ANNEXE OFCE

Perspectives de l'économie française
à l'horizon 2010

OFCE 75 ( * )

Rapport pour le Service des Études économiques du Sénat

Novembre 2005

Conception générale de l'exercice

Cette projection de l'économie française à l'horizon de six ans - 2010 en est le terme - a été réalisée par l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) à l'aide de son modèle de simulation de l'économie française, e-mod.fr . Elle est de nature essentiellement macro-économique.

Les experts se sont toutefois attachés à en tirer le maximum d'indications sur l'évolution de la population active, du marché du travail et des finances publiques.

Si les résultats affichés pour les deux premières années (2005 et 2006) peuvent être considérés comme une prévision, les quatre années suivantes ne décrivent pas le scénario le plus probable, mais plutôt une extrapolation des tendances à l'oeuvre jusqu'en 2004. Il s'agit d'illustrer, par une projection à cinq ans, les questions et les choix devant lesquels se trouvent aujourd'hui les responsables de la politique économique.

Dans le but de mettre à disposition du Sénat une telle « illustration », les évolutions macroéconomiques ont délibérément un caractère tendanciel.

Ce choix influence notamment deux catégories d'hypothèses :

- Le scénario d'environnement international à moyen terme, qui sert de cadre à la projection de l'économie française, a été élaboré à partir des estimations de croissance potentielle réalisées par l'OCDE ou par le FMI pour les zones hors OCDE pour les années 2007 à 2010. Le scénario d'environnement international prolonge donc les évolutions constatées sur le passé par une hypothèse médiane.

- Les prix des partenaires étrangers de la France évolueraient de manière telle que la compétitivité prix de l'économie française serait stable à partir de 2007. Une hypothèse de cette nature a évidemment un caractère conventionnel, mais il est hasardeux d'en bâtir une autre dans le cadre d'un exercice de moyen terme.

Au regard des choix opérés, il est logique que les évolutions macroéconomiques décrites par la projection prolongent les tendances lourdes à l'oeuvre dans l'économie française.

A - UN SCÉNARIO POUR LES ANNÉES 2005-2006

Par convention, la projection prolonge à l'horizon du moyen terme les prévisions à court terme (2005-2006) de taux d'intérêt et de taux de change que l'OFCE vient de présenter 76 ( * ) .

A.1. Le scénario général : un résumé

La capacité de résistance de l'économie mondiale aux chocs a été durement éprouvée depuis 2000. Que l'on songe à l'éclatement de la bulle Internet en 2000, aux attentats du World Trade Center en septembre 2001, à la guerre en Irak en mars 2003, aux scandales financiers, à la montée des prix du pétrole depuis 2004, les occasions n'ont à chaque fois pas manqué de s'interroger sur la pérennité de la croissance.

Mais l'économie mondiale a pu maintenir le cap de l'expansion sans tensions inflationnistes majeures. Emmenée par les États-Unis où les réactions de politique économique face aux chocs ont été vigoureuses, la croissance s'est diffusée aussi aux autres zones développées, le Japon et l'Europe, où pourtant l'accompagnement de la politique économique a été bien moins volontariste.

Aux États-Unis, la politique monétaire a réagi dès les premiers signaux d'inflexion du cycle économique au début de 2001, la FED entrant dans une phase d'abaissement continu des taux d'intérêt. Au contraire, la réaction de la Banque Centrale Européenne a été beaucoup plus timorée, le recul des taux ayant été plus tardif et moins ample qu'aux États-Unis. Le même constat vaut pour la politique budgétaire, l'impulsion positive initiée par les baisses d'impôt et relayée par la hausse des dépenses publiques en réaction aux attentats du 11 septembre s'étant prolongée jusqu'en 2003. De fait, de 2001 à 2003, l'impulsion budgétaire aux États-Unis a été de plus de 5 points de PIB. La zone euro, où l'impulsion budgétaire n'a été que de 0,8 point de PIB sur la même période, s'est enfermée dans l'inaction, contrainte par les exigences du Pacte de stabilité et de croissance.

Tableau 1 : impulsions budgétaires cumulées de 2000 à 2005

Impulsion cumulée

2000

2001

2002

2003

2004

2005

Zone Euro

0.5

1.0

1.1

0.8

0.7

0.4

RU

0.1

0.7

2.7

4.2

4.6

4.0

USA

-0.7

0.7

3.9

4.7

5.0

5.0

Japon

0.5

-1.1

0.3

0.2

-0.9

-0.8

Source : Quarterly National Accounts, OCDE.
L'impulsion est la variation du déficit structurel primaire.

Si la politique monétaire a été plus volontariste aux États-Unis que dans la zone euro, elle y a trouvé aussi un terrain plus fertile pour agir sur la croissance. La sensibilité de l'économie américaine aux taux d'intérêt est plus forte qu'en Europe, au travers notamment d'une inclination plus répandue des ménages américains à s'endetter, de la possibilité de recharger les hypothèques 77 ( * ) , ou la facilité de renégociation d'emprunts déjà contractés. Bien que l'endettement bancaire des ménages se soit alourdi dans certains pays, comme en Espagne du fait de l'exubérance du marché immobilier, le taux d'endettement moyen des ménages de la zone est resté très inférieur à celui des ménages anglo-saxons et a peu évolué depuis la baisse franche des taux d'intérêt amorcée en 2000 (graphique 1).

1. Variation de l'endettement et du taux d'épargne

Sources : Comptabilités nationales, banques centrales, calculs OFCE.

La hausse des prix de l'immobilier et de l'endettement s'est avérée être l'essence du mécanisme de transmission de la politique monétaire : les patrimoines immobiliers jusque là potentiels ont été rendus liquides par l'augmentation de l'endettement des ménages acquéreurs. Cette liquidité accrue du patrimoine a induit la baisse de l'épargne des vendeurs finaux et apporté un soutien direct à la consommation 78 ( * ) . La hausse des prix de l'immobilier est le signe que la stimulation monétaire, impulsée par la baisse des taux d'intérêt, fonctionne. Là où la hausse des prix immobiliers est plus vigoureuse, la stimulation est plus efficace.

Le différentiel de croissance en faveur des États-Unis s'est toutefois maintenu au prix d'un creusement de leur déficit courant qui aurait pu aboutir à une crise financière majeure : effondrement du dollar, durcissement de la politique monétaire pour contrecarrer la fuite des capitaux, neutralisation du levier d'action budgétaire résultant de la nécessaire réduction du déficit public, hausse des taux longs assortie d'une prime de risque majorée sur les titres publics américains.

Dans cette partie, dangereuse si elle n'est orchestrée que par un seul joueur contre tous les autres, les États-Unis se sont trouvé des alliés de circonstance qui avaient un intérêt propre à mener un jeu coopératif. Les pays asiatiques, et en particulier la Chine dont le modèle de développement est fondé sur la conquête de marchés extérieurs et l'accumulation d'excédents courants, ne pouvaient laisser se déprécier le dollar contre leur monnaie. En achetant des titres publics américains pour recycler l'excédent courant de leurs économies, les banques centrales asiatiques ont financé le déficit américain, empêché la remontée des taux d'intérêt à long terme, ancré leur monnaie sur le dollar... et maintenu leur devise sous-évaluée par rapport aux autres monnaies, et en particulier l'euro. Le perdant du jeu, qui, passivement, a laissé se dégrader sa compétitivité, a donc été l'Europe.

Cependant, les États-Unis et la Chine n'ont-ils pas encouragé l'accumulation de déséquilibres et différé une crise financière qui sera d'autant plus destructrice qu'elle aura été artificiellement contenue ?

Les déséquilibres pourraient se résorber sans douleur

Les derniers développements de l'économie américaine dissipent ce scénario noir. Les entreprises américaines ont complètement digéré maintenant les excès de la fin des années 90. La forte croissance de la productivité et la dépréciation passée du dollar mordent sur le déficit courant américain. Le dollar, maintenu sous perfusion par les interventions des banques centrales asiatiques, s'apprécie maintenant. Les entreprises américaines ont retrouvé une rentabilité élevée et assaini leurs positions compétitives. Elles regagnent des parts de marché, tant à l'exportation qu'à l'importation et doivent à nouveau investir, appelant des flux de capitaux étrangers. A nouveau, le territoire américain devient plus attractif aux yeux des investisseurs que les pays en voie de développement ou que d'autres zones en croissance. A nouveau les États-Unis peuvent financer leur expansion productive avec un déficit courant important (cf encadré).

Encadré : situation des entreprises

L'heure est maintenant aux profits, à une dette de qualité, un capital bon marché et à la hausse des indices boursiers.

Au regard de différents indicateurs (indices boursiers, endettement, notations de la qualité de la dette obligataire, rendements financiers des sociétés cotés), les entreprises ont touché le fond à la fin 2002 - début 2003. Depuis, leur redressement a été spectaculaire entraînant dans leur sillage les marchés boursiers.

Les résultats des sociétés cotées, négatifs en 2002, ont augmenté de plus de 20% en Europe et aux États-Unis en 2004. Ce mouvement de hausse des profits, accompagnée d'une politique de désendettement - entamée dès le début de l'année 2002 aux États-Unis et à partir de 2003 dans la zone euro a amélioré la qualité du crédit obligataire des deux côtés de l'Atlantique comme l'indique le différentiel de « notation » de la dette obligataire des entreprises réalisé par l'agence Moody's (graphique). La rentabilité financière du capital des entreprises cotées, fortement négative en 2002, a connu un rebond spectaculaire en 2003-2004.

Si les signaux concernant la situation opérationnelle et financière des entreprises sont bons des deux cotés de l'Atlantique, il existe cependant des divergences notables entre ces deux zones à la fois en matière de politique d'investissement et plus récemment d'évolution des indices boursiers.

Notation des entreprises*

*Pourcentage des entreprises dont la notation a été améliorée déduit du pourcentage des entreprises dont la notation a été dégradée.

Source : Moody's

Les entreprises européennes, qui dégagent des profits élevés, en particulier au niveau des sociétés cotées, les utilisent assez peu pour financer des projets d'investissement en Europe. L'incertitude des perspectives de débouchés et les risques pesant sur la croissance font défaut à une reprise vigoureuse de l'investissement productif des SNF en Europe. Aux États-Unis, le rebond de la FBCF productive a été sans commune mesure avec celui de la FBCF des entreprises européennes (graphique taux investissement).

Taux d'investissement productif

Sources : Comptes nationaux

Depuis un peu plus d'un an, on observe un décrochage des indices boursiers américains et européens. Entre la mi-août 2004 et la mi-octobre 2005, le Dow Jones ne s'est apprécié que de 2% alors que l'Eurostoxx a augmenté de 30%, le Cac 40 de 27% et le Dax de 34%. Un des éléments d'explication est que le prix des entreprises américaines était surévalué au regard des bénéfices réalisés, à la différence des sociétés européennes qui étaient sous évaluées. Cette différence d'évolution observée sur les places boursières ne serait alors qu'un mouvement de correction vers une situation d'équilibre. Une autre explication est que le rendement financier du capital des sociétés cotées américaines (graphique) est, depuis la fin de l'année 2004, devenu plus faible que celui des pays européens. Cette situation devrait progressivement s'estomper, les entreprises européennes payant dans les mois à venir une politique d'investissement plus frileuse que celle engagée par les sociétés américaines.

Rendements financiers des sociétés cotées

Source : Comptes nationaux

Concrétisation de cette dynamique, le déficit courant cesse de se dégrader et s'est même amélioré au début de l'année 2005. Hors importations pétrolières nettes, l'amélioration est plus significative. La banque centrale du Japon a cessé d'intervenir massivement, le Yen ne présentant plus de tendance à l'appréciation relativement au dollar.

La Chine continue d'accumuler à la fois des excédents extérieurs et des réserves de change. C'est là la condition pour surseoir à l'ouverture de son système financier et l'ouverture de son économie à des capitaux mobiles. Les excédents commerciaux ont pour contrepartie une épargne interne considérable, les réserves de changes permettent de garantir et de soutenir le système financier interne autorisant l'intermédiation de cette épargne vers les investisseurs. Le taux d'intérêt implicite ou explicite proposé aux agents internes est moins élevé que celui que proposeraient les marchés financiers. La stratégie chinoise va donc continuer. Le déficit commercial se creusera avec les pays développés, dont les États-Unis, mais la banque centrale chinoise continuera d'accumuler des réserves et financera en particulier son principal client, les États-Unis.

Les déséquilibres accumulés subsistent, mais la perspective d'une normalisation progressive de la situation gagne en probabilité. Tous les sujets d'inquiétude ne se sont pas évanouis pour autant.

Un risque d'inflation alimentée par un choc pétrolier

Le renchérissement des prix du pétrole en est un. Jusqu'à présent les économies n'ont eu qu'à subir des effets dits de « premier tour », liés à la hausse directe des carburants et des produits dérivés du pétrole. La spirale prix-salaires, à l'oeuvre lors des premiers chocs pétroliers, ne s'est pas mise en place depuis le démarrage de la vague de hausse du pétrole au début 2004. Il n'est bien sûr pas exclu que les hausses quasi-continues du pétrole n'aient finalement raison de la capacité de résistance des agents au renchérissement de l'énergie. La discipline des agents économiques est surprenante, imposée par la rigueur des banquiers centraux ou découlant des pressions déflationnistes qui pèsent par le chômage, la menace de la délocalisation ou la course à la productivité.

