3. M. Jean-Claude GAZEAU, Président de la MIES

Merci, Monsieur le Président. Sur l'intitulé de cette journée, on a parlé ce matin des polluants locaux, et nous parlons maintenant de l'effet de serre. Je souhaiterais mettre en perspective deux choses. S'agissant des polluants locaux, on est en face d'une problématique, même si l'on parle des mêmes émetteurs, avec des effets sanitaires avérés. S'agissant des gaz à effet de serre, on se trouve devant une autre problématique, avec d'autres horizons, avec un risque du changement climatique, qui est avéré, et une problématique mondiale. Cela veut dire qu'en termes de sensibilisation, de comportement et autres, même si l'on traite les mêmes objets, les réponses ne sont pas forcément similaires.

Jean-Pierre FONTELLE a évoqué une particularité du secteur des transports, à savoir premièrement que c'est le premier émetteur de gaz à effet de serre, tant par l'intensité (27 % du total national, sans compter l'aérien international), que par la croissance de ses émissions. Il faut garder à l'esprit le chiffre de 27 % du total national jusqu'en 2003, puisque la tendance s'est infléchie ou atténuée, avec 2 % de croissance par an au niveau des transports, mais +23 % entre 1990 et 2003. Je mettrai en regard, puisque l'on parle d'un horizon plus lointain, 2050, avec un facteur 4, c'est-à-dire +2 %, même si ces dernières années c'est plutôt +1 %. Le fait de diviser par quatre nos émissions, cela signifie en moyenne -3 % par an.

A partir de là, quel constat peut-on faire, sans diaboliser ? Ce secteur est de nature à fragiliser d'une part l'objectif de stabilisation fixée à la France dans le cadre du protocole de Kyoto des émissions, et d'autre part à moyen terme, en ce qui concerne les concentrations des gaz à effet de serre dans l'atmosphère, avec l'objectif de division par quatre. On peut faire plusieurs remarques sur ce sujet. Nous allons parler beaucoup de technologie cet après-midi. Nous exprimons des sentiments, et il apparaît que la technologie ne devrait pas permettre à elle seule de contenir l'irréversible croissance des émissions de transport. Cela veut dire qu'il ne serait peut-être pas pertinent de laisser penser aux donneurs d'ordre privés et publics que les chercheurs et ingénieurs pourront dans les délais, une fois encore (même si de grands efforts ont été faits) résoudre le problème à leur place, sauf percée technologique majeure. Je ne doute pas qu'on va nous en présenter cet après-midi, à travers des véhicules propres et économes. Malgré les progrès techniques indéniables, depuis 1990 et avant, et malgré les efforts importants qui ont été consentis en matière de recherche, cela ne devrait pas permettre une maîtrise des émissions du secteur des transports. Un état des lieux a été élaboré avec le Plan climat en 2004. Cette même année, une remarque forte qui reste toujours d'actualité est que les émissions des gaz à effet de serre des transports ne pourront être maîtrisées et réduites massivement (vous savez l'effort qui reste à consentir) que par une baisse significative de la demande de transport. Dans la demande, on se concentre aujourd'hui sur les véhicules individuels, mais il s'agit aussi bien des déplacements routiers individuels que du transport de marchandises, qui n'est pas traité aujourd'hui, et d'autres composantes comme l'aérien.

On remarque d'abord qu'il faut donc agir sur la demande, mais tout reste sujet à débat. On peut imaginer que la baisse de la demande ne se fera pas de manière spontanée. Une autre remarque est que pour modifier cette perception, tout ne peut pas reposer uniquement sur les actions de sensibilisation. Voilà quelques éléments qui sont de nature à interroger sur la façon de faire en sorte d'agir sur ce désir de mobilité fort qui est ancré profondément au sein de la société, aussi bien pour préserver le niveau économique que par le désir de mobilité.

Avons-nous dressé un constat négatif des mesures qui ont été prises et mises en oeuvre depuis le Plan climat et ceux antérieurs, en matière de lutte contre le changement climatique ? Nous ferons d'abord un constat rassurant, mais en temporisant, et en signalant qu'il y a la politique contre le changement climatique, mais aussi d'autres politiques qui ont joué un rôle positif en matière des baisses des émissions de transport. Je pense notamment aux efforts réalisés en matière de sécurité routière. La généralisation des dispositifs de contrôle de vitesse fixes ou mobiles, l'intégration au nouveau permis de conduire des questions relatives à la conduite souple, la formation des conducteurs de poids lourds ou d'autobus aux économies de carburant, déjà en cours dans plusieurs entreprises, tout cela concourt à la fois à la réduction de la facture pétrolière et, comme vous le disiez, Monsieur le Président, c'est lié aux émissions de gaz à effet de serre.

Ainsi, ces émissions en matière de transport ont marqué un palier en 2003. En 2004, la tendance semble se confirmer, et l'on peut considérer que c'est la conjugaison de plusieurs politiques mises en oeuvre qui sont cohérentes et qui vont toutes dans le même sens.

A défaut de s'attaquer au désir de mobilité, peut-on considérer que les progrès technologiques, dont j'ai signalé qu'ils ne résoudraient pas tout, et les autres politiques, en matière de sécurité routière, suffisent pour réduire les émissions ? Je temporiserai la réponse en disant qu'au-delà de ce qui peut être porté par la réglementation, il y a un autre désir qu'il faut mettre en avant, qui est le souci de confort dans la mobilité. Je prendrai deux exemples. D'abord, le développement spectaculaire de la climatisation dans les véhicules. N'oublions pas que la climatisation peut, dans certaines conditions, augmenter de 30 % les émissions de gaz à effet de serre, ce qui peut être de nature à anéantir tous les efforts qui ont été faits par les ingénieurs présents dans cette salle. Ainsi que l'engouement pour les véhicules assez lourds, même s'il semble que la tendance s'infléchisse, M. MORCHEOINE a largement développé ce sujet ce matin. Les chiffres sont inquiétants. L'augmentation en quelques décennies de près de 40 kg de la charge embarquée laisse à réfléchir quant aux consommations nécessaires pour déplacer une ou plusieurs personnes dans un véhicule particulier.

