les affectations de crédits ont dû être réduites en conséquence et, désormais, le montant de ce qui est réaffecté aux départements via les préfets correspond exactement au montant de ce qui est encaissé. On a 75 millions d'euros de recettes et on affecte 75 millions d'euros à l'assainissement et à l'eau potable dans les départements.

Là aussi, comme pour le FNSE, on enregistre un décalage des dépenses par rapport à l'acceptation des subventions, puisque les collectivités locales montent des dossiers, obtiennent la subvention et ont ensuite un temps pour enclencher le dossier, un an pour commencer les travaux, deux ans pour les achever, ce qui veut dire que le paiement de la subvention peut être sollicité trois ans après l'attribution.

M. le président - Peut-on imaginer une seule ligne de crédit dans le budget de l'Etat pour apporter une contribution aux collectivités territoriales qui engagent les opérations ?

Je pense qu'on vous encouragera à aller dans cette direction. A quoi sert-il de maintenir plusieurs ministères et plusieurs lignes de crédits ?

M. Pascal Berteaud - L'avant-projet de loi proposera une solution qui sera d'avoir un étage départemental, un étage de bassin, et pas d'étage national. Même chose en matière d'organisation des services de l'Etat.

Parallèlement, nous avons engagé un travail important avec les ministères de l'agriculture et de l'équipement, visant à avoir un seul service de l'Etat qui s'occupe d'eau dans chaque département et nous sommes arrivés à un accord.

M. le président - Nous serons vigilants !

M. Jacques Oudin - Cinq brèves observations.

Je veux tout d'abord remercier les éminents membres de la Cour des Comptes des prestations qui nous ont été apportées pour nous éclairer. Cette nouvelle procédure initiée par votre prédécesseur se révèle extraordinairement constructive pour éclairer notre assemblée.

Une remarque toutefois : le temps de la Cour n'est pas celui du Parlement. En fait, les choses peuvent parfois avancer très vite : nous discutons du FNSE, mais il a été supprimé. Je ne sais comment faire en sorte que l'on puisse avoir un temps plus resserré lorsqu'un problème se pose et que la Cour soit en mesure de nous informer.

M. le président - Les auditions conjointes permettent de nous situer dans le temps réel.

M. Jacques Oudin - Semi-réel !

Second point à propos de ce qui a été dit à l'instant sur la non-adéquation objectifs-moyens. Effectivement, dans l'action publique, lorsqu'il y a des objectifs et pas de moyens, c'est aussi inquiétant que lorsqu'il y a des moyens et pas d'objectifs. J'ai bien écouté ce qu'a dit le président Bénard : cette situation ne se retrouve pas qu'ici.

Maintenant que la LOLF est en cours de préparation, notre mission sera particulièrement efficace ; le ministère de l'environnement est un terrain d'examen intéressant et je remercie donc le ministre de ce qu'il a dit.

Ma troisième remarque concerne la montée en régime.

Le ministre indique qu'il assume la totalité de la politique de son ministère. Or, cette montée en régime a des conséquences financières non-négligeables.

Nous ne pouvons pas juger tout de suite l'ensemble des dispositifs sans nous inscrire dans la durée. Un exemple dans la politique de l'eau qui est la mise en oeuvre de l'élaboration des schémas d'aménagement et de gestion de l'eau.

La loi sur l'eau les prévoit depuis 1992. Ils commencent à être mis en oeuvre. Il y en a une centaine en cours de préparation. Quelques-uns ont été approuvés mais la suite effective et concrète des schémas d'aménagement et de gestion de l'eau ne voit encore le jour que très modestement.

Quel peut être l'intérêt des élus locaux de base d'avoir un schéma, sinon d'avoir un supplément de soutien financier ? Dans le cas contraire, ils ne se mobiliseront pas.

Je crois qu'il y a là un gros problème qui ressort des agences, mais je pense que cela ouvre des perspectives sur l'ensemble de la réforme du financement.

J'en viens aux deux dernières observations concernant le problème de la solidarité.

A l'évidence, nous avons eu la suppression de deux fonds, le FNSE et le FNDAE, vieille création qui remonte à 1955, financés par des procédés qui n'étaient plus acceptables au regard de la LOLF.

La solidarité vis à vis du monde rural demeure ; tout montre que lorsqu'on regarde la qualité des eaux le monde rural par rapport à la qualité des eaux dans le monde urbain, il y a une différence au détriment du monde rural.

