C. LE CONTRÔLE DES DEPENSES DES ONG

1. Les rémunérations des salariés

a) Les salariés du siège

La seule pratique contestable relevée a consisté, dans certains organismes, à accorder une hausse marquée des salaires (plus de 12 % par exemple à Coordination SUD), en une fois et sur une année, après un gel consécutif aux accords sur l'ARTT passés dans l'entreprise.

Par ailleurs, les ONG accordent souvent à leurs dirigeants et à certains salariés sur le terrain des facilités (par exemple la prise en charge des frais téléphoniques ou des dépenses d'eau et d'électricité) qui ne font en général pas l'objet de conventions déterminant les modalités précises de leur mise en oeuvre.

Il peut par ailleurs arriver qu'une relative confusion soit entretenue dans certains organismes entre statut de salarié et statut de consultant. Le GRET considère par exemple que ses salariés à temps partiel peuvent accomplir, sur le temps qui leur reste, des prestations de « consultance » pour l'association. Cette pratique, déontologiquement contestable, est impossible à encadrer, car il est difficile d'établir une distinction claire entre temps salarié consacré à l'ONG et temps dévolu aux activités de « consultance » pour la même ONG.

b) Les salariés expatriés et les salariés de recrutement local

Un certain laxisme prévaut dans la gestion des structures locales, la Cour a en particulier remarqué :

• des avances quasi-permanentes sur salaires, notamment pour les employés modestes ;

• des rémunérations accessoires accordées dans une grande opacité :

o primes diverses versées à l'ensemble du personnel local - mais à des taux différents selon le grade : primes de logement des cadres responsables (parfois même quand le loyer est pris en charge par l'association), primes de « terrain », de déplacement, d'ancienneté, et « primes autres » pour divers motifs rarement justifiés ;

o remboursement de l'hébergement et des fluides (eau, électricité, téléphone) des cadres responsables, même lorsque le contrat de travail ne contient aucun élément prévoyant la prise en charge des frais de cette nature ou que des primes sont par ailleurs versées pour y faire face.

Enfin, et bien que dans toutes les associations contrôlées leur taux soit en principe encadré par des textes, il arrive que les indemnités d'expatriation soient servies à certains salariés, de façon discrétionnaire, à un taux plus favorable que prévu par les textes.

2. Les dépenses des structures décentralisées

La Cour a pu observer que, d'une façon générale, les pièces ne sont pas - ou sont mal - contrôlées : les commissaires aux comptes locaux, lorsqu'il y en a, procèdent à des contrôles assez superficiels et, hormis sur les projets importants, il n'y a pas d'audit approfondi des dépenses par les structures centrales des organismes.

Le paiement de prestations essentiellement intellectuelles s'effectue par exemple sans aucune assurance que le service a été fait : le système repose sur la confiance et se fie aux déclarations des divers intervenants ; rares sont les pièces attestant la matérialité du service (listes de présence signées, fiches d'évaluation), et quand elles existent, elles sont souvent très sommaires.

Plusieurs autres postes susceptibles d'entraîner des pratiques irrégulières sont insuffisamment surveillés. Ainsi :

a) Les frais de mission et de déplacement

Ils ne sont pas toujours encadrés par des textes, la plupart des missions ne sont pas motivées et les pièces justificatives ne sont pratiquement jamais jointes.

Ces lacunes peuvent avoir des conséquences graves dans les structures locales. En effet, rares sont les associations qui ont établi un système de contrôle des comptes de leurs antennes locales leur permettant de détecter des anomalies ou des fraudes. La Cour a d'ailleurs relevé plusieurs cas équivoques de remboursements de frais ou de retraits de fonds sans justificatifs et portant sur des montants significatifs.

b) L'utilisation à titre privé des matériels des associations

Elle est parfois facilitée par des dispositions prises par l'ONG. On relève ainsi dans le manuel de l'équipier d'Eau Vive - qui est l'équivalent du règlement intérieur de l'association - les précisions suivantes concernant l'utilisation des véhicules:

« Un véhicule de fonction est la propriété d'Eau Vive et affecté en priorité aux missions. Cependant, ces véhicules de fonction peuvent être utilisés par les équipiers qui en disposent pour les déplacements bureau-domicile et autres menus déplacements en ville. (...) A titre exceptionnel, et avec l'accord du chef d'équipe, les véhicules de fonction peuvent être utilisés pour des déplacements personnels plus longs (brousse, ville à ville...). Les frais de carburant sont alors pris en charge en totalité par le salarié ».

De telles dispositions sont susceptibles d'engendrer des abus dans l'utilisation des matériels, elles pèsent sur les finances lorsque survient une panne ou un accident et pourraient en outre permettre de mettre en cause la responsabilité de l'organisme propriétaire.

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