ANNEXE :  « L'immobilier, pilier de la croissance ou épée de Damoclès » - Etude réalisée par l'OFCE département analyse et prévision

Fondation Nationale des Sciences Politiques

OBSERVATOIRE FRANÇAIS DES CONJONCTURES ÉCONOMIQUES

O.F.C.E.

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L'immobilier, pilier de la croissance ou épée de Damoclès ?

Bulle immobilière, causes et conséquences macro-économiques d'un retournement du marché immobilier

Etude réalisée par l' OFCE , département analyse et prévision, à la demande du service des études économiques et de la commission des finances du Sénat.

Eric Heyer, Sabine Le Bayon, Hervé Péléraux, Xavier Timbeau,

Juin 2005

Synthèse Faut-il augmenter les taux d'intérêt ?

La hausse récente des prix immobiliers est préoccupante. Depuis le creux du marché immobilier en 1997, la hausse en termes réels a été supérieure à 70 %. Le spectre de la récession de 1993 et du retournement des prix surgit dans les commentaires. La crainte d'une bulle spéculative, d'un emballement du marché immobilier laisse présager un retournement brutal qui laisseraient ménages, banques et investisseurs institutionnels désemparés face à leurs engagements. Il faudrait alors de nombreuses années pour apurer ce marché et la situation financière des agents. L'inflation des prix d'actifs serait le prélude à une inflation incontrôlable, qui des prix des logements se transmet aux loyers. La responsabilité des autorités publiques françaises et européennes serait alors d'éteindre ce foyer d'incendie avant que tout ne brûle, par une hausse graduelle mais ferme des taux d'intérêt.

Nous allons montrer que le motif d'inquiétude n'est pas là.

Le marché immobilier n'est pas sujet à une bulle et la hausse des prix, bien que vive, n'est pas déraisonnable. Une demande interne forte, solvabilisée par une baisse des taux d'intérêt, une concurrence accrue des établissements financiers pour acquérir de nouveaux clients, une rupture dans les pratiques bancaires, matérialisée par un allongement de la durée des emprunts dans un marché où l'offre est peu élastique à court terme conduit à une hausse des prix. Cette demande interne s'est doublée, dans le cas français, d'investissements étrangers actifs. La situation française n'est pas exceptionnelle, voire même, quand on se limite au marché parisien, dans les marges habituelles du cycle des prix immobiliers.

Nous avancerons que le risque encouru par les institutions financières est faible et que celui pesant sur les ménages n'est pas de nature à alimenter une spirale dépressive. La forte pondération des taux fixes dans les formules d'emprunts immobiliers des ménages limite le risque d'insolvabilité des ménages français et le risque de défaut, exceptionnellement bas, devrait le rester, y compris dans les scénarios les plus pessimistes.

Le dynamisme des loyers est pour partie soutenu par la croissance de l'indice du coût de la construction et pour partie par les pratiques contestées comme la vente à la découpe. Il assure pour le moment un rendement hors plus-values à l'immobilier qui met à l'abri d'un retournement endogène et brutal du marché immobilier.

La hausse des prix est le signe que la stimulation monétaire, impulsée par la baisse des taux d'intérêt, fonctionne. Elle fonctionne mieux en France qu'en Allemagne et moins bien qu'au Royaume-Uni ou qu'aux Etats-Unis. Cette impulsion monétaire a comme conséquence une baisse du taux d'épargne qui stimule la croissance, plus en France qu'en Allemagne et moins qu'au Royaume-Uni ou qu'aux Etats-Unis.

Notre analyse est que la hausse des prix immobiliers et de l'endettement est en fait l'essence du mécanisme de transmission de la politique monétaire. La hausse des prix immobiliers est liée à la réalisation de patrimoines jusque là potentiels, rendu liquides par l'augmentation de l'endettement de certains ménages. Cette liquidité accrue du patrimoine immobilier, à la faveur des changements de main financés par les banques, justifie la baisse de l'épargne des vendeurs finaux : ils acquièrent la certitude que leur patrimoine vaut le prix actuel. Pour les ménages pris dans leur ensemble, la hausse des prix et de l'endettement signifie une baisse de l'épargne et une croissance de la consommation supérieure à celle du revenu, comme l'illustre le graphique 0.1.

Graphique 0.1 Variations de l'endettement et du taux d'épargne

Sources : Comptabilités nationales, banques centrales, calculs OFCE.

* Pour l'Allemagne et l'Italie, la période considérée est 1997-2003

La hausse des prix connaîtra un terme quand les éléments de demande s'atténueront, en particulier lorsque la durée des prêts cessera de s'allonger, et que l'arrivée sur le marché d'une offre supplémentaire de logements neufs viendra également apaiser le marché immobilier. Les évolutions actuelles ne seront alors que la phase haute d'un cycle.

Une hausse des taux d'intérêt pour contrôler les évolutions sur le marché immobilier serait contre productive, puisqu'elle briserait une croissance qui n'est pas assurée. D'après nos estimations et nos évaluations, l'apaisement du marché immobilier coûterait plus d'un point de taux de chômage en France.

Le canal de stimulation monétaire fonctionne et doit, dans la mesure du possible, être amplifié. Cependant, la hausse des loyers pèse lourdement sur ceux, nombreux, pour qui se loger est une difficulté. L'enjeu est aujourd'hui de pouvoir continuer à stimuler l'économie sans exclure pour autant les locataires les plus exposés. Une accélération de la croissance et une baisse du chômage favoriseront l'ensemble des ménages. Mais, le mécanisme de stimulation profite initialement à ceux qui ont un patrimoine, car il en faut un pour le réaliser, et à ceux qui ont accès aux offres nouvelles et avantageuses que les banques proposent, c'est-à-dire ceux dont la situation financière est plus stable et plus florissante. Pour ceux là, il s'agit d'exploiter une opportunité de placement (acheter en empruntant grâce à des taux bas des biens immobiliers même onéreux, plutôt que de détenir de l'assurance-vie), ce qui signifie qu'ils ont une épargne déjà conséquente. Les autres, en gros les ménages les plus modestes, ne peuvent que subir la hausse des loyers.

Partie 1. Y a-t-il une bulle immobilière en France ?

Section 1. La situation de l'immobilier en France et à l'étranger

1.1. L'évolution récente des prix du logement diffère selon les pays

La comparaison de l'évolution des prix immobiliers sur la période récente entre les pays se révèle intéressante, même si elle est limitée par l'hétérogénéité des champs couverts par les indices de prix des logements (agglomérations dans le cas italien, logements anciens dans le cas français, maisons ou appartements...). Par ailleurs, les prix recouvrent des caractéristiques nationales diverses, tant au niveau de la nature du territoire (plus ou moins étendu, habitat surtout en centre ville ou en développement en périphérie des villes) que de la demande étrangère (fonction de l'attractivité du territoire) ou de la qualité et de l'ancienneté du parc de logements.

En France, l'indice de l'INSEE concerne le prix des logements anciens. Ce marché étant le plus important, on peut sans problème utiliser cet indice qui recouvre plus de la moitié des transactions effectuées par les ménages. Selon la Fnaim (fédération nationale de l'immobilier), en 2004, près de 70 % des accédants l'ont été dans l'ancien et ce marché représente 60 % des crédits accordés. Les liens entre activité dans le neuf et prix dans l'ancien sont complexes : à court terme, la construction dans le neuf augmente le prix du foncier et donc les prix dans l'ancien. En revanche, à moyen terme, en augmentant l'offre de logements, la construction a un impact négatif sur les prix dans l'ancien. Enfin, la construction dans le neuf rajeunit le parc immobilier, poussant à plus long terme les prix à la hausse.

Que les prix du logement ne cessent d'augmenter est une évidence. En termes nominaux, la hausse est impressionnante. Entre 1997, point bas du cycle actuel, et la fin 2004, ils ont progressé de 90 % en France. Le cas français est loin d'être isolé : la hausse atteint presque 70 % aux Etats-Unis, 140 % au Royaume-Uni et 160 % en Espagne. Cette augmentation est quasiment générale dans la zone euro. Selon les données de la BCE, en 2004, la progression moyenne des prix a été de 7,2 % dans la zone euro, soit un rythme proche de celui du début des années 1990 avant le retournement à la baisse des prix. Sur la période 1999-2004, les prix immobiliers ont progressé d'environ 15 % en Irlande et en Espagne en rythme annuel 16 ( * ) . La hausse a été de l'ordre de 10 % en France, en Grèce, aux Pays-Bas et en Italie sur la même période. Seule l'Allemagne est restée à l'écart de ce mouvement, les prix du logement ayant stagné. Les dernières données font état d'un tassement des prix en Irlande, au Portugal, en Grèce et aux Pays-Bas et d'une accélération en France, en Italie et en Espagne. Non seulement, les hausses récentes ont été d'amplitudes variées, mais elles ont aussi été décalées dans le temps, avec des pays en avance sur le cycle moyen européen et dont les prix immobiliers ont ralenti plus tôt.

En termes réels, c'est-à-dire une fois corrigés de l'inflation, l'augmentation des prix immobiliers est un peu plus mesurée. Entre 1997 et 2004, les prix des logements ont en effet progressé de 40 % aux Etats-Unis, de 70 % en France, de 100 % au Royaume-Uni et de 110 % en Espagne (graphique 1.1).

Graphique 1.1 Prix des logements corrigés de l'inflation

1987 T1=100

Sources : Ministerio de vivienda, Halifax, National Assoiation of Realtors, INSEE.

Or, la hausse récente des prix dans la plupart des pays fait souvent suite à une période d'ajustement à la baisse au début des années 1990. Si on s'intéresse à la progression des prix depuis le pic du cycle précédent, elle est donc moindre. En France, les prix réels ont progressé de 40 % depuis le point haut du dernier cycle il y a quinze ans. Aux Etats-Unis, la hausse a été de 30 %, au Royaume-Uni de 40 % et en Espagne de 70 %.

En France, le cycle précédent a été peu marqué sur l'ensemble du territoire, contrairement à Paris. Dans les deux cas, la hausse des prix observée jusqu'en 1990, a été suivie d'une correction jusqu'à la mi-1996 (d'une ampleur nettement plus marquée à Paris, du fait de la hausse passée plus importante). Les prix ont ensuite très légèrement progressé jusqu'à la mi-1998, une nette accélération intervenant ensuite, qui ne s'est pas démentie jusqu'à ce jour.

Au Royaume-Uni, le cycle précédent a été particulièrement marqué, avec l'existence généralement admise d'une bulle formée à la fin des années 1980, pour atteindre un point haut en 1989, soit plus tôt que dans la plupart des pays. Suite à l'éclatement de la bulle, les prix ont baissé jusqu'au milieu de l'année 1995. La hausse ultérieure des prix a été limitée, avant d'accélérer à partir de 2001. Avec la remontée récente des taux d'intérêt (cinq relèvements de taux entre novembre 2003 et août 2004, le taux directeur passant de 3,5 % à 4,75 %), la hausse des prix a décéléré en glissement annuel depuis la fin 2004.

En Espagne, la progression des prix depuis le milieu de l'année 1998 a été particulièrement impressionnante, sans commune mesure avec celle pourtant déjà élevée du cycle précédent.

Aux Etats-Unis, les prix n'ont pas présenté de mouvements très marqués lors du cycle précédent. La hausse des prix, initiée à la mi-1995, a surtout accéléré depuis 2001.

En Irlande où le cycle précédent a été très peu marqué, la hausse récente des prix a été particulièrement élevée (+140 % en termes réels entre début 1997 et fin 2004). Les prix ont cependant commencé à se tasser récemment.

Les Pays-Bas n'ont pas réellement connu de cycle à la fin des années 1980. Les prix du logement n'ont en effet cessé d'augmenter, alors même que dans nombre de pays ils baissaient. La croissance des prix a tout de même nettement accéléré à partir de fin 1997. Les excès des années 1990 sont apparus tôt par rapport à la plupart des pays, conduisant à un ralentissement des prix dès 2000. Les Pays-Bas sont donc un des rares pays où le secteur immobilier n'a pas amorti le ralentissement de l'activité dans la période récente.

L'inflation immobilière n'a cependant pas touché tous les grands pays développés : outre l'Allemagne, le Japon est aussi resté à l'écart du cycle haussier récent de l'immobilier (graphique 1.2).

En Allemagne, en raison de la réunification, le cycle haussier dans l'immobilier s'est prolongé bien au-delà du début des années 1990, prenant fin seulement en 1995. La baisse des prix n'a pas été brutale, mais lente et régulière depuis lors. Ce n'est que depuis le début de l'année 2004 qu'on observe une stabilisation. Le surinvestissement du début des années 1990, une situation des banques moins bonne que dans la plupart des pays européens et un moindre revenu des ménages ont laissé l'Allemagne à l'écart du boom immobilier actuel.

Au Japon, après la bulle de la fin des années 1980 qui a éclaté fin 1991, les prix ont chuté fortement. La baisse s'est poursuivie jusqu'à récemment, le Japon purgeant les surcapacités nées de la bulle immobilière de la fin des années 1980. Un léger mieux semble cependant se dessiner depuis la fin de l'année 2003.

Graphique 1.2 Prix des logements corrigés de l'inflation

1983 T1=100

Sources : Global Insight, Bundesbank.

1.2. Les évolutions dans quelques capitales

Comme on l'a vu précédemment, le prix moyen de l'immobilier dans un pays intègre les diverses caractéristiques de ce pays, rendant difficiles les comparaisons internationales. Il est donc intéressant de comparer des données plus homogènes, à savoir celles concernant les capitales de ces pays, même si des disparités demeurent en terme d'étendue ou d'offre (maisons ou appartements, et donc densité plus ou moins élevée). Outre le fait que les capitales sont généralement plus comparables en terme de contraintes d'offre, elles se caractérisent par un plus grand nombre d'achats et de ventes, les prix étant plus représentatifs de l'état réel du marché.

La hausse des prix a aussi été élevée depuis 1997 dans la plupart des capitales. C'est le cas notamment à Paris, à Londres ou à Madrid (graphique 1.3.).

Graphique 1.3 Prix immobiliers réels dans différentes capitales

1987 T1=100

Sources : Nationwide, INSEE, Ministerio de vivienda.

Entre 1997 et 2004, les prix à Madrid et à Londres ont crû plus vite que les prix moyens espagnols et britanniques (tableau 1.1). En revanche, les évolutions entre 1991 et 2004 sont similaires (65 % en Espagne et 67 % à Madrid, 46 % et 40 % respectivement à Londres et au Royaume-Uni). Il faut cependant souligner qu'au Royaume-Uni, la surévaluation observée à la fin des années 1980 était plus importante en moyenne dans le pays que dans la seule ville de Londres. Ce n'est pas le cas à Madrid, dont les prix atteignent aujourd'hui des niveaux historiquement élevés. En ce qui concerne la France, les prix à Paris ont progressé plus vite que les prix moyens français entre 1997 et 2004 (respectivement 68 % et 77 %). En revanche, entre 1991 et aujourd'hui, les prix ont augmenté plus vite en France qu'à Paris. Néanmoins, en France, cette progression élevée est à mettre en regard d'un niveau qui était peu ou pas surévalué à la fin des années 1980, alors qu'à Paris, cette moindre hausse est à rapporter à un niveau nettement surévalué en 1990 (et intégrant une nette chute des prix au milieu des années 1990).

Tableau 1.1 Evolution des prix immobiliers réels entre 1991 et 2004 dans quelques pays et leur capitale

Madrid

Paris

Londres

1991-2004 *

67

8

46

1991-1997

-26

-39

-37

1997-2004 **

126

77

130

Espagne

France

Royaume-Uni

1991-2004

65

42

40

1991-1997

-20

-15

-30

1997-2004

106

68

101

Sources : Ministerio de vivienda, Halifax, Nationwide, INSEE.

* Il s'agit de la croissance entre le sommet du cycle précédent et le dernier trimestre 2004, sauf pour l'Espagne et Madrid (où les données s'arrêtent au troisième trimestre 2004). Pour Londres et le Royaume-Uni, le pic a eu lieu au premier trimestre de 1989, pour Madrid et l'Espagne au dernier trimestre de 1991, pour la France au deuxième trimestre de 1990 et pour Paris au dernier trimestre de 1990.

** Il s'agit de la croissance entre le premier trimestre de 1997 et le dernier trimestre de 2004.

1.3. Le marché des bureaux

A Paris, si le niveau des prix du logement est supérieur en termes nominaux à son niveau du début des années 1990, ce n'est pas le cas des prix des bureaux. Sur ce champ, les données ne sont pas aussi homogènes que pour le logement, puisque l'on ne dispose pas de séries sur l'ensemble de la ville de Paris, mais les chiffres parcellaires disponibles pour les bureaux reflètent assez bien les tendances à l'oeuvre. Selon les données de CB Richard Ellis Bourdais (conseil en immobilier d'entreprise), les prix des bureaux neufs dans le secteur Paris centre ouest ont certes progressé en 2004, après deux années de baisse, mais ils sont encore bien inférieurs aux niveaux élevés atteints à la fin des années 1980 (graphique 1.4). De ce fait, la situation sur le marché des bureaux est aujourd'hui complètement différente de celle qui prévalait au début des années 1990, le retournement ayant déjà eu lieu dans ce secteur et étant resté modéré. Par la suite, on s'intéressera donc seulement aux prix du logement qui sont les seuls aujourd'hui où la question de l'existence d'une bulle se pose.

Graphique 1.4 Evolution des prix des bureaux dans le secteur Paris centre ouest

En euros

Source : CB Richard Ellis Bourdais.

Section 2. Analyse cyclique du marché immobilier

La hausse des prix de l'immobilier a été ample depuis 1998 17 ( * ) , 58 % en données corrigées de l'inflation pour la France entière 18 ( * ) . Cette amplitude peut surprendre, mais au-delà de la simple comparaison du niveau actuel avec celui du point bas d'il y a six ans, il convient de prendre la mesure réelle du phénomène pour en restituer une juste appréciation.

Le marché de l'immobilier présente un caractère cyclique. Dès lors, l'amplitude de la dernière vague de hausse devrait être appréciée en comparaison des précédentes. Ici, un examen de la trajectoire des prix sur longue période peut être utile pour re-situer les évolutions récentes dans un schéma cyclique.

2.1. Une anomalie du marché qui n'apparaît qu'en 2004

On s'intéresse dans un premier temps au marché de l'immobilier sur l'ensemble du territoire français. On peut décomposer l'évolution des prix en une composante tendancielle, qui croît au rythme de 1,4 % l'an, et en une composante cyclique autour de la tendance (graphique 1.5). Depuis 40 ans, les cycles sont peu nombreux : deux points hauts, l'un en 1980, l'autre en 1991, deux points bas, en 1985 et en 1998, trois phases haussières d'accélération par rapport à la tendance, la première débutant dans la seconde moitié des années soixante-dix, la deuxième dans la seconde moitié des années quatre-vingt, et enfin la phase actuelle de hausse qui a débuté dans la seconde moitié des années quatre-vingt-dix. Entrecoupée de phases de repli, l'évolution du marché présente donc des cycles de l'ordre de 10 ans, hormis pendant la période antérieure à 1975, caractérisée par une absence de cycles, les prix évoluant conformément au rythme tendanciel.

La hausse des prix initiée en 1999, après un point bas nettement sous le niveau tendanciel (-12,9 % en 1998, écart comparable à celui de 1985, 10,6 %), a donc d'abord consisté en un rattrapage de ce niveau tendanciel, accompli après une hausse de 19,6 % entre 1998 et 2001 19 ( * ) . Ensuite, la progression s'est poursuivie au-delà de la tendance pour d'abord dépasser, en écart au trend, le pic de 1991 à 9,1 % au-dessus du trend, puis ensuite le pic de 1980, 14,5 % au-dessus du niveau tendanciel. Jusqu'en 2003, la reprise du marché n'a pas fait davantage que porter les prix 14 % au-dessus de la tendance, c'est-à-dire à un niveau, en écart à la tendance, plus élevé que lors du pic de 1991, mais comparable à celui du pic de 1980. L'anomalie, si anomalie il y a, apparaît en 2004 avec une hausse des prix supplémentaire de 12,7 %, portant l'écart à la tendance à un niveau historiquement inconnu. Un tel constat ne préjuge pas de l'existence ou non d'une bulle. Il s'agit ici de prendre simplement la mesure de la hausse des prix, en se référant à des points de repère historiques, et non pas de juger du caractère excessif de la hausse ce qui appelle la définition et la mise en oeuvre de critères d'évaluation des prix

Graphique 1.5 Indice du prix des logements anciens corrigé de l'inflation : France entière

1985 = 100, écart à la tendance en %

Sources : Jacques Friggit, calculs OFCE.

