B. DES PERSPECTIVES DE CONVERGENCE LENTES ET INÉGALES

Des risques et inconnues demeurent sur les perspectives de rattrapage et l'adaptabilité des structures économiques des adhérents. Nombre d'observateurs estiment que le scénario qu'il convient de privilégier, n'est pas celui de l'Allemagne de l'Est, mais des pays dits de la « cohésion » que sont l'Irlande, la Grèce, l'Espagne et le Portugal, qui ont bénéficié de volumes d'aide importants au titre des fonds structurels. Le PIB par habitant (en parité de pouvoir d'achat) de ces quatre pays a ainsi progressé d'un point par an par rapport à la moyenne des Quinze entre 1988 et 2002, l'évolution étant particulièrement spectaculaire pour l'Irlande 29 ( * ) . En se fondant sur des hypothèses de rattrapage semblables, confirmées par l'évolution récente du PIB des nouveaux Etats-membres, on observe que le délai de convergence du niveau de vie attendrait vraisemblablement plusieurs dizaines d'années pour la plupart de ces pays.

Le délai de rattrapage ne sera cependant pas homogène , d'une part parce que les niveaux de départ sont inégaux 30 ( * ) , d'autre part en raison des structures et du degré d'ouverture économique propres à chaque pays, susceptibles d'accélérer ou de freiner le rythme de la croissance. Outre les cas de la Slovénie et de Chypre, déjà perçus comme économiquement proches des Quinze, les Etats baltes pourraient ainsi tirer parti d'une bonne insertion dans le commerce intra-européen et de la poursuite d'une croissance déjà élevée 31 ( * ) , au point que certains observateurs pronostiquent un scénario de type irlandais. La Slovaquie et la Hongrie manifestent également un rythme de rattrapage soutenu (deux points par an). La Pologne paraît en revanche handicapée par le poids de l'agriculture (20 % de la population active), un taux de chômage élevé avec 20 %, et un déficit public proche de 7 %.

C. UN DUMPING FISCAL RÉVÉLATEUR DU MANQUE DE COMPÉTITIVITÉ DE LA FRANCE ET DES INSUFFISANCES DE LA COORDINATION ENTRE ETATS-MEMBRES

1. Une fiscalité des sociétés particulièrement attractive

Un autre déterminant de la croissance économique des nouveaux pays adhérents résidera dans l'impact de leur politique fiscale sur les investissements des entreprises occidentales, et plus particulièrement dans l'élasticité de leur faibles taux d'imposition sur les sociétés (IS). Le tableau ci-après illustre ainsi le choix qu'ont opéré les nouveaux Etats-membres de privilégier la fiscalité des entreprises :

Taux d'IS et de TVA dans les nouveaux Etats-membres et les futurs pays adhérents (en %)

 

IS 2003

IS 2004

TVA taux normal

TVA taux réduit

Bulgarie

23,5

19,5

20

-

Estonie

0 ou 26

0 32 ( * ) ou 26

18

5

Hongrie

18 (19,64 avec les taxes locales)

16 (19,64 avec les taxes locales)

25

15 ou 5

Lettonie

19

15

18

5 (au 1 er mai 2004)

Lituanie

15

15

18

9 ou 5

Pologne

27

19

22

7, 3 ou 0

Roumanie

25

25

19

0

Slovaquie

25

19

19

-

Slovénie

25

25

20

8,5

République tchèque

31

28

19 (au 1 er mai)

5

Chypre

15 ou 10

15 33 ( * ) ou 10

15

5

Malte

35

35

15

5 ou 0

Allemagne

25

25 34 ( * )

16

7

Espagne

35

35

16

7

Grèce

35

35

18

8

Royaume-Uni

De 0 et 30

De 0 à 30

17,5

5

France

33,33

33,33 35 ( * )

19,6

5,5

Irlande

12,5

12,5

21

13,5

Italie

34

33 36 ( * )

20

10

Source : ministère de l'économie, des finances et de l'industrie

Ces taux atypiquement faibles sont-ils constitutifs d'un véritable « dumping fiscal » ? On peut le penser, et les écarts par rapport aux autres Etats-membres sont de nature à relancer fortement la concurrence fiscale en Europe, ainsi que le révèle l'exemple de l'Autriche, située dans le même bassin d'emploi que la République tchèque et qui a abaissé son taux d'IS de 33 % à 25 %. On constate en outre que certains nouveaux adhérents, particulièrement les pays baltes et Chypre, cumulent un taux d'IS et une fiscalité indirecte faibles , à la différence de l'Irlande qui compense l'attractivité de sa fiscalité des sociétés par une fiscalité plus lourde pour le consommateur, que ce soit au taux normal ou au taux réduit.

* 29 Le PIB de l'Irlande est ainsi passé de 64 % de la moyenne des Quinze en 1988 à 120 % en 2002.

* 30 Malte et la Slovénie, avec 76 % du PIB par habitant moyen de l'UE à 25, et Chypre avec 85 %, sont ainsi au-dessus du niveau actuel de la Grèce et du Portugal.

* 31 En 2003, la Lituanie a connu une croissance de 6,3 %, la Lettonie de 6 %, et l'Estonie de 4,5 %.

* 32 En Estonie, le taux de 0 % est applicable aux bénéfices réinvestis, et le taux de 26 % aux bénéfices distribués.

* 33 Le taux de droit commun est de 10 % ; il est porté à 15 % pour la part des bénéfices excédant 1,7 million d'euros.

* 34 Soit un taux effectif de 26,37 % en intégrant la majoration de 5,5 % de l'IS. La prise en compte de la Gewerbesteuer (taxe locale) conduit à des taux de 39,6 % en 2003 et 38,3 % en 2004.

* 35 Auquel s'ajoute, le cas échéant, une contribution additionnelle de 3 % et une contribution sociale de 3,3 %.

* 36 En incluant l'IRAP, taxe locale dont l'assiette est plus large que le bénéfice fiscal, les taux effectifs sont portés à 38,3 % en 2003 et 37,3 % en 2004.

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