Rapport d'information n° 237 (2005-2006) de M. Paul GIROD , fait au nom de la délégation pour l'Union européenne, déposé le 3 mars 2006

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N° 237

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2005-2006

Annexe au procès-verbal de la séance du 3 mars 2006

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la délégation pour l'Union européenne (1) sur l' action communautaire en matière de protection civile ,

Par M. Paul GIROD,

Sénateur.

(1) Cette délégation est composée de : M. Hubert Haenel, président ; MM. Denis Badré, Jean Bizet, Jacques Blanc, Jean François-Poncet, Bernard Frimat, Simon Sutour, vice-présidents ; MM. Robert Bret, Aymeri de Montesquiou, secrétaires ; MM.  Robert Badinter, Jean-Michel Baylet, Yannick Bodin, Didier Boulaud, Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. Louis de Broissia, Gérard César, Christian Cointat, Robert del Picchia, Marcel Deneux, André Dulait, Pierre Fauchon, André Ferrand, Yann Gaillard, Paul Girod, Mmes Marie-Thérèse Hermange, Fabienne Keller, MM. Serge Lagauche, Gérard Le Cam, Louis Le Pensec, Mmes Colette Mélot, Monique Papon, MM. Yves Pozzo di Borgo, Roland Ries, Mme Catherine Tasca, MM. Alex Türk, Serge Vinçon.

Union européenne.

La protection des populations civiles relève de la compétence de chacun des États membres de l'Union européenne, qui ont le devoir de prévenir les accidents naturels, industriels, sanitaires, ou les évènements de nature terroriste, et de gérer leurs conséquences lorsqu'ils sont intervenus.

La protection civile n'est pas une compétence communautaire, les institutions européennes n'intervenant qu'en soutien des actions menées par les États membres.

Pourtant, une réflexion sur la protection et la défense civiles à l'échelle européenne est devenue indispensable. Initiée début 2005 après le choc provoqué par le tsunami en Asie du Sud-Est et le manque de coordination des secours européens, la réflexion doit désormais s'engager sur les crises internes à l'Union européenne. Quelle réponse apporter en cas d'accident majeur dans un pays de l'Union ou en cas d'attentats coordonnés ? Quelles mesures de prévention ou de formation à mettre en place conjointement ? Telles sont les questions que pose le présent rapport.

I. L'ORGANISATION DE LA PROTECTION CIVILE DANS LES PAYS MEMBRES DE L'UNION EUROPÉENNE

A. DES ORGANISATIONS DIVERSES, UNE LOGIQUE INTERMINISTÉRIELLE

La protection civile est rattachée dans la plupart des pays européens au ministère de l'intérieur , mais également au ministère de la défense (parfois les deux comme en Espagne) ou encore directement au Premier ministre . Par exemple, en Irlande, le secrétariat des opérations de protection civile est assuré par le ministère de la défense mais en cas de risque majeur, la décision remonte au Premier ministre qui désigne alors un ministère chef de file (ministère de l'agriculture pour la grippe aviaire, ministère de l'environnement pour le risque de catastrophe nucléaire, etc).

Ministère de rattachement de la protection civile

Intérieur

Défense

Premier Ministre

France

Chypre

Pays-Bas

Grèce

Espagne

Finlande

Belgique

République tchèque

Slovaquie

Autriche

Irlande

Espagne

Suède

Lituanie

Danemark

Grande-Bretagne

Italie

Source : ministère des affaires étrangères

Il faut remarquer que les services de protection civile dans l'Union européenne font l'objet de restructurations régulières , qui ne vont cependant pas toutes dans le même sens : parfois il s'agit de renforcer le volet civil du dispositif, parfois le volet militaire.

Ainsi, le dispositif de protection civile à Chypre étant jugé peu réactif et lourd à mettre en oeuvre, le gouvernement a proposé de renforcer le rôle de pilote du ministère de l'intérieur (projet de loi faisant passer les pompiers sous tutelle de la protection civile). De même, en République tchèque , les services chargés de la protection civile, jusqu'alors dépendants du ministère de la défense, ont été fusionnés avec les services de lutte contre l'incendie et ont été rattachés au ministère de l'intérieur en 2001. A contrario, en Espagne , le Conseil des ministres a décidé en octobre 2005 la création d'une unité militaire de protection civile subordonnée directement au ministre de la défense et dirigée par un général, qui devrait compter plus de 4.000 personnels en 2008, et être opérationnelle 24 heures sur 24. Cette décision a été prise suite aux carences constatées dans la lutte contre les incendies de forêts.