2.2. Les excès à la hausse ne sont pas où l'on croît

La hausse n'a pas été uniforme sur l'ensemble du territoire français (graphiques 1.6 et 1.7). Contrairement à la précédente phase de reprise enregistrée de 1985 à 1991, l'augmentation des prix en termes réels a été la plus importante en province, 59,4 % entre 1998 et 2004, contre 55,1 % en Ile de France. Le fait peut surprendre dans la mesure où l'on s'attendrait plutôt à ce que les poussées haussières affectent moins la province que la région parisienne, d'abord parce qu'historiquement la tendance des prix est plus forte en Ile de France, ensuite du fait de la rareté du parc de logement qui rend les prix plus sensibles à la demande. Ce fut d'ailleurs le cas au cours de la phase 1985-91, avec une hausse de 67 % en Idf, contre 15,2 % en province.

A la différence du marché en province, le marché à Paris ne fait pas apparaître de cycle sur la période 1965-85 20 ( * ) . La seule référence dont on dispose pour apprécier la phase actuelle est donc le cycle 1985-98. En partant du point bas de 1998, la hausse initiale de 30,2 % jusqu'en 2002, a donc consisté en un rattrapage du niveau tendanciel. A l'heure actuelle, avec une augmentation de 19,1 % depuis le franchissement du trend, les prix en Idf sont loin, en écart à la tendance, d'avoir rejoint leur précédent pic cyclique.

Graphique 1.6 Indice du prix des logements anciens corrigé de l'inflation : Ile de France

1985 = 100, écart à la tendance en %

Sources : Jacques Friggit, calculs OFCE.

L'image rendue par les prix en province est sensiblement différente. L'évolution tendancielle est moins rapide, 1,2 % l'an, et les cycles antérieurs sont nettement différents. Après 1975, les prix ont connu une phase d'accélération par rapport à la tendance, phase inexistante en région parisienne on l'a vu, et après un point haut en 1980, s'est engagée une phase de recul accompagnée cette fois par l'indice de la région parisienne. Le cycle global qui s'est déroulé entre 1975 et 1985 a donc été exclusivement impulsé par le marché en province. En revanche le cycle 1985-98 a été dû principalement au marché de la région parisienne, le marché en province n'ayant enregistré qu'une fluctuation très mineure.

Ici encore, une première composante de la hausse globale de 59,4 % entre 1998 et 2004 est imputable au rattrapage du niveau tendanciel, soit une augmentation de 13,6 % entre 1998 et 2000, une seconde composante, achevée en 2003, au ralliement du précédent pic de 1980, 19,5 % au-dessus de la tendance, soit une hausse supplémentaire des prix de 24,3 % par rapport à 2000. Enfin, une troisième composante a conduit au dépassement du pic cyclique de 1980, avec une hausse supplémentaire de 13,2 % en 2004 ayant conduit l'écart à la tendance à un niveau inégalé. C'est donc bien ici que semblent localisés d'éventuels excès haussiers.

Graphique 1.7 Indice du prix des logements anciens corrigé de l'inflation : province

1985 = 100, écart à la tendance en %

Sources : Jacques Friggit, calculs OFCE.

Section 3. L'immobilier comme service de logement

L'immobilier est un actif particulier, dans le sens où non seulement il peut rapporter un rendement, mais où il rend aussi un service de logement pour les propriétaires occupant leur habitation. Les raisons de la hausse peuvent donc être abordées sous ces deux angles. Face à une demande de logements importante, l'offre s'est révélée nettement insuffisante dans la plupart des pays . En France, les entreprises du secteur du bâtiment n'ont pu répondre à la forte demande du fait de contraintes de capacités, les mises en chantier n'ayant réellement pu accélérer qu'à partir de 2003. L'augmentation de l'offre a aussi été contrecarrée par la raréfaction du foncier, notamment en centre ville, et par la réticence de certaines communes à céder des terrains constructibles. Au Royaume-Uni, des contraintes en matière de terrain ont limité l'offre qui est restée très inférieure à la demande, malgré l'accélération récente. En Espagne, comme aux Etats-Unis, l'offre a en revanche été très dynamique, même si certaines réglementations en Espagne ont poussé les prix des terrains à la hausse, contribuant à la progression élevée des prix immobiliers.

Parmi les éléments ayant soutenu la demande de service de logement, l'impact de certains est aisément quantifiable (revenu, taux d'intérêt, taux de chômage). Ils sont d'ailleurs présents dans la plupart des équations estimant les prix immobiliers. Mais d'autres éléments ont aussi joué : la démographie, la demande étrangère, les avantages fiscaux ou la facilité d'endettement auprès des banques.

3.1. Les éléments de soutien de la demande

a. La démographie

Le premier élément qui pourrait justifier de façon intrinsèque la hausse de la demande de logements est démographique : il s'agit de l'évolution du nombre de ménages. Celle-ci dépend, outre de la progression de la population, du nombre de personnes par ménage. Or, en France, la population a progressé de 0,6 % par an entre 1999 et 2004 selon le dernier recensement réalisé par l'INSEE, contre 0,4 % entre 1975 et 1999, en raison de l'accélération du nombre de naissances principalement. Par ailleurs, le nombre de personnes par ménage a continué de baisser tendanciellement : d'une part, en raison de la baisse du nombre d'enfants par famille et du développement des familles monoparentales, et surtout à cause du vieillissement de la population et de l'autonomie plus grande des personnes âgées. Le vieillissement explique les 4/5 de la réduction du nombre de personnes par ménage, les ménages de personnes âgées comprenant un nombre de personnes plus faible que la moyenne des ménages. Entre 1999 (date du précédent recensement) et 2004, le nombre moyen d'occupants d'un logement a ainsi baissé de 0,8 % par an et la part de personnes vivant seules est passée de 12,6 % à 14 %. De ce fait, le nombre de ménages augmente plus vite que la population : le nombre de ménages a augmenté de 1,2 % par an entre 1975 et 1999, alors que dans le même temps la population progressait de 0,4 %. Récemment, la progression du nombre de ménages s'est accélérée, passant de 1,1 % en 1997 à 1,3 % en moyenne entre 1999 et 2004. La conjugaison d'une population croissant plus vite récemment et d'une augmentation toujours nette du nombre de ménages rapporté à la population a poussé la demande à la hausse récemment et donc les prix immobiliers (graphique 1.8).

Graphique 1.8 Taux de croissance du nombre de ménages et des prix immobiliers réels

En %

Sources : Jacques Friggit, INSEE.

Le vieillissement de la population joue un rôle tant au niveau de la demande que de l'offre. Les personnes retraitées, qui sont massivement propriétaires, cherchent souvent des logements plus petits et plus confortables au fil des années, alimentant la demande (notamment de logements neufs). Elles alimentent aussi l'offre : d'après les notaires, les retraités sont les premiers vendeurs de logements en Ile de France. Or, les plus de 60 ans représentent 22 % de la population et leur part devrait encore augmenter, la génération du baby-boom atteignant 60 ans dans les années à venir. De ce fait, le vieillissement de la population devrait toujours contribuer au nombre élevé de transactions sur ce marché. Mais son effet sur les prix est incertain.

En Espagne, où le vieillissement de la population s'accélère et où la baisse du nombre de personnes par ménage a débuté plus tardivement qu'ailleurs, on constate aussi une nette progression du nombre de ménages : alors que la croissance moyenne du nombre de ménages a été de 1,3 % par an entre 1980 et 1996, elle a atteint 1,8 % depuis 1997.

Dans la plupart des pays, le nombre de ménages a récemment progressé rapidement : en Irlande, c'est surtout le fait de la diminution du nombre de personnes par ménage ; aux Etats-Unis, tant le vieillissement de la population que l'immigration élevée poussent le nombre de ménages à la hausse.

Finalement, les éléments démographiques décrits ci-dessus ont incontestablement été un facteur de soutien de la demande mais ils sont intervenus surtout à partir de 1999, soit un peu après le début de la reprise dans ce secteur. Ils n'ont donc pas été en tant que tels initiateurs du boom immobilier, mais ils l'ont au moins entretenu.

b. Le revenu et le taux de chômage

Le fait que des éléments démographiques jouent positivement sur la demande de logements ne signifie pas que cette dernière se réalise finalement. Pour cela, il faut que la croissance du revenu des ménages soit forte, de manière à les rendre solvables. Or le retour de la croissance dans la deuxième moitié des années 90 a engendré des revenus dynamiques.

Le dynamisme de l'emploi a soutenu le pouvoir d'achat du revenu des ménages, qui a crû à un rythme élevé jusqu'en 2001 (tableau 1.2). La baisse du taux de chômage a aussi encouragé les ménages à s'endetter pour investir dans le logement. En effet, la baisse de l'incertitude relative aux revenus futurs réduit la nécessité de se constituer une épargne de précaution et rend plus supportable le remboursement d'un endettement important.

Tableau 1.2 Evolution du taux de chômage et du revenu disponible de 1997 à 2001

De 1997 à 2001*

Taux de chômage

(en points)

Pouvoir d'achat du RDB

(crois. moy. annuelle en %)

France

-3.4

2.7

Espagne

-6.3

2.9

Royaume-Uni

-1.8

3.2

Etats-Unis

-1.0

3.7

1997-2000 pour les Etats-Unis

Sources : instituts statistiques nationaux, calculs OFCE.

Depuis 2002, avec le ralentissement économique, le revenu des ménages a crû moins vite dans la plupart des pays. Certains font cependant exception, comme l'Espagne, dont la croissance du pouvoir d'achat des ménages a été supérieure entre 2002 et 2004 à celle observée entre 1997 et 2001 (+3,2 %, après + 2,9 %), l'emploi et les salaires étant restés dynamiques. La décélération du revenu a été plus ou moins importante dans les autres pays : faible au Royaume-Uni où l'activité est restée relativement dynamique et aux Etats-Unis où les ménages ont bénéficié de baisses d'impôts importantes, plus élevée en France où l'emploi s'est contracté et où la politique budgétaire a été peu expansionniste. En 2004, avec la reprise de l'activité et l'accélération du revenu, le décalage entre la croissance des prix immobiliers et celle du revenu s'est réduit.

c. Les taux d'intérêt et le comportement des banques

Au cours des années 1990, des éléments structurels ont poussé à la baisse les taux d'intérêt : la désinflation tout d'abord, la convergence des taux européens vers les taux allemands dans la perspective de l'entrée dans la zone euro ensuite. Cet alignement au sein de la zone euro a entraîné une forte baisse des taux courts entre 1996 et 1999, en particulier dans les pays où l'inflation était toujours forte au début des années 1990, comme l'Espagne ou l'Irlande. Cet effet a été moindre en France, mais il n'a pas été négligeable cependant. Ce mouvement s'est ensuite répercuté sur les taux hypothécaires (graphique 1.9).

Graphique 1.9 Taux d'intérêts hypothécaires réels

En %

Sources : Banques centrales nationales, OCDE.

Avec le retour de la croissance et des revenus en 1997, la diminution des taux d'intérêt a peu à peu gonflé la demande de logements et donc de crédits. L'assouplissement des politiques monétaires face au ralentissement économique à partir de 2001 a cette fois concerné quasiment tous les pays industrialisés.

En Espagne, au Royaume-Uni et en Irlande, les ménages ont pleinement bénéficié des baisses de taux monétaires car ils s'endettent en grande majorité à taux variables : les taux d'intérêt sont révisables, généralement tous les ans, en fonction de l'évolution des taux courts. En Espagne, les taux hypothécaires réels sont même quasiment nuls depuis fin 2002, en raison d'une inflation toujours élevée.

En France, aux Etats-Unis et aux Pays-Bas, les ménages s'endettent principalement à taux fixe, ces derniers suivant plutôt l'évolution des taux longs. Or, la baisse des taux courts dans un contexte de faible inflation et d'aversion au risque s'est répercutée sur les taux longs. Les ménages ont donc aussi bénéficié largement de l'assouplissement de la politique monétaire dans ces pays.

Tableau 1.3 : Part des crédits immobiliers nouveaux à taux variable

En % du total des crédits

Mars 2003

Février 2005

Zone euro

45.2

58.4

Allemagne

14.5

16.8

Espagne

82.0

93.3

France

23.4

36.5

Italie

75.6

85.8

Sources : Banque de France

Dans la zone euro, les prêts à taux variables sont plus largement répandus en Italie et en Espagne, faiblement diffusés en Allemagne (tableau 1.3). La France est dans une position intermédiaire, avec un peu plus d'un tiers des nouveaux crédits contractés à taux variable.

A la demande accrue de crédits a répondu une offre plus abondante de la part des banques. En effet, le processus de désendettement des entreprises depuis 2000 a avivé la concurrence entre les banques pour capter le marché hypothécaire. Les prêts immobiliers ont été d'autant plus accordés à des conditions avantageuses par les banques, même si cette activité ne donne pas lieu à des marges importantes, qu'elle leur permet de capter de nouveaux clients et de les fidéliser, les marges étant ensuite réalisées sur d'autres opérations. De plus, la titrisation 21 ( * ) des crédits hypothécaires, en permettant aux banques de faire supporter le risque de défaut par des tiers, a incité les banques à prêter plus (voir encadré sur l'exposition des banques au risque). En rendant plus liquides les prêts hypothécaires et en abaissant leur coût pour les banques, ce mécanisme a bénéficié aux ménages sous forme d'assouplissement des conditions de prêts et de baisse des différents frais afférents.

Exposition des banques au risque

La hausse du taux d'endettement des ménages et le développement des emprunts à taux variables posent la question d'une exposition accrue des banques au risque. En effet, l'impact négatif d'une hausse des taux d'intérêt ou du ralentissement du revenu des ménages sur leur situation financière, tout comme sur leur taux de défaut, serait alors amplifié. Ceci se répercuterait ensuite de façon importante sur les banques : si les ménages ne peuvent plus faire face à leurs remboursements, les banques, même en saisissant le bien immobilier qui sert de garantie et en le vendant aux conditions du marché, peuvent ne pas rentrer dans leurs frais, notamment si les prix ont beaucoup chuté. Si leur rentabilité est affectée de façon importante, ceci peut nuire à la distribution future des crédits et plomber un peu plus l'activité économique.

Or, il semble bien que l'exposition des banques au risque de défaut des ménages n'ait jamais été aussi faible. D'abord, si les emprunts à taux variables sont de plus en plus nombreux en France, en 2004, ils n'ont représenté que 30 % des nouveaux crédits et 20 % des encours de crédits selon les données de la Banque de France. Par ailleurs, ils sont souvent « capé » (dans 86% des cas en 2004), c'est-à-dire que la hausse des taux est plafonnée, avec une limite supérieure souvent égale à 2 points de pourcentage au-dessus du taux initial. Il existe aussi des emprunts à taux variables dont les mensualités sont fixes : la hausse des taux ne se traduit pas par une augmentation des mensualités mais par un allongement de la durée des prêts (cas de 5 % des emprunts à taux variables en 2004). Il reste donc une faible proportion d'emprunts à taux variables « purs ». Enfin, les banques ont la possibilité de se protéger en transférant le risque de crédit à d'autres acteurs grâce à la titrisation : transformée en titres, la dette hypothécaire d'un ensemble de ménages peut être cédée à d'autres agents sur les marchés financiers. Etant donnés le développement de techniques plus performantes de gestion des prêts hypothécaires et la volonté des investisseurs de diversifier leur portefeuille, la titrisation des actifs hypothécaires a pris de plus en plus d'importance récemment. Si ce mécanisme est encore peu développé en France, ce n'est pas le cas aux Etats-Unis où les crédits hypothécaires sont principalement détenus par deux grandes agences fédérales et par des fonds de pension, si bien que le risque est in fine supporté par les ménages américains. La titrisation occupe aussi une large place en Espagne, au Royaume-Uni et aux Pays-Bas.

La faiblesse des taux d'intérêt conjuguée à l'allongement de la durée d'emprunt ont augmenté la capacité d'emprunt des ménages, leur permettant de continuer d'alimenter la demande de logements, malgré le ralentissement économique et la progression des prix immobiliers. D'après le chiffre de la Fnaim, la durée des prêts immobiliers accordés aux ménages est ainsi passée de 12,3 années en moyenne en 1995 à 15,9 années en 2004. Ce mécanisme a aussi joué dans d'autres pays, comme en Espagne. De plus, compte tenu de la forte hausse des prix, la part de l'apport personnel tend à diminuer. Selon les données de la Banque de France, l'apport personnel représentait 21,7 % du montant de l'acquisition en 2004, contre 26 % en 2000 (tableau 1.4).

Tableau 1.4 : Taux d'apport personnel

En % du montant emprunté

2000

2001

2002

2003

2004

France

26.3

24.7

23.8

22.3

21.7

Sources : Banque de France

Selon les données de la Fnaim, la solvabilité 22 ( * ) des ménages, qui s'était améliorée jusqu'en 1999, s'est ensuite dégradée en raison de la forte hausse des prix. Les conditions d'emprunt favorables ont permis une légère amélioration en 2002, avant une nouvelle dégradation en 2003 puis 2004, les conditions financières ne compensant plus la progression élevée des prix.

Etant donnés tous ces éléments, les crédits à l'habitat ont été très dynamiques depuis 1996 ou 1997, selon les pays : au premier semestre 2004, la croissance en glissement annuel des crédits hypothécaires atteignait encore 18 % en Espagne, 15 % au Royaume-Uni, 12 % aux Etats-Unis et 8 % en France. La croissance élevée des crédits, associée à celle du revenu, a soutenu la demande en logements et favorisé une forte hausse des prix de l'immobilier. Celle-ci, à son tour, a poussé les crédits à la hausse, obligeant les ménages à s'endetter toujours plus pour accéder à la propriété.

Le taux d'endettement des ménages a alors fortement augmenté. Il est aujourd'hui élevé dans la plupart des pays, à l'exception notable de la France où il est resté modéré (graphique 1.10). En Espagne, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis, l'endettement total des ménages dépasse désormais le revenu disponible brut annuel. Mais les ratios de remboursement rapportés aux revenus des ménages sont restés modérés en France, comme dans la plupart des pays, la hausse du remboursement du principal ayant été compensée par la baisse des paiements d'intérêts.

Graphique 1.10 Taux d'endettement des ménages

En % du revenu disponible brut

Sources : Banques centrales nationales, comptes nationaux, calculs OFCE.

Au vu de l'évolution des principaux fondamentaux des prix immobiliers (revenu, chômage et taux d'intérêt) déjà cités ci-dessus, et avant même l'étude des autres éléments intervenant dans la demande de logements, des constats différents peuvent être dressés selon les pays (tableau 1.5).

Aux Etats-Unis, la progression des prix ne semble pas déraisonnable, au vu de la croissance élevée du revenu et de la baisse des taux d'intérêt, malgré la légère remontée du taux de chômage (à 5,5 % en 2004). Au Royaume-Uni, la croissance des prix a été nettement plus forte qu'aux Etats-Unis, avec une croissance du revenu et une diminution des taux d'intérêt proche, ne justifiant pas une telle hausse des prix et ce, malgré la baisse du taux de chômage (à 4,6 % en 2004). En Espagne, la progression du revenu a aussi été élevée et la baisse des taux d'intérêt et du taux de chômage particulièrement importante, ce dernier atteignant 10,8 % en 2004 (contre 17 % en 1997). La croissance des prix paraît tout de même déconnectée de l'évolution de ses principaux fondamentaux, même si c'est dans une moindre mesure qu'au Royaume-Uni. Enfin, en France, la hausse des prix a certes été inférieure à celle observée en Espagne et au Royaume-Uni, mais l'évolution du revenu a été plus faible. Les ménages ont cependant bénéficié d'une diminution du taux de chômage (à 9,7 % en 2004) et de baisses de taux d'intérêt assez nettes, intermédiaires entre celles constatées dans les pays anglo-saxons et en Espagne.