Dans le contexte de « règlement pacifique » des déséquilibres de l'économie mondiale, la résurgence de l'inflation au-delà des objectifs fixés par les banques centrales serait particulièrement malvenue car elle pousserait les autorités monétaires à durcir davantage la politique monétaire et à freiner une croissance américaine qui, à partir de 2004, s'était affranchie des impulsions de politique économique et avait gagné en autonomie. Mais au-delà de ces conséquences conjoncturelles, se profile un risque plus important encore. L'économie mondiale a tissé une toile d'endettements et de créances très serrée. Une résurgence de l'inflation induirait de telles tensions entre créditeurs et débiteurs que la résolution de ces conflits plongerait le monde dans une récession sévère. Le débouclage brutal de ces positions est un risque systémique pour l'ensemble du système économique et financier mondial.

Ou une déflation européenne

Paradoxalement, l'autre risque majeur de l'économie mondiale est la déflation. La zone euro illustre ce schéma par lequel elle suivrait, 15 ans après, l'économie japonaise dans une lourde crise dont il est difficile de s'extraire. La faiblesse des performances économiques européennes est liée à l'impuissance de l'Europe à réguler les fluctuations brutales que le capitalisme moderne semble condamné à engendrer. La faiblesse de la croissance en retour accroît le chômage et compromet le pacte de redistribution. Explicitement (réformes structurelles en tout genre) ou implicitement (poids du chômage sur les salaires réels menace de délocalisation), le partage de la valeur ajoutée se fait au profit des producteurs. Les ressorts internes de la croissance sont brisés et la pression de la concurrence ronge les salaires et les prix. Alors que le prix du pétrole flambe, l'inflation « sous jacente » en Europe ralenti à des rythmes qui sont pratiquement indiscernables de la décroissance. Que cela se prolonge, ou que le prix du pétrole chute brusquement, l'économie de la zone euro entrera dans une dangereuse spirale déflationniste.

2: Inflation sous jacente zone euro et États-Unis

Source : Comptes nationaux

A plus long terme encore, la faible croissance pèse sur les capacités d'investissement de chacun, que ce soit les entreprises, les Etats ou les individus et entame le potentiel de croissance (voir encadré). L'absence de régulation conjoncturelle, fait ainsi courir des risques bien plus forts qu'avoir des cycles plus marqués autour d'une tendance immuable. Oublier également que la régulation conjoncturelle doit lutter contre l'inflation autant que contre la déflation est une position dangereusement asymétrique.

Encadré : Le grand écart des croissances potentielles

Les faibles performances de croissance du Pib dans la zone euro comparées à celles enregistrées aux États-Unis et au Royaume-Uni sont à relativiser au regard des différentiels de croissance potentielle : un des principaux moteurs de cette dernière, les fluctuations de la population active, éclaire les différences observées entre économies. Le ralentissement de la croissance de la population active observé au cours de la dernière décennie dans la plupart des pays industrialisés - causé entre autres par le vieillissement des populations, la réduction des soldes migratoires, la fin du rattrapage de l'emploi féminin - pèse sur la potentiel de croissance (voir tableau 1).

Tableau E1. Evolution de la croissance potentielle

Croissance potentielle

Population active

Productivité potentielle du travail

Variation annuelle moyenne en %

1992 - 2000

2001 - 2004

1992 - 2000

2001 - 2004

1992 - 2000

2001 - 2004

France

2,0

2,1

0,7

0,9

1,3

1,2

Allemagne

1,6

1,4

0,0

0,0

1,6

1,4

Espagne

2,9

3,0

1,6

1,6

1,3

1,4

Italie

1,4

1,2

-0,3

0,7

1,7

0,5

États-Unis

3,3

3,0

1,4

0,8

1,9

2,2

R-U

2,6

2,5

0,4

0,9

2,2

1,6

Sources : OCDE et données nationales

Malgré une réduction récente dans la plupart des pays industrialisés, la croissance potentielle demeure plus vigoureuse chez nos partenaires anglo-saxons. En particulier, la productivité potentielle du travail (différentiel entre la croissance potentielle et celle de la population active) - plus élevé aux États-Unis et au Royaume-Uni qu'en Europe - accélère chez notre partenaire américain tandis qu'elle se réduit sur notre continent.

Ce ralentissement européen n'est pas lié aux arguments de « structure » couramment employés concernant les rigidités spécifiques du marché du travail mais à une faiblesse récente de la productivité globale des facteurs79 ( * )

: alors qu'elle progressait plus rapidement en France et en Allemagne qu'aux

États-Unis jusqu'au tournant du millénaire, un très fort écart se creuse depuis 2000 (voir graphique 1). La rupture observée en 2000 ne traduit pas uniquement des éléments conjoncturels - bien que les États-Unis n'aient pas connu la fin de cycle économique observée en Europe - mais présente des explications et effets structurels.

Graphique E1. Productivité globale horaire des facteurs
dans le secteur privé

(glissement sur cinq ans, en %)

Sources : OCDE et données nationales, calculs OFCE

La productivité globale horaire des facteurs (ð) du secteur privé est calculée via son taux de croissance où Q est la valeur ajoutée du secteur privé, á la part des salaires dans cette VA, L l'emploi en heures et K le stock de capital.

La baisse de la productivité en Europe est pour partie due à des effets réversibles. Le creux conjoncturel y ayant duré davantage qu'aux États-Unis, l'investissement privé a été plus durement touché. Par ailleurs, les contraintes du pacte de stabilité et de croissance ont pesé sur finances publiques : ne pouvant faire face à l'augmentation de l'écart entre recettes et dépenses en période de faible croissance, les gouvernements ont rogné sur les investissements. Le rebond observé aux États-Unis (voir graphique 2) est donc exceptionnel au regard des autres économies.

Le nouveau régime de croissance fondé sur l'investissement et la productivité observés aux États-Unis leur a permis de maintenir leur économie à flot pendant la crise : par effet d'hystérèse, l'absence de fluctuation de court terme soutient le potentiel de croissance à plus longue échéance. A l'opposé, l'absence de régulation conjoncturelle en Europe pèse sur le potentiel de croissance des prochaines années.

Ayant préféré soutenir l'emploi en période de chômage massif, la France et l'Allemagne ont connu une déqualification et une baisse de la productivité (voir graphique 3). Ainsi, puisque la croissance du PIB est liée au produit des croissances du taux d'emploi et de la productivité, le maintien du taux d'emploi, voire son augmentation, permet de compenser les baisses de productivité. Malheureusement, l'Allemagne a perdu sur les deux tableaux. En ce qui concerne les États-Unis, ce dernier graphique nuance la forte hausse de la productivité qui s'est réalisée au prix d'une chute du taux d'emploi ; l'impact en terme de croissance en est donc moindre.

Graphique E 2. Part de l'investissement brut hors logement dans le PIB

Indice 100 en 2000

Source : OCDE, calculs OFCE

L'investissement est la somme des investissements public et privé hors logement.

Graphique E 3. Taux d'emploi et productivité globale horaire des facteurs

En %, moyennes sur la période et régression linéaire sur 2001-04

Source : OCDE et données nationales, calculs OFCE

Le taux d'emploi est le rapport du nombre de personnes employées sur la population active.

Tour du monde : vers le rééquilibrage ?

Après une année 2004 de croissance record à 5%, l'économie mondiale retrouverait à l'horizon 2006 un rythme de croissance plus proche de son potentiel (4,2% en 2005 et 4,1 % en 2006). Les pays en voie de développement et l'Asie en particulier continueraient de tirer vers le haut la croissance mondiale. S'ils représentent moins de la moitié du PIB mondial en parité de pouvoir d'achat (PPA), ils contribuent à hauteur de 68% à la croissance totale. La Chine à elle seule y contribuerait à hauteur de 28% en 2005. Parmi les pays industrialisés, les États-Unis resteront le premier pôle de croissance, contribuant pour plus de moitié à la croissance de la zone OCDE, et pour 18% à la croissance mondiale.

Après une année 2004 exceptionnelle (4,2%), la croissance aux États-Unis se stabiliserait autour de son rythme potentiel (3,5% en 2005 et 3,2% en 2006). Si l'écart se resserre avec la zone euro, les performances outre-atlantique resteraient nettement supérieures à celles du vieux continent (voir plus bas : « Une zone euro toujours en petite forme »). Derrière ce dynamisme se cache une demande intérieure solide, soutenue par un rebond des investissements depuis 2004 - les entreprises ont assaini leur situation financière et profitent du bas niveau des taux d'intérêt longs - et par la vigueur de la consommation des ménages - la progression du revenu et la baisse du taux d'épargne font plus que compenser la hausse du niveau général des prix. La flambée des prix du pétrole n'a jusqu'à présent pas généré d'effets de second rang sur l'inflation, mais le risque n'est pas exclu à l'horizon 2006. Autre point à surveiller : le taux d'endettement des ménages atteint des sommets avec l'engouement des américains pour l'immobilier. La reprise du marché du travail et la poursuite du cycle d'investissement comptent parmi les facteurs qui viendront soutenir la croissance jusqu'en 2006. Le ralentissement serait imputable au resserrement modéré des conditions monétaires. En outre, l'économie américaine est désormais moins dépendante de l'impulsion budgétaire et le déficit courant cesse de se dégrader - il se stabilise autour de 6,3% du PIB.

Au Royaume-Uni, l'économie a fortement ralenti au deuxième trimestre 2004, et la bonne performance de 2004 (3,2%) ne sera pas renouvelée en 2005 et 2006 (1,7% et 2,2%). La hausse des taux d'intérêt a freiné l'activité intérieure, alors qu'aucun soutien à la croissance n'est venu de l'environnement extérieur. La consommation des ménages a nettement ralenti et l'industrie manufacturière se trouve au bord de la récession. L'impulsion budgétaire serait légèrement négative en 2005 et 2006, et seule une politique monétaire accommodante permettrait à l'économie de redémarrer doucement en 2006. L'économie outre-manche semble aujourd'hui moins profiter de la croissance américaine, et ses performances se rapprochent de celles de la zone euro.

L'économie japonaise, au contraire, sort enfin la tête de l'eau. La croissance au premier semestre 2005 a été supérieure aux prévisions grâce à la bonne tenue de la consommation des ménages et à la poursuite des investissements productifs. Le commerce extérieur, moteur traditionnel de la reprise nippone, a joué un rôle moins important au début de l'année, les exportateurs nippons ayant pâti des ajustements en cours dans le secteur des NITC. Le taux d'épargne se réduit progressivement tandis que la situation s'améliore sur le front de l'emploi, avec une augmentation des embauches en contrats réguliers. L'assainissement du secteur financier a permis aux entreprises d'emprunter pour financer leurs investissements. Après une première année de reprise en 2004 (2,6% de croissance), l'économie nippone resterait dynamique en 2005 et 2006 (2,2% et 1,9%), soutenue par le redémarrage du commerce extérieur, de plus en plus orienté vers l'Asie. La confiance des ménages et la reprise de l'investissement logement permettraient à la demande intérieure de prendre le relais de la croissance. Si l'évolution des prix est aujourd'hui encore négative, le Japon devrait sortir de la déflation à l'horizon 2006.

La croissance en Asie continue sa course en tête, entraînée par la performance chinoise. La forte demande des États-Unis pour les exportations asiatiques, une inflation modérée et une position financière extérieure largement excédentaire ont permis à l'Asie d'atténuer l'impact négatif des prix élevés du pétrole. Après une performance exceptionnelle de 7,9% en 2004, la croissance se maintiendrait à 7,3% en 2005 et 7,1% en 2006. L'économie serait soutenue dans plusieurs pays d'Asie du sud-est par la phase de reprise du cycle des semi-conducteurs. Mais la Chine resterait le moteur de la zone, grâce au dynamisme de la consommation et à des gains toujours aussi forts de parts de marché. L'inflation demeure modérée en Asie, mais les politiques de subventions des prix de l'énergie pratiquées par de nombreux pays pourraient bien faire l'effet d'une bombe à retardement.

L'envolée des prix du brut profite à l'Amérique latine, exportatrice nette de pétrole, qui accumule des excédents commerciaux très élevés en 2005. Outre le soutien de l'environnement international, la consolidation des dynamiques de demande intérieure s'est poursuivie, avec un boom de l'investissement productif et une consommation privée bien orientée. Après des performances exceptionnelles en 2004 (6,2% de croissance en moyenne), l'activité progresserait à un rythme toujours soutenu en 2005 et 2006 (4% et 3,6%). Ce ralentissement serait imputable à l'appréciation des taux de change effectifs réels et à des politiques économiques relativement restrictives dans les pays les plus inflationnistes. Les exportations continueront cependant d'être portées par le dynamisme de la croissance aux États-Unis et en Chine, la part de l'Asie dans les exportations sud-américaines ayant presque doublé en 4 ans.