Lorsqu'on lance des politiques spécifiques en faveur des zones humides, celles-ci se trouvent en milieu rural. Malheureusement, ce sont celles où il y a le moins de moyens financiers. A l'évidence, les circuits doivent donc s'orienter vers le monde rural et vers les zones les plus fragiles, en particulier vers les zones de captage. Dans mon propre département, sur 13 zones de captage, 3 ou 4 à peine sont aux normes. Le préfet, sur instruction du ministre, commence à se mobiliser.

Ce problème implique donc un système financier de solidarité, c'est évident.

Enfin, avec le temps, la réforme du financement de la politique de l'eau s'impose. Je citerai deux exemples. Nous avons mis en oeuvre une nouvelle comptabilité dans le domaine des collectivités locales en les obligeant notamment à se doter de comptes d'amortissement pour leurs investissements.

Il y a eu beaucoup de protestations lorsque le prix de l'eau a augmenté du fait des investissements. Il a coulé un peu d'eau sous les ponts depuis ; les emprunts ont été amortis, les réserves se sont constituées et les politiques de l'eau ont désormais des moyens suffisants.

Je trouve que ce serait un gaspillage de continuer à aider comme on le faisait auparavant des organismes qui n'ont pas autant de besoins financiers qu'hier. Je pense à un syndicat départemental d'alimentation en eau potable, dont je suis président, qui a une trésorerie considérable. Il n'emprunte plus et ne demande quasiment pas d'aides.

Je pense également aux grandes agglomérations qui ont manifestement les moyens financiers de se payer un certain nombre d'équipements dans le domaine de l'eau et cela nous ramène au point précédent. Je crois que le FNSE doit aider les zones où les collectivités ont des besoins et moins de moyens, quitte à réduire le soutien qu'on accorde à des collectivités qui peuvent surveiller certains développements.

Cela amène à une évaluation plus précise de l'orientation des aides que nous accordons aux collectivités.

Ce serait plus juste, compte tenu du fait que l'on n'a pas des ressources pléthoriques et des besoins qui s'accroissent.

M. Michel Moreigne - M. Oudin vient de dire ce que j'aurais souhaité dire moi-même et je l'en remercie vivement.

La solidarité, la Cour l'a appréciée dans ce rapport par la différence entre les dépenses constatées et la dépense par tête moyenne, si ma mémoire est bonne. Or, dans le Limousin, le critère positif se trouve fortement dévalorisé.

Le Limousin n'est pas très dense, comme chacun sait, et je voudrais dire à M. le ministre que le ci-devant sénateur du Cher connaît bien le problème que j'évoque au travers de l'ardoise de Chambonchard, dont il ne veut pas entendre parler. Il y a naguère eu un engagement de solidarité à l'égard du haut bassin du Cher avec la promesse de subventionner les assainissements de toutes les communes riveraines.

Cette ardoise reste à régler, Monsieur le Ministre, au profit de ces malheureux riverains !

M. le ministre - Chambonchard fait partie d'un dossier que j'évoquerai prochainement avec un certain nombre de personnes concernées. Je ne puis en dire plus.

M. Gérard Braun - Monsieur le Ministre, vous avez dit que votre ministère allait avoir besoin de personnel pour remplir ses missions.

Avez-vous réfléchi au nombre de personnes supplémentaires, aux missions qui vous seraient confiées ? Ne croyez-vous pas, devant les difficultés que l'on a actuellement et dont vous êtes conscient, qu'il serait souhaitable de faire des recherches pour avoir du personnel supplémentaire à travers le redéploiement entre les différents ministères représentés ici et l'équipement ? Un seul guichet me semblerait intéressant.

Enfin, les micro-centrales hydrauliques posent problème aux industriels, aux pêcheurs ou parfois simplement aux écologistes dans le bon sens du terme. La sécheresse menace en effet à nouveau et les nappes phréatiques, les sources, les ruisseaux, qui sont dans un état catastrophique, sont en outre perturbés par les micro-centrales. Il y a là un véritable problème sur lequel je souhaite que votre ministère se penche.

M. le ministre - En parlant de moyens, je faisais en particulier allusion aux conséquences de la loi sur les risques industriels. L'Etat a décidé de créer 400 emplois en matière d'installations classés dans les DRIRE. Ceci va se faire sur la durée : 100 emplois seront créés cette année, soit 50 créations et 50 redéploiements.

