N° 402

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SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2003-2004

Annexe au procès-verbal de la séance du 6 juillet 2004

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur l' administration électronique au service du citoyen ,

Par M. Gérard BRAUN,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis, président ; MM. Jacques Oudin, Gérard Miquel, Claude Belot, Roland du Luart, Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Aymeri de Montesquiou, vice-présidents ; MM. Yann Gaillard, Marc Massion, Michel Sergent, François Trucy, secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; MM. Philippe Adnot, Bernard Angels, Bertrand Auban, Denis Badré, Jacques Baudot, Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Gérard Braun, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Jean Clouet, Yvon Collin, Jean-Pierre Demerliat, Eric Doligé, Thierry Foucaud, Yves Fréville, Paul Girod, Adrien Gouteyron, Hubert Haenel, Claude Haut, Roger Karoutchi, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, François Marc, Michel Mercier, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, René Trégouët.

Administration.

INTRODUCTION

En 2002, votre rapporteur spécial avait entrepris, dans le cadre du programme annuel des contrôles des rapporteurs spéciaux de la commission des finances du Sénat, une analyse de la politique de simplifications administratives, qui constituait l'un des principaux axes de la politique du précédent gouvernement visant à réformer l'Etat. Dans une communication de juillet 2002 1 ( * ) , il avait notamment insisté sur la nécessité de simplifier les procédures avant de les mettre « en ligne ».

Sans doute, les efforts entrepris dans ce sens ont-ils été insuffisants. Toutefois, la diffusion des procédés électroniques s'est récemment accélérée , la France comblant ainsi, du reste, un certain retard. Aujourd'hui, d'une façon très générale, la question de l'apport de l'administration électronique aux citoyens méritait donc d'être posée .

Tel est donc l'objet du présent rapport d'information, présenté en application de l'article 57 de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).

On s'accorde à parler d'« administration électronique » (ou d'« e-administration ») dès lors qu'une information est saisie directement par l'usager, ou pour l'usager, sur un ordinateur relié à un réseau administratif - en pratique, aujourd'hui, via Internet.

Si cette définition est univoque, il n'existe pourtant pas de « modèle » universel de développement de l'administrat ion électronique, et les pratiques de l'administration électronique sont déterminées par le niveau du développement des Nations et les choix politiques de leurs gouvernements .

Ainsi, les politiques publiques volontaristes menées dans les pays scandinaves répondent aux besoins spécifiques d'une population peu nombreuse ou très dispersée, qui requiert de nouveaux moyens de communication pour éviter les déplacements.

Si l'administration électronique est perçue dans la plupart des pays développés comme un outil de simplification pour les usagers et d' efficacité pour les administrations, dans les pays en voie de développement - et, de plus en plus, dans les pays développés -, ces technologies représentent aussi une opportunité de rationalisation du fonctionnement des administrations .

Les projets d'administration électronique peuvent alors revêtir un caractère stratégique. C'est notamment le cas au Brésil (où les efforts ont été axés sur les démarches fiscales ainsi que sur l'accessibilité), ou dans les pays du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord, au sein desquels l'administration électronique est perçue comme le moyen d' accroître la transparence vis-à-vis des citoyens, voire de lutter contre la corruption . L'Italie, avec la dématérialisation des marchés publics, a également visé ce dernier objectif.

L'Internet public peut donc être un vecteur de transparence politique et de démocratie. Mais à l'inverse, le réseau peut aussi constituer un très efficace outil de contrôle des agents publics (comme à Dubaï ou à Singapour) ainsi que des citoyens (par exemple en Chine).

D'une façon générale, les choix technologiques des Etats ont un impact déterminant sur les liens que les citoyens établissent avec leurs administrations, et sur l'efficience de ces dernières.

Toutefois, du point de vue de l'usager, les programmes d'administration électronique avancés mis en place dans les pays développés empruntent des directions communes :

- la généralisation des formalités administratives « en ligne » (couramment dénommées « téléservices » ou « téléprocédures ») ;

- la possibilité pour chacun d'accéder aux téléprocédures par un « portail personnalisé » accessible via Internet, permettant, le cas échéant, le stockage de données personnelles ;

- le développement de dispositifs d'identification et d'authentification , avec, notamment, la signature électronique ou les cartes d'identité électroniques .

Il apparaît que les orientations françaises sont caractéristiques d'un grand respect de l'usager , dont la simplification de la vie administrative est autant recherchée que la préservation des libertés. La productivité de l'administration constitue chez nous un objectif plus récent - pour autant qu'il est manifeste - de l'administration électronique.

Après avoir précisé les conditions actuelles du « pilotage » du développement de l'administration électronique, votre rapporteur spécial montrera que les conditions d'une administration électronique généralisée et performante sont aujourd'hui réunies.