Quant aux pays d'Europe centrale et orientale, leur phase de rattrapage se poursuit, mais à un rythme moins effréné qu'en 2004. Les nouveaux pays membres de l'Union européenne tirent leur épingle du jeu en 2006, avec une croissance de 4,5% après 3,7% en 2005 et 4,5% en 2004. La discipline budgétaire et fiscale, la forte productivité du travail et l'appréciation des taux de change effectifs contiennent les pressions inflationnistes, mais pèsent sur la demande intérieure. La reprise progressive des importations de la zone euro dynamise les exportations des nouveaux pays membres et contribuent à l'accélération de la croissance en 2006. La situation a plutôt tendance à se dégrader pour les autres pays de la zone : la Roumanie et la Bulgarie demeurent dans une situation macroéconomique incertaine et les autres économies de l'ancienne sphère soviétique souffrent d'instabilité monétaire et politique et sont contraintes d'engager des mesures pour stabiliser l'inflation. Quant à la Russie, on anticipe un ralentissement de ses revenus d'exportations énergétiques, et la demande interne ne prendrait pas le relais.

Une zone euro toujours en petite forme

Confirmant le ralentissement initié au second semestre 2004, la croissance a été atone au premier semestre 2005 (0,3% chaque trimestre). La reprise n'aura donc pas eu le temps de s'installer, la zone euro restant nettement à la traîne des autres zones (avec une croissance de seulement 1,8% en 2004, soit inférieure à son rythme potentiel). Ce schéma devrait se poursuivre à l'horizon de notre prévision, avec une croissance de 1,3% en 2005 et de 1,9% en 2006. Une croissance plus vigoureuse n'est cependant pas à exclure, selon les prévisions de croissance de l'indicateur avancé pour le second semestre 2005 (encadré 1). La consommation des ménages, qui avait jusqu'alors soutenu la croissance, a commencé à montrer des signes de faiblesse début 2005 (0,1% chaque trimestre). Certes les créations d'emplois ont un peu accéléré -avec pour conséquence une légère baisse du taux de chômage depuis fin 2004, pour atteindre 8,7% au deuxième trimestre 2005 -, mais face aux incertitudes pesant sur l'activité économique, les ménages ont augmenté leur taux d'épargne. L'amélioration progressive de l'emploi et la baisse du taux d'épargne en 2006 permettraient à la consommation de réaccélérer un peu, mais elle resterait bridée par un faible pouvoir d'achat. Quant à l'investissement, un léger mieux se dessine depuis quelques trimestres, malgré un trou d'air au premier trimestre 2005. Mais, la faiblesse de la consommation et des débouchés extérieurs a empêché une véritable reprise. Avec la dépréciation de l'euro et donc une croissance des exportations plus forte en 2006, ainsi qu'avec le léger mieux attendu concernant la consommation, l'investissement accélèrerait. Le commerce extérieur cesserait de peser sur la croissance en 2006, avec une contribution légèrement positive (+0,3 point).

Alors que la plupart des exportateurs avaient comprimé leurs marges à l'export depuis 2002, la dépréciation de l'euro leur a donné un peu d'air, leur permettant d'augmenter leurs prix à l'extérieur de la zone (graphique 1). Cependant, du fait du renchérissement du prix du pétrole, les indices de valeur unitaire à l'import extra-zone ont fortement augmenté, conduisant à une dégradation des termes de l'échange. Au premier semestre 2005, ce n'est donc pas tant la mauvaise performance à l'exportation de la zone qui a plombé le solde commercial que la facture énergétique : alors qu'en 2004, la dégradation du solde des produits énergétiques par rapport à 2003 avait atteint 17 milliards d'euros, sur les seuls six premiers mois de l'année 2005, elle a représenté 26 milliards par rapport à la même période de 2004.

Graphique 3 : taux de change de l'euro et indices de valeur unitaire

Sources : Eurostat, calculs OFCE.

Malgré la hausse du prix de l'énergie, les prix à la consommation n'ont que peu accéléré depuis le début de l'année 2005 dans la zone euro (graphique 2). Aucun effet de second rang ne s'est pour l'instant mis en place. Au contraire, le renchérissement du prix du pétrole cache même un net ralentissement des prix des produits manufacturés, qui croissent désormais à un rythme annuel nul, poussés à la baisse par la chute du prix de ces importations. Ils sont même en recul en Allemagne, en France et aux Pays-Bas, pays où les coûts salariaux unitaires dans l'industrie se contractent nettement. L'inflation sous-jacente est donc plutôt en ralentissement, à 1,3% en août 2005. Avec la stabilisation du cours du pétrole, l'inflation ralentirait en 2006 (à 1,6% en moyenne annuelle).

Graphique 4 : inflation dans la zone euro

Sources : Eurostat .

Des performances hétérogènes au sein de la zone euro

En 2006, parmi les principaux pays de la zone, ce sont surtout la France et l'Espagne qui tireront la croissance (respectivement 2,2% et 2,9%). Mais, alors que la France verrait sa croissance accélérer, celle de l'Espagne ralentirait, sous le poids de déséquilibres croissants (endettement élevé des ménages notamment). Les Pays-Bas croîtraient au même rythme que la zone euro, après une année 2005 morose. Quant à l'Allemagne et à l'Italie, leur croissance accélèrerait, mais elle resterait bien inférieure à celle de la zone euro (respectivement 1,4% et 1,2%).

Si les divergences en terme de taux de croissance devraient s'atténuer entre les pays, ce serait moins le cas en ce qui concerne les sources de cette croissance. Les Pays-Bas et l'Allemagne continueraient de bénéficier d'une contribution des échanges extérieurs nettement positive (respectivement 1 point et 1,3 point en 2006). Pour l'Allemagne, ce serait son principal soutien : la stratégie de réduction des coûts mise en place par les entreprises pour préserver leur compétitivité a durablement plombé la demande intérieure. Certes, la croissance de la consommation privée et celle de l'investissement productif redeviendraient positives en 2006, mais ceci ne suffirait pas à enclencher une vraie dynamique interne, d'autant plus que l'investissement en construction resterait déprimé. En Italie, aucun soutien de l'extérieur n'étant à attendre (avec une contribution nulle en 2006), tout repose sur la demande intérieure. Celle-ci accélèrerait, principalement du fait d'une meilleure tenue de l'investissement, mais elle resterait relativement faible, en raison notamment d'une moins bonne orientation du marché du travail que précédemment. Enfin, la France et surtout l'Espagne, qui ont beaucoup pâti d'une contribution extérieure négative en 2003 et 2004, verraient cette situation s'améliorer grâce à la dépréciation de l'euro, la contribution extérieure devenant moins négative en 2006 (respectivement -0,4 point et -1,4 point). La demande intérieure resterait le moteur de la croissance dans ces pays, même si elle décélèrerait un peu en Espagne.

Les divers schémas à l'oeuvre dans les principaux pays de la zone euro se reflètent dans la situation de leur balance courante (graphique 3). L'Allemagne, qui gagne dorénavant des parts de marché, notamment au détriment de ses principaux partenaires de la zone euro, accumule un excédent courant de plus en plus important, malgré la facture énergétique. Il a ainsi atteint 4,2% du PIB au deuxième trimestre 2005. C'est aussi le cas des Pays-Bas, avec un excédent représentant plus de 6% du PIB. En revanche, en Italie et en France, le solde courant est légèrement négatif, autour de 2,5% du PIB. Face à l'appréciation de l'euro, les exportateurs français ont plus souffert que ceux allemands, subissant de nettes pertes de parts de marché. En effet, si les entreprises françaises ont réduit leurs coûts, ce mouvement a été moindre qu'en Allemagne, entraînant une détérioration de la compétitivité des produits français par rapport à ceux allemands. De plus, l'orientation des exportations françaises est toujours pénalisante, avec une part plus élevée que l'Allemagne de ventes vers les pays de la zone euro et encore peu d'exportations vers les pays de l'est ou l'Asie. Quant à l'Espagne, la dégradation du déficit courant est impressionnante, celui-ci atteignant 8,1% du PIB au deuxième trimestre 2005. Non seulement l'Espagne perd des parts de marché depuis 2002, les avantages liés à son entrée sous-évaluée dans la zone euro s'épuisant peu à peu du fait du différentiel d'inflation avec ses principaux partenaires, mais la demande intérieure très dynamique conduit aussi à de fortes importations, ce qui explique l'ampleur de ce déséquilibre.

Graphique 5 : solde courant en % du PIB

Sources : Banques centrales nationales, Global Insight.

A.2. Politiques budgétaires

En 2005, l'orientation de la politique économique s'est inversée des deux cotés de l'Atlantique (graphique 6). Aux États-Unis, les contributions de la politique budgétaire et des conditions monétaires à la croissance ont été négatives (encadré 3). Dans la zone euro, la neutralité budgétaire s'est couplée d'une sensible détente des conditions monétaires. La politique économique n'apparaît donc plus comme l'élément dominant de la différence des performances de croissance entre les deux zones (tableau 2). Au Royaume-Uni, la politique budgétaire ne soutient plus la croissance et le déficit public se réduit légèrement, tout en restant à 3 % du PIB. Au Japon, en revanche, malgré un certain ralentissement de la croissance, la politique budgétaire abandonne son orientation fortement restrictive de 2004 pour devenir neutre, ce qui ne permet aucune amélioration des comptes publics.

Tableau 2. Positions budgétaires aux États-Unis,
en Europe et au Japon

2003

2004

2005

2006

Moyenne
2003-2006

Croissance du PIB (en %)

Zone euro

0,7

1,8

1,3

1,9

1,4

États-Unis

2,7

4,2

3,5

3,2

3,4

Royaume-Uni

2,5

3,2

1,7

2,2

2,4

Japon

1,4

2,6

2,2

1,9

2,0

Solde public (en % du PIB)

Zone euro

-3,0

-2,7

-2,9

-2,8

-2,9

États-Unis

-5,0

-4,7

-4,2

-4,4

-4,5

Royaume-Uni

-3,2

-3,1

-3,0

-3,0

-3,1

Japon

-7,7

-6,1

-6,1

-5,3

-6,3

Impulsion budgétaire
(en points de PIB)

Zone euro

0,1

-0,4

0,1

-0,2

-0,1

États-Unis

1,1

0,4

-0,4

0,1

0,3

Royaume-Uni

1,5

0,3

-0,2

-0,3

0,3

Japon

-0,2

-0,1

-0,1

-0,5

-0,5

1. Opposé de la variation du solde structurel primaire. Un chiffre positif indique une politique budgétaire expansionniste.

Sources : Comptes nationaux, Eurostat, calculs et prévision OFCE octobre 2005.

Graphique 6. Indicateurs de rigueur monétaire et budgétaire 2003-2006

Source : BEA, Réserve fédérale, BLS, OCDE, Eurostat, calculs et prévision OFCE,
octobre 2005.

2005 : la tenue du nouveau PSC

En 2005, le déficit budgétaire de la zone euro (2,9 % du PIB) se détériorerait, érodant ainsi l'amélioration engrangée en 2004 (2,7 % après 3 % en 2003). Par rapport à 2004, lorsque la politique discrétionnaire entraînait 0,4 point d'amélioration du solde public, l'orientation budgétaire s'inverserait, fournissant une impulsion à peine positive (0,1 point de PIB, tableau 2). L'impact plus négatif de la conjoncture sur le solde (-0,3 point de PIB contre -0,1 en 2004) témoigne de l'opportunité de cet arrêt de la restriction budgétaire. Les pays de la zone euro bénéficieraient d'un recours accru aux recettes exceptionnelles (+0,1 point de PIB contre -0,2 point en 2004), mais pas de la baisse des charges d'intérêts, qui s'interromprait. En effet, malgré le bas niveau des taux longs européens, la hausse de la dette priverait, pour la première fois depuis 1997, les pays de la zone de cette voie d'amélioration du solde.

3. Contribution à la variation du solde public en 2005

En % du PIB

États-Unis

Zone euro

Solde des APU 2005

-4,2

-2,9

Solde des APU 2004

-4,7

-2,7

Variation 2004-2005

0,5

-0,2

Mesures exceptionnelles*

0,0

0,2

Impact de la conjoncture

0,2

-0,3

Charges d'intérêts

0,0

0,0

Mesures discrétionnaires

0,5

-0,1

Un impact négatif de la conjoncture prend le signe (-) car il détériore la composante cyclique du solde ; une hausse de la charge d'intérêts prend le signe (-) car elle dégrade le solde public ; une politique discrétionnaire expansionniste prend le signe (-) car elle détériore le solde structurel primaire.

Sources : Comptes nationaux, Eurostat, calculs et prévision OFCE, octobre 2005.

* Il s'agit de mesures de nature temporaire, ayant pour effet une hausse de recettes, le plus souvent, ou une baisse de dépenses, plus rarement, et conduisant à une amélioration non structurelle du solde public (soultes, titrisations...).

Cinq pays appartenant à la zone euro, la France, l'Allemagne, l'Italie, le Portugal et la Grèce, présenteraient un déficit encore supérieur à 3 % en 2005 (tableau 7). Les Pays-Bas et l'Autriche s'approcheraient de cette valeur. La Finlande parviendrait à réduire significativement son excédent, tout comme la Belgique et l'Irlande qui le transformeraient même en déficit.

A l'exception de l'Espagne, qui ramènerait son solde à l'excédent, ainsi que de la France, de l'Allemagne et de la Grèce, dont le déficit de réduirait, tous les autres pays de la zone euro connaîtraient une détérioration de leurs finances publiques. Tous les pays dont le déficit est prévu en hausse pratiqueraient une impulsion budgétaire positive, ou nulle, à l'exception des Pays-Bas qui poursuivraient une restriction budgétaire de même ampleur qu'en 2004 (0,7 point). L'orientation budgétaire expansionniste serait particulièrement marquée en Autriche (impulsion budgétaire égale à +1,2 point de PIB), en Irlande (1,1 point) et au Portugal (0,8 point). Mais au Portugal, la fin du recours aux recettes exceptionnelles, comprises entre 1 et 2 points de PIB depuis 2002, expliquerait en grande partie la dégradation du déficit public.

