LA LÉGIONELLOSE - M. LE PROFESSEUR JÉRÔME ÉTIENNE, DIRECTEUR DU CENTRE NATIONAL DE RÉFÉRENCE DES LÉGIONELLES, INSERM

Mesdames et Messieurs les Parlementaires, Mesdames et Messieurs, comme l'a rappelé Monsieur le Ministre, la légionellose est l'exemple même de la maladie des temps modernes.

La bactérie responsable de cette maladie se retrouve d'abord naturellement dans l'eau des lacs et des rivières et c'est l'homme, en développant des réseaux d'adduction d'eau, notamment les réseaux d'eau chaude, qui a créé toutes les conditions pour la multiplication des légionelles. Cette bactérie est l'une des rares capables de se multiplier entre 37° et 42°C ce qui implique que lorsque l'eau se retrouve à une chaleur optimale, dès que le circuit est entartré et que le débit d'eau est insuffisant, les légionelles peuvent se multiplier et atteindre des concentrations très importantes. Jusqu'à présent, la culture de lutte contre les légionelloses était peu développée, les règles de construction n'intégraient pas les exigences contemporaines permettant de limiter de façon considérable la prolifération des légionelles. Actuellement, la construction d'un bâtiment avec un réseau d'eau bouclé, une circulation permanente de l'eau, une température suffisamment chaude, un entretien régulier et programmé des circuits sont les garants de la prévention d'une multiplication des légionelles, et donc de la survenue de la maladie, la légionellose.

L'acquisition d'une véritable culture de prévention du risque infectieux est donc récente. Nous trouvons toutefois des constructions plus anciennes où les réseaux d'eau chaude notamment, peuvent contenir des légionelles. On estime actuellement à 50 % le nombre de prélèvements d'eau réalisés contenant des légionelles. Par ailleurs, l'isolement des légionelles dans un circuit d'eau est rarement associé à une maladie. La grande difficulté des acteurs du système de santé impliqués dans la prévention des légionelloses est de cerner les situations à risque, et notamment celles qui sont potentiellement épidémiques. Il faut d'abord comprendre que le taux d'attaque de la bactérie est faible : si mille personnes respirent un aérosol d'eau contenant des légionelles, seule une personne développera la légionellose. Ce sont les personnes âgées qui paient le plus lourd tribut. Comme nous l'avons constaté l'an passé lors de l'épidémie survenue dans la région Nord-Pas-de-Calais, la moyenne d'âge des patients était de 76 ans. Au plan national, la médiane d'âge des patients atteints est, en 2003, de 62 ans. Depuis que la surveillance de la légionellose a été renforcée en 1995, le tabagisme est apparu comme un facteur associé à la légionellose dans 40 % des cas. Dans la région Nord-Pas-de-Calais, la silicose était apparue comme un facteur de risque significatif de survenue de la légionellose.

Actuellement, la déclaration obligatoire des cas de légionellose permet de recenser plus de 1 000 cas par an depuis 2002. Il est à noter que le système de surveillance est actif et permet la détection précoce des cas groupés. La majorité des cas est sporadique et survient de façon isolée, il peut s'agir d'une contamination à domicile à partir d'un pommeau de douche entartré chez une personne immunodéprimée et présentant des facteurs de risque d'acquisition d'une légionellose. Il peut s'agir d'une personne ayant inhalé une particule d'eau contenant des légionelles et provenant de toute autre source de contamination. Dans moins de 10 % des cas, la légionellose est contractée à l'hôpital et il faut souligner l'énorme effort accompli par les établissements hospitaliers depuis la diffusion de la circulaire du 22 avril 2002 pour améliorer les circuits d'eau des établissements hospitaliers. La proportion des cas nosocomiaux de légionellose diminue régulièrement depuis 2000. En dehors des hôpitaux et des communautés urbaines, à tout moment des cas groupés épidémiques peuvent être diagnostiqués. Ces cas groupés épidémiques impliquant plus de dix cas ont représenté 12 % des cas de légionellose en 2003, ils étaient 5 % en 2002 et cette différence est notamment due à l'épidémie survenue en 2003 dans le Nord-Pas-de-Calais qui a atteint 86 malades. Théoriquement, cette situation dramatique ne doit plus se reproduire, et il convient de mettre en oeuvre des mesures de prévention pour abolir ce risque épidémique. La tâche est ambitieuse, car les légionelles se retrouvent fréquemment dans l'environnement. Il convient donc de recenser toutes les sources de diffusion des légionelles. La première étape a par exemple consisté à recenser les tours aéro-réfrigérantes ; à partir de ces tours de l'eau chaude s'évapore et ces aérosols peuvent contenir des légionelles potentiellement pathogènes. L'action doit être préventive par l'entretien systématique de ces tours, la législation actuelle exige l'arrêt de fonctionnement d'une tour aéro-réfrigérante si l'eau de celle-ci contient plus 100 000 Unités Formant Colonie de légionelles par litre. Cette décision est certes difficile à prendre lorsque l'arrêt d'une tour aéro-réfrigérante est incompatible avec le fonctionnement d'une entreprise. Il convient donc d'agir en amont par des actions préventives empêchant de façon déterminante la prolifération de légionelles.