Tableau 1.5 : Evolution des prix immobiliers réels, du revenu réel, du taux de chômage et des taux hypothécaires réels entre 1997 et 2004

Evolution entre 1997 et 2004

France

Royaume-Uni

Etats-Unis

Espagne

Prix immobiliers réels

(taux de croissance annuel moyen, en %)

7

10

4

11

Revenu réel

(taux de croissance annuel moyen, en %)

2.3

2.9

3.5

3.1

Taux de chômage

(différence en point)

-1.9

-2.2

0.6

-6.2

Taux d'intérêt hypothécaire réel

(différence en point)

-3.5

-2.5

-2.3

-4.8

Sources : banques centrales, instituts de statistiques nationaux, Halifax, National Association of Realtors, Ministerio de vivienda.

d. Les aides publiques et fiscales

Les avantages fiscaux et les aides publiques exercent une incitation non négligeable à l'accession à la propriété au détriment de la location dans beaucoup de pays. Selon une étude de l'OCDE (Van Den Noord, 2003), les avantages fiscaux (déductibilité du revenu imposable d'une partie des charges d'intérêt ou crédit d'impôt) avaient le même effet en 1999 qu'une réduction des taux hypothécaires de 2 points aux Pays-Bas, de quasiment 1 point en Irlande et en Espagne (malgré la réduction des avantages fiscaux au cours de la seconde moitié des années 1990) et d'un demi point en Italie. En Allemagne et en France, ce mécanisme n'est pas ou plus appliqué 23 ( * ) . Les ménages français bénéficient cependant d'autres avantages, comme la réduction récente des droits de mutation ou l'amortissement accéléré des frais d'acquisition pour les acquisitions dans le neuf dans un but locatif (lois Périssol, Besson et Robien). Ces dernières mesures, qui ont connu une montée en puissance depuis 1999, poussent certes dans un premier temps les prix à la hausse (du fait de l'augmentation du prix du foncier), mais à terme elles permettent d'apaiser les tensions sur le marché du fait de l'augmentation de l'offre locative.

Les ménages modestes primo-accédants peuvent aussi bénéficier depuis 1995 d'un prêt à taux zéro (PTZ) sur une partie de leur emprunt, s'ils achètent dans le neuf (et aussi dans l'ancien depuis le 1 er février 2005). Dans certaines villes (Paris ou Toulouse), la ville abonde ce prêt. Ce nouveau prêt a remplacé les PAP (prêts aidés à l'accession à la propriété). Ces derniers étant subordonnés à un apport personnel minimum, ils permettaient de financer à taux préférentiel l'intégralité du montant d'un achat immobilier. La structure de financement est un peu différente avec le PTZ : ce dernier finance à taux 0 jusqu'à 20 % de l'acquisition, ou 20 % du plafond si le coût d'acquisition dépasse le plafond, et s'accompagne d'un différé de remboursement pour les ménages les plus modestes. Selon une étude de l'INSEE (Daubresse, 2003), bénéficier d'un prêt à taux zéro permet donc d'abaisser de 1,2 point en moyenne le taux d'intérêt, ce qui s'ajoute à la baisse des taux d'intérêt hypothécaires observée dans la deuxième moitié des années 1990.

Ce PTZ peut être conjugué à d'autres aides : ainsi près de 36 % des accédants bénéficiant d'un PTZ ont aussi contracté un PC (prêt conventionné) et 30 % un PAS (prêt à l'accession sociale). Dans ce cas, les PC et les PAS représentent environ les 2/3 du capital emprunté, le PTZ 13 % selon les chiffres du SGFGAS 24 ( * ) pour 2003. Entre début 1998 et début 2002, 334 000 ménages ont bénéficié d'un prêt à taux zéro (soit 18 % des accédants récents). En 2002, les accédants récents bénéficiant d'un prêt aidé (prêt à taux zéro, prêt d'accession sociale ou prêt conventionné) ont représenté 31 % des accédants récents. Ces mesures, associées à la baisse des taux d'intérêt, ont sans nul doute permis à un certain nombre de ménages modestes de rester solvables et d'alimenter ainsi la demande malgré la forte progression des prix. Cependant, les contraintes associées à l'obtention d'un PTZ réduisent la portée de ce dispositif au fur et à mesure que les prix montent. En premier lieu, la quotité de financement d'une acquisition, c'est-à-dire le montant prêté à taux zéro rapporté au coût de l'opération, tend à diminuer du fait de l'existence d'un plafond. Ensuite, les ménages éligibles au PTZ ne peuvent emprunter sur des durées aussi longues que les autres ménages. Ce dispositif paraît donc insuffisant aujourd'hui pour démocratiser réellement l'accession à la propriété dans un contexte de forte hausse des prix.

e. Point sur la situation financière des ménages et l'inégalité face au logement

En 2004, selon les données du recensement de l'INSEE, 57 % des ménages français étaient propriétaires de leur résidence principale. Parmi les ménages ayant récemment acheté un logement (pour la première fois ou après avoir revendu un logement), les ménages ayant des revenus élevés sont nettement majoritaires. Ainsi, selon l'INSEE (Daubresse, 2003), en 2002 comme en 1996, les ¾ des accédants se situaient dans la moitié supérieure de la distribution des niveaux de vie. Par conséquent, le nombre élevé de transactions sur le marché immobilier est de moins en moins le fait d'achats effectués par les primo-accédants. En effet, leur part dans l'ensemble des accédants à la propriété a diminué, passant de 76 % en 1998 à 59 % en 2003 selon les données de la Fnaim. Ce ratio s'est dégradé jusqu'en 2000 avant de se redresser du fait de la baisse des taux d'intérêt qui a rendu solvables un plus grand nombre de primo-accédants. Cependant, depuis 2003, la hausse des prix a plus que compensé les conditions favorables d'octroi de crédits, ce ratio diminuant à nouveau. A Paris, ce ratio a atteint seulement 32 % en 2003. Les primo-accédants se voient peu à peu évincés du marché immobilier au profit d'acheteurs dotés d'un apport personnel élevé, généralement du fait d'une revente préalable d'un logement.

En ce qui concerne l'endettement immobilier et les charges qui y sont liées, la situation au sein des ménages est très hétérogène. D'après l'enquête logement de l'INSEE réalisée en 2002, plus du tiers des ménages étaient propriétaires sans charge de remboursement. L'augmentation du taux d'endettement ne s'est que peu traduite dans les mensualités totales (charges d'intérêt et remboursement du capital). Celles-ci sont restées comprises entre 7 et 8 % du revenu entre 1993 et 2003, reflétant tant la baisse de la charge d'intérêt que l'impact de l'allongement de la durée des prêts sur le remboursement du capital chaque année (graphique 1.11). En 2004, la part du remboursement du capital a même diminué (à 6,4 % du revenu).

Graphique 1.11 Mensualités des ménages relatives à l'immobilier

En % du revenu disponible brut

Sources : Banque de France.

Selon l'observatoire de l'endettement des ménages (Mouillart, 2005), la part des ménages français endettés dans l'immobilier a légèrement diminué depuis 1997 pour atteindre 29 % en 2004 (graphique 1.12). Ceci traduit le fait que le nombre de personnes qui s'endettent est un peu inférieur au nombre de ménages qui ont fini de rembourser leurs prêts. Or, comme la hausse du taux d'endettement s'est poursuivie, ce dernier est donc concentré sur un nombre restreint de ménages plus aisés qui peuvent se permettre d'emprunter plus. D'après les données de la Fnaim et de Jacques Friggit, le montant moyen d'une transaction était de 99 800 euros en 1997. En sachant que le taux d'intérêt hypothécaire moyen atteignait 6,6 % et que la durée moyenne d'emprunt était de 12,9 ans, un ménage devait acquitter des mensualités de 958 euros pour financer un logement de 99 800 euros. En 2004, avec un taux d'intérêt de 4,2 % et une durée d'emprunt de 15,9 ans, avec une même mensualité, un ménage peut acquérir un logement de 133 300 euros. Or, le montant moyen d'une transaction en 2004 a été de 189.300 euros. Ce décalage ne peut se résoudre que par une augmentation des mensualités, excluant ainsi de plus en plus de ménages de l'accession à la propriété. Si le prêt à taux zéro (cf supra) a sans doute retardé la baisse de la part des primo-accédants, il n'a cependant pas été assez important pour l'empêcher.

Graphique 1.12 Endettement immobilier des ménages

En %

Sources : Observatoire de l'endettement.

f. La demande étrangère

Un dernier élément ayant soutenu la demande est celle émanant des non résidents. Les données de la Banque de France, issues de la balance des paiements, concernent l'investissement immobilier global, à savoir non seulement le logement, mais aussi les bureaux et les usines. Elles peuvent cependant être jugées relativement représentatives du seul investissement résidentiel. En France, les investissements immobiliers étrangers ont ainsi représenté 0,6 point de PIB en 2003, après 0,3 point en 2000 et 0,1 point en 1990, signe d'une nette montée en puissance (Moec, 2004). En province, et notamment dans les villages, cette demande permet de valoriser un patrimoine qui l'était souvent peu jusqu'ici. Les vendeurs réalisent à cette occasion des plus-values élevées. Par ailleurs, cette demande étrangère permet de dynamiser certaines régions rurales, du fait du commerce et du tourisme qui en sont induits. Cependant, la hausse des prix peut avoir des conséquences non négligeables sur les personnes natives de ces régions et cherchant à se loger.

En Espagne, ce phénomène s'est aussi développé au cours des années 1990. Selon les données de la Banque d'Espagne, l'investissement immobilier étranger est passé de 0,2 point de PIB en 1994 à 0,9 point en 2003 et 2004 (avec une nette accélération à partir de 1997). Cette demande, qui émane principalement de touristes britanniques et allemands désireux de posséder une résidence secondaire sur les côtes espagnoles, commence à plafonner.

g. Constitution d'un patrimoine

Des éléments très divers peuvent pousser les ménages à se constituer un patrimoine immobilier. Une idée souvent avancée est la suivante : face à l'incertitude générale, et en particulier concernant les retraites, la possession d'un logement pour l'avenir apparaît sécurisante pour les ménages (plutôt que le paiement d'un loyer pendant des années). Cet argument serait renforcé par la hausse des loyers qui détourne une partie de la demande locative vers une demande d'achat. La faiblesse de l'offre locative et le bas niveau des taux d'intérêt poussent les locataires à devenir propriétaires. La hausse des prix immobiliers est en effet en partie compensée par la baisse des taux, alors que la hausse des loyers pèse sur les dépenses des ménages sans contrepartie.

Un autre élément qui aurait pu jouer semble à écarter : il s'agit du krach boursier, qui aurait détourné les ménages du marché boursier en les incitant à se constituer un patrimoine immobilier plutôt que financier. Or, la part des ménages investissant en bourse est faible. De plus, ces ménages, s'ils ont réalisé des moins-values importantes sur le marché boursier, ont moins d'argent à investir. Enfin, il existe maintenant des produits de couverture contre le risque auxquels les ménages ont largement accès (du type SICAV monétaires). L'investissement immobilier tend en outre à perdre de son importance, du fait de la stabilisation de l'inflation à un bas niveau qui ne justifie plus de se prémunir autant que dans les années 1980 de l'érosion monétaire des placements.

3.2. Principales conclusions des études existantes

De nombreuses études ont récemment été menées, à l'aide de modèles structurels, pour tester l'hypothèse d'existence d'une bulle immobilière dans les pays où les prix ont fortement augmenté.

Des études nationales existantes, quelques conclusions peuvent être tirées :

En ce qui concerne la France, les principaux résultats aboutissent à l'absence de bulle immobilière. Par exemple, selon l'INSEE (Bessone et Boissinot, 2005), il n'y aurait pas aujourd'hui de bulle immobilière ni de surinvestissement contrairement au début des années 1990. Il faut cependant préciser que ces estimations concernent Paris uniquement. Les études de la Banque de France (Moec, 2004), même si elles soulignent les risques de la poursuite d'une progression élevée des prix, rejettent aussi l'hypothèse de bulle.

Au Royaume-Uni, selon le NIESR (National Institute of Economic and Social Research), les prix des logements étaient supérieurs de 30 % au prix d'équilibre à la mi-2004. Depuis, la progression des prix a légèrement ralenti en rythme annuel, sans être toutefois suffisante pour que les prix retrouvent leur tendance de long terme.

Aux Etats-Unis, selon une étude de la Federal Reserve Bank of New York (MCCarthy et Peach, 2004), les prix du logement n'étaient pas surévalués à la fin de l'année 2003, la baisse des taux et la croissance du revenu étant suffisantes pour expliquer leur niveau.

Enfin, en Espagne, selon la banque d'Espagne (Martinez et Maza, 2003), en 2002, la surévaluation des prix était de l'ordre de 8 à 17 %. La progression des prix étant toujours élevée, cette surévaluation n'a pu que s'amplifier, aucun changement majeur n'étant intervenu sur les déterminants fondamentaux.

Dans une étude parue en septembre 2004 et menée sur un certain nombre de pays industrialisés, le FMI aboutissait à la conclusion que les logements étaient surévalués au Royaume-Uni, en Irlande et en Espagne de 10 à 20 % par rapport à leur valeur d'équilibre. En ce qui concerne la France, cette étude faisait aussi état d'une légère surévaluation. Pour les Etats-Unis, les prix paraissaient en ligne avec leurs déterminants.

Section 4. L'immobilier de logement comme actif

L'immobilier est demandé comme service de logement. Mais ce service est issu d'un « bien capital », qui en tant que tel est affecté d'un rendement. Ce rendement est aisément identifiable pour les propriétaires-bailleurs : il s'agit du loyer versé par le locataire au propriétaire, qui rapporté à la valeur du bien, définit le taux de rendement locatif. Pour les propriétaires qui occupent leur logement, le loyer qui, de fait, n'est pas payé à un bailleur, constitue un rendement implicite 25 ( * ) . Un ménage bailleur ou occupant ne s'engagera donc dans un investissement immobilier que si le loyer est suffisant pour procurer un rendement attractif à l'opération en comparaison de celui des autres placements, les actions et les obligations.

4.1 Le rendement locatif de l'immobilier de logement

Le rendement d'un actif dépend de son prix et du revenu qu'il engendre pour son possesseur. Après plusieurs années de forte hausse des prix, on peut s'interroger sur une éventuelle surévaluation de l'immobilier, qui se traduirait par une baisse des rendements, d'abord en comparaison des valorisations atteintes lors des cycles passés puis par rapport au rendement des autres actifs, les obligations et les actions 26 ( * ) .

Comme on pouvait s'y attendre, la hausse des prix a fait baisser le rendement de l'immobilier depuis le point haut atteint en 1999 à 4,3 % 27 ( * ) (graphique 1.13). Après avoir rejoint un plancher en 2003 à 2,9 %, établi lors des derniers pics cycliques du marché en 1980 et en 1991, le rendement a enregistré en 2004 un plus bas historique à 2,4 %, conséquence de la hausse qui s'est poursuivie cette année-là. L'anomalie de 2004, déjà relevée au cours de l'analyse cyclique à l'échelle du territoire français, réapparaît ici sous un autre angle. De ce point de vue, il est instructif de distinguer les évolutions des rendements dans la France entière de celles observées à Paris 28 ( * ) , où le point bas enregistré en 1991 à 1,5 % est loin d'avoir été rejoint, puisqu'en 2004 le rendement locatif du logement s'établissait à 2,2 %, un niveau un peu inférieur à celui de la France entière. L'anomalie des rendements en 2004 ne touche donc finalement que la province, à la réserve près que le rendement de l'agglomération parisienne, hors Paris, n'est pas connu 29 ( * ) . Si bulle il y a, elle ne concerne pas la région parisienne, ce qui avait déjà été pressenti par l'analyse cyclique.

Graphique 1.13 Comparaison du rendement de l'immobilier, des actions et des taux d'intérêt longs

En %

Sources : FNAIM, Chambre des Notaires de Paris, Observatoire des Loyers de la Région Parisienne, Datastream, Jacques Friggit, calculs OFCE.

La baisse des rendements de l'immobilier de logement résulte de la hausse des prix elle-même liée à la forte baisse des taux d'intérêt sur la période, qui en termes réels ont retrouvé des niveaux comparables à ceux d'il y a vingt-cinq ans. La baisse des taux d'intérêt, couplée à l'allongement de la durée des prêts accordés par les banques, a solvabilisé la demande dans un contexte de prix élevés et a permis d'entretenir leur hausse. En ce qui concerne l'investissement locatif, la baisse des taux a rendu moins attractifs les placements obligataires, encourageant le déplacement de l'épargne vers l'immobilier, devenu autant rémunérateur.

Dans le même temps, les excès de valorisation des marchés boursiers avaient conduit, en 2000, le rendement effectif 30 ( * ) des actions à un minimum depuis l'origine de l'indice (1973). Le redressement des rendements boursiers, lié à la chute du cours des actions entre 2000 et 2003, s'est fait au prix d'une crise des marchés sans précédent qui en retour a profité à l'immobilier. Ce balancement n'est d'ailleurs pas circonscrit à la première moitié des années 2000 : historiquement, les fluctuations des rendements boursiers coïncident avec des fluctuations de sens contraire des rendements de l'immobilier. Baisse des taux et des rendements boursiers à des niveaux historiquement bas ont donc drainé l'épargne vers l'immobilier, dont les rendements étaient historiquement élevés à l'orée du nouveau siècle.

Ces ajustements sont-ils appelés à durer, et donc à maintenir les flux d'épargne vers l'immobilier, empêchant le reflux des prix et le redressement des rendements, ou au contraire le processus est-il arrivé à son terme ? La réponse à cette question ne se trouve pas dans l'examen d'une hausse des prix de l'immobilier à deux chiffres que l'on pourrait, pour cette raison, sommairement juger comme excessive, mais bien dans la comparaison des rendements des différents actifs.

La mesure de la différence des rendements peut être prise en calculant les écarts de rendement entre les placements non obligataires avec le taux d'intérêt long réel (graphique 1.14). Même si la hausse des prix a été suffisamment ample depuis le point bas de 1998 pour entraîner un recul du rendement de l'immobilier de près de 2 points, relativement au rendement des obligations elle n'a pas été excessive. De fait, la baisse du rendement de l'immobilier a accompagné dans la même mesure le recul des taux d'intérêt, de l'ordre de 2 points lui aussi sur la même période. Au total, par rapport aux placements obligataires, l'immobilier dégage un rendement supplémentaire, modeste certes, mais d'une remarquable tenue eu égard à la non moins remarquable montée des prix depuis six ans 31 ( * ) .

Le rendement relatif à Paris n'est pas fondamentalement différent de celui de la France entière dans la période récente. La hausse des prix à Paris n'a pas été suffisante pour dégrader la profitabilité relative de l'investissement immobilier comme dans la seconde moitié des années quatre-vingt. On y voit ici une confirmation supplémentaire de ce que l'on avait déjà mis en évidence lors des analyses historiques : la hausse des prix sur le marché parisien paraît bien ne pas relever du phénomène de bulle spéculative dès lors qu'elle est justifiée par le maintien des rendements.

L'information nouvelle émanant de l'analyse des écarts de rendement est que la hausse des prix pour la France entière, et par déduction pour la province, dont on a vu qu'historiquement elle aurait pu relever d'une anomalie au vu des niveaux atteints, n'a rien à voir avec un phénomène de bulle spéculative, mais est aussi justifiée par le maintien des rendements relatifs.