En France, et surtout en Grèce, la politique budgétaire serait restrictive, mais la réduction du déficit s'appuierait sur des recettes exceptionnelles de l'ordre de respectivement 0,5 et de 1,0 point de PIB. En Allemagne également, des recettes extraordinaires se montant à 0,5 point de PIB permettraient une baisse du déficit, malgré la neutralité de la politique budgétaire. Cette même neutralité en Italie contribuerait à la forte hausse du déficit, en l'absence de recettes exceptionnelles, en rupture avec la moyenne de 1,3 point de PIB par an sur les quatre dernières années. Il n'y a qu'en Espagne que l'impact positif de la conjoncture sur le solde public permettrait de dégager un excédent, malgré une politique expansionniste. Dans tous les autres pays, la composante conjoncturelle du solde public se dégraderait, notamment en Italie, en Finlande et en Grèce, où le taux de croissance du PIB serait le plus éloigné du potentiel. Les charges d'intérêts contribueraient encore positivement aux finances publiques dans la plupart des pays de la zone euro, à l'exception des Pays-Bas, du Portugal et de la Finlande, où la hausse de la dette en a interrompu le mouvement à la baisse.

Globalement, la politique budgétaire en 2005 serait moins restrictive qu'annoncée dans les Programmes de stabilité de décembre 2004. Mais la dérive du déficit ne serait pas que de nature structurelle, car la plus faible croissance du PIB dégraderait de 0,5 point le solde public (tableau 4). La politique discrétionnaire moins restrictive de 0,4 point de PIB serait en partie compensée par une plus forte baisse des charges d'intérêts qu'anticipée, mais aussi par un déficit en 2004 moins important qu'annoncé dans les Programmes.

Les plus grands écarts par rapport au déficit prévu dans les Programmes ont été réalisés par le Portugal, la Grèce, l'Italie et la Finlande. Pour la Grèce, la dérive est principalement imputable à la révision à la hausse des déficits passés. L'effet négatif de la révision des prévisions de croissance a été assez significatif dans tous ces pays, et particulièrement en Italie. Cependant, l'orientation beaucoup moins restrictive de la politique budgétaire discrétionnaire a creusé d'autant le déficit italien et, au Portugal, elle explique plus des deux tiers de la déviation du déficit de son objectif. La France et l'Allemagne n'ont pas non plus respecté leur objectif, mais cela est principalement dû à une conjoncture plus dégradée que prévu. L'Espagne, les Pays-Bas et l'Irlande ont au contraire surpassé leurs engagements, principalement grâce à un meilleur résultat de leurs comptes publics passés.

4. écart entre prévisions pour 2005 et Programmes de stabilité
de décembre 2004 dans la zone euro

En % du PIB

Croissance du PIB en 2005 prévue dans le Programme de stabilité de décembre 2004

2,2

Croissance du PIB en 2005 (prévision OFCE)

1,3

Solde des APU en 2005 prévu dans le Programme de stabilité de décembre 2004

-2,3

Solde des APU en 2005 (prévisions OFCE)

-2,9

Écart du solde des APU

-0,6

Dû à : effet de base (révision déficit 2004)

0,2

impact de la conjoncture

-0,5

variation de la charge d'intérêts

0,1

mesures discrétionnaires

-0,4

Un impact négatif de la conjoncture prend le signe (-) car il détériore la composante cyclique du solde ; une hausse de la charge d'intérêts prend le signe (-) car elle dégrade le solde public ; une politique discrétionnaire expansionniste prend le signe (-) car elle détériore le solde structurel primaire.

Sources : Comptes nationaux, Programmes de stabilité, calculs et prévisions OFCE,
octobre 2005.

Suite à l'assouplissement du volet répressif du Pacte de stabilité lors de la réforme intervenue au mois de mars 2005, certains ont craint le recours à de plus amples marges de manoeuvre en matière budgétaire. Cependant, les prévisions pour l'année 2005 ne montrent pas une dérive plus importante cette année que lors de l'ancienne version du Pacte de stabilité. L'écart par rapport aux objectifs des Programmes y est certainement plus grand en 2005 qu'en 2004, mais il est nettement moindre que de 2001 à 2003 (graphique 7).

Graphique 7. Ecart entre prévisions des Programmes de stabilité
et
réalisations*

* Pour l'année 2005, les engagements des Programmes de stabilité et de croissance sont comparés aux prévisions d'octobre 2005 de l'OFCE

Sources : Comptes nationaux, Programmes de stabilité, calculs et prévisions OFCE,
octobre 2005.

Ce résultat est d'autant plus évident si l'on corrige l'écart du solde public par rapport aux objectifs des Programmes de stabilité des effets des erreurs de prévision de la croissance du PIB : les écarts ont été plus importants sur la période 2001-2004 qu'en 2005 (graphique 8).

Graphique 8. écart entre prévisions des Programmes de stabilité
et réalisations* corrigé des erreurs de prévision de croissance

Sources : Comptes nationaux, Programmes de stabilité, calculs et prévisions OFCE, octobre 2005.

La surveillance multilatérale en 2005

Deux autres pays appartenant à la zone euro, l'Italie et le Portugal, font l'objet d'une procédure de déficit excessif au cours de l'année 2005. Deux autres pays de l'Union européenne, le Royaume-Uni et la Hongrie, ont vu s'ouvrir une procédure à leur encontre. Les Pays-Bas et la Grèce, qui présentaient aussi un déficit excessif respectivement en 2003 et en 2003 et 2004, ont vu la procédure respectivement close et suspendue en raison de leurs efforts budgétaires. Le gouvernement hollandais avait, pour sa part, déjà mis en place en 2004 un collectif budgétaire réduisant le déficit structurel de 0,6 point de PIB en 2004 et annoncé des mesures dans la Loi de finances de 2005 conduisant à une baisse de 0,5 point en 2005. En Grèce, bien que les mesures annoncées dans la Loi de finances pour 2005, 1,9 point de PIB, n'aient pas été jugées suffisantes pour corriger le déficit excessif dès 2005, au mois de février 2005, la Commission a reporté l'échéance pour ramener le déficit sous les 3 % du PIB à 2006. Ce délai vise à permettre à la Grèce de corriger son déficit excessif « de manière durable et équilibrée ». Un collectif budgétaire de 0,5 point de PIB est intervenu en mars 2005, conduisant aussi à une amélioration de 0,9 point de PIB du solde public en 2006, bloquant ainsi le passage à l'étape de sanction de la procédure.

L'Italie, qui présente un déficit supérieur aux 3 % prévus par le PSC depuis 2003, a bien profité du récent assouplissement du volet répressif du Pacte de stabilité. Celui-ci permet à un pays d'alléger les contraintes de la procédure de déficit excessif, non seulement en cas de forte récession (baisse de 2 % du PIB), mais aussi en cas de faiblesse prolongée de la croissance. La stagnation de l'économie italienne permet donc la reconnaissance de l'existence de circonstances exceptionnelles autorisant le report de l'échéance pour corriger l'excès de déficit à 2007. Par conséquent, le gouvernement italien a aligné son objectif de déficit en 2005 sur les prévisions de 4,3% du PIB de la Commission sans pratiquer de mesures additionnelles de restriction budgétaire. La loi de Finances pour 2006 annonce des mesures pour 0,8 point de PIB afin de réduire le déficit, en ligne avec les recommandations de la Commission, qui préconise une baisse du déficit structurel de 1,6 point à l'horizon 2007,

Le Portugal renoue avec l'expérience d'une procédure de déficit excessif dont il avait déjà été frappé en 2001. Après avoir maintenu pendant trois années, de 2002 à 2004, son déficit dans la limite du 3 %, à l'aide de recettes exceptionnelles égales à 2,1 points de PIB en moyenne par an, le Portugal affiche une prévision de déficit à 6,2 % en 2005 dans la version révisée de juin 2005 de son Programme de stabilité. En effet, le nouveau gouvernement, installé depuis mars, a révisé à la hausse l'objectif de déficit de 2,8 % de la majorité sortante, renonçant à l'utilisation d'un montant assez conséquent de mesures temporaires, destinées à masquer la dégradation tendancielle du déficit. L'ouverture de la procédure est justifiée par l'existence d'un déficit éloigné de 3 %, non temporaire et non exceptionnel, car le ralentissement de l'économie portugaise n'a produit qu'un faible impact sur la composante conjoncturelle du déficit. Cependant, des circonstances exceptionnelles, sont évoquées, car l'abandon des recettes exceptionnelles oblige les autorités portugaises à un puissant redressement du déficit structurel dans une phase de faiblesse cyclique. Le report à 2008 de l'échéance pour revenir dans la limite de 3 %, contraint néanmoins le Portugal à pratiquer une impulsion négative de 1,5 point de PIB en 2006 et de 0,8 point en 2007 et 2008.

2006 : le retour du politique ?

Nous prévoyons pour l'année 2006 une croissance du PIB de la zone euro de 1,9 % qui, contrairement à ce qui était annoncé dans les Programmes de stabilité de décembre 2004 (2,3 %), revient à peine à son rythme potentiel. Le déficit, prévu de 2,8 % du PIB contre 1,8 % annoncé, résulte en partie de la révision à la hausse de 2005. Mais l'impulsion budgétaire (-0,2 point de PIB) serait aussi moins négative que prévu (-0,4 point). L'impact de la conjoncture sur le solde serait nul, mais il creuserait le solde de 0,2 point de PIB le différentiel par rapport aux engagements de la fin 2004.

Les objectifs de finances publiques présents dans les projets de lois de Finances pour 2006 déjà disponibles intègrent la dérive des comptes publics de 2005, en n'y apportant en général que des corrections marginales. L'amélioration des comptes publics est donc reportée au-delà de l'horizon de la prévision et cinq pays, la France, l'Allemagne, l'Italie, le Portugal et la Grèce, ne parviendraient toujours pas à ramener leur déficit en deçà de 3 % en 2006. Certes, le cycle électoral est clos au Portugal et en Allemagne. Mais, s'annonçant en Italie en 2006 ainsi qu'en France en 2007, il constitue un risque de dérive par rapport aux objectifs affichés dans les lois de Finances pour 2006.

La légère réduction du déficit de la zone euro prévue en 2006 (2,8 % après 2,9 % en 2005) est le résultat d'une baisse du déficit ou d'une hausse de l'excédent dans la plupart des pays membre, à l'exception de l'Italie, de la Belgique et de l'Irlande. En Espagne aussi, l'excédent budgétaire enregistrerait une certaine érosion. La politique budgétaire discrétionnaire serait le principal déterminant de ces évolutions. L'impulsion serait en effet négative dans tous les pays, à l'exception de l'Italie, de l'Espagne, de la Belgique et de l'Irlande. Les plus fortes restrictions budgétaires auraient lieu au Portugal et en Grèce. Puisque la plupart des pays croîtraient à un rythme proche de leur potentiel, l'impact de la conjoncture sur le cycle serait à peine négatif, exception faite de la Grèce et de l'Irlande, où la composante cyclique du solde public se dégraderait davantage. La Finlande serait le seul pays à pouvoir compter sur une contribution positive du cycle à l'amélioration de ses comptes publics. Le souhait exprimé par la Commission d'un moindre recours aux recettes exceptionnelles semble avoir été satisfait. Seuls trois pays feraient encore appel à ces mesures temporaires en 2006 : la Grèce (1,5 point de PIB), l'Allemagne (0,3 point) et la France (0,1 point).

7. Politiques budgétaires dans la zone euro

2004

2005

2006

Moyenne 2004-2006

Croissance du PIB, en %

Allemagne

1,1

0,9

1,4

1,1

France

2,0

1,7

2,2

2,0

Italie

1,0

0,1

1,2

0,8

Espagne

3,1

3,3

2,9

3,1

Pays-Bas

1,7

0,7

1,9

1,5

Belgique

2,7

1,3

2,0

2,0

Autriche

2,1

1,8

2,0

2,0

Finlande

3,5

1,6

4,1

3,1

Portugal

1,2

1,0

1,6

1,3

Grèce

4,2

2,8

2,6

3,2

Irlande

4,9

4,7

4,5

4,7

Zone euro

1,8

1,3

1,9

1,7

Solde public, en points de PIB

Allemagne

-3,7

-3,5

-3,2

-3,5

France

-3,6

-3,2

-3,2

-3,3

Italie

-3,2

-4,7

-5,1

-4,3

Espagne

-0,1

0,6

0,3

0,3

Pays-Bas

-2,1

-2,3

-1,7

-2,0

Belgique

0,0

-0,6

-0,8

-0,5

Autriche

-1,0

-2,4

-2,0

-1,8

Finlande

2,1

0,6

1,9

1,5

Portugal

-3,0

-6,2

-4,8

-4,7

Grèce

-6,6

-4,5

-3,9

-5,0

Irlande

1,4

-0,6

-0,8

0,0

Zone euro

-2,7

-2,9

-2,8

-2,8

2004

2005

2006

Moyenne 2004-2006

Impulsion budgétaire*, en points de PIB

Allemagne

-0,3

0,0

-0,4

-0,2

France

-0,4

-0,2

-0,2

-0,2

Italie

-1,0

0,0

0,4

-0,2

Espagne

-0,1

0,3

0,4

0,2

Pays-Bas

-0,7

-0,7

-0,4

-0,6

Belgique

0,0

0,3

0,2

0,2

Autriche

-0,1

1,2

-0,2

0,3

Finlande

1,1

0,6

-0,5

0,4

Portugal

-0,1

0,8

-1,5

-0,3

Grèce

1,1

-1,6

-0,7

-0,4

Irlande

-0,7

1,1

0,1

0,1

Zone euro

0,4

0,1

-0,2

-0,1

*Opposé de la variation du solde structurel primaire, Un chiffre positif indique une politique budgétaire expansionniste,

Sources : Comptes nationaux, Programmes de stabilité, calculs et prévision OFCE,
octobre 2005.