À titre d'exemple, et pour témoigner de la collaboration très transparente établie avec EDF, je citerai la façon de déterminer les risques potentiels de transmission des légionelles à partir des panaches des vapeurs d'eau émises par les centrales nucléaires. Il convient de supprimer totalement ce risque potentiel et une analyse très précise a été établie en concertation avec EDF et le Centre national de référence des légionelles, pour éradiquer les légionelles potentiellement présentes dans les réacteurs de 19 centrales nucléaires françaises. Ainsi, il convient de décliner un à un les lieux à risque - cette tâche n'est pas aisée en ce qui concerne les réseaux d'eau des domiciles individuels. Ainsi que je l'ai signalé, la seule présence de tartre sur un pommeau de douche représente en soi un risque potentiel. La prévention doit d'abord être axée sur les grandes sources de contamination, comme celles que nous avons décrites, sur l'amélioration des politiques de construction dans la mise en place de réseaux d'eau adaptés à la non-prolifération des légionelles.

Il existe néanmoins des zones d'incertitude que seules la science et la recherche scientifique pourront résoudre. Certaines souches de légionelle ne sont pas pathogènes, et nous ne savons pas aujourd'hui distinguer une souche virulente d'une souche non virulente. La nature nous a appris à respecter les équilibres écologiques pouvant nous protéger, l'éradication systématique d'un monde microbien saprophyte nous fait courir le risque de remplacement par une flore inconnue plus agressive. Les leçons doivent être développées pour définir les traitements les plus optimums pour détruire les légionelles. L'ensemble des questions de recherche pour réduire le risque épidémique de légionellose a été résumé dans un appel d'offres à recherche ciblée légionelle. Ce renforcement de l'action de prévention des légionelloses fait partie des actions prioritaires du Plan national Santé Environnement 2004-2008 qui comprend des objectifs portant respectivement sur la gestion des risques, l'investigation et la surveillance épidémiologique, l'estimation des risques et leur prévention. Ce programme de recherche de l'action concertée légionelle a été lancé le 14 février sur le site de l'Agence française de sécurité sanitaire. Il associe tous les partenaires de la lutte et de la prévention contre la légionellose, dont la Direction de la prévention des pollutions et du risque du ministère de l'Écologie et du développement durable. Seule une action concertée de cette ampleur, avec l'ensemble de ces partenaires, nous permettra de relever à terme ce défi que la nature et la modernité nous imposent. Les légionelloses doivent être combattues par tous, il s'agit d'une maladie transmissible, stoppons sa transmission en limitant la prolifération des légionelles dans l'environnement. Je vous remercie.

M. Jean-Pierre DOOR

Merci Monsieur le Professeur, nous reviendrons par la suite sur ce thème par le biais des questions. Monsieur le Professeur Philippe KOURILSKY évoquait le réservoir des animaux incontrôlé et incontrôlable, Monsieur Philippe VANNIER, Directeur de la santé animale à l'AFSSA va évoquer les facteurs favorisant l'émergence des virus ou microbes des animaux vers l'homme.

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