II. DES ARGUMENTS DONT LA PORTÉE DOIT ÊTRE NUANCÉE

Les considérations pratiques qui justifient que notre secteur public audiovisuel fasse largement appel à la publicité pour son financement appellent quelques réserves .

Plusieurs de nos voisins, qui ne sont pas réputés pour leur propension à la « gabegie » budgétaire ont tranché pour des modèles où, de façon quasi-totale, leur secteur public est à l'abri des contraintes de recherche d'un financement publicitaire.

Par ailleurs, la « crise » de la production audiovisuelle en France mérite examen , sur son existence même, sa nature et ses ressorts, et les remèdes proposés pour la surmonter doivent être appréciés en fonction d'une approche globale .

A. MESURER PLEINEMENT L'ARGUMENT DE LA CONTRAINTE BUDGÉTAIRE

Même s'il ne faut pas le « diaboliser », le compromis français n'apparaît pas pleinement satisfaisant.

Les remarquables rapports que le Sénat a consacrés à la question du financement du secteur public audiovisuel dans les dernières années témoignent amplement de cette approche nuancée 23 ( * ) . Ils récusent , à juste titre selon votre rapporteur, les condamnations idéologiques de la publicité et mettent l'accent sur les contraintes financières .

D'un autre côté, ils observent également que celles-ci sont contingentes à des choix politiques , qui devraient être clarifiés (quelle contribution les Français souhaitent-ils apporter à un appareil audiovisuel de service public ?) insistant sur le manque de cohérence du compromis français et sur les risques qu'il comporte pour le secteur public.

1. Des modèles « sans publicité » financièrement viables existent à l'étranger...

Plusieurs de nos grands voisins , le Royaume-Uni mais aussi l'Allemagne, ont opté pour un effort soutenu de financement public de leur secteur audiovisuel public.

Dans ces pays, les recettes publiques de redevance ou autres, atteignent des niveaux nettement supérieurs à ce qu'ils sont en France, en lien avec des taux de prélèvement sur les ménages à destination de l'audiovisuel public sensiblement plus élevés.

RESSOURCES PUBLIQUES DES CHAÎNES PUBLIQUES EN EUROPE

(en euros)

Source : Screen Digest

Ce choix se traduit par des niveaux de recettes publiques beaucoup plus importants qu'en France et, par la part réduite du financement publicitaire dans l'économie des chaînes publiques de ces pays.

La proportion des recettes publicitaires des chaînes anglaises du secteur public est nulle 24 ( * ) . En Allemagne, elle n'atteint que 7 % des ressources de l'ARD et 9 % pour la ZDF.

Pour autant si le poids relatif des recettes publicitaires des chaînes publiques allemandes est réduit, leur niveau est loin d'être négligeable et, en particulier, les produits publicitaires de l'ARD excèdent, en montant, ceux perçus par France 2.

Au total , l' existence des recettes publiques importantes , et la faible proportion des recettes publicitaires dans leurs « chiffres d'affaires » s'accompagnent , en Allemagne et au Royaume-Uni , de budgets globaux nettement supérieurs , et non, comme on pourrait s'y attendre, d'un retard de financement.

RESSOURCES DES CHAÎNES PUBLIQUES EUROPÉENNES EN 2001

(en milliers d'euros)

ARD

BBC

Rai

France TV

Redevance

4 799 070

3 826 569

1 350 076

1 431 800

Subventions et aides étatiques

-

387 370

82 092

-

Publicité & parrainage

353 914

-

1 054 962

617 000

Autres recettes commerciales

553 206

1 321 416

249 183

123 500

Autres recettes

82 045

109 109

16 630

-

Total

5 788 235

5 644 464

2 752 943

2 172 300

(suite)

ZDF

RTVE

Channel Four

France 2

France 3

Redevance

1 486 094

-

-

723 220

582 120

Subventions et aides étatiques

-

70 977

-

-

-

Publicité & parrainage

163 734

597 877

1 022 126

251 000

350 530

Autres recettes commerciales

100 324

111 800

246 570

100 870

40 750

Autres recettes

19 246

34 722

-

4 690

37 600

Total

1 769 398

815 376

1 268 696

1 079 780

1 011 000

Source : Observatoire européen de l'Audiovisuel

Si les modèles britannique et allemand de financement du secteur public audiovisuel privilégient le choix du peu (voire pas du tout...) publicitaire, et d'un effort de financement public soutenu, ils se caractérisent aussi, et par le niveau élevé des ressources collectives allouées aux chaînes publiques, et par l'importance des ressources commerciales autres (ventes de programmes notamment) que la publicité.

Pour la BBC, elles sont, par exemple, presque équivalentes au montant de la redevance versée à France 2 et France 3 25 ( * ) .

* 23 Voir en particulier les rapports de M. Jean-Paul Hugot, au nom de la Commission des affaires culturelles, sur le projet de loi relatif à l'audiovisuel (session 1999-2000) ; le rapport d'information de M. Claude Belot, au nom de la Commission des finances, sur le financement de l'audiovisuel public (n° 162 - session 1999-2000), ainsi que les rapports budgétaires du même auteur et ceux du rapporteur pour avis de la Commission des affaires culturelles, M. Louis de Broissia.

* 24 Excepté Channel 4.

* 25 Incidemment, le niveau des recettes commerciales de France Télévisions peut être jugé particulièrement faible.

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