Malgré cette faible restriction de la politique budgétaire et un moindre relâchement des conditions monétaires en 2006, le policy mix serait plus favorable à la croissance dans la zone euro qu'aux États-Unis. Bien que la politique budgétaire américaine revienne à la neutralité (0,1 point de PIB, encadré 3), le durcissement des conditions monétaires de l'autre coté de l'Atlantique contribuerait à un certain ralentissement de la croissance (graphique 6).

Au Royaume-Uni, l'impulsion de la politique budgétaire serait aussi un peu plus négative, sans pour autant ramener le déficit public en deçà de 3 %. En revanche, au Japon une plus franche restriction budgétaire permettrait une baisse du déficit (de 6,1 % en 2005 à 5,3 % en 2006).

Encadré 3 : Politique budgétaire américaine :
compassion versus discipline

L'amélioration des finances publiques américaines depuis la mi-2004 semblait sur une bonne voie, grâce à la combinaison d'une conjoncture favorable et d'une politique discrétionnaire moins expansionniste. Entre 2003 et 2004, le déficit public est ainsi passé de 5 à 4,7 % du PIB, l'effet du cycle comptant pour 0,6 point dans cette amélioration alors que l'impulsion budgétaire était encore positive à hauteur de 0,4 point, après une impulsion de + 1,1 point de PIB en 2003. En 2005, le déficit public se réduirait encore, à 4,2 % du PIB, pour une petite partie seulement grâce à la conjoncture (+ 0,1 point) : l'impulsion budgétaire serait en effet négative et contribuerait à hauteur de 0,4 point à l'ajustement. Ces évolutions, tant conjoncturelles que structurelles, profitent surtout des importantes rentrées fiscales. Il y a six mois, une poursuite de la discipline budgétaire à l'horizon 2006 était anticipée, laissant espérer que l'objectif d'une réduction de moitié du déficit fédéral d'ici 2008 serait tenu.

Les violents ouragans qui se sont abattus, entre la fin août et la mi-octobre, sur le Golfe du Mexique et les côtes du sud-est américain ont néanmoins changé la donne. Les 62,3 milliards de dollars d'aides déjà débloqués, premiers signes de la volonté exprimée de l'administration Bush de tout mettre en oeuvre pour répondre à la détresse des sinistrés, vont directement peser sur le budget fédéral en 2006 et au-delà. Selon la manière dont ces sommes seront effectivement dépensées et comptabilisées, le déficit public au mieux se stabiliserait à son niveau de 2005, voire se détériorerait quelque peu. Nous avons retenu cette dernière hypothèse (le déficit atteignant 4,4 % du PIB en 2006), sur la base d'une impulsion budgétaire désormais légèrement positive, et en l'absence d'annonces de coupes drastiques ailleurs dans le budget et/ou d'un renoncement à la pérennisation en l'état des baisses d'impôts antérieures.

A l'horizon 2006, le choix de la compassion au détriment de celui de la discipline est légitime, mais il entame la crédibilité de l'administration et ses marges de manoeuvre, ce que les marchés et la politique monétaire pourraient sanctionner. La politique budgétaire a une responsabilité similaire à celle assumée par la politique monétaire dans le redressement attendu du déséquilibre interne épargne - investissement. Le policy mix a été jusqu'ici plutôt bien coordonné et propice à la croissance : 2006 est donc une année décisive où cette qualité du policy mix serait mise à l'épreuve, d'autant plus qu'il se fera avec un nouveau gouverneur de la Réserve fédérale.

A.3. Politiques monétaires

La Réserve fédérale a, jusqu'à présent, prudemment mais résolument resserré sa politique monétaire, et pu le faire grâce au comportement des taux longs. En ne montant pas, ils ont en effet facilité l'absorption de ce resserrement par l'économie américaine. La phase de normalisation n'est néanmoins pas encore tout à fait achevée, la Réserve fédérale jugeant toujours accommodante sa politique. Ce n'est qu'au tournant de 2005 - 2006 que cette dernière deviendrait restrictive, soit au bout d'un an et demi. Parti de 1 % début 2004, le taux des Federal Funds se situerait, à partir de la fin 2005, à 4 %. Confrontée à la langueur de la croissance de la zone euro, la Banque centrale européenne a également fait montre de prudence et n'a toujours pas modifié sa politique. Le taux d'intérêt sur les opérations principales de refinancement est à 2 % depuis juin 2003, ce qui serait, selon les termes de J. C. Trichet, le niveau approprié. Cependant, ce niveau n'est pas jugé spécialement accommodant, en tout cas pas pour tous les pays de la zone euro. Cette diversité des situations nationales et la crainte d'une dynamique interne déflationniste nous amène à privilégier l'hypothèse de la poursuite du statu quo jusque fin 2006.

Si ces hypothèses semblent bien balisées, elles sont pourtant soumises à un risque important : celui d'une inflation supérieure à ce qui est anticipé pour cause de prix du pétrole plus élevé et/ou de l'enclenchement d'effets de second rang. Ce risque conditionne la poursuite du resserrement monétaire américain au-delà d'un taux directeur de 4 % et le maintien du statu quo monétaire de la zone euro à 2 %, avec, au final, une remontée potentiellement plus forte des taux d'intérêt longs des deux côtés de l'Atlantique. Dans notre scénario central, ce risque est maîtrisé : l'inflation américaine, ici mesurée par le glissement sur un an du déflateur du PIB, redescendrait d'un pic de 3 % au troisième trimestre 2005 à 1,7 % fin 2006 ; l'inflation dans la zone euro passerait d'un glissement légèrement supérieur à 2 % jusque début 2006 à 1,8 % fin 2006. Les taux courts réels américains deviendraient ainsi franchement positifs tandis que les taux réels européens resteraient proches de zéro.

L'objectif de la Réserve fédérale de maintenir la croissance américaine autour de son rythme potentiel serait atteint mais pas celui de son rééquilibrage, c'est-à-dire d'une moindre dépendance à l'endettement. S'il y a bien une raison pour laquelle les taux d'intérêt longs doivent remonter, c'est celle-là. Mais, à l'horizon 2006, le processus ne ferait que s'amorcer. Côté zone euro, le minimum que l'on puisse anticiper est que la politique monétaire n'entraverait pas le redémarrage attendu de la croissance.

Les taux passent, les questions restent

La main de fer dans un gant de velours n'est plus britannique mais américaine : la Réserve fédérale a en effet maintenu le cap et le rythme d'une hausse de son taux directeur d'un quart de point à chaque FOMC (Federal Open Market Committee). Le taux des Federal Funds se situe donc à 3,75 % (graphique 1). La Banque d'Angleterre, toujours avec un cran d'avance sur les autres, a baissé d'un quart de point son taux directeur à 4,5 %. Ni la BCE, ni la Banque du Japon n'ont modifié leur politique. Du printemps jusqu'au début de l'été, les discours de la BCE ont laissé anticiper une possible baisse des taux. Depuis, ils se sont faits plus inquiets face au risque inflationniste, et une hausse des taux est de nouveau anticipée. La Banque du Japon, quant à elle, réfléchit plus ouvertement depuis peu à la possibilité d'interrompre sa politique quantitative, dès le début de la prochaine année fiscale peut-être.

Graphique 9. Taux d'intérêt directeurs

En %

Sources : Instituts d'émission nationaux.

La résolution de la Réserve fédérale

Le fait que la Réserve fédérale ait, malgré Katrina, augmenté son taux directeur à sa réunion du 20 septembre est révélateur de sa résolution à poursuivre la normalisation de la politique monétaire dans un environnement potentiellement plus inflationniste du fait de la hausse des prix de l'énergie. Elle a adapté en conséquence le communiqué issu du FOMC, mentionnant le drame humain et les impacts économiques possibles de cette catastrophe, mais n'a pas jugé utile d'aller jusqu'à faire une pause. Les arguments pour une pause étaient la crainte d'un choc profond sur la confiance des ménages et les bons chiffres sur la période récente de l'inflation sous-jacente. La liste des arguments justifiant ce geste est bien plus longue :

• avant même Katrina, la Banque centrale souhaitait durcir les conditions monétaires et financières et était inquiète des signes inflationnistes

• les conditions monétaires et financières resteront accommodantes même après une hausse de taux supplémentaire

• les ouragans Katrina et Rita sont des chocs d'offre, qui accroissent autant le risque inflationniste que le risque d'un ralentissement de la croissance

• le relance budgétaire induite de la participation de l'Etat à la reconstruction des zones sinistrées devrait se traduire par plus de croissance et plus d'inflation que prévu d'ici la fin de l'année

• la politique monétaire n'est d'aucune aide à la reprise de la croissance dans les zones sinistrées

• tout stimulus, même indirect, du marché immobilier ajouterait à la pénurie locale de matériaux de construction

• l'incertitude n'excuse pas l'inaction alors même que les conditions monétaires et financières sont, à première vue, encore souples

• une pause rendrait plus difficile encore la tâche du prochain gouverneur 80 ( * ) (Alan Greenspan prenant sa retraite fin janvier 2006)

• une pause créerait le précédent d'une réaction de l'autorité monétaire à un choc régional, en écart à ses objectifs de croissance et d'inflation à l'échelle nationale

• cela pourrait compromettre la crédibilité de la Réserve fédérale dans sa course contre l'inflation.

Cette course contre l'inflation est réelle. En 2004, le resserrement de la politique monétaire américaine pouvait en effet apparaître comme légèrement en retard par rapport à l'accélération de l'inflation (graphique 2). Ce retard apparent de réaction vient pour partie du chemin que la Réserve fédérale a dû parcourir pour corriger l'important relâchement antérieur. Si ce n'est plus le cas en 2005, la partie est loin d'être terminée compte tenu de l'évolution des prix de l'énergie. Alors que les marchés obligataires se focalisaient, jusqu'à récemment, plus sur l'impact de leur hausse sur la seule croissance, la Réserve fédérale a manifesté plus d'inquiétudes quant au risque inflationniste 81 ( * ) . La flambée des prix du pétrole, en dehors de l'épisode Katrina, est, en effet, le produit d'une forte demande, sur laquelle la politique monétaire peut agir. Et à chaque nouvelle hausse des prix de l'énergie s'accroît le risque d'une transmission à l'inflation sous-jacente. Celle-ci semble ne pas se faire, l'accélération de l'inflation sous-jacente tout au long de l'année 2004 ayant exclusivement et logiquement accompagné le mouvement de fermeture de l'écart de production. Cependant, l'inflation s'est rapprochée, à 2 % en glissement 82 ( * ) , du haut de la fourchette tolérée par la Réserve fédérale.

Graphique 10. Politique monétaire préventive et inflation aux États-Unis

En points de pourcentage

* L'accélération de l'inflation est ici mesurée à partir de l'IPC, comme l'écart entre l'inflation en glissement annuel et la moyenne sur les 36 derniers mois de ce glissement. Le degré de prévention de la politique monétaire est mesuré par la variation absolue sur un an du taux des Federal Funds .

Sources : Réserve fédérale, BLS, calculs et prévision OFCE octobre 2005.

De plus, du point de vue de la Banque centrale, plus les marchés obligataires sembleront anticiper la fin du cycle de hausse, abaissant ainsi le coût du capital et les taux hypothécaires, plus la Réserve fédérale sera, au contraire, incitée à le prolonger pour obtenir un même degré de restriction. Cela fait maintenant un an et demi que la Réserve fédérale est confrontée à ces problèmes, qu'elle cherche à freiner en douceur l'endettement des ménages en cessant d'alimenter le boom immobilier et obligataire. Plus que le récent risque inflationniste, c'est la raison première de la détermination de la Réserve fédérale à mener à terme sa campagne.

La vigilance de la BCE

En surface, les problèmes que la BCE mentionne dans ses déclarations sont les mêmes que ceux de la Réserve fédérale : inflation, évolution de l'endettement, bas niveau des taux d'intérêt. Mais la comparaison s'arrête là. Relativement à la politique monétaire menée, le bas niveau des taux d'intérêt longs est une énigme de l'autre côté de l'Atlantique, pas de ce côté-ci. Le soutien qu'il apporte à la croissance est de même nature, mais il diffère en revanche dans son ampleur et sa longévité. Entre le premier trimestre 2002 et le deuxième trimestre 2005, l'encours de dette des ménages américains a progressé de presque 40 %, ce chiffre est de 26 % pour les ménages de la zone euro. Le taux d'endettement de ces derniers restant très inférieur à celui des ménages américains (80 % du revenu pour les premiers contre 120 % pour les seconds), une poursuite de la hausse semble tolérable côté zone euro, alors qu'elle ne l'est plus aux États-Unis. La même attention est portée des deux côtés de l'Atlantique à l'enclenchement éventuel d'une spirale prix-salaires causée par la hausse des prix de l'énergie, pourtant le risque est loin d'être le même. Il est vrai que la BCE n'a pas dépassé le stade des mots alors que la Réserve fédérale en est à son onzième relèvement de taux directeur, mais la BCE n'a cessé de tendre son discours au cours des six derniers mois, annonçant désormais une grande vigilance à l'égard de la stabilité des prix à moyen - long terme et de ce qui pourrait la compromettre.