Un retour sur les évolutions passées permet finalement de mettre en exergue les différences avec la situation présente. On a vu lors de l'analyse cyclique pour la France entière que les prix avaient crû continûment de 1965 à 1981, d'abord le long de la tendance entre 1965 et 1975, puis avec une accélération de 1976 à 1981. De fait, l'accélération de l'inflation durant la période maintenait les taux d'intérêt réels à un niveau très inférieur à celui du rendement du logement, ce qui justifiait la hausse des prix immobiliers. L'accélération des prix de l'immobilier à partir de 1976 peut trouver une explication dans l'effet inflationniste du premier choc pétrolier.

Graphique 1.14 Ecart entre le rendement des placements non obligataires et le taux des obligations d'état à 10 ans

En points

Sources : FNAIM, Chambre des Notaires de Paris, Observatoire des Loyers de la Région parisienne, Datastream, Jacques Friggit, calculs OFCE.

Les taux réels négatifs deux années consécutives, 1974 et 1975, ont pu déstabiliser durablement les anticipations inflationnistes des investisseurs qui, face à une situation inédite mais susceptible de se reproduire, ont trouvé refuge dans « la pierre ». Le mouvement acheteur s'est inversé après 1981 quand les taux réels ont dépassé les rendements de l'immobilier. La réorientation de l'épargne vers les obligations, et la correction du marché de l'immobilier qui s'en est suivie, ont permis un redressement des rendements de la pierre, qui n'ont toutefois jamais pu rejoindre les taux réels (graphique 1.13).

C'est dans ce contexte de rendement relatif négatif de l'immobilier qu'est apparue une phase exceptionnelle de reprise des prix en région parisienne à partir de 1986 32 ( * ) . Rien ne justifiait cette hausse, ni les rendements de l'immobilier, ni un éventuel report sur l'immobilier parisien de liquidités placées sur les marchés boursiers, dont les rendements étaient tombés à des niveaux historiquement bas en 1986 33 ( * ) . Il semble bien ici que la précédente phase de hausse se soit déclenchée en dehors de tout déterminant autre que le phénomène de bulle spéculative qui pousse les investisseurs « à se placer », non pas dans la perspective d'un rendement, mais dans l'espoir de trouver un acheteur qui consentira à payer demain plus cher ce qu'ils auront acquis aujourd'hui.

Les déséquilibres, qui ont atteint leur paroxysme à l'orée de la décennie quatre-vingt-dix, devaient appeler une correction. L'éclatement de la bulle parisienne s'est prolongé jusqu'en 1998, conduisant alors à une normalisation des rendements facilitée par le recul des taux d'intérêt réels. La situation actuelle du marché, malgré la forte hausse des prix, n'est que le prolongement de cette normalisation, prolongement obtenu grâce à la baisse des taux d'intérêt.

4.2 Le rôle des loyers dans la formation du rendement de l'immobilier

Les loyers n'ont a priori aucun lien contractuel avec le prix de l'immobilier ancien, c'est-à-dire qu'une hausse du prix des logements ne se répercute pas instantanément par une variation proportionnelle des loyers. La hausse des prix ne peut donc conduire à une spirale prix-loyers, à l'image des spirales prix-salaires qui ont mené le conflit de répartition après les chocs pétroliers par exemple. Institutionnellement, les augmentations de loyer sont régies par la loi du 6 juillet 1989 qui stipule d'un côté les règles de révision en cours de bail et de l'autre l'augmentation possible à l'occasion du renouvellement d'un bail. En cours de bail, le loyer peut être révisé annuellement selon un mécanisme d'indexation sur le coût de la construction établi par l'INSEE 34 ( * ) . S'il s'agit d'un renouvellement de bail, l'augmentation n'est proposée que si, selon les termes de la loi, « le loyer est manifestement sous-évalué par rapport à celui des logements comparables du voisinage ». En revanche, l'établissement d'un nouveau bail est sans contrainte.

Dans la période récente, la hausse réelle des prix de l'immobilier, près de 8 % l'an en moyenne depuis 1998, est hors de proportion avec celle des loyers, 0,3 % l'an en moyenne sur la même période 35 ( * ) . Cette hausse moyenne résulte d'une reprise de la hausse des loyers en 2003 et en 2004, après trois années de recul (graphique 1.15). Les évolutions récentes restent toutefois très en deçà de celles enregistrées entre 1981 et 1999 au rythme annuel moyen de 2,1 %.

Du point de vue des observateurs inquiets d'un éventuel retournement du marché, la reprise de la hausse des loyers éloigne le spectre d'une baisse des rendements relatifs de l'immobilier. Elle pourrait contrecarrer une remontée, graduelle, des taux d'intérêt réels pour préserver la normalisation des rendements. Le redressement de l'indice du coût de la construction depuis quelques années ne peut d'ailleurs qu'y contribuer, même si le lien entre le taux de croissance des loyers et celui de cet indice, qui n'est, on l'a vu, qu'une des modalités de révision des loyers parmi d'autres, est parfois très lâche.

Graphique 1.15 Taux de croissance réel des loyers et de l'indice du coût de la construction

En %

Sources : INSEE, Jacques Friggit, calculs OFCE.

La pratique de la vente à la découpe, contestée, est pourtant un facteur de soutien des rendements de l'immobilier. Elle consiste à vendre lot par lot un immeuble détenu à l'origine par un seul propriétaire. D'abord elle est un facteur de modération des prix, en augmentant l'offre de logements à destination du marché 36 ( * ) . Ensuite, elle permet, après l'expiration du bail des locataires ayant décliné la proposition d'achat du vendeur, l'établissement d'un nouveau bail qui peut être l'occasion d'un ajustement des loyers à la hausse.

Le phénomène, parfois spectaculaire quand sont menées de grosses opérations impliquant des acteurs du marché connus, ne doit cependant pas être surestimé. A Paris, les ventes à la découpe ne représentaient que 15 % de l'ensemble des transactions, non loin de la moyenne depuis 1992, et sous les plus hauts de 1997-98 (graphique 1.16). Cette pratique, tendant à se développer avec la hausse des prix qui ouvre des opportunités de réalisation de plus-values pour les détenteurs d'un patrimoine immobilier, n'a pas conduit jusqu'à maintenant à un emballement et ne justifie pas les propos alarmistes de certains observateurs.

Le point de vue des investisseurs ou des responsables politiques évaluant les risques d'un retournement du marché, ou recherchant les opportunités de l'éviter, n'est pas celui des locataires qui auraient à supporter des hausses conséquentes loyer, quelles qu'en soient les modalités (indexation, renouvellement ou établissement de nouveaux baux lors de ventes à la découpe). Jusqu'en 2004 le problème ne s'est pas posé, les hausses de loyer en termes réels étant restées très modérées. Mais le ralentissement possible de l'inflation en 2005, couplé à la hausse nominale des loyers, appelle à la vigilance et à la conduite d'une réflexion sur l'accompagnement social de la hausse des loyers.

Graphique 1.16 Part des ventes à la découpe dans les transactions à Paris

En %

Source : Chambre des Notaires de Paris.

4.3 Le rendement global de l'immobilier

Un autre élément entrant dans la composition du rendement pour un investisseur est la plus-value sur l'actif détenu, qui s'ajoute à son revenu récurrent. Avec la reprise du marché de immobilier, le rendement relatif global, ou prime de risque, additionnant le rendement locatif et les plus-values annuelles, s'est fortement accru, passant d'un niveau quasiment nul en 1998 à 13 % en 2004 37 ( * ) (graphique 1.17). On n'observe pas, à l'heure actuelle, de différence notable entre les rendements globaux à Paris et ceux de la France entière. Le marché en province ne semble donc pas se comporter différemment du marché à Paris. Sa hausse récente, même si elle a conduit à des rendements globaux plus élevés que lors du précédent pic en 1989, n'est pas plus spéculative que la hausse à Paris, dont on a vu qu'elle ne relevait pas du phénomène de bulle contrairement au pic des rendements à la fin des années quatre-vingt. L'équivalence actuelle des rendements en province et à Paris témoigne probablement de ce que la liquidité du marché en province a rejoint la liquidité parisienne.

La longueur des cycles de l'immobilier fait souvent oublier que ce marché évolue conformément à une trajectoire cyclique. En cours de phase, les baisses comme les hausses prolongées des rendements finissent souvent par paraître excessives aux yeux des observateurs manquant de recul historique. Elles peuvent effectivement l'être, comme dans les années quatre-vingt à Paris. Mais quand elles le sont, c'est à un degré bien moindre qu'en bourse. Et puis il semble bien que cette fois la bonne tenue du marché ait des fondements solides, et ne relève pas de l'exagération.

Graphique 1.17 Ecart entre le rendement global des placements non obligataires et le taux des obligations d'état à 10 ans

En points

Sources : FNAIM, Chambre des Notaires de Paris, Observatoire des Loyers de la Région parisienne, Datastream, Jacques Friggit, calculs OFCE.

Partie 2. Le canal « immobilier » de la transmission de la politique monétaire

La baisse des taux d'intérêt amorcée en 2002 avait pour objectif de stimuler les économies après le ralentissement consécutif à l'éclatement de la bulle internet et aux attentats du 11 septembre 2001. La stimulation monétaire s'est doublée dans certains pays (principalement aux Etats-Unis et au Royaume Uni) d'une stimulation budgétaire massive. Le principal canal de la transmission de la politique monétaire n'a pas été le canal usuel de l'investissement des entreprises. La digestion de la bulle internet, qui avait laissé des traces profondes dans les bilans, explique probablement que ce canal n'ait pas fonctionné. L'attention s'est donc portée sur le canal immobilier, particulièrement vigoureux dans les pays où la stimulation monétaire a été la plus efficace. Dans les pays où, profitant de la baisse des taux, les ménages se sont endettés, l'immobilier a connu une activité forte, les transactions entre ménages ont poussé les prix à la hausse, le taux d'épargne des ménages a baissé et la consommation a été particulièrement dynamique. Ainsi, en Espagne, au Royaume Uni et aux Etats-Unis la croissance a été soutenue par le marché immobilier. A l'opposé, en Allemagne, l'atonie du marché immobilier depuis 2001 coïncide avec une hausse du taux d'épargne des ménages et une croissance anémique. En France, depuis 2001, la hausse de l'endettement des ménages est significative et s'accompagne d'une baisse du taux d'épargne de plus d'un point. Si la stimulation monétaire par le canal immobilier joue moins qu'au Royaume-Uni ou qu'aux Etats-Unis, son impact paraît suffisant pour expliquer la différence de conjoncture avec l'Allemagne.

Nous proposons une modélisation et des estimations économétriques qui permettent de représenter et de quantifier le canal de stimulation monétaire par l'immobilier. Cette modélisation apparaît robuste, conduit à un ordre de grandeur plausible et permet de mesurer les différences de sensibilités des différents pays à la stimulation monétaire entreprise depuis 2001. Pour une part, les évolutions défavorables du revenu et du chômage ont limité en France et en Allemagne le développement de l'endettement des ménages et d'autre part, des facteurs structurels, liés au fonctionnement du marché bancaire, limitent l'impact de la politique monétaire via ce canal en France et en Allemagne, toutes choses égales par ailleurs.

Pour la zone euro prise dans son ensemble, les évaluations partielles que nous avons faites suggèrent une sensibilité moitié moindre qu'aux Etats-Unis de la politique monétaire. La stimulation monétaire ayant également été approximativement moitié moindre en zone euro qu'aux Etats-Unis, l'impact sur la croissance aura été environ quatre fois moindre en zone euro qu'aux Etats-Unis, contribuant largement à l'explication l'écart de croissance entre les deux zones.

Dans une première section, nous présentons les déterminants de la consommation et la justification théorique que nous pouvons y apporter. Dans une deuxième section, nous décrivons l'intégration de cette fonction de consommation dans le modèle macroéconométrique de l'OFCE, e-mod.fr, puis dans une troisième section nous livrons les principaux résultats et enseignements de cette modélisation.

Section 1. Les déterminants de la consommation des ménages : richesse ou endettement ?

1.1. La consommation : modèles théoriques et résultats empiriques

Dans l'approche la plus naïve, habituellement nommée keynésienne, la consommation dépend principalement du revenu courant. Cette relation possède une certaine régularité macroéconomique et constitue un point de départ généralement fécond pour expliciter le comportement agrégé des consommateurs. Ce modèle de base peut être enrichi de façon à rendre le taux d'épargne dépendant du taux d'inflation (encaisses réelles), des taux d'intérêt réels court ou long, de la nature des revenus (revenu du travail, revenu de remplacement ou revenu du capital), du taux de chômage (épargne de précaution) ou d'autres variables déterminant les conditions de vie des ménages. Les réflexions théoriques récentes ont contesté le lien avec le revenu courant sur la base de deux arguments principaux. Le premier est l'argument du cycle de vie. Les ménages anticipent leur revenu tout au long de leur existence et ajustent leur plan de consommation en fonction de leur vision de l'avenir. En l'absence de contraintes de liquidité, le ménage type n'est pas obligé de consommer moins que son revenu. Il s'endette au début de son existence, épargne au sommet de sa courbe de revenu et désépargne lorsque son activité se réduit. Cette approche théorique relie la consommation au revenu permanent, somme actualisée des revenus futurs et de la richesse initiale. Individuellement, chaque ménage a une consommation stable, qui ne dépend que des arbitrages intertemporels de son utilité. Au niveau macro économique, on établit un lien entre richesse agrégée des ménages et consommation agrégée, si les consommateurs sont parfaitement rationnels, ne sont pas contraints par la liquidité (peuvent consommer plus que leur revenu à chaque période) et ont accès à des marchés parfaits (pour réaliser tous les arbitrages intertemporels). Le deuxième argument suppose que les ménages considèrent que la dépense publique sera financée par l'impôt et donc que celle-ci n'est pas séparable de la dépense privée. Il s'agit là de l'argument ricardien, remis au goût du jour par Barro.

Ces deux pistes théoriques ont renouvelé l'approche de la formalisation de la consommation. Néanmoins, leurs conclusions quant au lien entre consommation et revenu courant ne sont pas confortées par l'examen des données. La synthèse de ces deux courants théoriques peut être faite en considérant que les hypothèses principales sont irréalistes et que le modèle pur doit être amendé pour tenir compte de la contrainte de liquidité, de l'imperfection des marchés ou de capacités cognitives inférieures à la rationalité parfaite chez une partie des consommateurs au moins. On retiendra cependant que le modèle naïf de consommation peut être augmenté d'un comportement ricardien, d'effets de richesse et que l'imperfection des marchés peut justifier des modélisations ad hoc , mais qu'on attend des données statistiques qu'elles confirment le réalisme de ces hypothèses.

Graphique 2.1 Taux d'épargne des ménages en France, 1983-2004

En %

Sources : INSEE Comptabilité nationale, base 95, version des comptes de janvier 2005

Empiriquement, le modèle naïf, augmenté de l'influence du chômage, de l'inflation, en tenant éventuellement compte des sources de revenus, permettait une bonne description des données françaises jusqu'à la fin des années 1980 (graphique 2.1). Le modèle avait une capacité prédictive correcte, permettait des bouclages macroéconomiques non triviaux, mais n'était pas très performant pour retranscrire l'impact des taux d'intérêt sur le taux d'épargne. L'effet de revenu (un taux d'intérêt plus élevé implique des revenus d'intérêt plus élevés, qui sont consommés) aurait contredit l'effet substitution (un taux d'intérêt plus élevé oriente les choix individuels vers plus d'épargne) et les taux d'intérêt auraient un effet ambigu, non mesurable. A partir des années 1990, la déréglementation financière aurait perturbé le modèle antérieur et la fonction de consommation est devenue très difficile à spécifier et à estimer. Equations instables, impact des principales variables insatisfaisant, les données des années 1990 étaient difficiles à intégrer. Plus particulièrement, la hausse de l'épargne à partir de 1995, dans un contexte de taux en baisse, de forte progression de la richesse financière des ménages, d'inflation maîtrisée et de baisse du chômage apparaissait peu compatible avec les évolutions passées. Comparée aux autres pays, la France présentait un comportement atypique, avec une épargne inexpliquée de l'ordre de un à deux points en 2001. La baisse de l'épargne à partir de 2003 est également surprenante, puisque cette fois, les effets de richesse financière, l'évolution du pouvoir d'achat et le chômage auraient justifié une hausse. La baisse des taux d'intérêt aurait pu être invoquée, mais elle n'explique pas le phénomène entre 1997 et 2000.

L'introduction des effets de richesse dans le modèle de consommation ne fonctionne pas suffisamment pour que les résultats soient stables. De plus, la richesse présente une grande variance, liée aux évolutions du prix des actifs et d'une période à l'autre les liens empiriques apparaissent ou s'évanouissent. D'autres pays affichent les mêmes caractéristiques. Ainsi, l'effet richesse financière explique bien la baisse de l'épargne aux Etats-Unis jusqu'en 2001, mais l'éclatement de la bulle internet et l'évaporation d'une partie du capital financier des ménages aurait dû induire une remontée franche du taux d'épargne après 2001. La richesse immobilière aurait pu prendre le relais, mais l'argument théorique veut que la richesse immobilière n'intervienne pas dans les choix d'épargne du consommateur. Une hausse du patrimoine immobilier est certes une hausse d'un actif, mais il est contrebalancé par une hausse du prix du service de logement (le loyer implicite lorsqu'on est propriétaire de son logement, explicite si on est locataire) qui oblige à consacrer une part plus importante de son revenu au logement. Si la somme actualisée des loyers diminuée de la dépréciation de l'immobilier est égale au prix de l'actif immobilier, les deux éléments s'équilibrent exactement laissant inchangée la situation du propriétaire (voir OCDE 2001 pour une argumentation développée).

1.2. Expliquer la consommation par l'endettement

Ces arguments pour intéressants qu'ils soient ne sont donc pas suffisants empiriquement pour quantifier un canal convaincant de la politique monétaire. La base de notre modélisation utilise les mêmes soubassements, mais cherche à prendre en compte plus largement les imperfections et les asymétries d'informations qui caractérisent la question du comportement de consommation et des effets patrimoniaux sur l'épargne. A la suite de Brender et Pisani, par exemple, mais aussi de Stiglitz, nous plaçons le secteur bancaire au centre de l'intermédiation financière des ménages. La contrainte de liquidité ou la difficulté à produire des anticipations rationnelles peuvent expliquer le modèle que nous validons sur les données.

La formalisation proposée repose sur l'introduction de la variable « taux d'endettement bancaire» dans l'équation de consommation. L'endettement considéré est ici l'endettement bancaire total. Le taux d'endettement est l'endettement rapporté au revenu disponible brut. Il y a une corrélation forte entre endettement total et endettement hypothécaire (ou endettement à destination spécifique de l'achat ou de l'investissement immobilier) et les spécifications pourraient fonctionner avec l'endettement immobilier seul. De plus, l'endettement non immobilier, par des crédits à la consommation, est une fraction faible de l'endettement total (5 %). Enfin, la décomposition de l'endettement entre consommation et immobilier n'est pas aussi facilement disponible que la série d'endettement total.

La spécification retenue pour le long terme est la suivante (les modèles sont des modèles à correction d'erreur, estimés en une étape, comme détaillé en annexe 1) :

Ln(C) = 1*ln(RDB) + ln(ENDET/RDB) + ln(X) +

où ENDET est l'endettement bancaire total, RDB le revenu disponible brut.

Le coefficient du revenu est contraint à 1, le signe attendu pour est positif et X représente d'autres variables qui ont été essayées, comme le taux d'intérêt réel, la richesse financière rapportée au revenu, le taux de chômage. Pour la France, aucune variable « X » n'intervient significativement.

Le tableau 2.1 donne les principaux résultats économétriques de cette équation pour la France, l'Allemagne et les Etats-Unis :

Tableau 2.1 Equation de long terme du taux de consommation (TC)*

France

Allemagne

Etats-Unis

Taux d'endettement (TE)**

0.06

0.06

0.10

Richesse immobilière (RI) ***

0.13

Richesse financière (RF)****

0.09

Déréglementation (Dum) *****

0.02

* log(Consommation des ménages / Revenu disponible brut)

** log(Endettement des ménages / Revenu disponible brut)

*** log(Patrimoine immobilier / Revenu disponible brut)

**** log(Patrimoine financier / Revenu disponible brut)

***** Dummy entre 1985 et 1991

Sources : comptes trimestriels, calculs OFCE.

