B. UNE DÉMOCRATIE À CONSTRUIRE

1. La transition politique en voie d'achèvement

a) Les bases d'une nouvelle ère politique

La conférence inter afghane de Bonn Petersberg a abouti à un accord le 5 décembre 2001. Son volet politique prévoyait la mise en place pour 6 mois d'une administration intérimaire, présidée par le pachtoune Hamid Karzaï, mais où l'essentiel des postes ministériels -16 sur 29- est revenu aux membres de l'ancien « Front Uni », ou « Alliance du Nord », essentiellement tadjiks.

C'est en application de cet accord de Bonn que le Conseil de Sécurité a adopté le 28 mars 2002 la résolution 1401 créant la mission d'assistance des Nations unies en Afghanistan (MANUA) qui joue depuis un rôle essentiel dans le bon déroulement de la délicate transition politique engagée à Bonn.

LES ACCORDS DE BONN

? Les négociations qui ont précédé la signature des accords de Bonn, sous la supervision du Représentant Spécial du Secrétaire général des Nations Unies, M. Lakdar Brahimi, ont réuni 4 groupes afghans : l'Alliance du Nord ; le groupe de Peshawar, représentant les Afghans réfugiés au Pakistan ; la Délégation de Rome représentant l'ancien roi Mohammed Zaher ; enfin le « groupe de Chypre » représentant un groupe d'exilés afghans en Iran.

En adoptant les accords, ces groupes se sont engagés sur deux points principaux :

- mettre un terme au conflit en Afghanistan et promouvoir la réconciliation, une paix durable, la stabilité et le respect des droits de l'homme ;

- réaffirmer l'indépendance, la souveraineté nationale et l'intégrité territoriale du pays ainsi que le droit pour les Afghans de déterminer librement leur avenir politique en conformité avec les principes de l'Islam, de la démocratie, du pluralisme et de la justice sociale.

? La Loya Jirga d'Urgence

Les accords de Bonn ont prévu également la convocation d'une loya jirga d'urgence dans les six mois suivant l'établissement de l'Autorité intérimaire qui serait inaugurée par l'ancien roi Zaher Shah (10 juin 2002).

La Loya Jirga d'Urgence déciderait d'une Autorité Transitoire comprenant une administration constituée sur une base politique élargie jusqu'à ce qu'un gouvernement pleinement représentatif puisse être établi après des élections libres et équitables dans les deux ans suivant la convocation de la Loya Jirga d'Urgence.

La convocation d'une loya jirga constitutionnelle dans les 18 mois suivant l'installation de l'Autorité transitoire en vue d'adopter une nouvelle constitution.

Avant cette nouvelle constitution, les dispositions de la Constitution de 1964 -à l'exception du caractère monarchique du régime qu'elle prévoyait-, s'appliqueront, pour autant qu'elles ne sont pas incompatibles avec les principes des accords de Bonn.

L'Autorité intérimaire pourra retirer ou amender les lois ou règlements existants, incompatibles avec les dispositions de la Constitution, les accords de Bonn ou les engagements internationaux du pays.

? Les commissions

Les accords confient à l'Autorité intérimaire, assistée par les Nations Unies, le soin de créer :

- une banque centrale chargée de gérer la monnaie nationale ;

- une Commission de la Justice destinée à reconstruire un système judiciaire conforme aux principes de l'Islam, aux normes internationales, à l'état de droit et aux traditions juridiques afghanes ;

- une Commission de l'Administration civile destinée à procurer à l'Autorité intérimaire puis à l'autorité transitoire des candidats aux principaux postes des différents ministères ;

- une Commission indépendante des Droits de l'homme qui aura à s'assurer du respect des droits de l'homme, à enquêter sur leurs violations et à développer les institutions nationales des droits de l'homme.

? Annexes

- L'Annexe I des accords prévoit le déploiement d'une force de sécurité internationale sous mandat du Conseil de Sécurité pour sécuriser la capitale, Kaboul.

Elle prévoit aussi que les factions militaires afghanes (Afghan Military Forces, AMF) seront placées sous le contrôle de l'autorité intérimaire.

- L'Annexe II précise que le Représentant Spécial du Secrétaire général des Nations Unies (RSSG) sera responsable de tous les aspects de l'activité des Nations Unies en Afghanistan et que l'Organisation conseillera l'autorité intérimaire pour établir un environnement politiquement neutre en vue de la tenue de la Loya Jirga d'Urgence dans des conditions libres et équitables.

- L'Annexe III demande que les Nations Unies, la communauté internationale et les institutions internationales réaffirment, renforcent et mettent en oeuvre leurs engagements à aider à la réhabilitation et à la reconstruction de l'Afghanistan.

En juin 2002, la Loya Jirga (assemblée traditionnelle) d'urgence -ouverte par l'ancien roi Zaher Shah qui s'y vit conférer le titre de « père de la Nation »-, a reconduit Hamid Karzaï à la tête du gouvernement de l' « Etat transitoire islamique d'Afghanistan ». Elle a aussi permis, dans un esprit d'union nationale, de rééquilibrer quelque peu les influences des ethnies du Nord -Tadjiks et Ouzbeks- et des Pachtounes, au profit de ces derniers, à une période où par ailleurs les « chefs de guerre » contrôlaient encore une large part des provinces.

Ouverte le 14 décembre 2003, la Loya Jirga constitutionnelle conclut ses travaux le 4 janvier 2004 par l'adoption d'une nouvelle constitution. Elle fut l'occasion de rudes marchandages, dans un contexte de fractures ethniques visibles, entre anciens djihadistes tadjiks et « ministres technocrates pachtounes ». Elle a aussi consacré le recul d'influence des « seigneurs de la guerre ».

Après l'adoption de la nouvelle constitution, la MANUA a engagé un travail complexe de préparation de la première échéance électorale : l'élection présidentielle. Dans un contexte difficile, où les talibans et les partisans de l'ancien Premier ministre Gulbuddin Hekmatyar, chef fondamentaliste pachtoune du Hezb e Islami, avaient appelé au boycott des élections et au sabotage du processus électoral, c'est un total de 10 millions d'électeurs qui a été enregistré, dont 41 % de femmes ; 18 candidats, dont une femme, se sont présentés.

L'élection, tenue sans incidents majeurs le 9 octobre 2004, a mobilisé 70 % des électeurs inscrits, les femmes et les réfugiés ayant pris une part active au vote. Hamid Karzaï a été élu avec 55,4 % des voix, loin devant son principal rival, Yunus Qanouni, tadjik du Panchir (16 % des voix). Le 23 décembre 2004, un gouvernement a été formé par le Président, consacrant un nouveau recul des personnalités de l'Alliance du Nord au profit de pachtounes proches du Président.

La prochaine étape, les élections des assemblées provinciales et les élections législatives du 18 septembre 2005 concluront le volet politique du processus engagé à Bonn le 22 décembre 2001.

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