5. M. PierPaolo CAZZOLA, Analyste, Division des politiques de technologie de l'énergie, AIE

Je vous présenterai la vision de l'AIE concernant les biocarburants, à partir d'estimations mises à jour d'après le document intitulé Biofuels for transport et publié en 2004.

Tout d'abord, je vous présenterai l'AIE, créée en 1974 dans le cadre de l'OCDE. En 1993, la France y adhère. Depuis le début, les missions historiques de l'AIE regroupent les tentatives de faire partager par les Etats-membres de meilleures pratiques de politique énergétique, c'est-à-dire, intégrant des impératifs de sécurité d'approvisionnement, d'efficacité énergétique et de protection de l'environnement. L'un des dossiers majeurs actuellement est celui de la question des stocks stratégiques, mis en relief par l'ouragan Katrina il y a peu, ainsi que les actions en faveur de la promotion de la diversification énergétique. Nous menons d'autres activités, telles que l'analyse du marché pétrolier, avec la publication mensuelle du Oil market report, l'élaboration de plusieurs statistiques et indicateurs, l'analyse des perspectives avec la publication du World energy act outlook, cité par Monsieur OLIVA. Par ailleurs, une division de l'agence se charge de la veille technologique et permet une coordination entre les recherches nationales. Le Secrétariat effectue des expertises spécifiques, comme celle sur les biocombustibles. Nous menons aussi des études sur les effets des politiques énergétiques, par exemple sur l'éclairage. Enfin, nous éditons des revues périodiques sur les différentes politiques nationales en coopération continue avec les pays membres.

Je vais maintenant vous présenter la situation des biocombustibles dans le monde, en termes de coûts, bénéfices et filières de fabrication des biocarburants. J'aborderai également le potentiel de réduction des émissions de gaz à effet de serre selon les différentes filières, la compétitivité selon les véhicules et quelques estimations des coûts de production. Je poursuivrai par des estimations des coûts des réductions d'émissions de gaz à effet de serre, et examinerai la demande de terres en fonction de la technologie de production utilisée, et les potentiels disponibles (la disponibilité à long terme est très débattue). Je citerai aussi des politiques courantes, tout en vous donnant la vision de l'agence pour le moyen terme.

Les biocarburants contribuent à hauteur de 1 % environ à la consommation mondiale. Il existe principalement deux types de biocarburants : l'éthanol (produit au Brésil, aux Etats-Unis et un peu en Europe) et le biodiesel (produit en Europe).

Les biocombustibles deviennent intéressants en raison de la hausse des prix du pétrole et des changements climatiques. Il faut d'ailleurs souligner que les coûts sont plus facilement quantifiables que les bénéfices, qu'ils soient liés à la sécurité énergétique, à la réduction des niveaux de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques, à la contribution au développement rural, ou aux effets sur la balance commerciale. Ceci étant, certains coûts sont également difficiles à évaluer, notamment les coûts liés à l'augmentation des NOx, aux effets sur les prix des produits concurrents et aux impacts environnementaux.

La transformation des huiles végétales en gazole et la transformation des cultures de betteraves, de cannes à sucre et de céréales en éthanol pouvant être mélangés avec de l'essence constituent les procédés des filières traditionnelles. Les nouvelles filières utilisent deux grandes méthodes : la thermochimique, plus développée en Europe, illustrée par exemple, par les systèmes de Total présentés ce matin, et enfin, le système biochimique en première position au Canada et aux Etats-Unis.

L'utilisation d'engrais et la production de gaz à effet de serre liés à l'azote soulèvent des incertitudes. Les estimations les plus positives concernent à ce sujet l'éthanol produit à base de canne à sucre. L'éthanol conçu à partir du maïs obtient des résultats moins satisfaisants, en revanche, l'éthanol constitué à partir de cellulose s'avère très intéressant.