L'équation de consommation est complétée par une équation qui décrit l'endettement bancaire des ménages (le modèle complet est un MCE, estimé en une étape, comme détaillé en annexe 1) :

ln(ENDET/RDB) = a (g-rl) - b U + c ln(PATIMMO/RDB) + d (rl - rc)

où ENDET est l'endettement bancaire total, RDB le revenu disponible brut, g le taux de croissance du revenu nominal, rl le taux des obligations à 10 ans nominal, U le taux de chômage, PATIMMO le patrimoine immobilier brut, rc le taux d'interêt à 3 mois.

Les déterminants introduits et qui ressortent significativement pour la France sont la différence entre la croissance du revenu (nominal) et le taux d'intérêt long (nominal également). Cette différence est un écart critique, indiquant la capacité globale des ménages à faire face aux charges d'intérêt futures, capacité d'autant plus importante que la croissance des revenus est forte et d'autant plus faible que le taux d'intérêt est élevé. Le taux de chômage joue négativement sur le taux d'endettement des ménages. Plus le taux de chômage est élevé, plus la situation d'un emprunteur salarié est précaire, et à revenu égal, une banque sera plus réticente à prêter. La richesse immobilière joue positivement sur le taux d'endettement. En effet, une hausse de la valeur moyenne des biens immobiliers oblige les ménages à emprunter plus lorsqu'ils souhaitent accéder à la propriété. Enfin, l'écart entre le taux long et le taux court intervient. Les établissements prêteurs aux ménages se refinancent généralement à court terme et prêtent à des taux proches du long terme. Une partie de la marge bancaire se trouve dans l'écart de taux. Lorsqu'il est plus élevé, le taux d'endettement tend à augmenter. L'écart de taux peut également mesurer les anticipations de croissance ou d'inflation et avoir un impact sur le taux d'endettement par ce biais.

Le tableau 2.2 résume les principaux résultats :

Tableau 2.2 Equation de long terme du taux d'endettement

France

Allemagne

Etats-Unis

Ecart critique (g- i LT ) **

0.036

0.035

0.05

Ecart de taux ***

0.025

0.045

Taux de chômage ****

-0.04

-0.08

Richesse immobilière *****

0.05

Déréglementation******

0.22

* log(Endettement des ménages / Revenu disponible brut)

** L'écart critique est la différence entre le taux de croissance du revenu des ménages (g) et le taux d'intérêt à long terme (i LT ).

Cet écart illustre la capacité des ménages à emprunter

*** Ecart entre le taux d'intérêt de long terme (10 ans) et celui de court terme (3 mois)

**** Au sens du BIT

***** log(Patrimoine immobilier / Revenu disponible brut)

****** Dummy entre 1985 et 1991

Sources : comptes trimestriels, calculs OFCE.

1.3. Une forme réduite où la richesse immobilière joue

La forme réduite de l'équation de consommation et de l'équation d'endettement conduit à une équation où le taux d'épargne dépend positivement du taux de chômage et négativement de l'écart critique, de l'écart de taux ainsi que de la richesse immobilière. On a ainsi une fonction de consommation avec les déterminants requis pour la mise en place d'un scénario complet et bouclé. On arrive par le biais du taux d'endettement à estimer une fonction de consommation proche des aspirations des modèles théoriques. Dans les estimations pour la France, c'est bien uniquement la richesse immobilière qui apparaît déterminer significativement le taux d'endettement. La richesse financière ne joue ni directement sur le taux d'épargne, ni sur le taux d'endettement. On obtient là un résultat opposé aux prédictions de certains modèles théoriques à effet de richesse dans lesquels seule la richesse financière (hors immobilier) est censée jouer sur le taux d'épargne.

Pour la France, la forme réduite de l'équation de consommation ne ressort pas lorsqu'on tente de l'estimer directement. Une explication est que les banques perturbent par leur comportement la transmission des fondamentaux économiques au comportement de consommation. L'information contenue dans le taux d'endettement résume les fondamentaux économiques, mais également une variable omise, corrélée au résidu de l'équation de taux d'endettement. Le comportement d'offre des banques n'est donc pas complètement neutre, du fait soit d'une meilleure extraction de l'information par le secteur bancaire, connaissant sa clientèle et son risque de défaut (asymétrie d'information), soit d'une imperfection du marché bancaire (sélection des emprunteurs du fait du pouvoir de monopole des banques). En l'état, les estimations ne permettent pas de conclure entre ces hypothèsess.

A l'aide de ces deux équations, nous pouvons comparer l'impact d'un choc de taux d'intérêt en France, en Allemagne et aux Etats-Unis (graphique 2.2). En ne prenant pas en compte l'ensemble du bouclage macro-économique, le résultat de cet exercice est partiel. Le système taux de consommation/taux d'endettement est équivalent à l'équation réduite du taux de consommation. Il permet toutefois de faire ressortir deux résultats :

A court terme, la sensibilité de la consommation au taux d'intérêt est plus forte et plus rapide aux Etats-Unis qu'en France et surtout qu'en Allemagne.

A long terme, la sensibilité de la consommation au taux d'intérêt est identique en France et en Allemagne. Elle est 2,5 fois plus forte aux Etats-Unis.

Graphique 2.2 Impact ex-ante d'une baisse d'1 point de taux d'intérêt sur la consommation des ménages

En écart au compte central, en %

Sources : comptes trimestriels, calculs OFCE.

1.4. L'extraction hypothécaire et la liquidité du patrimoine immobilier

L'extraction hypothécaire, définie comme la différence entre la variation de l'encours d'endettement (hypothécaire ou immobilier) et l'investissement en logement, est le concept qui permet usuellement de prendre en compte la liquidité issue des opérations immobilières et que les ménages peuvent consacrer en partie à la consommation. L'extraction hypothécaire est donc le flux net de crédits qui sont consacrés à l'achat de biens anciens à un autre ménage. Le ménage qui bénéficie du crédit ne le consomme pas ; il achète un bien immobilier. Sa situation patrimoniale est inchangée, puisqu'il a d'un côté un bien et de l'autre une dette bancaire. Le ménage vendeur dispose de la somme en liquide. Il peut à son tour acheter un logement (plus grand ou plus petit, avec un crédit supplémentaire ou non), mais au bout du compte, le montant du crédit accordé par la banque sera détenu sous forme liquide par un ménage. Pour ce ménage en bout de chaîne, son patrimoine immobilier est réalisé, son revenu disponible brut est inchangé (l'opération est comptabilisée dans le compte de capital) ; il peut placer la somme ou la consommer (voir l'annexe 2). Si les ménages étaient tous rationnels et non contraints, augmenter l'endettement de l'un pour acquérir un bien immobilier ne devrait pas modifier la structure ou le niveau du patrimoine des autres. Mais, les prix de l'immobilier étant fluctuants, une plus value latente n'est pas tout à fait la même chose qu'une plus value réalisée. La bonne surprise d'un patrimoine bien vendu peut amener à consommer plus que la seule foi dans un potentiel de richesse. Le bien immobilier étant fréquemment la résidence principale du ménage, la plus-value immobilière est réalisée au moment où les besoins du ménage en matière de services de logement se réduisent : départ des enfants, retraite, séparation, etc. Le changement de résidence est alors l'occasion de faire un bilan patrimonial certain, puisqu'on sait combien on vend et combien on achète.

Les variations de l'extraction hypothécaire atteignent plusieurs points de revenus, suivant les périodes, ce qui joue sur les évolutions macroéconomiques. Récemment, aux Etats-Unis, la recharge d'hypothèques, c'est-à-dire la possibilité d'emprunter avec comme collatéral un bien déjà engagé et remboursé partiellement, associé à une concurrence vive des établissements bancaires sur les renégociations d'emprunts déjà contractés, ont conduit à injecter dans l'économie américaine plus de 200 milliards de dollars de 2002 à 2004 (Borgy, 2004). Cette capacité à recharger les hypothèques peut avoir un impact d'autant plus fort sur l'épargne que les ménages sont contraints par la liquidité.

Aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, l'extraction hypothécaire est respectivement de l'ordre de 3 % et 7 % du revenu disponible en 2004. En France, en raison d'un apport personnel plus important et de l'absence de recharge d'hypothèque, les flux nets de crédit sont inférieurs à l'investissement en logement. Sur la période 1983-2004, l'extraction hypothécaire est en moyenne négative à -6 % du RDB (graphique 2.3). Cependant, depuis 2003, ce montant est moins négatif, environ 3 points de revenu ayant ainsi été rendu disponibles sous forme liquide.

Dans l'approche de l'OCDE (2001), l'extraction hypothécaire est considérée comme un complément au revenu disponible. Rappelons que l'extraction hypothécaire est une somme sur un compte courant qui a pour contrepartie un endettement supplémentaire au niveau agrégé. Elle n'est donc pas comptabilisée dans le compte de revenu. L'extraction hypothécaire est alors introduite dans la fonction de consommation comme le revenu, avec une élasticité différente.

Graphique 2.3 Extraction hypothécaire en France

Sources : INSEE, BdF, calculs OFCE

L'approche que nous proposons relie le taux d'endettement, ratio de l'encours d'endettement au revenu disponible, au taux de consommation. Le lien n'est pas le lien direct retenu dans l'approche OCDE, puisque c'est l'encours de crédit qui explique la consommation. La justification est que l'encours d'endettement indique quel est le degré global de liquidité du patrimoine immobilier. Plus l'encours d'endettement est élevé, plus les achats sont nombreux, permettant à un plus grand nombre de ménages de réaliser des plus-values. Supposons pour simplifier que le flux d'investissement soit nul. Un niveau stable d'encours correspond alors à une extraction hypothécaire nulle, puisque le flux net de crédits est nul, mais il n'implique pas qu'aucun achat ou qu'aucune vente ne se produise. Le flux net est nul, mais de nouveaux ménages s'endettent, pendant que d'autres remboursent. Plus l'encours est élevé, plus les transactions sont nombreuses, et donc plus le patrimoine est liquide. Les deux spécifications peuvent en théorie cohabiter.

Empiriquement, nous avons examiné les deux spécifications (flux net de crédits/consommation versus encours d'endettement/consommation), et seule la spécification en encours ressort dans le cas de la France. La spécification en flux net peut ne pas fonctionner pour des raisons de mesure des flux de crédits et une relation temporelle tortueuse entre des liquidités supplémentaires et la consommation. De plus, la propension marginale à consommer la liquidité peut être très instable.

Section 2. L'immobilier dans e-mod.fr : deux boucles positives

La relation entre taux d'endettement et taux de consommation (ou taux d'épargne) est au coeur de notre approche. Elle permet de relier le taux d'épargne au taux d'intérêt, aux conditions de revenu des ménages, au taux de chômage et à la richesse immobilière des ménages. Le modèle est complété (voir schéma page 45), par une équation définissant les prix immobiliers et une équation définissant l'investissement en logement (voir annexe 1). Des identités comptables permettent de calculer le patrimoine immobilier et de boucler le modèle.

Les estimations de l'équation d'endettement et de consommation ont été menées pour les Etats-Unis et l'Allemagne. Les résultats obtenus permettent de proposer pour ces pays des équations homogènes à celles obtenues pour la France. Les élasticités obtenues sont proches pour la France et l'Allemagne. Le taux de chômage n'intervient pas dans l'équation allemande, ce qui limite l'amplification par le bouclage macro. Normalement, lorsque les taux baissent, les ménages s'endettent, le taux d'épargne baisse et l'activité augmente. De plus, les ménages augmentent leur investissement en logement, ce qui contribue positivement à l'activité. Cette activité supplémentaire implique une baisse du chômage qui, à son tour, favorise l'endettement des ménages. Cette boucle positive est stable, l'impact de la baisse du chômage étant plus faible que l'impact initial des taux d'intérêt. Cet effet, absent pour l'Allemagne, conduit à un résultat bouclé plus faible que dans le cas français.

Une deuxième boucle positive, stable également, est celle de la richesse immobilière. Une baisse des taux d'intérêt stimule l'endettement et favorise l'investissement en logement. Les prix immobiliers sont alors augmentés (relativement à un scénario central) et, à la fois par l'effet des prix et par la hausse de l'investissement en logement, la richesse immobilière augmente. Ceci en retour favorise l'endettement et ainsi de suite. Dans le cas de l'Allemagne, la richesse immobilière intervient dans l'équation de consommation.

Les estimations pour les Etats-Unis déterminent une élasticité de la consommation au taux d'intérêt double de celle du cas français. La hiérarchie ainsi obtenue est renforcée par un impact plus rapide des taux d'intérêt sur la consommation. L'impact aux Etats-Unis est à la fois plus fort à terme et plus rapide à se produire, ce qui conduit par exemple au terme de 3 années à une réponse bien plus franche de la consommation à une baisse des taux d'intérêt (graphiques 2.2 et 2.4). Que la politique monétaire ait un impact plus fort et plus rapide aux Etats-Unis qu'en Europe ou qu'en France est un résultat attendu qui est ici confirmé.

Le modèle est également intéressant pour comprendre la différence entre la France et l'Allemagne. La variable qui détermine le taux d'endettement est la différence entre le revenu des ménages et le taux d'intérêt, en termes nominaux. Or, le taux d'intérêt est quasiment égal entre les deux pays 38 ( * ) et, ainsi, une différence de un point d'inflation entre les deux pays a donc un impact similaire à une hausse de un point des taux d'intérêt sur l'un ou l'autre des deux pays. De même, une croissance inférieure de un point des revenus (réels cette fois), entre les deux pays, se traduit par un endettement moindre et une épargne plus élevée. L'Allemagne connaît depuis quelques années à la fois une inflation plus basse et une évolution du partage de la valeur ajoutée moins favorable qu'en France. Ces deux éléments contribuent à une épargne plus élevée en Allemagne et un marché immobilier moins dynamique.

2.1. Les scénarios de retournement « immobilier »

A partir de ces éléments, il est possible de construire un scénario de baisse des prix immobiliers et de son impact sur l'économie. La première étape est d'évaluer la hausse des prix immobiliers induite par la baisse des taux d'intérêt et la modification de comportement des banques. La baisse des taux et l'allongement de la durée de prêt ont suscité une demande supplémentaire, solvabilisée par une hausse de l'endettement. Face à une offre de biens immobiliers peu élastique, les prix s'accroissent et alimentent le mécanisme, par le jeu des collatéraux dont la valeur est estimée au coût de transaction.

Le scénario central est donc celui d'un retournement du marché immobilier induit par une hausse des taux d'intérêt de long et de court terme. Cette hausse serait liée à des anticipations d'accélération de l'inflation, suivies d'interventions des banques centrales. La hausse des prix immobiliers serait un des éléments qui alimenterait les anticipations d'accélération d'inflation. Nous avons fixé la hausse des taux d'intérêt à 2 points.

Le durcissement de la politique monétaire produirait les effets attendus. Le marché immobilier ralentirait et les prix se détendraient. Les prix immobiliers seraient réduits de plus de 10 %, effaçant tout excès de valorisation.

Ce durcissement provoquerait cependant des dommages collatéraux. Par la hausse des taux d'intérêt, par le ralentissement induit des prix immobiliers, induisant à son tour la réduction du taux d'endettement, le taux d'épargne augmenterait. L'activité serait donc réduite, à la fois par un investissement en logement moindre et par la hausse de l'épargne. Par ailleurs, la hausse des taux d'intérêt réduirait l'investissement des entreprises, déjà compromis par le ralentissement amorcé. La hausse du chômage et le ralentissement des perspectives de revenu viendraient encore réduire l'endettement, diminueraient la liquidité du patrimoine et augmenteraient l'épargne. Le risque de hausse excessive des prix immobiliers serait endigué, mais les conséquences sur l'activité seraient importantes.

En mode isolé (seule la France connaît une hausse des taux d'intérêt, seul le marché immobilier français se retourne), l'impact à 5 ans est de 1 point d'activité et d'un demi point de chômage (tableau 2.3). En mode mondial, le choc se produit dans la plupart des pays partenaires. Aux conséquences intérieures s'ajoutent alors celles d'un ralentissement mondial, transitant par la demande adressée. A 5 ans, l'impact est alors de 1,6 point de PIB et de presque 1 point de chômage. Les prix immobiliers sont alors ralentis de plus de 2 points par an.

Afin d'envisager l'hypothèse d'une bulle immobilière autonome, c'est-à-dire auto entretenue par des anticipations de prix et des achats immobiliers spéculatifs (même si notre analyse du marché ne conclut pas à ce cas de figure), nous avons simulé les conséquences d'une baisse spontanée des prix de l'immobilier de 30 %. La chute de la richesse immobilière réduit le taux d'endettement et provoque une hausse de l'épargne. Le choc est calibré de façon à produire ex post une baisse des prix immobiliers de 30 %. L'impact à 5 ans sur l'économie est de 0,7 point et de 0,4 point de chômage. Ce choc peut s'ajouter au précédent. La hausse des taux d'intérêt enclenche les enchaînements évoqués et provoque le retournement des anticipations de prix de l'immobilier, conduisant à l'éclatement de la bulle éventuelle. Au total, l'impact à 5 ans sur l'économie française est alors de presque 2,5 points de PIB et de 1,5 point de chômage.

Encadré : e-mod.fr

Estimé dans le cadre fourni par la comptabilité nationale, le modèle trimestriel de l'OFCE, e-mod.fr 39 ( * ) , est centré sur l'étude de l'économie française. Ce modèle permet d'analyser des politiques macroéconomiques, fiscales et budgétaires. Il est également utilisé comme un outil d'analyse de la conjoncture et sert à la prévision à court terme et à la simulation de moyen terme. Il impose un cadre comptable rigoureux et assoit les exercices de prévision sur des équations de comportement. Le secteur productif est décomposé en sept branches (agriculture et agroalimentaire, énergie, produits manufacturés, bâtiment et travaux publics, commerce, services marchands et services non marchands) et cinq agents sont distingués (ménages, sociétés et quasi-sociétés, institutions financières, administrations publiques, reste du monde).

Le modèle est construit à partir de l'hypothèse d'un fonctionnement néo-keynésien de l'économie. En période de sous-utilisation des capacités de production, la demande globale (consommation, investissement, variations de stocks, exportations) contraint l'offre et détermine à court terme la production. Cependant, ce modèle de demande est tempéré par le fait que le niveau de la production rétroagit sur les prix et par ricochet sur les comportements de demande. Une baisse de la production réduit l'emploi, si bien que le nombre de chômeurs augmente. Le taux d'utilisation des capacités de production diminue. Le relâchement des tensions sur le marché du travail et des biens et services diminue les coûts de production et donc les prix, ce qui tend à restaurer la demande.

Les conditions de l'offre jouent à court terme sur le commerce extérieur, via la compétitivité et les tensions sur les capacités de production, et, sur la consommation, via l'inflation. La dynamique prend en compte les comportements de stockage. Enfin, à moyen terme, le modèle retrouve une dynamique plus classique, avec un état stationnaire réglé par un chômage d'équilibre.

Schéma de la modélisation

Modèle e-mod.fr

Modèle e-mod.fr

Taux d'endettement ménages

Consommation ménages

Investissement logement

croissance Rdb

Ecart taux long-court

+

+

+

Taux de consommation

+

Taux de chômage

Modèle e-mod.fr

Richesse immobilière

Prix

Immobiliers

Rdb ménages

-

-

-

-

+

+

+

Taux d'intérêt nominal long terme

Section 3. Simulation d'une hausse de 2 points des taux d'intérêt

Dans cette simulation, nous supposons une hausse de 2 points des taux d'intérêt nominaux long et court. Outre l'impact sur la consommation des ménages décrit précédemment, cette hausse des taux d'intérêt, en renchérissant le coût du capital, induira une baisse de l'investissement productif des entreprises. Cette dernière, conjuguée à la présence du taux de chômage dans l'équation d'endettement, aura un impact récessif plus fort que dans la simulation en économie partielle commentée plus haut.

Nous avons procédé à deux types de simulation : dans la première nous supposons que seule la France subit ce choc alors que dans la seconde, ce choc est mondial.