Nous sommes bien dans la logique mais, en redéploiement, on ne peut tout faire quand il s'agit de nouvelles politiques.

Nous réfléchissons naturellement à des réorganisations pour redéployer un certain nombre de personnels ou en tout cas organiser les choses de manière différente pour être plus efficace.

Au niveau régional, nous sommes en train de rapprocher les DIREN des DRIRE en créant des pôles avec responsabilité d'un directeur sur cet ensemble de compétences ; dans les semaines qui viennent, je vais mettre en place trois expérimentations dans trois régions.

On a également parlé de la politique de l'eau. On a un regroupement des personnels concernés des DDA et des DDE. Ce n'est pas simple, mais c'est un des objectifs des divers ministères.

Concernant les micro-centrales, j'intègre votre remarque. La question se pose dans un certain nombre d'endroits.

Dans un certain nombre de domaines, nous devons nous poser des questions sur des décisions qui ont été prises à un moment donné, sans en voir les conséquences à très long terme. Certaines décisions qui ont été prises ont été de bonnes décisions, comme le fait d'arrêter certaines méthodes, mais ont, aujourd'hui, montré leur limite.

La question des micro-centrales sera donc largement traitée dans le cadre de la loi sur l'eau.

M. Yves Fréville - N'étant pas spécialiste de ces questions, je ferai des observations plus générales. Au moment de la globalisation des subventions spécifiques dans les années 1980, on a créé une dotation globale d'équipement en zone rurale. Finalement, les ministères n'acceptent pas le jeu de la globalisation des subventions et on recrée sans arrêt des systèmes de subventions spécifiques.

Les besoins auxquels vous faites allusion m'incitent à vous poser la question de savoir si l'on doit procéder par subventions spécifiques ? Dans ce cas, ne vaudrait-il pas mieux supprimer la dotation globale d'équipement rural ?

Seconde question : nous allons avoir, avec la LOLF, de plus en plus de problèmes de solidarité spatiale. Les parlementaires vont demander très vite non pas des indicateurs globaux au niveau national, mais des indicateurs spatiaux afin de voir combien on dépense dans chaque région ou département. Même face à un compte spécial, on essaiera de voir s'il y a un droit de juste retour.

Il faudra que nous créions une doctrine pour juger de l'efficacité de la redistribution spatiale, qui obéit à des règles très différentes de la redistribution par personne.

Ma troisième remarque porte sur le problème AP-CP. Je n'ai jamais bien compris pourquoi on est gêné par l'accumulation de reports. S'il y a des reports de crédits, c'est que le Parlement avait décidé à l'origine que les AP étaient égales aux CP, ce qui est le cas dans le compte d'affectation spéciale. Les accumulations de crédits sont restitués immédiatement à la trésorerie de l'Etat et cela diminue d'autant l'endettement supplémentaire. Est-ce donc tellement gênant d'avoir des accumulations de trésorerie ?

Enfin, je dois dire que je n'ai pas saisi toutes les subtilités du rapport de la Cour concernant le principe pollueur-payeur. J'espère que votre loi sur l'eau va donc permettre de clarifier ces notions.

M. le ministre - Votre dernière remarque va dans le sens de ce que je crois et du débat que nous allons avoir la semaine prochaine sur la charte de l'environnement. Nous n'avons pas souhaité y mettre le principe pollueur-payeur. Naturellement, il sera conservé dans la loi, mais on a en effet beaucoup de mal à voir qui est le pollueur et qui est le payeur, en particulier concernant l'eau.

Je ne pense donc pas que ce principe réponde à toutes les questions qui se posent dans ce domaine.

Sur les AP-CP, c'est un point de vue que les autres sénateurs auront à analyser mais, en ce qui me concerne, au niveau local, je dois dire que des programmes engagés lourdement pour aboutir à des fonds européens ont permis à ma ville, sur deux-trois ans, de faire de très gros investissements que nous n'aurions pas pu faire sans cela.

La mise en place de la politique de l'ADEME, par exemple, est très dépendante des collectivités locales et la montée en puissance des politiques demande un certain temps. Ce n'est pas possible autrement. Or, il faut bien engager ces politiques à un moment donné ; pour qu'une agence comme l'ADEME puisse les engager, il faut bien qu'elle ait des financements au départ mais cela met quelquefois deux à trois ans avant d'être consommé par les collectivités. Il y a là un croisement compliqué.

