INTRODUCTION

Lors du Conseil européen de Lisbonne, en mars 2000, les chefs d'Etat et de gouvernement ont fixé comme objectif à l'Union européenne de devenir, d'ici 2010, « l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde, capable d'une croissance économique durable accompagnée d'une amélioration quantitative et qualitative de l'emploi et d'une plus grande cohésion sociale. » Pour parvenir à cet objectif, ils ont décidé, lors du Conseil européen de Barcelone, en mars 2002, d'accroître les investissements dans la recherche et le développement (R&D) 43 ( * ) dans l'Union Européenne de 1,9 % du PIB actuellement à 3 % du PIB en 2010. Pour ce faire, l'effort financier des entreprises doit être à la hauteur de celui observé aux États-Unis et au Japon. La part de la R&D financée par les entreprises doit ainsi progresser de 56 % actuellement à deux tiers du total des investissements en R&D en 2010 (soit 2 % du PIB).

Les conséquences macroéconomiques d'un surcroît de recherche dans les années à venir résultent de phénomènes complexes mis en évidence par les théories de la croissance et les travaux empiriques sur les incidences des innovations sur la productivité des facteurs, la compétitivité, l'emploi, ... Le modèle macro-économétrique européen Némésis permet de cerner ces différents mécanismes économiques et leurs interactions et d'en évaluer les conséquences en termes de croissance, d'emploi, de besoins de chercheurs et de déficit des administrations publiques. Le modèle Némésis est d'autant plus adapté à une telle étude que, contrairement à la plupart des autres modèles appliqués, le progrès technique y fait l'objet d'un traitement particulier : le stock de connaissance de l'économie est nourri des dépenses de R&D de chaque secteur, elles-mêmes interdépendantes, et donne lieu à des innovations qui améliorent les performances économiques des pays de l'Union. De plus, l'analyse est conduite à un niveau sectoriel détaillé (trente secteurs d'activités) pour les quinze pays européens, niveau de détail indispensable pour juger des effets de la R&D. Nous nous concentrerons dans ce rapport sur les conséquences de la politique de R&D pour la France, en la situant systématiquement par rapport aux résultats obtenus en moyenne dans l'Union Européenne.

Les résultats des simulations présentées ne sauraient cependant être envisagés comme définitifs et indiscutables ; d'abord parce que nous ne disposons pas encore d'éléments fiables sur les mesures et la chronologie de la mise en oeuvre des politiques, même si les objectifs peuvent paraître clairs ; ensuite, parce que les mécanismes qui touchent la recherche et développement, et, plus particulièrement, la chaîne qui conduit de la décision d'augmenter la R&D jusqu'à l'accroissement de la performance économique, restent en partie obscurs malgré les nombreux travaux, à la fois théoriques et appliqués, qui y ont été consacrés au cours des dernières années. Cette double ligne d'incertitude oblige à beaucoup de prudence dans l'appréhension des résultats. Une façon d'encadrer la réalité, ou de mieux mesurer l'incidence des politiques mises en oeuvre, est de multiplier les exercices variantiels (tests de sensibilité sur les mécanismes essentiels du modèle, simulations réalisées dans différentes conditions de mise en oeuvre des politiques économiques).

La première partie de ce rapport éclaircit les mécanismes économiques qui font de l'innovation un moteur de l'activité économique, avant d'expliciter l'incorporation du progrès technique endogène dans Némésis. La seconde partie est consacrée aux résultats des simulations de la politique de 3 % d'intensité de R&D. Nous y analysons de façon détaillée les résultats d'un scénario de référence, dont les caractéristiques de fonctionnement et de mise en oeuvre sont « médianes ». Ce scénario central est ensuite décliné en divers scénarios alternatifs qui permettent une meilleure appréhension des conséquences envisageables pour la France de l'intensification de l'effort de recherche en Europe.

* 43 La R&D est définie par l'OCDE, dans le manuel de Frascatti, dont la dernière version date de 1993 : « la recherche et le développement expérimental englobent les travaux de création entrepris de façon systématique en vue d'accroître la somme des connaissances, y compris la connaissance de l'homme, de la culture et de la société, ainsi que l'utilisation de cette somme de connaissances pour concevoir de nouvelles applications. »

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