I. L'ÉMERGENCE D'UNE POLITIQUE PUBLIQUE

Demeurée trop longtemps à la marge des préoccupations des pouvoirs publics, l'administration électronique émerge progressivement en tant que politique publique , à la faveur de différentiations successives qui ont d'abord consacré, en tant qu'objectifs publics, la réforme de l'Etat puis le développement de la société de l'information.

A. L'ADMINISTRATION ÉLECTRONIQUE, CLÉ DE VOUTE DU DÉVELOPPEMENT DE LA « SOCIÉTÉ DE L'INFORMATION »

1. Du PAGSI...

Annoncé en août 1997 à Hourtin par le Premier ministre, M. Lionel Jospin, le programme d'action gouvernemental pour la société de l'information (PAGSI) , adopté par le premier comité interministériel pour la société de l'information (CISI) du 16 janvier 1998, visait à préparer l'entrée de la France dans la « société de l'information ».

Le PAGSI a programmé la généralisation des sites Internet publics , ainsi que la « mise en ligne » des formulaires administratifs .

Afin, notamment, de donner une nouvelle impulsion au développement des téléprocédures, le comité interministériel pour la réforme de l'Etat (CIRE) s'est réuni le 12 octobre 2000, puis le 15 novembre 2001.

Parmi les mesures prises, figuraient « la généralisation des téléservices publics d'ici à 2005 et la création, à cette échéance, d' un point d'entrée personnalisé offrant à chaque usager un tableau de bord et une interface unique pour gérer l'ensemble de ses démarches en cours et à venir : « mon.service-public.fr ».

Le respect de cette échéance allait rapidement paraître difficile.

2. ... au programme gouvernemental RE/SO 2007

Succédant au PAGSI , le programme gouvernemental RE/SO 2007 (Pour une RÉpublique numérique dans la SOciété de l'information) , présenté le 12 novembre 2002 par le Premier ministre, M. Jean-Pierre Raffarin, comprend trois volets :

1°) une action sur l'offre , visant à :

- construire un environnement favorable au développement de l'offre d'infrastructures, de contenus et de services, via des mesures en faveur de la création d'entreprises ( cf. la loi sur l'initiative économique 2 ( * ) ) ;

- l'instauration d'un climat de confiance, en fixant des règles du jeu pour les différents acteurs de la société de l'information, et en assurant une protection efficace des utilisateurs ( cf. la loi pour la confiance dans l'économie numérique 3 ( * ) ) ;

- soutenir la recherche et le développement, en prenant des mesures en faveur de l'innovation dans les TIC 4 ( * ) ;

2°) une action sur la demande , visant à mettre tous les Français qui le souhaitent en capacité d'utiliser les services de base de l'Internet et de l'administration électronique à l'horizon 2007, ce qui implique notamment :

- de former tous les Français à l'usage des TIC, à l'école et aux points d'accès publics ;

- d'accélérer la diffusion et la démocratisation de l'accès rapide et permanent à Internet (haut débit), en veillant à un aménagement numérique équilibré du territoire ;

- d'inciter les foyers et les entreprises à s'équiper ;

3°) une intervention directe de l'Etat en tant qu'acteur de la société de l'information ayant vocation à l'exemplarité ; ainsi, l'Etat doit notamment :

- s'appuyer résolument sur les TIC pour l'éducation des enfants et la formation tout au long de la vie ;

- développer une politique culturelle s'appuyant résolument sur les TIC et adaptée au nouvel environnement numérique ;

- utiliser tous les apports des TIC dans le domaine de la santé ;

- « mettre l'administration à l'heure de la société de l'information » en passant à la « deuxième phase de l'administration électronique », qui se caractérise par la dématérialisation des procédures (acheminement vers les téléprocédures) , succédant ainsi à une première phase caractérisée par la généralisation progressive de la possibilité de télécharger les formulaires.

Pour accompagner cette dernière avancée, il était prévu la mise en place d'une agence de l'administration électronique ( infra ), dont les chantiers prioritaires comprendraient notamment le développement des « services en ligne » personnalisés avec la mise en place du site « mon.service-public.fr », la simplification des démarches de changement d'adresse, l'accélération des procédures de subvention aux associations, et le développement d'une politique de guichets virtuels de service dans les zones rurales.

De fait, la plupart des grands pays développés s'étaient dotés d'un outil d'impulsion semblable pour passer à la deuxième phase de l'administration électronique .

Ainsi, en Grande-Bretagne, l'« e-Envoy » coordonne la politique britannique en faveur du développement d'Internet et des usages « en ligne » en Grande-Bretagne. La situation française exigeait , de même, un saut quantitatif , les seules téléprocédures existantes concernant alors la TVA (« TéléTVA »), et les déclarations sociales (permises par le portail « net-entreprises »).

* 1 Bulletin des commissions n° 27 du 27 juillet 2002, page 4380 et suivantes.

* 2 Loi n° 2003-721 du 1 er août 2003.

* 3 Loi n° 2004-575 du 21 juin 2004.

* 4 Technologies de l'information et de la communication.

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