Je trouve que le système d'AP-CP, pour ma part, est un bon système. Faut-il dans ce cas accepter le système des reports ? Dans ce cas-là, on vote tout en crédits de paiement !

M. Yves Fréville - Il ne faudrait pas que les AP égalent les CP !

M. le ministre - Vous avez raison sur ce point.

En ce qui concerne la dotation globale, il s'agit d'une question générale.

Dans notre pays, j'ai pu constater, en tant qu'ancien élu local, que même lorsqu'on veut clarifier les compétences entre les collectivités, chaque élu va trouver chaque collectivité pour en demander un peu plus, et chaque élu de chaque collectivité souhaite en donner un petit peu pour être au ruban. C'est aussi un mécanisme très français.

M. le président - De tout cela, nous reparlerons lors de l'examen de votre projet de loi sur l'eau.

Monsieur le Ministre, je voudrais faire une observation sur les AP et les CP. Je crois en effet qu'on pourrait faire l'économie des AP et permettre des reports sur crédits de paiement dès lors qu'il s'agit d'opérations d'investissement.

On peut considérer qu'il y a un certain pourcentage de crédits de paiement qui ne sont pas consommés parce que c'est l'inertie inévitable. Ce qu'il faut, c'est que tout ceci soit très étroitement contrôlé et suivi.

Une question sur la solidarité : on a vu qu'une partie des crédits a été dirigée vers les départements d'outre-mer et sans doute aussi un peu vers la Corse. Le directeur de l'eau a vu des rapports qui lui donnent confiance, mais ces procédures ne vont pas survivre. Qu'avez-vous prévu pour permettre à ces territoires de faire face à leurs besoins d'équipements, d'assainissement, d'adduction d'eau ?

M. le ministre - Cela fera partie, en particulier sur DOM, d'une discussion que nous aurons. La question ne peut pas ne pas être posée à un moment donné, elle pose des problèmes qui dépassent largement la simple application des politiques de mon ministère.

M. le président - Par rapport à la LOLF, est-ce que ce sera dans la mission outre-mer ou est-ce que cela restera inscrit dans les crédits de votre ministère ?

M. le ministre - Je n'ai pas suivi la LOLF et je me suis battu depuis quinze jours-trois semaines sur l'arbitrage, que nous avons d'ailleurs remporté -et je suis assez content de la décision du Premier ministre- mais ce sera clairement dans notre ministère.

M. le président - Cela n'éclairera pas sur le budget de l'outre-mer.

M. le ministre - Cela éclairera sur la politique environnementale menée dans les DOM. Je souhaite que nous allions plus loin dans ce domaine et que nous posions quelques questions, mais il faut que l'on ait les réponses. Ce n'est pas toujours évident.

M. le président - La question est de savoir ce qu'on maintiendra dans le budget outre-mer.

Si chaque ministre commence à récupérer ses crédits d'outre-mer dans son propre budget, j'ai peur que la transparence ne soit pas au rendez-vous !

M. le ministre - Ils y étaient déjà ! La politique de l'eau était chez nous !

M. le président - Je sais bien, mais la réforme est à l'oeuvre. Par conséquent, ce qui se faisait hier n'est pas forcément ce qui se fera demain.

M. le ministre - Sur cette question, il est, me semble-t-il, nécessaire que le ministre de l'écologie soit responsable de l'écologie, que ce soit en métropole ou dans les départements d'outre-mer, en liaison naturellement avec le ministre concerné. Sur la définition de la politique, cela me paraît très important en matière d'écologie.

M. le président - Certainement mais, du point de vue budgétaire, ce n'est pas très éclairant.

M. le ministre - Cela dépend de la façon dont on le présente.

M. le président - Merci d'avoir bien voulu prendre part à cette audition conjointe.

M. le ministre - Merci à vous et au président de la septième chambre, parce que ce sont des choses qui, à mon avis, dans le fonctionnement, vont dans le bon sens.

M. le président - Mes chers collègues, ayant entendu le président Bénard, le ministre et le représentant du ministre de l'agriculture, je pense que nous pouvons considérer que cette audition a été intéressante et que la communication de la Cour peut être publiée. Elle sera complétée par les observations faites par nos invités et par vos propres observations.

Etes-vous d'accord pour cette publication ? Je vous remercie.

La séance est levée.

La séance est levée à 17 heures 45.

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