C. LE CINÉMA OU LE FRONT DU REFUS

Le secteur de l'exploitation cinématographique en salle a toujours été interdit de publicité à la télévision, l'édition vidéo pouvant faire, quant à elle, de la publicité pour les films édités, depuis 1989.

Le statu quo réglementaire , recommandé par les organisations professionnelles et le Centre National de la Cinématographie, a été accepté par le Gouvernement, qui n'a donc pas inclus le cinéma dans le décret du 7 octobre 2003.

Le cinéma en salle est donc le seul des quatre secteurs concernés par la procédure de mise en demeure de la Commission européenne, à n'avoir à ce jour connu aucune libéralisation publicitaire .

Cette situation est critiquée par la Commission européenne, qui souhaite que la France pratique une ouverture sur ce dossier.

Alors que la Commission européenne juge trop restrictive la réglementation française sur la publicité sur les oeuvres cinématographiques, la profession française, dont, pourtant, les intérêts sont théoriquement contrastés, semble réunie autour d'un consensus en faveur du statu quo .

1. La position de la Commission européenne

La Commission européenne considère que l'exception portant sur le cinéma constitue un frein à la libre circulation des marchandises dans l'Union .

Cette exception à l'échelle européenne serait même porteuse de distorsion de concurrence ; en effet, un film français peut être promu via la télévision au Royaume Uni ou en Allemagne, mais un film allemand ou britannique ne peut bénéficier du même atout en France.

La Commission, semble-t-il, ne trouverait en revanche rien à redire à une interdiction d'accès limitée aux films extra-européens , mais une telle mesure pourrait entrer alors en conflit avec les règles de l'organisation mondiale du commerce.

2. La position des professionnels

a) Les producteurs

Les producteurs français ont déclaré leur opposition à toute ouverture de la publicité pour les films à la télévision, considérant qu'une telle mesure entraînerait une montée en puissance du cinéma américain sur le marché français, au détriment des films français.

b) Les distributeurs

Les distributeurs de films sont les professionnels qui acquièrent auprès des producteurs des droits exclusifs de distribution dans les salles nationales, font fabriquer des copies du film, négocient avec les exploitants de salle, la mise à disposition de copies, et enfin conçoivent et financent la publicité pour le film. Une cinquantaine de sociétés distribuent ainsi environ 500 longs métrages par an sur les 5 250 écrans français, sur des « combinaisons de sortie » pouvant varier de 1 à 800 copies par film. Rémunérés en proportion directe des entrées réalisées par leurs films, et seuls investisseurs dans la promotion , les distributeurs sont donc les plus directement concernés par les moyens promotionnels accessibles au cinéma, et leur efficacité.

Les distributeurs « indépendants » (une vingtaine de sociétés), qui distribuent l'essentiel des films d'auteurs se sont prononcés en majorité contre l' ouverture . L'ouverture conduirait selon eux à une augmentation des coûts de marketing et ils ne pourraient pas, comme leurs collègues des majors, assumer le « ticket d'entrée » pour faire de la publicité à la télévision.

On aurait pu s'attendre, en revanche, à ce que les « grands » de la distribution , qui distribuent les films très grand public, soient favorables à l'ouverture ; mais les choses sont plus complexes. Les principales sociétés de distribution ou « majors », filiales des studios américaines ou de groupes français verticalement intégré production/distribution/exploitation (comme Pathé, Gaumont ou UGC) ont en effet à la fois les moyens financiers et l'intérêt d'utiliser un média puissant, national. Les budgets promotionnels pour les films-événements atteignent en effet 2 à 3 millions d'euros, ce qui est suffisant pour inclure une campagne TV dans un plan média.

Mais les filiales des majors , qui utilisent pourtant - et parfois massivement - la télévision aux États-Unis et en Europe, ne sont pas demandeuses d'une ouverture qui les amènerait à intensifier leurs investissements, sans garantie que l'accroissement des entrées ne vienne amortir le supplément d'investissement. Ainsi certaines des filiales françaises des majors préfèrent opter pour l'autolimitation des moyens promotionnels et une concurrence de basse intensité, par une contrainte extérieure .

Les sociétés françaises intégrées seraient, elles aussi, en position de bénéficier d'une ouverture. Les investissements supplémentaires (ou optimisés) de leurs filiales de distribution profiteraient également à leurs filiales amont (production) et aval (distribution). La volonté de consensus interne à l'industrie cinématographique les amène cependant tous à rejoindre les tenants du statu quo .

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