3.1. Choc isolé

Les résultats de l'impact sur l'économie française d'une hausse de deux points des taux d'intérêt nominaux long et court sont résumés dans le tableau 2.3.

Tableau 2.3 Impact isolé d'une hausse des taux d'intérêt court et long sur l'économie française

En écart au compte central, en %

Année

1

2

3

4

5

10

Moyenne

PIB total en volume

-0.2

-0.5

-0.8

-0.9

-1.0

-1.1

-0.9

Importations

-0.5

-1.3

-1.7

-1.7

-1.7

-1.4

-1.4

Dépenses des ménages

-0.3

-0.8

-1.1

-1.3

-1.5

-2.1

-1.4

Dépenses des administrations

0.0

0.0

0.0

0.0

0.0

0.0

0.0

Investissement des entreprises

-0.6

-1.7

-2.4

-2.8

-3.0

-1.9

-2.3

Exportations

-0.1

-0.3

-0.4

-0.4

-0.4

0.2

-0.2

Contributions à la croissance

Variations de stocks

0.0

0.0

0.0

0.0

0.0

0.0

0.0

Demande intérieure

-0.2

-0.7

-1.0

-1.1

-1.2

-1.5

-1.1

Solde extérieur

0.1

0.2

0.2

0.2

0.2

0.4

0.3

Prix de la consommation

0.0

-0.1

-0.2

-0.3

-0.6

-2.6

-1.0

Prix du PIB

0.0

-0.1

-0.2

-0.3

-0.6

-2.4

-0.9

Prix de l'immobilier

-1.1

-4.2

-6.1

-7.7

-9.5

-18.8

-10.4

Salaire horaire réel

0.0

-0.1

-0.4

-0.6

-0.9

-2.0

-1.0

Productivité horaire, marchand

-0.1

-0.2

-0.1

-0.1

0.0

0.0

0.0

Effectifs totaux (en milliers)

-22

-73

-121

-147

-161

-157

-135

Effectifs totaux (en %)

-0.1

-0.3

-0.5

-0.7

-0.7

-0.7

-0.6

Taux de chômage BIT (en point)

0.1

0.2

0.4

0.5

0.5

0.5

0.4

Revenu des ménages

-0.3

-0.4

-0.5

-0.6

-0.6

-0.6

-0.6

Intérêts versés

3.7

3.0

2.2

0.7

-0.1

-4.5

-0.1

Intérêts reçus

-0.2

-0.5

-0.8

-0.9

-1.0

-0.8

-0.8

Dividendes

-0.3

-0.8

-1.1

-1.2

-1.2

-0.9

-1.2

Capacité de fin. (en point de PIB)

Sociétés non financières

-0.1

-0.1

-0.1

-0.1

0.0

0.4

0.1

Sociétés financières

0.3

0.6

0.8

1.0

1.2

2.1

1.3

APU

-0.1

-0.5

-0.8

-1.2

-1.5

-2.9

-1.7

Ménages et EI

0.0

0.2

0.4

0.5

0.5

0.8

0.5

ISBLSM

0.0

0.0

0.0

0.0

0.0

0.0

0.0

Extérieur

0.1

0.2

0.2

0.2

0.2

0.4

0.2

Taux d'épargne des ménages

-0.12

0.06

0.17

0.26

0.32

0.7

0.3

Taux de marge des SNF

-0.05

-0.07

0.06

0.23

0.41

1.3

0.6

Sources : comptes trimestriels, INSEE, calculs OFCE, modèle e-mod.fr.

La hausse des taux d'intérêt, en diminuant l'écart critique, ampute la capacité d'emprunt des ménages. Cela engendre une baisse de la consommation des ménages. Une telle mesure aurait un effet récessif attendu sur l'économie. Son niveau maximal serait atteint au bout de 5 ans : le PIB diminuerait de un point par rapport au compte de référence sous l'effet conjugué d'une baisse de 3 % de l'investissement privé et de 1,5 % de la consommation. L'épargne des ménages augmenterait légèrement sous l'effet de la récession qui conduit les ménages à réviser leur plan d'épargne à la hausse. Les pertes d'emplois ex post seraient nombreuses : le total cumulé des pertes d'emplois s'élèverait à 160.000 et le taux de chômage serait plus élevé d'un demi point. Compte tenu de la récession induite, le compte des administrations publiques se dégraderait également : les pertes de recettes fiscales liées à la récession creuseraient le déficit public de 1,5 point de PIB.

Cette hausse des taux d'intérêts provoquerait une baisse de près de 10 % des prix de l'immobilier la cinquième année.

Enfin, la baisse de la consommation provoquerait également une diminution de nos importations, induisant une dégradation de la capacité de financement de l'extérieur (- 0,2 % la cinquième année).

3.2. Choc mondial

On suppose ici que la hausse des taux d'intérêt a lieu dans l'ensemble des pays occidentaux. Elle est de deux points pour les taux d'intérêt nominaux long et court. Ne disposant pas d'un modèle multinational, l'impact récessif sur les autres économies est répercuté sur l'économie française via le commerce extérieur. Nous avons simulé deux chocs, le premier sur l'économie américaine, le second sur l'économie allemande.

Graphique 2.4 Impact ex-post d'une hausse de deux points des taux d'intérêt sur la consommation des ménages

En écart au compte central, en %

Sources : comptes trimestriels, calculs OFCE.

Nous avons supposé ensuite que l'impact d'une hausse des taux d'intérêt dans les autres pays partenaires, pour lesquels nous n'avons pas fait de simulations, serait comparable à l'impact estimé pour la France, l'Allemagne ou les Etats-Unis selon les cas. Puis, nous l'avons pondéré par la part du pays considéré dans la demande adressée à la France (tableaux 2.4 et 2.5). Ces hypothèses retenues, nous avons pu évaluer, à l'aide de l'élasticité des importations à la croissance de chacun des partenaires de la France, la demande étrangère structurelle adressée à la France.

Tableau 2.4 Hypothèses retenues pour les principaux partenaires européens de la France 1

Allemagne

RU

Italie

Espagne

Pays-Bas

Belgique

Autre UE

Type de choc

Allemagne

Etats-Unis

France

France

France

France

France

Part de marché

16,8 %

9,3 %

10,6 %

7,3 %

4,4 %

8,7 %

9,0 %

Source : Douanes, calculs OFCE.

Tableau 2.5 Hypothèses retenues pour les principaux partenaires non européens de la France 1

Etats-Unis

Japon

Canada

Autre OCDE

Amérique Latine

Asie

Moyen Orient

Type de choc

Etats-Unis

-

Etats-Unis

France

-

-

Part de marché

5,8 %

2 %

0,8 %

3,7 %

5,2 %

3,2 %

6,4 %

Source : Douanes, calculs OFCE.

1 Lecture du tableau : l'impact d'un choc au Canada est basé sur celui estimé pour les Etats-Unis, puis pondéré par la part du Canada dans la demande adressée à la France.

Les principaux résultats de cette variante sont résumés dans le tableau 2.6.

Tableau 2.6 Impact mondial d'une hausse des taux d'intérêt court et long sur l'économie française

En écart au compte central, en %

Année

1

2

3

4

5

10

Moyenne

PIB total en volume

-0.3

-0.8

-1.2

-1.5

-1.6

-1.7

-1.5

Importations

-0.7

-2.0

-2.6

-2.7

-2.8

-2.1

-2.3

Dépenses des ménages

-0.3

-0.9

-1.4

-1.6

-1.9

-2.7

-1.9

Dépenses des administrations

0.0

0.0

0.0

0.0

0.0

-0.1

0.0

Investissement des entreprises

-0.8

-2.3

-3.3

-3.9

-4.2

-2.2

-3.0

Exportations

-0.6

-1.6

-2.1

-2.5

-2.6

-1.3

-2.0

Contributions à la croissance

Variations de stocks

0.0

-0.1

-0.1

-0.1

0.0

0.0

0.0

Demande intérieure

-0.3

-0.9

-1.3

-1.5

-1.6

-1.9

-1.5

Solde extérieur

0.0

0.1

0.1

0.0

0.0

0.2

0.1

Prix de la consommation

-0.1

-0.1

-0.2

-0.5

-0.9

-4.6

-1.7

Prix du PIB

0.0

-0.1

-0.3

-0.5

-0.8

-4.1

-1.5

Prix de l'immobilier

-1.1

-4.3

-6.5

-8.4

-10.6

-22.5

-12.0

Salaire horaire réel

0.0

-0.3

-0.6

-1.1

-1.5

-3.6

-1.9

Productivité horaire, marchand

-0.1

-0.3

-0.2

-0.1

-0.1

0.0

-0.1

Effectifs totaux (en milliers)

-37

-124

-206

-258

-289

-284

-244

Effectifs totaux (en %)

-0.2

-0.5

-0.9

-1.1

-1.3

-1.2

-1.1

Taux de chômage BIT (en point)

0.1

0.4

0.7

0.8

0.9

0.9

0.8

Revenu des ménages

-0.4

-0.6

-0.8

-0.9

-1.1

-1.2

-1.1

Intérêts versés

3.7

2.9

1.9

0.2

-0.8

-5.9

-0.7

Intérêts reçus

-0.3

-0.8

-1.2

-1.5

-1.6

-1.2

-1.2

Dividendes

-0.5

-1.3

-1.8

-2.1

-2.1

-1.5

-2.1

Capacité de fin. (en point de PIB)

Sociétés non financières

-0.1

-0.1

-0.1

0.0

0.2

1.0

0.3

Sociétés financières

0.3

0.6

0.9

1.1

1.3

2.3

1.5

APU

-0.2

-0.6

-1.1

-1.6

-2.1

-3.9

-2.3

Ménages et EI

0.0

0.2

0.4

0.5

0.5

0.9

0.5

ISBLSM

0.0

0.0

0.0

0.0

0.0

0.0

0.0

Extérieur

0.0

0.1

0.1

0.0

0.0

0.3

0.1

Taux d'épargne des ménages

-0.2

0.0

0.1

0.2

0.3

0.7

0.3

Taux de marge des SNF

-0.1

-0.1

0.1

0.4

0.8

2.4

1.1

Sources : comptes trimestriels, INSEE, calculs OFCE.

3.3. Impact d'une chute de 30 % du prix de l'immobilier

Dans cette simulation, nous supposons une chute de 30 % de l'immobilier en France. Les résultats d'un tel choc sont résumés dans le tableau 2.7. Cet exercice est présenté à titre purement illustratif et ne correspond pas à ce qui peut être anticipé dans l'état actuel des choses.

Tableau 2.7 : Impact d'une baisse de 30 % du prix de l'immobilier sur l'économie française

En écart au compte central, en %

Année

1

2

3

4

5

10

Moyenne

PIB total en volume

-0.1

-0.4

-0.6

-0.6

-0.7

-0.7

-0.6

Importations

-0.3

-0.9

-1.1

-1.0

-1.1

-0.9

-0.9

Dépenses des ménages

-0.2

-0.6

-0.9

-1.0

-1.1

-1.6

-1.1

Dépenses des administrations

0.0

0.0

0.0

0.0

0.0

0.0

0.0

Investissement des entreprises

-0.2

-0.7

-1.1

-1.1

-1.2

-0.4

-0.8

Exportations

-0.1

-0.2

-0.3

-0.3

-0.2

0.2

-0.1

Contributions à la croissance

Variations de stocks

0.0

0.0

0.0

0.0

0.0

0.0

0.0

Demande intérieure

-0.2

-0.5

-0.7

-0.8

-0.8

-1.0

-0.8

Solde extérieur

0.0

0.1

0.2

0.1

0.2

0.3

0.2

Prix de la consommation

0.0

0.0

-0.1

-0.2

-0.4

-2.0

-0.7

Prix du PIB

0.0

-0.1

-0.1

-0.2

-0.4

-1.8

-0.7

Prix de l'immobilier

-30.0

-30.0

-30.0

-30.0

-30.0

-30.0

-30.0

Salaire horaire réel

0.0

-0.1

-0.3

-0.5

-0.7

-1.5

-0.8

Productivité horaire, marchand

-0.1

-0.1

-0.1

0.0

0.0

0.0

0.0

Effectifs totaux (en milliers)

-16.6

-54.3

-96.1

-113.2

-122.5

-127.3

-103.0

Effectifs totaux (en %)

-0.1

-0.2

-0.4

-0.5

-0.5

-0.5

-0.5

Taux de chômage BIT (en point)

0.1

0.2

0.3

0.4

0.4

0.4

0.3

Revenu des ménages

0.0

0.0

0.0

0.0

-0.1

-0.1

-0.1

Intérêts versés

-0.9

-3.6

-6.4

-8.2

-9.9

-15.3

-9.1

Intérêts reçus

-0.1

-0.4

-0.6

-0.6

-0.7

-0.6

-0.5

Dividendes

-0.2

-0.6

-0.9

-0.9

-0.9

-0.8

-0.9

Capacité de fin. (en point de PIB)

Sociétés non financières

0.0

0.0

0.1

0.1

0.2

0.5

0.2

Sociétés financières

0.0

-0.1

-0.1

-0.1

-0.1

-0.1

-0.1

APU

0.0

-0.2

-0.4

-0.5

-0.6

-1.0

-0.6

Ménages et EI

0.1

0.4

0.6

0.6

0.7

0.9

0.6

ISBLSM

0.0

0.0

0.0

0.0

0.0

0.0

0.0

Extérieur

0.0

0.1

0.1

0.1

0.1

0.3

0.2

Taux d'épargne des ménages

0.1

0.4

0.5

0.6

0.6

0.9

0.6

Taux de marge des SNF

0.0

0.0

0.1

0.2

0.3

1.0

0.4

Sources : comptes trimestriels, INSEE, calculs OFCE.

Cette baisse de 30 % des prix de l'immobilier, en diminuant le patrimoine immobilier des ménages, réduit leur endettement et engendre une baisse instantanée de leur consommation. L'effet récessif sur l'économie est moindre que celui du choc de taux : au bout de 5 ans, le PIB diminuerait de 0,7 point par rapport au compte de référence sous l'effet conjugué d'une baisse de près de 1 % de l'investissement privé et de la consommation. L'épargne des ménages augmenterait légèrement sous l'effet du ralentissement qui conduit les ménages à réviser leur plan d'épargne à la hausse. Les pertes d'emplois ex post s'élèveraient à plus de 120 000. Le compte des administrations publiques se dégraderait également : les pertes de recettes fiscales liées à la récession creuseraient le déficit public de plus de un demi point de PIB.

Enfin, de la même manière que précédemment, la baisse de la consommation provoquerait une diminution des importations françaises induisant une dégradation de la capacité de financement de l'extérieur (- 0,1 % la cinquième année et 0,2 % au bout de 10 ans).

Conclusions Que faudrait-il faire ?

Nos quatre conclusions principales sont :

A La hausse des prix immobiliers n'est pas une « bulle »

La hausse des prix de l'immobilier n'est pas liée à un phénomène spéculatif.

Contrairement au début des années 1990 à Paris, les agents qui s'engagent sur le marché immobilier sont des ménages. Ces ménages s'endettent pour acquérir des logements à des prix élevés et devront faire face à des mensualités et des taux fixes. Un retournement des prix ou une hausse des taux d'intérêt ne compromettrait pas leur solvabilité individuelle. Ces ménages n'ont pas de position spéculative, ils n'achètent pas pour réaliser une plus-value à l'horizon d'une année, ils ne vendront pas si les prix se retournent.

La hausse des prix de l'immobilier est induite par la baisse des taux d'intérêt et l'allongement de la durée des emprunts. Elle est accentuée par la hausse des loyers depuis 2003, en partie causée par l'indice du coût de la construction, en partie induite par la hausse des prix immobiliers. La hausse des loyers pousse ceux qui ont accès au crédit à arbitrer leur choix patrimoniaux de façon à profiter de la baisse des taux et à se protéger ainsi des futures hausses de loyers. Plus fondamentalement, la hausse des loyers garantit un rendement locatif explicite (lorsqu'on loue son bien immobilier) ou implicite (lorsqu'on est propriétaire de son logement), en lien avec les évolutions de prix de ces actifs.

N'étant pas lié à un phénomène spéculatif, un éclatement des prix immobiliers n'est pas craindre. Un processus de déflation par la dette, dans lequel les agents économiques qui constatent la dégradation de leurs bilans suite au retournement des prix et sont ainsi poussés à vendre est improbable. Une spirale de baisse des prix alimentée par des ventes d'investisseurs qui auraient accepté un rendement hors plus-values négatif dans la perspective de plus-values conséquentes est écartée par la hausse des loyers.

Le marché immobilier répond donc aux facteurs fondamentaux que nous avons mis en évidence dans nos estimations économétriques. La hausse des prix immobiliers est induite par la baisse des taux, elle durera le temps que la demande restera supérieure à l'offre ; les prix immobiliers se retourneront avec l'arrivée de nouvelles constructions sur le marché, avec un arrêt de l'allongement de la durée d'emprunt des ménages et éventuellement la remontée des taux longs et courts.

B La hausse des prix immobiliers est le signe que la politique monétaire mord

La hausse de l'endettement bancaire des ménages et la hausse des prix immobiliers sont le vecteur de la stimulation monétaire de l'économie française. Les sommes empruntées par les ménages permettent à certains ménages de réaliser des plus-values conséquentes. Ces plus-values effectives, supérieures probablement aux anticipations de ces ménages, entraînent une baisse de leur épargne, qui soutient la consommation et stimule la croissance.

Conduire la politique monétaire de telle sorte que l'endettement des ménages soit stable et que les prix immobiliers restent dans les tendances décennales reviendrait à « stériliser » ce canal de transmission monétaire. Ce canal de transmission est d'autant plus important aujourd'hui que les canaux de l'investissement et du taux de change ne fonctionnent pas, pour diverses raisons.

C La sensibilité du canal « immobilier » est insuffisante en zone euro et des réformes structurelles doivent viser à l'accroître

D'après nos estimations économétriques, la sensibilité de l'économie européenne à une baisse des taux d'intérêt est deux à trois fois inférieure à celle de l'économie américaine. Combinée à une réactivité plus faible et plus timide de la banque centrale, ceci implique une moindre régulation de la conjoncture de la zone euro. Si l'économie connaît des cycles autour d'une tendance immuable, l'absence de régulation ne se traduit que par des cycles plus marqués et plus aléatoires. Mais, si une plus grande volatilité du cycle pèse sur la croissance potentielle ou si des effets d'hystérèse existent, via le marché du travail, l'accumulation de connaissance, les rendements croissants dans certains secteurs ou l'accumulation de capital humain, alors la moindre régulation de l'économie conduit à abaisser durablement le potentiel de croissance et à augmenter le chômage « d'équilibre ».

La moindre sensibilité de l'économie européenne résulte de facteurs multiples et complexes, qui n'ont été abordés que partiellement dans cette étude. On peut néanmoins constater que la rigidité réglementaire autour de l'hypothèque ampute le canal « immobilier » d'une part de son potentiel. Que la concurrence insuffisante sur le marché bancaire aux particuliers conduit à une sélection trop importante des emprunteurs qui limite la portée de la baisse des taux dans la même proportion. La France se caractérise par un niveau d'endettement faible, peu volatil et par le taux de défaut des particuliers emprunteurs le plus faible au monde. Les difficultés de renégociation des emprunts existants, voire les clauses anti-concurrentielles ou les pratiques bancaires pour retenir les clients empêchent que les taux effectifs payés par les ménages suivent les baisses de taux. Le financement des crédits à long terme par les dépôts renforce cette pratique frileuse et ne permet pas d'exploiter les possibilités nouvelles offertes par la titrisation des créances. Le manque de transparence et d'information (y compris des consommateurs) empêche une concurrence active de se mettre en place. Un fichier positif, permettant de centraliser l'ensemble des emprunts et des conditions de ces emprunts, accessible avec l'accord de l'emprunteur, permettrait de mettre à plat la situation bancaire des consommateurs.

