LES IMPACTS DE L'OUVERTURE AUX « SECTEURS INTERDITS »

Nous analysons dans cette partie le positionnement des différents acteurs économiques concernés par le processus d'ouverture de la publicité télévisée à 4 nouveaux secteurs jusqu'ici interdits : distribution, presse, livre et cinéma en salle.

• L'ouverture est totale pour la presse depuis le 1 er janvier 2004, en vertu du décret du 7 octobre 2003.

• En application de ce même décret, l'ouverture est partielle pour le livre puisque limitée aux chaînes thématiques.

• Elle est également partielle et progressive pour la distribution : l'ouverture au 1 er janvier 2004 ne concerne que les chaînes thématiques et locales ; l'ouverture sur les 6 chaînes généralistes hertziennes devrait avoir lieu le 1 er janvier 2007 mais à cette date subsistera une limitation importante sur le discours publicitaire puisque seront proscrits les messages à caractère promotionnel.

• Enfin, l'ouverture pour le cinéma en salle n'est pas prévue par le décret.

Figure 43 : Ampleur et chronologie de l'ouverture (décret du 7 octobre 2003)

Source : BIPE

Nous analysons dans cette partie les ouvertures déjà avérées pour effectuer un premier bilan ; nous envisagerons également l'avenir : les impacts possibles d'une extension de l'ouverture pour la distribution, et d'une hypothétique ouverture pour le cinéma.

Nous finirons par une perspective réglementaire plus large sur le processus de libéralisation de la publicité télévisée.

Il convient en effet de ne pas figer l'analyse et ce pour deux raisons.

Le processus réglementaire n'est peut-être pas terminé . La Commission européenne n'a pas encore rendu d'avis définitif pour le décret du 7 octobre. Elle doit dire si ce décret satisfait ses demandes répétées adressées au Gouvernement français en vue de la libéralisation de la réglementation. Selon certains experts du dossier, la Commission serait prête à accepter le compromis du 18 octobre sur la distribution, mais ne se résignerait pas à l'ouverture partielle du livre et à la non-ouverture du cinéma.

Plusieurs acteurs importants de la distribution et de la télévision ne se résignent pas au « compromis » du 7 octobre . S'ils étaient prêts à accepter la progressivité de l'ouverture, pour permettre à tous de mieux gérer la montée en puissance, ils rejettent totalement l'interdiction de la publicité promotionnelle et la limitation au discours institutionnel, à la fois pour des raisons de principe et parce qu'elle réduit considérablement l'intérêt même d'utiliser la publicité télévisée pour les enseignes de la grande distribution. Le lobbying pour une ouverture totale va donc se poursuivre dans les mois et les années à venir.

PROCESSUS RÉGLEMENTAIRE

CHRONOLOGIE RÉGLEMENTAIRE DE LA PUBLICITÉ TÉLÉVISÉE

Rappelons tout d'abord les grandes étapes de la réglementation de la publicité à la télévision et les précédents d'autorisations de secteurs.

• 1968 : autorisation de la publicité TV sur la première chaîne. 2 mn/ jour, puis 6 mn/jour (1969) et 10 mn/jour (1970) ;

• 1971 : autorisation de la publicité sur la deuxième chaîne ;

• 1983 : autorisation de la publicité sur FR3 (créée en 73) ;

• 1985 : autorisation de la publicité sur les programmes en clair de C+ (créé en 1984) ;

• 1986 : lancement de La Cinq et M6, avec publicité ;

• 1987 : privatisation de TF1 ;

• 1988 : autorisation du secteur de l'édition musicale (investissements publicitaires + 117% en 1988, et + 300% en 1989 62 ( * ) ) ;

• 1989 : autorisation du secteur pour l'édition vidéo en 1989 (+ 103% d'investissement en 1989) ;

• 1991 : Loi Evin - interdiction de la publicité pour l'alcool (>1,2°) et le tabac ;

• 1992 : Coupure publicitaire autorisée pour les films sur les chaînes privées ;

• 1992 : décret n° 92-280 du 27 mars 1992 pris pour l'application des articles 27 et 33 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication et fixant les principes généraux définissant les obligations des éditeurs de services en matière de publicité, de parrainage et de télé-achat.

• 1997 : Demande d'information de la Commission européenne sur la publicité pour la distribution, suite à la plainte d'un fabricant de meubles belge souhaitant acheter de l'espace publicitaire les chaînes françaises.

