II. REDONNER COHERENCE ET TRANSPARENCE AU SYSTÈME FISCAL POUR STIMULER LA CROISSANCE

La France pourra-t-elle longtemps cultiver une forme « d'exception fiscale » ? La question mérite d'être posée dès lors que notre pays est toujours plus intégré à l'Union européenne et engagé dans l'économie mondiale.

Aujourd'hui, avec l'intégration croissante des marchés financiers et la gestion de plus en plus mondialisée des grandes entreprises, la question des charges et de la fiscalité devient centrale.

Il faut prendre conscience de ce que les capitaux, qu'il s'agisse des flux financiers ou des investissements directs, et surtout les compétences étant de plus en plus mobiles, il est essentiel de les attirer et de les maintenir sur notre territoire ; d'autre part, les produits français, et donc l'emploi, sont pénalisés par la lourdeur des charges sociales.

Ainsi, le modèle social français paraît-il menacé « par les deux bouts » : les compétences - on aurait dit naguère les « capacités » - sont tentées d'aller s'exercer ailleurs, du fait d'un barème de l'impôt sur le revenu sensiblement plus lourd avec les cotisations sociales que dans la plupart des autres pays de même niveau de développement, tandis que l'emploi, surtout non qualifié est handicapé, ceci contribuant à une certaine désindustrialisation du territoire.

A travers le modèle social, c'est l'autonomie fiscale qui est en cause. Il convient de faire évoluer cette « exception française » pour en atténuer les effets pervers les plus criants.

A. REMETTRE EN CAUSE « L'EXCEPTION FISCALE » FRANÇAISE

1. La complexité du système fiscal : fatalité ou commodité ?

a) Une pression nominale élevée compensée par des exceptions multiples

Il y a un véritable modèle fiscal français. Celui-ci reflète largement un tempérament national caractérisé, en la matière, par un certain clientélisme et par une propension au perfectionnisme.

Par delà les alternances de ces trente dernières années, il est une constante de notre fiscalité : le souci de traiter les cas particuliers, malgré la passion très nationale pour l'égalité ...

La France estime indispensable de lutter contre toutes les inégalités et en particulier d'assurer un égal accès aux services publics, alors que dans d'autres pays, on fait plus de place à l'égalité des chances qu'à celles des revenus directs ou indirects.

Il en résulte non seulement un niveau élevé des prélèvements obligatoires de façon à financer des services, satisfaits ailleurs souvent par l'initiative privée, mais encore une multiplication des régimes particuliers 112 ( * ) . La France a donc tendance à afficher une pression fiscale nominale élevée, mais la compense immédiatement et très imparfaitement par une multiplication des exceptions.

Ainsi s'accumulent, pour les entreprises comme pour les particuliers, les régimes affichant le principe d'une fiscalité lourde, dont on ne peut justifier l'assouplissement que pour des motifs d'intérêt général.

Or, une telle logique a vraiment atteint ses limites, à la fois parce que les régimes spécifiques comportent des effets pervers, et parce qu'ils suscitent, de façon continue, des demandes reconventionnelles des catégories de contribuables qui veulent obtenir de préserver un avantage fiscal. Le cas de la déduction fiscale pour dons aux oeuvres d'aide aux personnes en difficulté est emblématique de cette « échelle de perroquet ». Enfin, l'insuffisance des ressources publiques et l'étroitesse croissante des marges de manoeuvre conduisent à définir des mesures de trop faible ampleur pour exercer de réels effets économiques.

* 112 On peut citer à titre d'illustration les analyses faites en 1995 par la commission d'étude des prélèvements obligatoires présidée par M. Ducamin : « le niveau jugé élevé des taux d'imposition a entraîné la floraison de mécanismes en tous genres qui entachent gravement la progressivité, provoquent des ruptures d'égalité entre les contribuables car seuls les plus avertis bénéficient de ces mécanismes et peuvent avoir des effets pervers sur le fonctionnement de l'économie ».

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page