Graphique 11. Evolution de l'encours de dette des ménages
aux États-Unis et dans la zone euro

Glissement, en %

Sources : Réserve fédérale, BCE.

Jusqu'à présent, la BCE a répondu au dilemme auquel elle doit faire face par le pragmatisme : compte tenu du dogme monétariste, elle aurait pu déjà resserrer sa politique, et, même sans être monétariste, elle aurait pu le justifier par le dépassement, limité mais récurrent, de sa cible d'inflation. Si elle ne l'a pas fait, c'est parce qu'il n'y a pas de pressions inflationnistes internes sous-jacentes et parce qu'elle est également sensible au manque de dynamisme de la croissance au niveau agrégé. Jusqu'à maintenant, face à l'évolution des prix de l'énergie, et comme anticipé il y a un an dans un contexte similaire à celui d'aujourd'hui, la BCE et la Réserve fédérale privilégient la voie de la croissance (même si les résultats ne sont guère visibles dans la zone euro). A l'horizon 2006, ce choix serait reconduit mais il s'accompagnerait d'une vigilance accrue à toute information remettant en cause le diagnostic d'une inflation de second rang inexistante (dans la zone euro) ou réduite (aux États-Unis).

Réserve fédérale : début de restriction

Il y a six mois, alors que le taux des Federal Funds était à 2,75 %, le point d'arrivée de la campagne de hausse était anticipé à 4 % fin 2005, sur la base d'une hausse d'un quart de point à chaque FOMC jusqu'à celui du mois de novembre. Maintenant que le terme est proche (le taux directeur est à 3,75 %), que la Réserve fédérale n'a guère avancé dans la résolution de ses problèmes, et que le risque inflationniste est plus prononcé, ce point d'arrivée peut sembler bas. Les marchés à terme anticipent, par exemple, depuis fin septembre - début octobre une poursuite du resserrement jusque 4,5 %. Au regard d'une règle de Taylor, et avec nos prévisions de croissance et d'inflation, le point d'arrivée de 4 % semble pouvoir être maintenu, la politique monétaire devenant ainsi restrictive au tournant 2005 - 2006. Le double objectif de simultanément prendre le contrôle de la remontée des taux longs pour prendre celui du ralentissement de l'endettement des ménages n'est pas remis en cause. Combinée à l'appréciation du dollar et au ralentissement attendu de l'inflation, la hausse anticipée des taux d'intérêt courts et longs suffit à peser de manière non négligeable sur la croissance.

Graphique 12. Règle de Taylor aux États-Unis*

En %, sauf écart de production (en points)

* La règle est calibrée sur la base des coefficients indiqués par Taylor : avec i le taux directeur de la Réserve fédérale ; 2 le taux d'intérêt réel d'équilibre de longue période ; l'inflation, en glissement sur un an, mesurée par le déflateur du PIB ; l'écart de l'inflation à la cible implicite de 2 % de la Réserve fédérale ; gap l'écart au potentiel (tel que mesuré par l'OCDE).

Sources : BEA, Réserve fédérale, OCDE, calculs et prévision OFCE octobre 2005.

Graphique 13. Composantes de l'indicateur de conditions monétaires
aux États-Unis

En points de PIB

* Lecture du graphique : une hausse (baisse) de l'indicateur, et de chacune de ses composantes, correspond à une contribution positive (négative) des conditions monétaires à la croissance.

Sources : calculs et prévision OFCE octobre 2005.

BCE : prolongation de statu quo

Faisant écho aux inquiétudes de la BCE quant au risque inflationniste et à une tonalité qui se veut optimiste quant aux perspectives de croissance, les marchés à terme anticipent un resserrement de la politique monétaire. Ils anticipaient déjà un tel resserrement il y a six mois, qui n'a pas eu lieu. Nous continuons donc de privilégier l'hypothèse du statu quo, qui s'est avérée juste jusqu'à présent. Notre scénario de croissance pour 2005 et 2006, d'un redémarrage sans reprise, correspond au milieu de la fourchette prévue par la BCE mais avec une inflation inférieure en 2005 et proche de la fourchette basse en 2006. Selon une règle de Taylor, ce profil de l'inflation autoriserait même une détente de la politique monétaire (graphique 12). Mais, compte tenu de l'amorce du mouvement de fermeture de l'écart de production et de la persistance de la diversité des situations nationales, un statu quo sur les taux nous paraît justifié.

8. Différents jeux d'hypothèses

Moyenne annuelle, en %

BCE - juin 2005

BCE - sept. 2005

OFCE - oct. 2005

2005

2006

2005

2006

2005

2006

Croissance

1,1 / 1,7

1,5 / 2,5

1,0 / 1,6

1,3 / 2,3

1,3

1,9

Inflation

1,8 / 2,2

0,9 / 2,1

2,1 / 2,3

1,4 / 2,4

2,0

1,6

Graphique 14. Règle de Taylor dans la zone euro*

En %, sauf écart de production (en points)

* La règle estimée est la suivante : avec i le taux directeur de la BCE ; 1 le taux d'intérêt réel d'équilibre de longue période ; l'inflation, en glissement sur un an, mesurée par l'IPCH ; l'écart de l'inflation à la cible de 2 % de la BCE ; gap l'écart au potentiel (tel que mesuré par l'OCDE).

Sources : Eurostat, OCDE, calculs et prévision OFCE octobre 2005.

Ce statu quo doit se comprendre, comme il y a six mois, comme le meilleur moyen pour la BCE de contribuer à sortir la zone euro de son atonie, et de répondre, implicitement, au risque rémanent de déflation. Ce faisant, elle accroîtrait les chances d'une transmission complète de sa politique dans les pays où elle n'a pas encore mordu (c'est-à-dire jusqu'aux ménages, les entreprises ayant profité du bas niveau des taux d'intérêt pour se refaire une santé) et d'une consolidation de la croissance sur des bases autonomes dans les autres. La progression de l'endettement est d'autant plus soutenable que la BCE ne met aucun frein à l'expansion, qu'elle s'appuie sur le jeu des effets richesse pour stimuler plus encore l'activité, et qu'elle encourage les ménages, plus confiants, à baisser leur taux d'épargne. Elle serait aidée dans cette tâche par la dépréciation de l'euro. L'ensemble des conditions monétaires serait ainsi plus favorable à la croissance qu'il y a six mois (graphique 13).

Graphique 15. Composantes de l'indicateur de conditions monétaires
dans la zone euro

En points de PIB

* Lecture du graphique : une hausse (baisse) de l'indicateur correspond à une contribution positive (négative) des conditions monétaires à la croissance.

Sources : calculs et prévision OFCE octobre 2005.

A.4. L'économie française

Depuis près de 10 ans, la France connaît des performances économiques supérieures à celles de ses partenaires européens (graphique 16 et tableau 13) et tout particulièrement à l'Allemagne et l'Italie (tableau 9). Ainsi, depuis 1997, l'économie française enregistre un surplus annuel de croissance de 0,4 point par rapport à l'ensemble de la zone euro et de plus d'un point par rapport à ses deux principaux partenaires.

Graphique 16. Croissance du PIB en France et dans la zone euro

Glissement annuel %

Sources : INSEE, comptes trimestriels, OFCE, e-mod.fr de 2005 à 2006.

Cette meilleure performance trouve son origine dans un grand dynamisme de la demande intérieure. Par leurs investissements pour les uns ou leurs achats pour les autres, les agents français, essentiellement les ménages, dépensent plus que leurs homologues Allemands ou Italiens. Si entre 1998 et 2002, ce surplus a été alimenté principalement par de plus fortes créations d'emplois dans l'hexagone que chez nos partenaires, la situation sur le marché du travail, s'est en revanche plus fortement dégradée en France depuis deux ans.

9. Comparaisons Européennes

En %

PIB

Consommation

Investissement

FRA

ALL

ITA

FRA

ALL

ITA

FRA

ALL

ITA

1992-1997

1,3

1,4

1,3

0,7

1,7

1,0

- 0,7

0,7

- 0,2

1998-2003

2,5

1,4

1,5

2,8

1,4

1,9

4,2

- 0,2

2,8

2004

2,1

1,1

1,0

2,3

0,2

1,0

2,1

- 1,6

1,9

2005 *

1,7

0,9

0,1

2,3

- 0,1

1,1

2,8

- 1,0

- 0,8

2006 *

2,0

1,4

1,2

2,5

0,3

1,3

3,2

0,9

3,1

* Prévisions OFCE.

Sources : Comptabilités nationales.

Le maintien d'une plus forte consommation dans l'hexagone est alors le fruit d'un comportement d'épargne des ménages différent : alors que les ménages français ont fortement puisé dans leur épargne au cours des deux dernières années - le taux d'épargne a baissé de 0,9 point en 2003 et de 0,5 point en 2004, s'établissant à 15,2 % en fin d'année - dans le même temps les ménages allemands et italiens épargnaient davantage (0,4 point supplémentaire en 2003 et 0,5 point en 2004 en Allemagne et 0,2 point en 2003 et 2004 en Italie).

Selon notre équation économétrique, la baisse du taux d'épargne enregistrée depuis 2003 en France s'explique principalement - pour 70 % - par les effets induits de la hausse du prix de l'immobilier (tableau 10).

Ces effets sont de deux ordres :

- Premièrement, l'immobilier est un vecteur puissant de transmission de la politique monétaire. Le bas niveau des taux d'intérêt rend, d'un côté, l'achat de logements rentable par rapport à la location et, de l'autre, solvables les ménages qui veulent se porter acquéreurs. Ce phénomène se traduit par une augmentation de l'écart critique (g - r) - différence entre le taux de croissance du revenu des ménages et le taux d'intérêt -, indiquant une plus forte capacité d'emprunt des ménages. Ces derniers, en accédant massivement au crédit - la part des nouveaux crédits dans le revenu disponible brut (RDB) des ménages est en 2004 à son maximum historique - injectent des liquidités dans l'économie, stimulant la consommation 83 ( * ) . Selon nos estimations, cet effet explique plus de 40 % de la baisse du taux d'épargne depuis 2003.

- Deuxièmement, selon un effet de richesse souvent évoqué, les ménages propriétaires se sentent plus riches ce qui stimule leur consommation. Cet effet participe à près de 30 % de la baisse enregistrée du taux d'épargne.

10. Pourquoi le taux d'épargne baisse-t-il en France ?

En points

2003

2004

2005*

2006*

- 0,9

- 0,5

- 0,1

- 0,4

Écart critique (g - r) **

- 0,5

- 0,1

0,1

- 0,1

Effet de richesse immobilière ***

- 0,2

- 0,2

- 0,3

- 0,2

Variation du chômage ****

- 0,2

0,0

0,1

- 0,1

Mesures Sarkozy 84 ( * )

--

- 0,2

--

--

* Prévisions OFCE.

** L'écart critique est la différence entre le taux de croissance du revenu des ménages (g) et le taux d'intérêt à long terme (r). Cet écart illustre la capacité des ménages à emprunter.

*** En prévision, nous avons supposé une stabilisation des prix de l'immobilier.

Sources : Calculs OFCE, e-mod.fr.

Ces deux éléments expliquent également la différence d'évolution du taux d'épargne en France et en Allemagne (tableau 11) : ainsi, les prix de l'immobilier ayant moins progressé en Allemagne qu'en France, cela a limité l'impact positif du faible niveau des taux d'intérêt sur la consommation 85 ( * ) et effacé un potentiel « effet de richesse immobilière ». Par ailleurs, la faiblesse de la croissance du revenu en Allemagne, résultant des réformes engagées depuis 2003 outre-Rhin, a limité la capacité d'emprunt des ménages et par là, la consommation des ménages.

11. Pourquoi le taux d'épargne baisse plus en France qu'en Allemagne ?

En points

2003

2004

Écart de variation du taux d'épargne entre la France-Allemagne

- 1,3

- 1,0

Écart critique (g - r)

- 1,1

- 0,5

Effet de richesse immobilière

- 0,2

- 0,2

Mesures Sarkozy

0,0

- 0,2

Autres

- 0,1

- 0,1

Sources : Calculs OFCE, e-mod.fr.

Si la croissance a été plus dynamique en France depuis 10 ans, le niveau de l'output gap en 2004 - c'est-à-dire l'écart entre la production effective et la production potentielle - est du même ordre de grandeur que celui enregistré en Allemagne et en Italie, traduisant un potentiel nettement supérieur en France (cf. graphique 17).

17 : Ecart entre la production effective et la production potentielle...

Ecart en % entre la production effective et la production potentielle

Sources : INSEE, comptes trimestriels, OCDE.