Des mesures d'adaptation aux risques sont également prises, comme le « plan de développement du système de défense NRBC » du ministère de l'Intérieur espagnol, qui prévoit la création, au sein de la Garde civile, de trois unités de première intervention pour un coût de 2,5 millions d'euros.

D'une manière générale, même si le ministère de l'intérieur reste, dans la grande majorité des cas, le ministère de rattachement, la complexité du domaine de la protection civile conduit à des dialogues de plus en plus fréquents entre ministères (intérieur, défense, santé, etc) et à un dispositif renforcé de coordination interministérielle , parfois sous la responsabilité directe du Premier ministre (Grande-Bretagne, Irlande) ou du Président du Conseil (Italie).

B. DE NOMBREUSES COOPÉRATIONS BILATÉRALES ENTRE ÉTATS MEMBRES

La protection civile dans l'Union européenne est d'abord une affaire de coopération entre États membres.

Cette coopération se fonde sur la proximité géographique, mais aussi la nature des enjeux en termes de protection civile, qui varient sensiblement suivant les pays.

Ainsi, les pays du Sud coopèrent entre eux, notamment dans le domaine de la lutte contre les feux de forêts . Le Portugal a signé un protocole bilatéral de coopération en matière de protection civile avec l'Espagne, avec un addendum spécifique à la lutte contre les feux de forêts. Un addendum similaire doit être signé avec la France. De même, Chypre coopère avec la Grèce et l'Italie. La Grèce coopère elle-même avec la Bulgarie, la France, Chypre, Malte et la Hongrie.

Par ailleurs, des coopérations formalisées existent entre les États du Nord (1 ( * )) (Finlande, Estonie, Suède, Danemark), les États du Benelux (Pays-Bas, Belgique, Luxembourg et l'Allemagne), et les États d'Europe centrale (République Tchèque, Hongrie, Autriche, Slovénie, Pologne). La France coopère avec de nombreux pays (Espagne, Portugal, Grande-Bretagne, Irlande, etc).

Il existe des coopérations renforcées de fait , comme pour l'Irlande, tributaire de sa situation géographique périphérique et de sa proximité exclusive avec le Royaume-Uni. Naturellement, les pays européens aident leurs voisins en cas de catastrophe naturelle, comme la Hongrie à l'égard de la Roumanie lors des inondations exceptionnelles de juillet 2005.

Enfin, les équipes de protection civile des pays européens sont envoyées dans des pays tiers : équipes envoyées en Asie du Sud-Est lors de la catastrophe du tsunami ou du tremblement de terre au Pakistan, mais aussi aide aux États-Unis après le cyclone ayant ravagé la Nouvelle-Orléans, etc. Les capacités d'intervention de la Suède, du Danemark et des Pays-Bas dans les cas d'urgence internationale, et sous l'égide des Nations unies, sont saluées.

II. LE RÔLE DES INSTITUTIONS EUROPÉENNES EN MATIÈRE DE PROTECTION CIVILE

Si la protection civile est d'abord une affaire de coopérations bilatérales entre États membres de l'Union, et parfois à l'extérieur de l'Union (Maroc, Russie), que peuvent faire les institutions européennes ? Il apparaît que leur rôle est aujourd'hui modeste, mais que des initiatives sont prises pour le renforcer.

A. UNE ACTION DE SOUTIEN DE L'UNION EUROPÉENNE

1. Le programme d'action communautaire

Les mesures en matière de protection civile sont prises sur le fondement de la clause de flexibilité de l'article 308 du traité instituant la Communauté européenne qui dispose que « si une action de la Communauté apparaît nécessaire pour réaliser, dans le fonctionnement du marché commun, l'un des objets de la Communauté, sans que le présent traité ait prévu les pouvoirs d'action requis à cet effet, le Conseil, statuant à l'unanimité sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen, prend les dispositions appropriées ».

Ainsi, l'action de l'Union européenne en matière de protection civile est essentiellement une action de soutien aux initiatives des États membres . Ce soutien est précisé dans le programme d'action communautaire en faveur de la protection civile instauré en 1997.