Une plus grande volatilité de l'endettement et des prix immobiliers élèverait l'instabilité potentielle de l'économie. Le risque encouru par les ménages sur leur patrimoine serait plus important. Mais cette instabilité potentielle a pour contrepartie la possibilité de contrôler par les taux d'intérêt la volatilité de l'endettement. L'instabilité potentielle peut permettre alors de stabiliser la conjoncture globale, parce que l'économie peut être pilotée. C'est bien une caractéristique à favoriser.

D La hausse des prix de l'immobilier, la hausse des loyers, la sélection excessive des emprunteurs rendent très inégalitaire le processus de stimulation de l'économie

La baisse des taux d'intérêt et l'allongement des durées d'emprunt ont permis à certains ménages d'arbitrer entre la propriété et la location. L'injection de liquidités dans l'économie a permis à d'autres ménages de réaliser des plus-values importantes et en partie inespérées. Les ménages qui bénéficient du canal de transmission de la politique monétaire sont des ménages aisés ou très aisés.

D'une part, pour réaliser un patrimoine, il faut en posséder un. On sait que les patrimoines sont concentrés chez les ménages les plus aisés et on imagine bien que les plus-values les plus importantes sont allées aux ménages les plus riches. Les liquidités injectées dans l'économie par la hausse de l'endettement bancaire ont donc été captées principalement par ces ménages.

D'autre part, la hausse des prix, la baisse des taux et l'allongement des durées de prêts ont conduit les banques à prêter plus de fonds à moins de personnes. Alors que le taux d'endettement des ménages s'est accru significativement, le nombre de ménages endettés a légèrement diminué, conduisant à une concentration de l'endettement. Or, pour garantir un tel endettement sur un nombre réduit de ménages, il faut que ces derniers justifient d'une meilleure situation financière. Alors que les prix au m² augmentent, que la valeur des transactions est croissante, le nombre de transactions diminue depuis 2002. Ceci signifie que les affaires réalisées sont moins nombreuses mais plus importantes en valeur. La possibilité de prêter plus par les banques est utilisée pour prêter plus à la clientèle la plus aisée et, paradoxalement, moins aux ménages ayant une situation financière jugée plus risquée par les banques.

Les ménages les moins favorisés (parmi les 70 % des ménages non endettés dans l'immobilier) subissent la stimulation monétaire par les hausses de loyers, même si l'amélioration induite de la conjoncture leur bénéficie indirectement. Ces hausses de loyers signifient des pertes de pouvoir d'achat, l'impossibilité de choisir son lieu d'habitation, l'éloignement du lieu de travail ou des services publics comme les écoles ou les transports. La saturation de l'offre locative encadrée (HLM, HLI) accentue le phénomène. Les dispositifs traditionnels d'aide à l'accès à la propriété comme le PEL ont perdu de leur intérêt et le prêt à taux zéro est peu adapté aux nouvelles offres de prêt de longue durée. Les pertes de pouvoir d'achat des ménages les plus défavorisés contribuent à la hausse du surendettement, qui, rappelons le, n'est pas lié au crédit immobilier mais au crédit à la consommation.

Le processus de stimulation monétaire dégrade directement la situation des moins favorisés. Ceci permet de comprendre pourquoi la confiance des consommateurs se dégrade en France alors que la consommation reste très dynamique et que le taux d'épargne baisse. La majorité des ménages payent le service de logement de plus en plus cher sans possibilité de profiter de la baisse des taux, pendant que les ménages le mieux dotés réalisent des bonnes affaires.

Nous proposons les principes d'action suivants :

1. ne pas interrompre une stimulation absolument nécessaire, en remontant les taux d'intérêt. La hausse des prix immobilier et de l'endettement des ménages est le mécanisme de transmission de la politique monétaire. Ces deux éléments ne peuvent pas justifier un resserrement monétaire.

2. amplifier si possible ce processus : recharge hypothécaire, diminution des coûts de transaction et d'hypothèque, dans la lignée du rapport d'enquête sur l'hypothèque et le crédit hypothécaire de l'inspection des finances (n° 2004-M-052-02) et de l'inspection générale des services judicaires (n° 32/04).

3. Accroître la concurrence entre établissements bancaires de façon à ce qu'elle n'ait pas lieu que sur l'acquisition de nouveaux clients, mais que se mettent en place des pratiques généralisées de renégociation d'emprunt. La mise en place d'un fichier positif, la facilitation de rachat de crédit par la concurrence et la lutte contre les pratiques anti-concurrentielles sont à promouvoir afin de permettre aux ménages français de baisser significativement leur charge d'emprunt.

4. Accroître l'offre locative à prix modérés ou intermédiaires, pour préserver au maximum les locataires les plus exposés. Aujourd'hui, ce ne sont pas seulement les plus pauvres qui sont concernés mais également des classes intermédiaires.

5. Permettre aux ménages modestes ou intermédiaires d'accéder plus facilement à la propriété par des dispositifs du type prêt à taux zéro, système de garantie, apport implicite. La concentration de l'endettement sur les ménages les plus riches traduit une inégalité majeure.

6. Evaluer l'impact et l'efficacité des dispositifs d'incitation fiscale quant aux objectifs de modération des loyers.

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Annexe 1. Estimations économétriques

Nous décrivons ici les équations économétriques retenues dans le modèle « immobilier » et discutées dans la section précédente. Nous ne détaillons pas les formes alternatives testées. Les estimations ont été conduites pour la France, les Etats-Unis et l'Allemagne, en s'attachant à conserver une forme de modèle commune, pour faciliter les comparaisons internationales.

Encadré : Les données

Mnémonique Définition Source

C  Consommation des ménages INSEE, comptabilité nationale

E Endettement des ménages Banque de France

g Taux de croissance du RDB INSEE, comptabilité nationale

i LT Taux d'intérêt long terme (10 ans) Banque de France

i CT Taux d'intérêt court terme (3 mois) Banque de France

InvLog Investissement logement INSEE, comptabilité nationale

PF Patrimoine financier INSEE, compte de patrimoine

PI Patrimoine Immobilier INSEE, compte de patrimoine

pimmo Prix de l'immobilier

RDB Revenu disponible brut INSEE, comptabilité nationale

U Taux de chômage au sens du BIT INSEE, enquête emploi

Les équations sont estimées à partir de modèles à correction d'erreur. Nous présentons les élasticités de long terme puis les dynamiques de court terme. Les équations sont estimées soit en une étape soit en deux étapes.

1. Equations de consommation

Nous avons retenu une relation de cointégration entre le taux de consommation des ménages et leur taux d'endettement, discutée dans la première section de cette partie. Un effet de richesse immobilière et financière est également présent à long terme pour respectivement l'économie allemande et américaine. Les résultats de ces relations de long terme sont résumés dans le tableau A1.1.

Tableau A1.1 Equation de long terme du taux de consommation (TC)*

France

Allemagne

Etats-Unis

Taux d'endettement (TE)**

0.06

0.06

0.10

Richesse immobilière (RI) ***

0.13

Richesse financière (RF)****

0.09

Déréglementation (Dum) *****

0.02

* log(Consommation des ménages / Revenu disponible brut)

** log(Endettement des ménages / Revenu disponible brut)

*** log(Patrimoine immobilier / Revenu disponible brut)

**** log(Patrimoine financier / Revenu disponible brut)

***** Dummy entre 1985 et 1991

Sources : comptes trimestriels, calculs OFCE.

L'élasticité du taux de consommation au taux d'endettement est égale pour la France et l'Allemagne. L'incidence du taux d'endettement sur le taux de consommation est 40 % plus élevé aux Etats-Unis.

a. Modèle de la consommation à correction d'erreurs pour la France

Le modèle est estimé entre 1980 et le deuxième trimestre 2004 par la méthode des moindres carrés ordinaires. Les variables ont toutes des coefficients significativement différents de zéro et de signe attendu. La relation de long terme est notée France . Elle relie le taux de consommation au taux d'endettement.

La statistique de student associée à France t-1 est supérieure, en valeur absolue, à celle calculée par Ericsson et MacKinnon (2002) 40 ( * ) , validant l'hypothèse d'une relation de cointégration entre ces variables.

Une écriture de ce modèle à correction d'erreurs est la suivante :

log (C t ) = -0.11 + 0.19 log (RDB t ) + 0.18 log (E t ) - 0.30 France t-1

(-4,15) (3.05) (1.81) (-4,73)

Diagnostic statistique 41 ( * )

LM(1,86) = 1,22 LM(8,79) = 1.06 ARCH(4,86) = 0,42

[ p > 0,27] [ p > 0,39] [ p > 0,79]

WHITE = 0,72 RESET (2,85) = 0,05 BERA JARQUE (2) =0,84

[ p > 0,69] [ p > 0,95 ] [ p > 0,66 ]

= 0,002 = 0,005

Graphique A1.1 Taux de croissance trimestriel de la consommation des ménages français

En %

Sources : comptes trimestriels, INSEE, calculs OFCE.

Cette équation a des propriétés statistiques satisfaisantes. Les tests LM conduisent au rejet de l'hypothèse d'auto-corrélation des résidus de l'équation. Ces résidus sont homoscédastiques au regard du test de White et du test ARCH. La forme fonctionnelle de l'équation est validée par le test Reset. Enfin, selon le test de Bera Jarque, les résidus de l'équation suivent une loi normale.

b. Modèle de la consommation à correction d'erreurs pour l'Allemagne

Le modèle est estimé entre 1991 et le premier trimestre 2004 par la méthode des moindres carrés ordinaires. Les variables ont toutes des coefficients significativement différents de zéro et de signe attendu. La relation de long terme pour l'Allemagne est ici notée Allemagne . Elle relie le taux de consommation au taux d'endettement et à la richesse immobilière rapportée au revenu.

La statistique de student associée à Allemagne t-1 est supérieure, en valeur absolue, à celle calculée par Ericsson et MacKinnon (2002) 42 ( * ) , validant l'hypothèse d'une relation de cointégration entre ces variables.

Une écriture de ce modèle à correction d'erreurs est la suivante :

log (C t ) = -0.435+0.786 log (RDB t ) - 0.891 Allemagne t-1

(-5,36) (15,49) (-5.94)

Diagnostic statistique

LM(1,45) = 0.018 LM(8,31) = 0.47 ARCH(4,39) = 1,36

[ p > 0,89] [ p > 0,87] [ p > 0,27]

WHITE(8,39) = 0,89 RESET (2,41) = 0,24 BERA JARQUE (2) =1,15

[ p > 0,53] [ p > 0,79 ] [ p > 0,56 ]

= 0,0006 = 0,004

Graphique A1.2 Taux de croissance trimestriel de la consommation des ménages allemands

En %

Sources : comptes trimestriels, INSEE, calculs OFCE.

Cette équation a des propriétés statistiques satisfaisantes. Les tests LM conduisent au rejet de l'hypothèse d'auto-corrélation des résidus de l'équation. Ces résidus sont homoscédastiques au regard du test de White et du test ARCH. La forme fonctionnelle de l'équation est validée par le test Reset. Enfin, selon le test de Bera Jarque, les résidus de l'équation suivent une loi normale.

c. Modèle de la consommation à correction d'erreurs pour les Etats-Unis

Le modèle est estimé entre 1980 et le troisième trimestre 2004 par la méthode des moindres carrés ordinaires. Les variables ont toutes des coefficients significativement différents de zéro et de signe attendu. La relation de long terme décrite précédemment pour les Etats-Unis est notée Etats-Unis . Cette relation relie le taux de consommation au taux d'endettement et à la richesse financière, rapportée au revenu disponible brut des ménages.

La statistique de student associée à Etats-Unis t-1 est supérieure, en valeur absolue, à celle calculée par Ericsson et MacKinnon (2002) 43 ( * ) , validant l'hypothèse d'une relation de cointégration entre ces variables.

Une écriture de ce modèle à correction d'erreurs est la suivante :

log (C t ) = -0.04 +0.33 log (RDB t ) -0.15 log (C t-1 ) +0.19 log (E t )

(-3,45) (4.30) (-1,70) (4.07)

-0.25 Inflation t-1 - 0.297 Etats-Unis t-1

(-1,80) (-3,64)

Diagnostic statistique 44 ( * )

LM(1,88) = 2.17 LM(8,81) = 0.87 ARCH(4,90) = 0,34

[ p > 0,14] [ p > 0,54] [ p > 0,85]

WHITE = 1,78 RESET (2) = 4,42 BERA JARQUE (2) =0,41

[ p > 0,17] [ p > 0,03 ] [ p > 0,82 ]

= 0,0017 = 0,004

Graphique A1.3 Taux de croissance trimestriel de la consommation des ménages américains

En %

Sources : comptes trimestriels, INSEE, calculs OFCE.

Cette équation a des propriétés statistiques satisfaisantes. Les tests LM conduisent au rejet de l'hypothèse d'auto-corrélation des résidus de l'équation. Ces résidus sont homoscédastiques au regard du test de White et du test ARCH. La forme fonctionnelle de l'équation est validée par le test Reset. Enfin, selon le test de Bera Jarque, les résidus de l'équation suivent une loi normale.

2. Equations d'endettement des ménages

Les modèles à correction d'erreurs indiquent l'existence d'une relation de cointégration pour les trois pays étudiés entre le taux d'endettement en logarithme (encours d'endettement rapporté au revenu disponible brut) et l'écart critique - différence entre le taux de croissance du revenu des ménages et le taux d'intérêt, indiquant une plus forte capacité d'emprunt des ménages. Pour la France et les Etats-Unis, figurent également dans cette relation de long terme le taux de chômage et le différentiel de taux d'intérêt - écart entre le taux long et le taux court. Un effet de richesse immobilière est également présent à long terme pour l'économie française. Les résultats de ces relations de long terme sont résumés dans le tableau A1.2.

Tableau A1.2 Equation de long terme du taux d'endettement*

France

Allemagne

Etats-Unis

Ecart critique (g- i LT ) **

0.036

0.035

0.05

Ecart de taux ***

0.025

0.045

Taux de chômage ****

-0.04

-0.08

Richesse immobilière *****

0.05

Déréglementation******

0.22

* log(Endettement des ménages / Revenu disponible brut)

** L'écart critique est la différence entre le taux de croissance du revenu des ménages (g) et le taux d'intérêt à long terme (i LT ). Cet écart illustre la capacité des ménages à emprunter.

*** Ecart entre le taux d'intérêt de long terme (10 ans) et celui de court terme (3 mois)

**** Au sens du BIT

***** log(Patrimoine immobilier / Revenu disponible brut)

****** Dummy entre 1985 et 1991

Sources : comptes trimestriels, calculs OFCE.

Les élasticités de l'écart critique au taux d'endettement pour la France et l'Allemagne sont égales. A l'instar de la fonction de consommation, cette élasticité est plus forte aux Etats-Unis.

De la même manière, l'effet du taux de chômage sur le taux d'endettement est deux fois plus fort aux Etats-Unis qu'en France. Son absence dans le cas allemand aura une incidence lorsque nous procèderons à l'analyse des variantes macroéconomiques.

Enfin, l'effet de la richesse immobilière, qui n'était pas significatif pour la France lors de l'estimation de la fonction de consommation, l'est dans le cas de l'endettement.

a. Modèle de l'endettement à correction d'erreurs pour la France

Ce modèle est estimé entre 1980 et le deuxième trimestre 2004 par la méthode des moindres carrés ordinaires. Les variables ont toutes des coefficients significativement différents de zéro et de signe attendu. De manière à simplifier l'écriture, la relation de long terme pour la France est ici notée France . Cette relation relie le logarithme du taux d'endettement à l'écart critique, à l'écart de taux d'intérêt, au taux de chômage et à la richesse immobilière.

La statistique de student associée à France t-1 est supérieure, en valeur absolue, à celle calculée par Ericsson et MacKinnon (2002) 45 ( * ) , validant l'hypothèse d'une relation de cointégration entre ces variables.

Une écriture de ce modèle à correction d'erreurs est la suivante :

log (E t ) = -0.108 - 0.104 log (loyer t /pimmo t ) - 0.048 France t-1

(-3.23) (-2..07) (-5.16)

Graphique A1.4 Taux de croissance trimestriel de l'endettement des ménages français

En %

Sources : comptes trimestriels, INSEE, calculs OFCE.

Diagnostic statistique

LM(1,83) = 1.75 LM(8,69) = 1.21 ARCH(4,77) = 1,90

[ p > 0,19] [ p > 0,31] [ p > 0,12]

White (14,71)= 0,71 Reset (2,76) = 5,76 Bera Jarque (2) =1,67

[ p > 0,76] [ p > 0,01 ] [ p > 0,43 ]

= 0,001 = 0,004

Cette équation a des propriétés statistiques satisfaisantes. Les tests LM conduisent au rejet de l'hypothèse d'auto-corrélation des résidus de l'équation. Ces résidus sont homoscédastiques au regard du test de White et du test ARCH. La forme fonctionnelle de l'équation est validée par le test Reset. Enfin, selon le test de Bera Jarque, les résidus de l'équation suivent une loi normale.

b. Modèle à correction d'erreurs pour l'Allemagne

Ce modèle est estimé entre 1994 et le deuxième trimestre 2004 par la méthode des moindres carrés ordinaires. Les variables ont toutes des coefficients significativement différents de zéro et de signe attendu. De manière à simplifier l'écriture, la relation de long terme pour l'Allemagne est ici notée Allemagne. Cette relation relie le logarithme du taux d'endettement, log(E/RBD), à l'écart critique, différence entre le taux de croissance du revenu disponible brut nominal et le taux d'intérêt nominal à long terme.

La statistique de student associée à Allemagne t-1 est supérieure, en valeur absolue, à celle calculée par Ericsson et MacKinnon (2002) 46 ( * ) , validant l'hypothèse d'une relation de cointégration entre ces variables.

Une écriture de ce modèle à correction d'erreurs est la suivante :

log (E t ) = 0.069 + 0.09 d99 - 0.25 Inflation t-1 - 0.004 Allemagne t-1

(2,70) (26.41) (-4.46) (-2,36)

Graphique A1.5 Taux de croissance trimestriel de l'endettement des ménages allemands

En %

Sources : comptes trimestriels, INSEE, calculs OFCE.

Diagnostic statistique 47 ( * )

LM(1,30) = 0.42 LM(8,23) = 1.21 ARCH(4,28) = 0,39

[ p > 0,52] [ p > 0,34] [ p > 0,82]

WHITE(7,29) = 1,29 RESET (2) = 1,14 BERA JARQUE (2) =0,59

[ p > 0,29] [ p > 0,33 ] [ p > 0,74 ]

= 0,0004 = 0,003

Cette équation a des propriétés statistiques satisfaisantes. Les tests LM conduisent au rejet de l'hypothèse d'auto-corrélation des résidus de l'équation. Ces résidus sont homoscédastiques au regard du test de White et du test ARCH. La forme fonctionnelle de l'équation est validée par le test Reset. Enfin, selon le test de Bera Jarque, les résidus de l'équation suivent une loi normale.

c. Modèle à correction d'erreurs pour les Etats-Unis

Ce modèle est estimé entre 1980 et le deuxième trimestre 2004 par la méthode des moindres carrés ordinaires. Les variables ont toutes des coefficients significativement différents de zéro et de signe attendu. De manière à simplifier l'écriture, la relation de long terme décrite précédemment pour les Etats-Unis est ici notée Etats-Unis . Cette relation relie le taux d'endettement en logarithme à l'écart critique, à l'écart de taux d'intérêt et au taux de chômage.

La statistique de student associée à Etats-Unis est supérieure, en valeur absolue, à celle calculée par Ericsson et MacKinnon (2002) 48 ( * ) , validant l'hypothèse d'une relation de cointégration entre ces variables.

Une écriture simple de ce modèle à correction d'erreurs est la suivante :

log (E t ) = 0.035 + 0.177 log (Richesse immo t ) - 0.045 Etats-Unis t-1

(5,95) (2.71) (-3,72)

Diagnostic statistique 49 ( * )

LM(1,99) = 3.45 LM(8,92) = 1.74 ARCH(4,98) = 1,44

[ p > 0,07] [ p > 0,10] [ p > 0,22]

White(10,96) = 1,77 Reset (2,98) = 0,13 Bera Jarque (2) =0,41

[ p > 0,08] [ p > 0,13 ] [ p > 0,82 ]

= 0,002 = 0,005

Graphique A1.6 Taux de croissance trimestriel de l'endettement des ménages américains

En %

Sources : comptes trimestriels, INSEE, calculs OFCE.