Au final, pour agir sur les comportements, quelles sont les pistes qui ont été mises en avant par le Plan climat ? Nous allons faire un bilan prochainement, mais on peut signaler quelques pistes. D'abord, pour agir sur les comportements, on peut dire : « Fais toi-même ce que tu veux demander aux autres ». L'Etat s'engage personnellement. Désormais, les véhicules particuliers neufs acquis par l'Etat ne devront pas émettre, sauf dérogation pour des utilisations spécifiques, plus de 140 g/km. On peut saluer le caractère pragmatique de cette approche, dont on pourra assurer facilement le suivi. D'autre part, on peut signaler l'information étiquetage aux acheteurs potentiels de véhicules neufs sur la consommation des carburants et les émissions de CO 2 . C'est une obligation qui découle d'une directive européenne de 1999, déjà appliquée en France, et qui sera grandement améliorée par l'étiquette CO 2 à sept classes de couleur, semblable à celle, déjà obligatoire en Europe pour certains appareils, et même pour certains véhicules. Cela fait aujourd'hui trois mois que la Commission européenne a été saisie de la demande de validation de l'étiquette qui est entrevue par la France. C'est le délai qui est normalement alloué pour avoir une réponse de Bruxelles. Espérons donc que début 2006, nous pourrons dans les différentes concessions voire fleurir ces étiquettes de A à G.

En complément des accords de l'Union européenne constructeurs, de l'information sur l'étiquetage, la fiscalité des véhicules à l'achat, la taxe d'immatriculation à l'usage, la taxe annuelle de circulation constitue le troisième et nécessaire pilier de la politique européenne de réduction des émissions de CO 2 . En matière de fiscalité, au niveau des outils, le crédit d'impôt à l'achat de véhicules propres, au sens de la loi sur l'air du 30 décembre 1996, vient d'être récemment renforcé, fin août, passant de 1 525 à 2 000 €. N'oublions pas que cette mesure est essentiellement dictée par une recherche de diversification énergétique, qui ne devrait pas avoir un impact énorme, mais il y a l'exemplarité et toute la pédagogie qui va autour. En termes de réduction des émissions, cela ne devrait pas avoir un impact énorme. On peut par ailleurs rappeler, puisque l'on parle du Plan climat, qu'il y a eu un signal au niveau du CO 2 qui est significatif chez l'acheteur, prévu avec le projet d'instauration d'un système de malus/bonus CO 2 fiscalement neutre, à l'achat de véhicules propres neufs. Cette mesure équitable, élaborée avec la participation des constructeurs automobiles français, a été ajournée du fait de l'accueil réservé dont elle a fait l'objet. Ceci a une conséquence. Après la suppression en 2001 de la vignette pour les particuliers, dont le montant était calculé en partie sur les émissions de CO 2 , la France, grande productrice d'automobiles, devient un des rares, sinon le seul pays de l'Union européenne à ne disposer ni d'une taxe à l'immatriculation ni d'une taxe à la circulation. Le prix de certificat d'immatriculation, la carte grise, étant suffisamment faible pour ne pas être considéré par Bruxelles comme une taxe.

Je terminerai par les autres pistes qui figurent dans le Plan climat, et qui vont être développées ensuite, au-delà du comportement de la technologie. Il s'agit d'agir sur le combustible, sur les carburants utilisés. Vous avez tous noté le fait qu'a été avancé l'objectif d'incorporation à 5,75 % de biocarburant dans les carburants, ce qui était initialement prévu pour 2008. Cette action due au carburant va faire prochainement l'objet d'une communication dont nous parlera André DOUAUD. Enfin, il me paraissait important, dans l'état des lieux, d'évoquer les pistes qui existent, laissant à la deuxième table ronde le soin de voir les pistes du futur. Je termine en signalant que nous avons les 14 et 15 novembre prochains ce que nous avons appelé le Rendez-vous climat, où nous opérerons un bilan, à un an du Plan climat, avec l'objectif non pas de se faire plaisir et de montrer tout ce qui a été fait de bien, mais de porter un regard lucide sur l'état d'avancement des différentes mesures de ce plan, avec la volonté de préparer ce qui figure dans la loi de programmation et d'orientation sur les politiques énergétiques et une actualisation du Plan climat en 2006. Nous espérons que ce rendez-vous sera l'occasion de mettre en avant des idées force qui pourront être utilisées dans l'élaboration de ce plan 2006.

Je vous remercie.

• M. Claude GATIGNOL

Merci, Monsieur GAZEAU, de nous avoir fait part de vos conclusions sur les moyens et l'approche, à la fois des comportements qui pouvaient être sollicités ou plus fortement dirigés par la réponse à la mobilité par l'usage de la voiture individuelle, en rappelant que le Plan climat avait aussi un certain nombre de facettes.

Monsieur BEUZIT, votre domaine est l'ingénierie des voitures. La conception des voitures nouvelles est-elle compatible avec cette réduction des émissions de gaz à effet de serre, alors que l'on demande à une voiture, comme l'a rappelé M. GAZEAU, d'être toujours plus confortable à travers certains systèmes dont on les équipe, mais également de proposer plus de sécurité, avec quelquefois certains matériaux ou certaines formes ou éléments qui constituent l'ensemble de la voiture d'aujourd'hui, en pensant à celle de demain ?

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