D'après les statistiques fournies par l'OCDE, la France dispose en effet depuis 1994 d'un potentiel de croissance supérieur de 0.8 point en moyenne annuelle par rapport à l'Allemagne et l'Italie. Ce supplément de potentiel trouve son origine dans une plus forte croissance de la population active mais aussi de la productivité apparente du travail (tableau 12).

12. Quel potentiel de croissance ?

En %

Population active

Productivité apparente travail

Croissance potentielle

FRA

ALL

ITA

FRA

ALL

ITA

FRA

ALL

ITA

1994-2004

0,5

0,2

0,3

1,6

1,3

1,0

2,1

1,5

1,3

Sources : Comptabilités nationales, OCDE.

Les deux principales conséquences du maintien d'une croissance effective en dessous de son potentiel pendant 5 ans - et partant, d'un output gap toujours négatif -, sont :

1. Une dégradation du marché du travail : la phase d'amélioration du marché du travail constatée entre 1997 et 2001 (baisse de 3,4 points du taux de chômage, création de 2,1 millions d'emplois salariés) a laissé place à une nouvelle dégradation depuis (hausse de 1,3 point du taux de chômage et 160 000 créations d'emplois salariés).

2. Une pression désinflationniste : en réduisant les tensions au niveau de l'offre et le pouvoir de négociation des salariés, cette situation tend à réduire la progression des prix.

A cet égard, la lecture des indices des prix confirme qu'en dépit d'un choc a priori inflationniste, les pressions à l'oeuvre actuellement au sein de l'économie française sont désinflationnistes (cf. graphique 18). Ainsi, avec une nouvelle poussée qui a porté les prix du pétrole à un niveau supérieur de plus de 50 % à celui de l'année précédente à la même époque, les craintes d'un regain d'inflation ont, comme elles le font à chaque vague de hausse du brut, resurgi, renforçant l'inquiétude exprimée sur une croissance déjà mise à mal au deuxième trimestre 2005. Pourtant, l'accélération de l'inflation ne s'est pas produite. L'indice des prix à la consommation s'est bien sûr ressenti de la hausse de sa composante énergie, mais ces effets dits de « premier tour » ne se sont pas diffusés à l'ensemble de l'économie, éloignant le spectre de l'enclenchement d'une spirale prix-salaires. Un tel mécanisme, qui avait pleinement joué lors des chocs de 1974 et 1980, ne s'est pas mis en place depuis le démarrage de la vague de hausse du pétrole au début 2004. Et même dans certains secteurs, comme les biens de consommation, les prix reculent depuis le début de 2005. Rien à l'heure actuelle ne laisse présager l'enclenchement du phénomène, sauf à envisager que les hausses quasi-continues du pétrole n'aient finalement raison de la capacité de résistance des agents au renchérissement de l'énergie.

18 : Inflation sous-jacente ...

IPCH sous-jacent, en glissement annuel

Sources : INSEE, comptes trimestriels, OCDE .

Pourtant, les performances de l'économie française restent médiocres ...

Bien que toujours supérieures à celles de nos partenaires européens, les performances économiques de la France en 2005 resteront, à l'image de celles des cinq dernières années, médiocres. Le taux de croissance de l'économie française devrait s'établir à 1,7 % cette année, résultat proche des 1,6 % observés depuis 2001 mais loin des performances enregistrées au cours des vingt dernières années (2,1 %) ou de la dernière décennie (2,2 %).

Le redémarrage de l'économie observé au premier semestre 2004 (2,8 en moyenne annuelle) n'a malheureusement pas résisté à la forte hausse des prix du pétrole et à l'appréciation continue de l'euro face au dollar. Aussi, et même si les fondements intérieurs sont restés bien orientés, l'environnement extérieur a bridé, sans la rompre, cette phase de reprise de l'activité, empêchant l'économie française de rattraper une partie de son retard de production accumulé depuis 2001 (cf. graphique 17).

13. Contribution à la croissance du PIB

En %, moyenne annuelle

2002

2003

2004

2005

2006

Taux de croissance du PIB

1,3

0,9

2,0

1,7

2,0

Dépenses des ménages

1,3

1,1

1,4

1,4

1,6

Investissements et stocks des entreprises

- 0,7

- 0,1

1,0

0,8

0,7

Dépenses des administrations

0,7

0,8

0,8

0,5

0,2

Total de la demande intérieure

1,3

1,8

3,2

2,7

2,5

Solde extérieur

0,0

- 0,9

- 1,1

- 0,9

- 0,5

Taux de croissance du PIB (zone euro)

0,9

0,7

1,8

1,3

1,9

Sources : INSEE, comptes trimestriels de 1998 à 2004 ; prévision OFCE en 2005-2006, septembre 2005.

... en raison de chocs extérieurs négatifs...

Faisant suite à trois années de faible croissance, la vigueur de la reprise amorcée en 2004 a été décevante. Si le dynamisme interne a été satisfaisant, il n'en va de même de la contribution extérieure. Pour la première fois depuis 1991, le solde extérieur est redevenu déficitaire. Plus grave, au cours des deux dernières années, la France est le pays de la zone euro qui a le moins bénéficié du dynamisme de la demande mondiale : en 2004, les échanges extérieurs ont amputé la croissance de 1,2 point de PIB dans l'hexagone alors qu'ils ont été neutres pour la zone euro.

Ce résultat s'explique principalement par trois chocs extérieurs qui sont venus rogner la compétitivité française et ainsi entraver sa croissance économique.

Une reprise entravée en 2004 et 2005 par la hausse de l'euro ...

En premier lieu, la hausse progressive de la monnaie unique entre mi 2001 et début 2005 a pesé fortement sur les croissances européenne et française. Son impact négatif a été maximal en 2004, amputant la croissance française de -0,7 point de PIB (graphique 19 et tableau 6). En 2005, son impact est encore important puisqu'elle rogne la croissance de -0,6 point.

19. Impact des chocs extérieurs sur l'économie française...

En moyenne annuel %

Sources : INSEE, comptes trimestriels, OFCE, e-mod.fr de 2005 à 2006.

... et en 2005 par celle du pétrole ...

Fortement dépendant de la courroie de transmission des échanges mondiaux, Le cycle de croissance de l'économie française a alors été atténué, et ce d'autant plus que la hausse des prix du pétrole est venue rogner l'activité de 0,2 point en 2004 et surtout de 0,5 point en 2005 (graphique 4 et tableau 6). Au total, ces deux chocs extérieurs ont amputé de près d'1 point la croissance dans l'hexagone en 2004 et de 1,1 point en 2005, empêchant l'économie française de rattraper une partie de son retard de production accumulé depuis 2001 (cf. graphique 17).

... et des conséquences des réformes allemandes.

Ces deux éléments, appréciation du taux de change effectif de l'euro et hausse du prix du pétrole expliquent une grande part des mauvais résultats de la France en termes de commerce extérieur depuis 2003. En revanche ils n'expliquent pas pourquoi la France est le pays de la zone euro qui a le moins bénéficié du dynamisme de la demande mondiale. Les raisons sont à chercher du côté de la spécialisation géographique et sectorielle de la France mais aussi de la politique menée par l'Allemagne depuis deux ans : en centrant davantage ses échanges sur la zone euro et dans des secteurs moins adaptés à la demande actuelle des pays émergents, la France n'a pas profité pleinement, contrairement à l'Allemagne par exemple, de la reprise engagée dès le second semestre 2003 aux États-Unis et surtout en Asie et dans les pays de l'Est. Compte tenu également de sa spécialisation sectorielle forte dans l'aéronautique et dans les biens de consommation sensibles à l'effet-prix, la France a également plus souffert que ses partenaires de la crise du secteur aérien liée aux événements du 11 septembre et de l'appréciation de l'euro. Cette désaffection pour les produits français a renforcé l'érosion de la compétitivité prix, et explique une partie de la forte baisse des parts de marché de la France au cours de ces deux dernières années.

Les pertes de marché non expliquées par les effets de taux de change et de spécialisation sont liées à la situation économique allemande : engagée depuis 2003 dans une thérapie visant l'amélioration de l'offre par la restriction des revenus et des transferts, l'Allemagne a vu ses coûts salariaux unitaires diminuer en niveau absolu mais aussi relativement à ses autres partenaires européens dont la France. Selon notre équation économétrique, cette politique expliquerait 30 % des pertes de parts de marchés françaises enregistrées au cours des deux dernières années. Par ailleurs, les baisses de salaires ont conduit à une forte contraction de la demande intérieure allemande et par là-même des importations de notre principal partenaire. Au total, depuis 2003, les réformes allemandes coûtent chaque année environ 0,3 point de PIB à l'économie française.

... qui devraient globalement s'estomper en 2006.

A l'horizon de notre prévision, nous faisons l'hypothèse d'un arrêt du mouvement haussier de l'euro au cours du second trimestre 2005 et nous supposons qu'il s'échangera à 1,19 dollar en fin d'année 2006. En conséquence, les variations du dollar ne devraient quasiment plus affecter la croissance dans l'hexagone l'année prochaine. Nous faisons également l'hypothèse que le prix du baril se stabiliserait à 60 dollars, stabilisant également son impact sur la croissance (-0,5 point). De même, les réformes entreprises outre-Rhin ne devraient pas peser plus en 2006 qu'en 2005.

Au total, l'impact cumulé de l'ensemble des contraintes extérieures amputera la croissance de -0,9 point en 2006, soit 0,5 point de moins que celui enregistré en 2005 et 0,3 point en 2004 (graphique 19 et tableau 14).

Quel scénario à l'horizon 2006 ?

Avec le desserrement des contraintes extérieures étudié précédemment, la stabilisation de la situation opérationnelle des entreprises, le net redressement de leur situation financière et la réactivation de la politique de l'emploi, le second semestre 2005 ne démarre pas sans atouts.

Comme l'illustrent les perspectives personnelles de production dans l'industrie et dans les services, même si le contexte global reste hésitant, la tendance est sur une pente ascendante (graphique 20).

20. Perspectives personnelles de production...

mm3

Source : INSEE.

L'indicateur avancé de l'OFCE, qui exploite l'information contenue dans les enquêtes de conjoncture, confirme ce schéma : l'économie française devrait connaître un rebond au cours du second semestre 2005, avec des hausses du PIB de 0,8 % et 0,6 % respectivement aux troisième et quatrième trimestres (cf encadré).

L'indicateur avancé de l'OFCE pour l'économie française 86 ( * )

Selon l'indicateur avancé, actualisé avec les données disponibles jusqu'à la fin septembre, la croissance française aurait dû rebondir au 2ème trimestre. Après une modeste hausse du PIB de 0,4 % au 1er trimestre, une accélération à 0,7 % était attendue au deuxième. Mais contre toute attente, la croissance a ralenti à 0,1 % selon les comptes trimestriels de l'INSEE.

Un tel écart entre les prévisions de l'indicateur et les résultats des comptes nationaux s'est déjà produit dans le passé. Il peut s'expliquer par le caractère provisoire des comptes trimestriels, susceptibles d'être révisés en hausse lors des versions ultérieures. Mais cette explication n'est pas suffisante. L'écart peut aussi provenir d'un décalage entre la reprise déjà ressentie par les industriels à l'enquête de juin, en fort redressement, et sa traduction effective dans les comptes nationaux qui, de fait, n'apparaîtrait qu'au troisième trimestre.

Ici, la méthode de trimestrialisation de l'enquête mensuelle conditionne le résultat de l'indicateur. En prenant comme valeur trimestrielle celle de juin, en fort redressement, l'indicateur donne l'image d'une nette reprise de l'économie française, avec un taux de croissance estimé de 0,7 %. En revanche, en sélectionnant la valeur de mai qui correspond au point bas de l'enquête, la croissance estimée ne serait plus que de 0,3 %, beaucoup plus proche de la croissance donnée par l'INSEE. Finalement, nous avons retenu comme valeur de l'indice de confiance au deuxième trimestre la moyenne sur avril, mai et juin, pour une croissance estimée à 0,4 %.

Au-delà de l'imprécision des estimations, il semble bien néanmoins que l'économie française se soit engagée à la toute fin du deuxième trimestre sur un rythme de croissance sous-jacent voisin de 0,6 %. Ce rythme pourrait se poursuivre jusqu'à l'horizon de la prévision dès lors que la confiance dans l'industrie s'est très peu ressentie de l'envolée du prix du baril de pétrole durant l'été. La croissance sur l'ensemble de l'année 2005 pourrait alors atteindre 1,8 %.

Le taux de croissance trimestriel du PIB observé et prévu

En %

Sources : Comptes trimestriels, INSEE, calculs OFCE

La baisse du taux d'épargne des ménages ...

La forte baisse du taux d'épargne observée depuis 2003 s'est quelque peu s'essoufflée en début d'année 2005 avec l'accélération du revenu des ménages. En 2006, les ménages continueraient toutefois de puiser dans leur épargne. Sous l'effet conjugué de la baisse du taux de chômage et d'un taux d'intérêt maintenu à un faible niveau, le taux d'épargne devrait baisser de -0,4 point en 2006, s'établissant à 15 % en moyenne sur l'année (graphique 21). La croissance de la consommation atteindrait 2,5 % en 2006, rythme qui reste toutefois inférieur à celui observé au cours des huit dernières années avec des pics à plus de 3,5 % entre 1998 et 2000.