Cette équation a des propriétés statistiques satisfaisantes. Les tests LM conduisent au rejet de l'hypothèse d'auto-corrélation des résidus de l'équation. Ces résidus sont homoscédastiques au regard du test de White et du test ARCH. La forme fonctionnelle de l'équation est validée par le test Reset. Enfin, selon le test de Bera Jarque, les résidus de l'équation suivent une loi normale.

3. Investissement en logement et prix de l'immobilier

Deux autres comportements sont modélisés dans le bloc ménages du modèle e-mod.fr . La première est une fonction d'investissement en logement. La seconde concerne le prix de l'immobilier. Le tableau A1.3 résume les relations de long terme de ces deux comportements. Le taux d'investissement dépend négativement du taux d'intérêt réel à 10 ans et positivement du taux d'endettement. Il en est de même pour le prix de l'immobilier qui dépend également positivement du taux d'investissement en logement.

Tableau A1.3 Equation de long terme du taux d'investissement et du prix de l'immobilier

Taux investissement logement (TIL)*

Prix immobilier (Pimmo)

Taux d'intérêt réel à 10 ans (i)

-0.02

-0.27

Taux d'endettement (TE)**

0.30

0.01

Taux investissement logement

0.143

Tendance (trend)

-0.003


* log(Investissement logement / Revenu disponible brut)

** log(Endettement des ménages / Revenu disponible brut)

Sources : comptes trimestriels, calculs OFCE.

b. Modèle à correction d'erreur pour l'investissement en logement

Le modèle à correction d'erreurs pour cette fonction d'investissement en logement est estimé sur la période 1980-2004. Les variables ont toutes des coefficients significativement différents de zéro et de signe attendu. La relation de long terme est notée Logement . Cette relation relie le taux d'investissement en logement au taux d'intérêt et au taux d'endettement.

La statistique de student associée à Logement est supérieure, en valeur absolue, à celle calculée par Ericsson et MacKinnon (2002) 50 ( * ) , validant l'hypothèse d'une relation de cointégration entre ces variables.

Une écriture simple de ce modèle à correction d'erreurs est la suivante :

log (InvLog t ) = -0.46 + 0.82 log(E t ) -0.03 (U t -U t-1 )- 0.045 Logement t-1

(5,02) (4.56) (-4.26) (-3,72)

Diagnostic statistique

LM (1,89) = 0.064 LM (8,82) = 1.58 ARCH (4,88) = 1,78

[ p > 0,80] [ p > 0,14] [ p > 0,14]

WHITE(10,96) = 1,77 RESET (1,89) = 0,41 BERA JARQUE (2) =0,18

[ p > 0,08] [ p > 0,52 ] [ p > 0,91 ]

= 0,013 = 0,012

Graphique A1.7 Taux de croissance trimestriel de l'investissement en logement en France

En %

Sources : comptes trimestriels, INSEE, calculs OFCE.

c. Modèle à correction d'erreur pour le prix de l'immobilier

Le modèle à correction d'erreurs pour le prix de l'immobilier est estimé sur la période 1985-2004. Les variables ont toutes des coefficients significativement différents de zéro et de signe attendu. La relation de long terme est notée Prix immo . Cette relation relie le prix de l'immobilier au taux d'investissement en logement, au taux d'endettement et au taux d'intérêt réel à long terme.

La statistique de student associée à Prix immo est supérieure, en valeur absolue, à celle calculée par Ericsson et MacKinnon (2002) 51 ( * ) , validant l'hypothèse d'une relation de cointégration entre ces variables.

Une écriture de ce modèle à correction d'erreurs est la suivante :

log (Pimmo t ) =0.97+0.58 log(E t ) + 0.22 log (Pimmo t-1 )-0.045 Prix immo t-1

(2,43) (4.33) (1.86) (-2,75)

Diagnostic statistique

LM(1,68) = 0.129 LM(8,61) = 1.78 ARCH(4,68) = 1,78

[ p > 0,72] [ p > 0,10] [ p > 0,14]

WHITE(14,62) = 1,77 RESET (2,67) = 2,43 BERA JARQUE (2) =0,18

[ p > 0,08] [ p > 0,10 ] [ p > 0,91 ]

= 0,002 = 0,006

Graphique A1.8 Taux de croissance trimestriel du prix de l'immobilier en France

En %

Sources : comptes trimestriels, INSEE, calculs OFCE.

Annexe 2. Comptabilité nationale et opérations immobilières des ménages

Selon la comptabilité nationale, l'achat d'un logement ancien, la mise en chantier d'un logement neuf, les travaux de réhabilitation ou d'amélioration d'un logement, l'achat de foncier sont des formations brutes de capital fixe. La vente d'un logement est une FBCF négative pour le ménage qui réalise la vente. Lorsqu'un ménage vend à un autre ménage, la FBCF agrégée des ménages est nulle (en positif, la valeur du bien pour l'acquéreur et en négatif, la valeur du bien pour le vendeur). La FBCF agrégée des ménages est non nulle lorsque le ménage achète de la production au secteur du bâtiment (travaux, construction) ou lorsqu'il achète à un autre secteur institutionnel (société financière, promoteur immobilier, état) un logement ou un terrain existant.

Imaginons un ménage A auparavant locataire d'un ménage B et qui devient propriétaire de ce logement pour l'occuper ensuite. B peut alors placer l'argent perçu de la vente et en retirer des intérêts, acheter un autre logement à louer ou utiliser les liquidités pour consommer. Nous allons détailler les opérations concernant ces deux ménages.

Les opérations concernant le logement, la consommation, l'épargne et le revenu du ménage A en tant que locataire sont décrites dans les comptes courants et d'accumulation suivants :

Le ménage A est locataire

Emplois Compte de production Ressources

Compte d'exploitation

Compte d'affectation des revenus primaires

Compte de distribution secondaire du revenu

Compte d'utilisation du revenu

Paye un loyer de 100

consomme

épargne

Reçoit un RDB

Compte de capital

Variations des actifs Variation des passifs

Compte financier

Le ménage B est propriétaire et loue à A

Emplois Compte de production Ressources

Loyer perçu de 100

Compte d'exploitation

Compte d'affectation des revenus primaires

Compte de distribution secondaire du revenu

Compte d'utilisation du revenu

Consomme

épargne

Reçoit un RDB dont 100 de loyer perçus

Compte de capital

Variations des actifs Variation des passifs

Compte financier

Le ménage A verse un loyer à un autre ménage B (en ressource du compte de production du ménage B). Au niveau agrégé, A+B, le RDB dépend des loyers. Si les loyers doublent, le RDB augmente. Si les loyers doublent, A paiera maintenant 200, et, toutes choses égales par ailleurs, sa consommation augmente de 100. Toutes choses égales par ailleurs, le doublement des loyers fait baisser le taux d'épargne. Le calcul est le suivant : RDB nouveau=RDB+100, conso nouvelle=conso+100, donc épargne nouvelle=épargne ancienne, donc taux d'épargne nouveau=épargne/RDB nouveau. Le ratio baisse.

Supposons maintenant que A devienne propriétaire, et qu'il emprunte la somme de 2.000 à 5 % pour acquérir le logement dont il était locataire. Les opérations le concernant sont désormais :

Le ménage A devient propriétaire du logement qu'il occupait

Emplois Compte de production Ressources

Production pour emploi final propre (loyers imputés) de 100

Compte d'exploitation

Compte d'affectation des revenus primaires

Charge d'intérêt de 100

Compte de distribution secondaire du revenu

Compte d'utilisation du revenu

Paye un loyer imputé de 100

consomme

épargne

Reçoit un RDB

Compte de capital

Variations des actifs Variation des passifs

FBCF de 2000

Compte financier

Endettement de 2000

La comptabilité nationale considère qu'il y a une production pour emploi final propre, le ménage propriétaire occupant se rendant à lui-même un service de logement. Il y a donc dans le compte de production une ressource correspondant au loyer imputé. Elle est ensuite en emplois dans la consommation, ce qui revient à une comptabilisation à somme nulle. Si les charges d'intérêt sont proches du loyer imputé (hypothèse plausible, car on a vu dans la partie 2 que le rendement immobilier et le taux d'intérêt sont proches), le RDB reste constant par rapport à la situation précédente, la consommation restant aussi a priori inchangée. De ce fait, le taux d'épargne ne bouge pas. Le taux d'endettement de ce ménage augmente. En contrepartie de cette dette, il y a un actif non financier (le logement) dans son compte de patrimoine.

Le passage d'un certain nombre de ménages de l'état de locataires à celui de propriétaires ne change donc pas le taux d'épargne de ces ménages, sauf s'il y a un apport et/ou que le taux d'intérêt est beaucoup plus bas que le rendement immobilier.

Quant au ménage B, les liquidités dégagées par la vente de son bien peuvent soit être investies dans un placement (avec des intérêts), soit consommées (la réalisation d'une plus-value attendue mais pas certaine modifie son comportement). S'il augmente sa consommation, son taux d'épargne baisse.

Si le ménage B a placé en obligations à 5 % les liquidités issues de la vente, les opérations de comptabilité nationale sont les suivantes :

Le ménage B vend le logement à A

Emplois Compte de production Ressources

Compte d'exploitation

Compte d'affectation des revenus primaires

Revenu d'intérêt de 100

Compte de distribution secondaire du revenu

Compte d'utilisation du revenu

Consomme

épargne

Reçoit un RDB dont 100 de revenu d'intérêt

Compte de capital

Variations des actifs Variation des passifs

FBCF de -2000

Compte financier

Obligations pour 2000

Dans son compte de patrimoine, son actif non financier (le logement) a diminué. En contrepartie, son actif financier a augmenté du même montant.

La FBCF agrégée est nulle (2000-2000), le patrimoine financier agrégé est inchangé (dette de 2000 pour A, obligations pour B), le patrimoine agrégé immobilier est identique (aucun logement n'a été construit ni détruit). Seul l'endettement bancaire est plus élevé.

Quand un ménage achète dans le neuf, les opérations du ménage sont alors les suivantes :

Le ménage A se fait construire une maison

Emplois Compte de production Ressources

Production pour emploi final propre (loyers imputés) de 100

Compte d'exploitation

Compte d'affectation des revenus primaires

Charges d'intérêt de 100

Compte de distribution secondaire du revenu

Compte d'utilisation du revenu

Paye un loyer imputé de 100

consomme

épargne

Reçoit un RDB

Compte de capital

Variations des actifs Variation des passifs

FBCF de 2000

Compte financier

Dette de 2000

La FBCF agrégée augmente et induit une production dans le secteur du BTP en augmentant directement le PIB.

* 16 Les données de la Banque centrale européenne sont disponibles pour les différents pays seulement entre 1999 et 2004. Les chiffres cités ne sont donc pas tout à fait homogènes avec ceux cités précédemment.

* 17 Nous retenons comme point bas l'année 1998 compte tenu de la très faible hausse des prix cette année-là, 0,4 %, comparée à celle de 1999, 6,2 %, qui marque véritablement le redémarrage du marché.

* 18 Dans la suite de l'étude, on considérera les prix réels de l'immobilier, sauf mention contraire.

* 19 L'augmentation des prix imputable au rattrapage du niveau tendanciel, étalée aussi sur trois ans, a été un peu plus faible au début de la phase haussière 1986-91, 16,6 %, parce que le point de départ de la hausse était plus proche de la tendance.

* 20 Un décrochage des prix par rapport au niveau tendanciel s'est produit de 1982 à 1984, mais sans que l'on puisse véritablement identifier de pic cyclique auparavant. On ne repère donc qu'un seul cycle complet, allant du point bas de 1984 au point bas de 1998.

* 21 Il s'agit de la création de titres adossés à la dette hypothécaire d'un ensemble de ménages débiteurs.

* 22 Il s'agit d'un indicateur synthétisant les effets de quatre facteurs : le pouvoir d'achat du revenu et la situation du marché du travail, les conditions de remboursement des prêts (taux d'intérêt et durée), les incitations publiques en faveur de l'accession à la propriété dans l'ancien et l'évolution du prix des logements.

* 23 En France, des déductions d'intérêts étaient possibles jusqu'en 1995.

* 24 Société de Gestion du Fonds de Garantie de l'Accession Sociale à la Propriété.

* 25 L'investisseur qui dispose d'un capital peut choisir d'occuper un logement en tant que locataire et placer sur d'autres actifs son capital si le loyer payé est jugé suffisamment faible par rapport au gain des autres placements. Un tel arbitrage est aussi mené en terme de rendement : des loyers faibles, donc un rendement de l'immobilier faible, inciteront les investisseurs à louer leur logement et à placer leur capital sur les autres classes d'actifs, le cas échéant plus rémunératrices. La différence des rendements doit toutefois être suffisamment importante pour rendre l'opération rentable.

* 26 Le rendement de l'immobilier de logement ou des actions est par nature réel car le revenu qu'ils engendrent est réévaluable chaque année en fonction de l'inflation, ce qui n'est pas le cas pour les obligations non indexées dont l'intérêt servi reste inchangé sur toute la période de détention.

* 27 Le rendement de l'immobilier de logement a été calculé en compilant pour l'année 2003 diverses sources relatives, d'un côté au loyer annuel moyen par m2, et, de l'autre, au prix moyen observé à l'achat sur la même période. Il s'agit bien d'une approximation du rendement locatif, vraisemblable toutefois. Les séries historiques ont ensuite été reconstituées sur cette base au moyen des indices de loyer et de prix des logements établis sur longue période par J. Friggit. Par convention, le rendement locatif de l'immobilier a été dégrevé de 2 % correspondant à la dépréciation du capital. Ce taux de dépréciation est très voisin de celui issu des comptes de patrimoine de l'INSEE, de l'ordre de 2 %.

* 28 Les indices de loyer sur longue période ne sont disponibles que pour Paris. Le champ couvert par l'analyse des rendements est donc limité à Paris, à la différence de l'analyse cyclique qui concernait l'agglomération parisienne.

* 29 La banlieue parisienne n'a pas un comportement en termes de prix fondamentalement différent de celui de Paris. Tout au plus les fluctuations de prix en banlieue sont-elles moins prononcées qu'à Paris. Historiquement, elles n'expliquent pas le décalage des évolutions entre la région parisienne et la France entière, et a fortiori , le décalage des rendements en 2004.

* 30 Le rendement effectif rapporte le dividende au cours de l'action. C'est bien ce qui est directement perçu par l'investisseur. Ce concept est différent de l'inverse du price earning ratio , qui rapporte le bénéfice par action à son cours, que ce bénéfice soit distribué ou non. Dans ce cas, les bénéfices représentent une augmentation de la valeur de l'entreprise qui normalement donne lieu à un ajustement des cours à la hausse. Ici les investisseurs profitent des bénéfices sous forme de plus-values en capital.

* 31 On se gardera de toute extrapolation sur le niveau absolu de grandeurs calculées ici à titre indicatif. On a déjà souligné le caractère approximatif du calcul du rendement de l'immobilier, en particulier pour l'année de base, qui détermine le niveau moyen des séries sur l'ensemble de la période. De plus, le benchmark retenu pour apprécier le rendement relatif des investissements non obligataires, le taux des obligations d'état à 10 ans, est conventionnel en ce qu'il suppose un horizon de temps identique pour tous les investisseurs, ce qui est une simplification. Or, un investisseur qui aurait un horizon de temps inférieur à 10 ans devrait logiquement étalonner les rendements des différents actifs sur des taux à échéance plus courte. Plus que d'analyser les niveaux absolus, il convient ici d'examiner les évolutions.

* 32 La hausse des prix n'a pas touché que la région parisienne. Mais la faible augmentation des prix en province paraît n'être qu'une réplique mineure du choc parisien et non pas un phénomène autonome de bulle spéculative.

* 33 Une réorientation de l'épargne, des placements boursiers vers l'immobilier, aurait dû entraîner un redressement significatif du rendement des actions. Ce n'est pas ce qui est advenu.

* 34 L'augmentation du loyer ne peut excéder la variation annuelle de la moyenne sur quatre trimestres de l'indice du coût de la construction.

* 35 Ceci confirme bien que, malgré la forte hausse des prix, la préservation du rendement relatif de l'immobilier a été obtenue grâce à la baisse des taux d'intérêt réels et non pas par une hausse des loyers.

* 36 Dans la limite de la part des logements achetés par les locataires qui, selon la Chambre des Notaires de Paris, s'élevait à 15,6 % des ventes à la découpe en 2004.

* 37 On considère toujours ici le rendement des actifs en écart au taux d'intérêt sur les obligations à 10 ans. Cet écart est habituellement dénommé « prime de risque » car il rémunère, quand il est positif, le risque pris par un investisseur qui se place sur des actifs susceptibles d'enregistrer des moins-values, ce qui n'est pas le cas des obligations pour lesquelles le nominal est garanti à l'échéance.

* 38 Ce point mériterait des développements supplémentaires. Si les taux sur les marchés financiers globaux sont identiques, par exemple sur les bons du trésor allemands et français, il n'en est pas nécessairement de même pour les taux pratiqués par les établissements bancaires sur leurs marchés locaux respectifs. On ne fait pas encore intervenir une agence allemande pour financer une acquisition sur le territoire français.

* 39 Pour plus de détails le lecteur pourra se référer à Chauvin, Dupont, Heyer, Plane et Timbeau (2002) : « Le modèle France de l'OFCE : La nouvelle version e-mod.fr », Revue de l'OFCE, n°81, avril.

* 40 La statistique de student associée à s'élève à -4.73. Les valeurs critiques calculées par Ericsson et MacKinnon (2002) sont de -1.61, -1.94 et -2.56 à respectivement 10 %, 5 % et 1 %.

* 41 Dans cette estimation, les résidus sont corrigés d'une autocorrélation d'ordre 2 ( t = 0,44 t-2 + t ).

* 42 La statistique de student associée à s'élève à -5.94. Les valeurs critiques calculées par Ericsson et MacKinnon (2002) sont de -2.26, -2.59 et -3.21 à respectivement 10 %, 5 % et 1 %.

* 43 La statistique de student associée à s'élève à -3.64. Les valeurs critiques calculées par Ericsson et MacKinnon (2002) sont de -2.26, -2.59 et -3.21 à respectivement 10 %, 5 % et 1 %.

* 44 Dans cette estimation, les résidus sont corrigés d'une autocorrélation d'ordre 2 ( t = 0,15 t-2 + t ).

* 45 La statistique de student associée à s'élève à -5.16. Les valeurs critiques calculées par Ericsson et MacKinnon (2002) sont de -2.99, -3.32 et -3.94 à respectivement 10 %, 5 % et 1 %.

* 46 La statistique de student associée à s'élève à -2.36. Les valeurs critiques calculées par Ericsson et MacKinnon (2002) sont de -1.61, -1.94 et -2.56 à respectivement 10 %, 5 % et 1 %.

* 47 Dans cette estimation, les résidus sont corrigés d'une autocorrélation d'ordre 4 ( t = 0,79 t-4 + t ).

* 48 La statistique de student associée à s'élève à -3.72. Les valeurs critiques calculées par Ericsson et MacKinnon (2002) sont de -2.26, -2.59 et -3.21 à respectivement 10 %, 5 % et 1 %.

* 49 Dans cette estimation, les résidus sont corrigés d'une autocorrélation d'ordre 4 ( t = 0,55 t-4 + t ).

* 50 La statistique de student associée à s'élève à -3.72. Les valeurs critiques calculées par Ericsson et MacKinnon (2002) sont de -2.67, -3.00 et -3.62 à respectivement 10 %, 5 % et 1 %.

* 51 La statistique de student associée à s'élève à -4.73. Les valeurs critiques calculées par Ericsson et MacKinnon (2002) sont de -2.67, -3.00 et -3.94 à respectivement 10 %, 5 % et 1 %.

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