2. La politique budgétaire peut être franchement contra-cyclique, avec succès

Au total, la politique budgétaire des États-Unis s'est caractérisée par une orientation délibérément contracyclique : le mécanisme des stabilisateurs automatiques a été laissé libre de fonctionner ; en outre, le solde budgétaire a été manié discrétionnairement pour soutenir l'activité.

CAPACITÉ DE FINANCEMENT DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES AUX ÉTATS-UNIS

(en points de PIB)

2000

2001

2002

2003

2004

2005 1

1,6

- 0,4

- 3,8

- 4,6

- 4,3

- 4,1

1. Prévisions

Cette politique a largement contribué à la reprise économique des États-Unis, qui a été plus précoce et nettement et nettement plus forte qu'en Europe.

CROISSANCE DU PIB AUX ÉTATS-UNIS

(en %)

2000

2001

2002

2003

2004

2005 1

En volume

3,7

0,8

1,9

3,0

4,4

3,6

En valeur

5,9

3,2

3,5

4,9

6,6

6,1

1 Prévisions

Source : OCDE

Les données suivantes relatives aux orientations des politiques budgétaires dans les principaux pays de l'OCDE ne laissent aucun doute sur l' ampleur comparée du recours à la politique budgétaire dans chaque zone .

IMPULSIONS BUDGÉTAIRES CUMULÉES DE 2000 À 2005

Impulsion cumulée

2000

2001

2002

2003

2004

2005

Zone Euro

0,5

1,0

1,1

0,8

0,7

0,4

Royaume Uni

0,1

0,7

2,7

4,2

4,6

4,0

USA

-0,7

0,7

3,9

4,7

5,0

5,0

Japon

0,5

-1,1

0,3

0,2

-0,9

-0,8

Source : Quarterly National Accounts, OCDE.
L'impulsion est la variation du déficit structurel primaire.

3. La politique budgétaire est d'autant plus efficace que certaines conditions sont réunies

L'efficacité de la politique budgétaire américaine apporte un démenti pratique aux constructions théoriques selon lesquelles la politique budgétaire discrétionnaire serait privée de toute efficacité.

Cette dernière approche est incarnée dans le théorème d'équivalence entre l'emprunt et l'impôt dit de « Ricardo-Barro » selon lequel les agents économiques augmenteraient leur épargne face à un creusement du déficit public, contrecarrant aussi les effets de relance liés à la dégradation de la capacité du financement des administrations publiques.

La très forte diminution du taux d'épargne des ménages américains au cours de ces trois dernières années apporte la démonstration que cette théorie n'a pas un pouvoir explicatif sans faille.

Pour autant, elle ne conduit à pas à établir que la politique budgétaire discrétionnaire est, en soi, dotée d'efficacité.

Trois éléments au moins pourraient être nécessaires pour qu'il en soit bien ainsi :

• la politique budgétaire doit être crédible , ce qui signifie qu'elle soit adaptée au contexte économique, et, par conséquent, systématiquement contra-cyclique , en phase basse de l'activité, comme lorsque le PIB excède son niveau potentiel ;

• la capacité de rebond de l'économie doit entrer dans les anticipations des agents , sans quoi leur confiance dans la contribution d'une reprise à venir à la résorption de la dette publique risque d'être amputée, pesant sur leurs comportements ;

• les conditions monétaires et financières doivent être favorables .

Cette dernière observation appelle quelques commentaires :

• l'aversion de la Réserve Fédérale américaine au déficit public semble nettement moins forte que celle de la Banque Centrale européenne, ce qui favorise l'efficacité de la politique budgétaire et permet entre autres à la politique monétaire américaine d'être plus réactive qu'en Europe ;

• une part croissante du besoin de financement public des États-Unis est couverte par des investisseurs étrangers, ce qui amène à mettre en évidence des éléments importants.

Si les deux tiers de la dette publique sont portés par des investisseurs résidents, y compris la Réserve Fédérale, 37 % sont financés par des non-résidents, dont 60 % seraient détenus, selon le département du Trésor des États-Unis, par des institutions gouvernementales.

Au début des années 90, 18 % de la dette étaient financés par l'étranger ; cette proportion a atteint 32 % en 1997. En 2003, la dette publique des États-Unis aux mains des non-résidents représente un montant de passif de plus de 13 points de PIB, dont 8 points sont la propriété d'autorités gouvernementales.

Deux conclusions s'imposent : le statut de la monnaie américaine simplifie le maniement de la politique budgétaire et l'intervention des Banques centrales, y compris la Réserve fédérale, favorise le financement du déficit budgétaire américain, alors qu'en Europe, les statuts de la BCE lui interdisent tout financement direct des administrations publiques.

Une partie importante de la dette publique des États-Unis est acquise par les Banques centrales asiatiques. Cela facilite grandement le maniement contra-cyclique de l'instrument budgétaire aux États-Unis. Les États de la zone euro ne bénéficient pas autant de la bienveillance des Banques centrales asiatiques, ce qu'on peut regretter. Les conditions de financement des déficits budgétaires des pays européens en sortent relativement plus tendues.

C'est en gardant ce contexte à l'esprit qu'il faut juger la perspective ouverte par la BCE de durcir les conditions de refinancement des banques privées commerciales, qui présenteraient à son guichet des créances sur les États insuffisamment vertueux à ses yeux .

Depuis l'adoption de l'euro , les primes de risques sur les dettes publiques de la zone se sont égalisées . Autrement dit, le placement des titres des dettes publiques nationales se fait à peu près au même coût pour les différents États. Le propos de la BCE est de recréer des primes de risques nationales .

Autrement dit, la Banque centrale européenne estime que les marchés se trompent dans leur traitement des dettes publiques des pays de la zone euro. Elle entend « faire payer » les États qui n'auraient pas le comportement budgétaire qui lui convient.

Cette intention peut être interprétée comme étant la réponse de la BCE aux aménagements du Pacte de stabilité et de croissance qui sont intervenus au cours de cette année, et que son Président a publiquement critiqués.

Ainsi, elle ne revient pas seulement à désavouer le jeu spontané des marchés , elle revient encore à sanctionner symboliquement les gouvernements européens , coupables collectivement d'avoir ôté un peu de leur rigidité aux règles qui encadrent la politique budgétaire en Europe.

In fine , si une telle « discrimination négative » devait être appliquée, ce sont les contribuables des pays concernés qui seraient ponctionnés à travers une augmentation des charges d'intérêt.

Or, ni les Traités, ni aucune autre source de légitimité n'autorisent la BCE à entrer dans un processus de sanctions individuelles des États, que ceux-ci se sont explicitement réservées quand il s'agit de leurs politiques budgétaires respectives.

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