II. DU STOCK DE SAVOIR À L'INNOVATION

Les innovations sont déterminées par la variation du stock de savoir (figure 3). Les deux types d'innovation sont ici envisagés :

• les innovations de procédés qui augmentent la productivité globale des facteurs dans la spécification que nous avons retenue ;

• les innovations de produits qui se traduisent, dans la nomenclature fixe de la comptabilité nationale qui sous-tend Némésis, par des améliorations de qualité.

Ces deux types d'innovations agissent très différemment sur la performance économique.

Figure 3. Deux types d'innovations

III. DE L'INNOVATION À LA PERFORMANCE ÉCONOMIQUE

L'innovation de procédé ne conduit pas aux mêmes effets que les innovations de produit. L 'innovation de procédé augmente la productivité globale des facteurs, accroît ainsi l'offre de produit et baisse le coût unitaire de production, et donc le prix. Cette baisse de prix induit une augmentation de la demande, qui dépend de l'élasticité prix de la demande (figure 4).

Figure 4. Innovation de procédé et performance économique

L'accroissement de la demande permet d'absorber le surcroît d'offre (à emploi constant) si l'élasticité prix de la demande est inférieure ou égale à un. Les estimations économétriques en séries chronologiques révèlent cependant une élasticité généralement inférieure à un pour chaque secteur, et donc pour l'ensemble de l'économie. Ce résultat vient de l'hypothèse d'une firme représentative par secteur : on ne considère pas la firme innovante en concurrence avec les autres entreprises de son secteur d'activité. Cela revient à supposer que l'ensemble des firmes du secteur innove et baisse son prix. L'augmentation de la demande dépend alors de la capacité d'absorption figurée par l'élasticité inférieure à un. Dans ce cas, l'innovation de procédé diminue l'emploi des facteurs puisque les effets d'offre l'emportent sur les effets de demande.

L'innovation de produit agit comme un accroissement de l'efficience par unité de volume et augmente la demande d'unités d'efficience (figure 5). La production en volume n'est maintenue qu'à la condition que la hausse de demande pour la nouvelle efficience soit juste égale à l'augmentation de l'efficience due à l'innovation. En général, l'innovation de produit fait plus que compenser la baisse de l'emploi de facteur due à l'innovation de procédé. Par conséquent, la R&D conduit à une augmentation du PIB et de l'emploi des facteurs simultanément.

Figure 5. Innovation de produit et performance économique

Les effets ex ante de l'innovation sur le PIB dépendent des effets de l'accroissement du savoir sur la productivité globale des facteurs et la qualité et, par ce biais, sur la demande : l'accroissement de la production est en effet lié aux accroissements de la demande issus de l'innovation de procédé et de l'innovation de qualité respectivement (encadré 1).

Encadré 1. Les effets des innovations sur la performance économique

Innovation de procédé : l'accumulation du savoir (KNOW) génère un accroissement de la productivité globale des facteurs (TFP).

Innovation de produit : l'accumulation du savoir (KNOW) entraîne une amélioration de la qualité (QUAL).

La performance économique : l'accroissement de la production (Y) dépend de l'augmentation de la demande due aux innovations.

soit,

En définitive, la performance économique, mesurée par l'accroissement de la production due à l'accroissement de savoir, s'écrit :

La plupart des études économétriques disponibles relient l'accroissement de la production à l'accroissement du stock de R&D (SRD) selon la formule 70 ( * ) :

La différence entre ces deux approches est une prise en compte explicite de toutes les externalités dans la première et une prise en compte implicite ou nulle dans la seconde.

Tableau 5. L'impact de la R&D sur la productivité globale des facteurs

Auteurs

Echantillon

Elasticité de la R&D

En coupe

 
 

Minassian (1969)

Griliches (1980)

Schankerman (1983)

Griliches-Mairesse (1984)

Cunéo-Mairesse (1984)

Mairesse-Cunéo (1985)

Griliches (1986)

Jaffe (1986)

Sassenou (1988)

17 firmes chimiques

883 firmes américaines

110 firmes chimiques et pétrolières

77 firmes américaines

98 firmes françaises

296 firmes françaises

491 firmes américaines

432 firmes américaines

112 firmes japonaises

0,26

0,07

0,16

0,18

0,21

0,16

0,11

0,20

0,16

En séries chronologiques

 
 

Minassian (1969)

Griliches (1980)

Griliches-Mairesse (1984)

Griliches-Mairesse (1984)

Cunéo-Mairesse (1984)

Mairesse-Cunéo (1985)

Griliches (1986)

Jaffe (1986)

Sassenou (1988)

17 firmes chimique

883 firmes américaines

343 firmes américaines

et 185 françaises

133 firmes américaines

182 firmes françaises

390 firmes françaises

652 firmes américaines

432 firmes américaines

394 firmes japonaises

0,08

0,08

0,02

0,09

0,05

0,02

0,12

0,10

0,04

Source :Mairesse et Sassenou (1991), repris par Boyer et Didier (1998).

Les études économétriques (Mohnen (1990), Mairesse et Sassenou (1991), Grilliches (1992), Nadiri (1993), Cameron (1998), ...) révèlent une fourchette assez large pour le paramètre de 0.05 à 0.2. Les résultats sont indépendants des méthodes retenues. Cependant lorsque est estimé à partir de séries de coupe instantanée (inter-entreprises), il est plus élevé qu'à partir d'estimations chronologiques (tableau 5). Cela est dû au fait qu'une entreprise innovante prend des parts de marché sur ses concurrents au sein d'un même secteur d'activité. Les études qui différencient l'élasticité par secteur d'activité montrent que la productivité de la R&D croît avec le degré d'avancement technologique du secteur : elle est plus forte dans les secteurs intensifs en R&D et donc dans les pays intensifs en R&D.

Ces résultats nous amènent à présenter plusieurs scénarios des effets de la politique de Barcelone selon la valeur retenue pour le paramètre . La grande plage de variation de jointe à la sensibilité des résultats à sa valeur commande une analyse de sensibilité approfondie. Nous étudions un jeu d'hypothèse sur la politique de R&D elle-même, selon son mode de financement, en particulier.

* 70 La formule qui sert à ces estimations est . En principe, est inférieur à .

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