Malgré une situation financière des entreprises en nette amélioration - illustrée par les bénéfices record de celles du CAC 40 ainsi qu'une amélioration de leur ratio de solvabilité - et de bonnes conditions de financement, l'investissement productif devrait croître à un rythme plus que modeste, atteignant 3,6 % en 2006, rythme également très largement inférieur à ceux observés au cours des dernières périodes de reprise (9 % en moyenne au cours de la période 1998-2000).

21. Taux d'investissement et taux d'épargne

En % de la VA des SNF-EI En % du RDB

Sources : INSEE, comptes trimestriels, OFCE, e-mod.fr de 2005 à 2006.

... ainsi que la réactivation de la politique de l'emploi...

Enfin, la réactivation de la politique de l'emploi, devrait permettre à la croissance en 2006 de créer, proportionnellement plus d'emplois que celle des années précédentes.

En instaurant un nouveau contrat - le contrat d'avenir, destiné aux allocataires de minima sociaux - réservé au secteur non marchand, la politique de l'emploi menée par le gouvernement change de cap. Son orientation du secteur non marchand vers le secteur marchand (non-renouvellement des emploi-jeunes, réduction importante des effectifs en Contrats Emploi Solidarité, création des contrats jeunes en entreprise) engagée depuis 2002 s'est avérée insuffisante pour améliorer la situation sur le marché du travail. Pire, menée dans un contexte de ralentissement de l'activité, cette politique a globalement amplifié de 0,2 point le taux de chômage qui ne s'est stabilisé qu'en raison d'une conséquence secondaire de la réforme des retraites, engendrant 100 000 retraits d'activité en 2004 en raison des retraites anticipées des personnes ayant eu des carrières longues.

Compte tenu du retard pris pour lancer les contrats d'avenir et des baisses d'effectifs en CES et en emploi jeune, la politique de l'emploi, impulsée par plusieurs mesures d'urgence pour l'emploi adoptées en juin 2005, ne contribuerait à la baisse du taux de chômage qu'à partir du second semestre 2005 (graphique 22). Cumulée à la reprise de l'emploi marchand et à la suite des effets de la réforme des retraites, le taux de chômage baisserait de 10% de la population active fin 2004, à 9,8 % fin 2005, puis à 9,2 % fin 2006.

22. Cumul des créations de postes dues à la politique de l'emploi *

En milliers, stocks

* La politique de l'emploi correspond aux emplois aidés, aux effets sur l'emploi des 35 heures et des baisses de charges.

Sources : DARES, calculs OFCE

... devraient permettre à l'économie française de croître à son potentiel

En moyenne annuelle, l'économie française devrait croître en 2006 à son rythme potentiel (2,2 %).

Une croissance inférieure à 3% alors que l'activité au cours des quatre dernières années a été très inférieure à son potentiel, est une performance modeste (graphique 17). Le redémarrage de l'économie française est encore tempéré dans notre prévision par l'environnement international et la politique budgétaire, et son rythme est inférieur à ce qui serait possible après une phase de fort ralentissement. Une comparaison avec les précédents scénarios de reprise le confirme (graphique 23). A l'horizon 2006, la reprise anticipée est très en deçà de celle constatée à la fin des années 80 ou plus récemment en 1997. Fin 2006, soit 14 trimestres après le creux conjoncturel, le déficit de croissance cumulé par rapport aux dernières reprises s'élève à plus de 5 points de PIB, soit 2 point de taux de chômage supplémentaires.

23. 2004-2006 : Une reprise "molle"

Indice 100 au creux conjoncturel

Sources : INSEE, calculs OFCE.

14. Les raisons d'une reprise « entravée »

Moyennes annuelles en %

2005

2006

Taux de croissance du PIB en reprise

3,2

3,2

Effet de l'euro

- 0,6

- 0,1

Effet pétrole

- 0,5

- 0,5

Effet de la politique budgétaire

- 0,2

- 0,4

Effet de la politique monétaire

0,1

0,1

Effet des réformes allemandes

- 0,3

- 0,3

Taux de croissance du PIB prévu

1,7

2,0

Source : Calculs OFCE .

Les risques

Bien entendu des risques existent qui pourraient conduire à une remise en cause de notre scénario à l'horizon 2006. Ils sont, pour l'essentiel, relatifs à l'environnement international : crise pétrolière majeure, ralentissement marqué de la croissance dans le monde, chute prolongée du dollar etc. Ils pourraient remettre en cause les perspectives positives, amputant la croissance à l'horizon 2006 d'un demi point si le prix du pétrole se maintenait à 70 dollars le baril et si l'euro s'établissait à 1,4 dollar (tableau 15).

15. Des scénarios illustratifs des risques sur la croissance française

2005

2006

Scénario central

1,7 %

2,0 %

Appréciation de l'euro (1 € = 1,4 $)

1,7 %

1,6 %

Prix du pétrole à 70 $ le baril

1,7 %

1,8 %

Chute de 15 % du prix de l'immobilier

1,7 %

1,8 %

Apparition d'un effet de « second tour » inflationniste

• Uniquement en France

1,6 %

1,4 %

• Dans l'ensemble des pays sans réaction de la BCE

1,6 %

1,6 %

• Dans l'ensemble des pays avec réaction de la BCE

1,6 %

1,4 %

Retour à un prix du pétrole à 45 $ le baril

1,7 %

2,3 %

Source : Calculs OFCE.

Un scénario de dynamique interne plus noir est également envisageable (tableau 15). Il suppose un enchaînement d'évolutions très négatives qui pour l'heure ne transparaissent ni dans les enquêtes ni dans les statistiques fournies par l'INSEE.

Un premier risque réside dans une baisse du prix de l'immobilier. Dans notre prévision, nous avons supposé une stabilisation de ce dernier. Si en revanche celui-ci connaissait une baisse de 15 % en 2006, cela viendrait amputer la croissance de 0,2 point de PIB.

Un deuxième risque est que s'enclenche une spirale inflationniste prix-salaire en France suite à l'augmentation enregistrée du prix du pétrole. Un tel mécanisme, qui avait pleinement joué lors des deux précédents chocs pétrolier, ne s'observe pas, pour des raisons à la fois structurelles et conjoncturelles (cf. partie sur les prix), depuis le démarrage de la vague de hausse du pétrole au début 2004, et donc n'a pas été retenu dans notre scénario. Ainsi, sauf à envisager que les hausses quasi-continues du pétrole n'aient finalement raison de la capacité de résistance des agents au renchérissement de l'énergie, rien à l'heure actuelle ne laisse donc présager l'enclenchement du phénomène. Si toutefois tel était le cas, cela pourrait se traduire par une hausse d'un demi point d'inflation qui viendrait rogner le pouvoir d'achat des ménages et par là limiter la croissance de l'économie française en 2006. Pour illustrer un tel mécanisme, trois variantes ont été menées. La première, limite ce mécanisme à la France. A l'effet sur le pouvoir d'achat vient s'ajouter un effet de perte de compétitivité : au total la croissance en 2006 serait amputée de plus d'un demi point. Dans la deuxième nous supposons que l'ensemble des pays partenaires subissent cet effet de deuxième tour. Dans ce cas de figure, les pertes de compétitivité disparaissent mais sont en partie compensées par un ralentissement mondial, diminuant la croissance d'environ 0,4 point. Enfin, si l'inflation progresse dans l'ensemble des pays et notamment les pays européens, la banque centrale européenne (BCE) pourrait resserrer sa politique monétaire. Une hausse de 1 point des taux d'intérêt d'ici la fin de l'année 2005 amputerait alors de 0,2 point supplémentaire la croissance en 2006.

A moyen terme cinq scénarios sont envisagés

Si, comme nous allons le développer par la suite, cinq scénarios ont été bâtis, certaines hypothèses sont communes à ces scénarios :

Les hypothèses communes sont les suivantes

1. Nous maintenons une hypothèse de taux de croissance de la productivité du travail de 1,7% entre 2007 et 2010. Les salaires réels évoluent comme celles-ci.

2. Les hypothèses de population active sont celles de la DARES (elles intègrent les effets des retraites anticipées).

3. Les hypothèses d'emplois non-marchands aidés sont celles de la DARES (baisse progressive de 100 000 entre début 2004 et fin 2008). On suppose qu'un fonctionnaire sur deux qui part à la retraite ne sera pas remplacé.

4. Les hypothèses de dépenses publiques et prestations obligatoires sont celles du programme pluri annuel.

5. Il est fait également l'hypothèse de le taux de chômage structurel se situe aux alentours de 6 %.

B.1. QUATRE SCÉNARIOS DE CROISSANCE MODÉRÉE

Les scénarios envisagés sont doublement contraints :

1. La première contrainte porte sur la croissance du PIB qui est celle retenue dans le programme de stabilité (scénario bas), à savoir 2,25 % par an.

2. La seconde est relative au compte des administrations publiques (APU), à savoir les dépenses publiques, le taux de prélèvements obligatoires et le déficit public.

* 75 Ce travail a été réalisé par Eric Heyer et Mathieu Plane de l'Observatoire Français des Conjonctures Économiques (OFCE) pour le compte de la Délégation du Sénat pour la planification. Il n'engage que ses auteurs.

* 76.Cf. Lettre de l'OFCE, n°268, octobre 2005.

* 77.La recharge hypothécaire consiste à emprunter avec comme collatéral un bien déjà engagé et remboursé partiellement ou dont l'appréciation dégage de nouvelles marge d'endettement. Aux États-Unis, cette possibilité d'extraction hypothécaire est renforcée par le fait que les sommes extraites peuvent être utilisé à autre chose que de l'immobilier.

* 78. Ce mécanisme est décrit et formalisé dans le document de travail de l'OFCE 2005-16 d'octobre 2005 « L'immobilier, pilier de la croissance ou épée de Damoclès »

* 79. Nous évaluons le taux de croissance de la productivité globale des facteurs sur la base d'une fonction de production de Cobb-Douglas. La productivité globale horaire des facteurs (ð) du secteur privé est calculée via son taux de croissance où Q est la valeur ajoutée du secteur privé, á la part des salaires dans cette VA, L l'emploi en heures et K le stock de capital. Ce calcul comporte des lacunes en ce qui concerne la mesure de la croissance du stock de capital. Les données utilisées proviennent de l'OCDE et des comptes nationaux.

* 80. Il s'agit de Ben Bernanke.

* 81. Il y a un cas qui donnerait raison aux marchés obligataires : si la hausse continue des prix de l'énergie s'avérait avoir un impact non linéaire sur la croissance (ce qui ne semble pas être le cas pour le moment, mais ce qui a alimenté les craintes d'un retournement brutal de la croissance au moment des ouragans). De plus, le rebond récent des taux longs, entre début septembre et la mi-octobre, donne, au contraire, raison à la politique monétaire. Il correspond à un réveil tardif mais normal des marchés obligataires à l'activisme monétaire.

* 82. Mesurée par le déflateur implicite de la consommation, indicateur privilégié de la Réserve fédérale.

* 83. Ce phénomène profite tout particulièrement à ceux qui ont un patrimoine et qui le réalisent.

* 84. M. Nicolas Sarkozy a présenté le 4 mai 2004 un plan de relance de l'économie française. Ce plan vise à abaisser le taux d'épargne des français pour stimuler la croissance dans un contexte de rigueur budgétaire. Dans un document de travail de l'OFCE (Valérie Chauvin et alii (2004) : « Évaluation du plan de relance de l'économie française », document de travail de l'OFCE, n°2004-04, mai), nous avons évalué principalement trois mesures. 1) Le crédit d'impôt sur les intérêts versés au cours des années 2004 et 2005 au titre du crédit à la consommation. Ce crédit d'impôt pourrait augmenter la consommation de 1 milliard d'euros pour un coût budgétaire de l'ordre de 400 millions d'euros par an. 2) L'exonération de droits sur les donations anticipées inférieures à 20 000 euros. Cette mesure induirait un transfert des plus âgés vers les plus jeunes compris entre 0 et 8,8 milliards d'euros pour un effet sur la consommation de 0 et 500 millions d'euros. 3) Le déblocage anticipé des réserves de participation. Cette mesure pourrait conduire à l'injection de 3 milliards d'euros de réserves de participation et avoir un impact comparable sur la consommation.

D'après l'INSEE, sur les 15 milliards d'euros rendus à la consommation par ces mesures, seul 1,5 à 2 milliards ont été réellement dépensés et auraient alors permis une baisse de 0.2 point du taux d'épargne en 2004.

* 85. D'après nos estimations, la sensibilité de la consommation au taux d'intérêt est de toute façon plus forte en France qu'en Allemagne. Une baisse permanente de 1 point des taux d'intérêt provoque à l'horizon de 5 ans une baisse de 0,16 point du taux d'épargne en France contre 0,09 point en Allemagne. Cela engendre une augmentation d'un demi point du PIB français contre 0,4 outre Rhin;

* 86 . Les prévisions issues de l'indicateur, réactualisées chaque mois, sont élaborées selon une méthodologie indépendante de celle mise en oeuvre avec le modèle e-mod.fr pour les prévisions de mars et septembre. Elles n'en sont pas une actualisation.

Pour une présentation de la méthodologie de l'indicateur voir : E. Heyer et H. Péléraux, « Un indicateur de croissance infra-annuelle pour l'économie française », Revue de l'OFCE, n° 88, janvier 2004, pp. 203.218.

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