• 1998 : débat juridique autour de houra.fr : publicité TV autorisée car assimilée à une activité Internet, puis interdite car assimilée à un service de distribution ;

• 2000 : Constitution du comité « Pourquoi ? » , lobby en faveur de l'ouverture des 4 secteurs interdits, constitué d'agences de publicité, acteurs de la distribution, régies TV, SPMI, animé par Jacques Bille, délégué général de l'AACC.

• 2001 : Demande d'information de la Commission européenne sur les quatre secteurs interdits.

• 2001 : Le ministère de la culture se prononce en faveur d'une ouverture limitée, pour aider à viabiliser la TNT ;

• 2001 (octobre) : Plainte du Syndicat de la Presse Magazine d'Information (SPMI) et d'EMAP UK devant la Commission européenne, en vue d'obtenir l'autorisation pour la presse de communiquer en télévision. D'autres acteurs de la presse, de la télévision et de la distribution se joignent de façon plus ou moins formelle à la plainte du SPMI. ;

• 2002 (7 mai) : Suite à ces plaintes, la Commission européenne (Commissaire Frits Bolkenstein) met en demeure le Gouvernement français de modifier le décret de 1992.

• 2003 (2 avril) : Rencontre de JJ Aillagon (Ministre de la Culture) et de Frederik Bolkenstein (Commissaire européen en charge du marché intérieur) sur ce dossier.

• 2003 : Après une large consultation des acteurs, conduite par la Direction du Développement des Médias (DDM), le Gouvernement diffuse un projet de décret rectificatif. Consulté pour avis, le CSA suggère de repousser l'ouverture de la distribution sur les chaînes hertziennes de 2006 à 2008. ;

• 7 octobre 2003 : publication au JO du décret rectificatif du décret du 27 mars 1992 (ouverture distribution chaînes hertziennes fixée à 2007) ;

• 1er janvier 2004 : ouverture partielle pour presse, livre, distribution ;

• 1er janvier 2007 : ouverture pour distribution sur chaînes hertziennes.

Figure 44 : Evolution du volume de publicité sur les chaînes hertziennes en France
(1987-2003)

Source : BIPE

Des quatre secteurs économiques, la distribution est le plus important, et celui pour lequel les investissements publicitaires sont, aujourd'hui, et de loin, les plus importants : les enseignes de distribution ont dépensé environ 2 milliards d'euros bruts en 2003 63 ( * ) dans les grands médias, contre 1830 M€ en 2002, soit 12% des dépenses totales. Compte tenu de l'écart entre la valorisation brute et nette, ceci représente environ 1,2 milliard d'euros. Le schéma suivant rappelle le poids relatif des secteurs annonceurs en jeu.

Figure 45 : Investissements publicitaires des 4 secteurs économiques concernés par l'ouverture (M€ bruts 2002)

Nous allons commencer par l'analyse du secteur de la distribution, qui est resté, en 2003, le premier secteur annonceur en France en volume d'investissement , d'après la pige TNS.

Figure 46 : Les principaux secteurs économiques annonceurs en France en 2003

Recettes brutes

PDM

TOTAL PLURIMEDIA

16 569

100.0%

DISTRIBUTION

2007

12.1%

ALIMENTATION - DIETETIQUE

1903

11.5%

TRANSPORT

1533

9.3%

SERVICES

1331

8.0%

TOILETTE BEAUTE

1310

7.9%

TELECOMMUNICATION

1266

7.6%

CULTURE & LOISIRS

1105

6.7%

EDITION

1047

6.3%

INFORMATION MEDIA

846

5.1%

VOYAGE-TOURISME

622

3.8%

BOISSONS

531

3.2%

HABILLEMENT-ACCESS.TEXTIL

527

3.2%

ENTRETIEN

356

2.1%

INFORMATIQUE

348

2.1%

PUBLICITES DIVERSES

331

2.0%

CORPORATE+PUB.FINANC/INST

258

1.6%

IMMOBILIER BTP

177

1.1%

AMEUBLEMENT-DECORATION

157

0.9%

ENERGIE

152

0.9%

APPAREILS MENAGER

145

0.9%

PHARMACIE - MEDECINE

140

0.8%

AUDIOVISUEL-PHOTO-CINEMA

134

0.8%

EQUIPEMENT MATERIEL SPORT

89

0.5%

ENSEIGNEMENT-FORMATION

88

0.5%

INDUSTRIE

85

0.5%

AGRICULTURE-JARDINAGE

56

0.3%

ANNONCES LEGALES

26

0.2%

Source : TNS

* 62 Source : CNC/Carat TVMI.

* 63 Source : TNS Media Intelligence.

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