Si l'on compare les coûts de production des biocarburants avec les prix de l'essence et du diesel, vous voyez que l'éthanol à base de canne à sucre devient compétitif quand le pétrole s'échange entre 30 et 60 dollars le baril, celui à base de maïs lorsque le pétrole coûte 60 dollars. Concernant les autres technologies et les nouvelles filières, une réduction sensible des coûts est attendue avec la fin de la phase démonstrative. Le taux de change actuel est de 1,2 dollar pour un euro et l'énergie est évaluée en dollars, donc l'Europe est défavorisée. Par ailleurs, il ne faut pas oublier tous les problèmes liés aux subventions agricoles.

Le principal message concernant la compétitivité des différents véhicules est que l'éthanol et le biodiesel peuvent être mélangés dès lors que l'éthanol est en teneur de 5 à 10 %. Il n'y a pas les mêmes restrictions pour le biodiesel.

Les biocombustibles ont des effets positifs en matière d'émissions de polluants, sauf en ce qui concerne les NOx. En ce qui concerne l'évaluation des coûts de la réduction des émissions de gaz à effets de serre, l'éthanol à base de canne à sucre semble le meilleur choix, car il a un grand potentiel de réduction des niveaux de CO 2 et un coût bas. Dans le long terme, celui produit à partir de cellulose, que ce soit par la méthode biochimique ou thermochimique, serait aussi intéressant.

Un autre aspect qu'il faut aborder lorsque l'on se penche sur la production de biocombustibles est le problème de la demande de terres. Le besoin est de deux à trois fois supérieur pour produire du biodiesel que pour produire de l'éthanol. En ce qui concerne les nouvelles filières, il existe plusieurs estimations, mais quelles qu'elles soient, leur potentiel est intéressant car il est possible d'utiliser des déchets de la biomasse et les OGM aussi peuvent avoir un rôle, concernant notamment la culture de peupliers et de switchgrass, ou autres matériaux (les études ont surtout été menées aux Etats-Unis et au Canada) avec une forte croissance potentielle. Des études prenant en compte l'horizon 2050-2100 laissent place à de grandes incertitudes et une grande variabilité entre les différentes estimations. Beaucoup de facteurs rentrent en compte : le taux de croissance de la productivité agricole, la croissance de la population, etc. Une étude optimiste de Jonhson estime que la quantité d'éthanol qui peut être produite de façon économiquement viable, à partir de la canne à sucre, est de 6 hexajoules pour 2 kg. Cela satisferait les objectifs des différents programmes gouvernementaux mis en place. La loi américaine impose d'ores et déjà une production de 8 milliards de gallons d'éthanol pour 2012 et 1 milliard additionnel pour 2016 d'éthanol produit à partir de dérivés de la cellulose. L'objectif du Japon, devra quant à lui être atteint avec des biocarburants importés en raison de la pénurie de terres que connaît le Japon.

Nous pouvons déjà constater une émergence des biocarburants. Pour atteindre les objectifs fixés, il faudrait une croissance au moins égale à celle des dernières années et des investissements importants. L'objectif de faire progresser les biocarburants semble possible. Les coûts sont inférieurs en dehors de l'OCDE, notamment en Afrique, en Amérique latine et en Asie, où des pays ont un fort potentiel. Le meilleur biocarburant semble être l'éthanol à base de canne à sucre du Brésil. Enfin, il faut souligner la forte nécessité de développement d'un marché international des biocombustibles, afin de faire coïncider les intérêts des importateurs et des exportateurs. A moyen terme, le développement des nouvelles technologies est également intéressant, notamment l'éthanol à partir de cellulose et la biomasse.

• M. Claude GATIGNOL

Merci, Monsieur CAZZOLA, de nous avoir brossé ce paysage mondial de la production de biocarburants et indiqué la place qu'ils pourraient occuper, soit jusqu'à 10 % de remplacement des carburants fossiles.

Monsieur Thomas GUERET, vous êtes aussi de l'AIE et vous allez aborder le thème de l'usage des hydrocarbures avec une question : incitation ou obligation ?

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