Le programme d'action communautaire
en faveur de la protection civile

Mise en place en 1985, la coopération communautaire dans le domaine de la protection civile a été renforcée par une décision du Conseil de 1997 instituant un programme d'action communautaire en faveur de la protection civile.

Il vise à renforcer la protection des personnes, de l'environnement et des biens en cas de catastrophe naturelle ou technologique sur le territoire de la Communauté. Il comporte une série de projets, échanges d'experts, séminaires et autres actions appuyant la coopération et l'assistance mutuelle entre les services de protection civile des États membres. Ce programme d'action a pour objet de soutenir et de compléter les efforts déployés par les États membres au niveau national, régional et local.

Plusieurs types d'actions sont ainsi cofinancées par le budget communautaire :

- prévention des risques et des dommages aux personnes, aux biens et à l'environnement, en cas de catastrophes naturelles ou technologiques,

- accroissement du degré de préparation des acteurs de la protection civile dans les États membres afin d'améliorer leur capacité d'intervention en cas d'urgence,

- détection et étude des causes des catastrophes, perfectionnement des moyens et méthodes de prévision, des techniques et méthodes d'intervention et de l'assistance immédiate consécutive aux situations d'urgence,

- information, éducation et sensibilisation du public.

Il a été décidé de poursuivre le programme actuel, qui expirait le 31 décembre 2004, pour une période de deux ans supplémentaires, allant de janvier 2005 à décembre 2006.

L'enveloppe de crédits pour la période envisagée est de 4,8 millions d'euros en engagements et en paiements, contre 7,5 millions d'euros pour la période précédente (2000-2004), soit une augmentation sensible en moyenne annuelle. Il faut y ajouter les dépenses de ressources humaines, soit 3,5 postes permanents pour un coût total de 378.000 euros par an, et les autres dépenses administratives, soit 100.800 euros par an, pour des réunions de comités, des séminaires et des frais de missions.

2. Le mécanisme communautaire et le centre de suivi de la Commission

Même si la protection civile est une action de soutien mise en oeuvre principalement par le programme d'action communautaire, une décision du Conseil du 23 octobre 2001 a institué un mécanisme communautaire visant à aller un peu plus loin pour favoriser une coopération renforcée dans le cadre des interventions de secours relevant de la protection civile.

Il s'agit de faire face aux cas d'urgence majeure (catastrophe naturelle, technologique, radiologique ou environnementale) survenant à l'intérieur ou à l'extérieur de la Communauté .

La Commission a ainsi mis en place un centre de suivi et d'information (MIC) accessible et prêt à intervenir 24h/24, elle gère un système commun de communication et d'information d'urgence, elle prévoit également les moyens nécessaires pour mobiliser de petites équipes d'experts. Ce centre associe aujourd'hui 30 États (les États membres de l'Union européenne, plus la Bulgarie, la Roumanie, l'Islande, le Liechtenstein et la Norvège).

En cas d'urgence majeure qui pourrait entraîner des effets transfrontaliers, l'État membre concerné avertit les autres États membres risquant d'être concernés et la Commission européenne .

Tout État membre peut demander assistance aux autres États membres soit directement, soit par l'intermédiaire du centre de suivi et d'information. Les États membres recensent à l'avance , notamment dans leurs services de protection civile, les équipes d'intervention qui pourraient être disponibles ou constituées pour intervenir suite à une demande d'aide.

Des interventions peuvent être effectuées en dehors de la Communauté, soit en tant qu'interventions de secours autonomes, soit comme contribution à une opération conduite par une organisation internationale.

B. UNE ACTION COMMUNAUTAIRE JUGÉE INSUFFISANTE, DES RÉPONSES DIVERGENTES ENTRE ÉTATS MEMBRES

1. Créer, au sein de l'Union européenne, un véritable pôle de commandement des opérations de protection civile

Si le rôle du centre de suivi et d'information du mécanisme de la protection civile (MIC) à Bruxelles est salué de manière unanime par les États membres, certains souhaiteraient qu'il puisse disposer de moyens supplémentaires pour assurer une véritable veille opérationnelle .

La Grèce , par exemple, souhaiterait que le MIC endosse des fonctions opérationnelles, en dehors de son rôle d'information. La Grande-Bretagne insiste pour que le MIC gère les crises internes et externes à l'Union européenne et elle a proposé la mise en place d'un groupe directeur de crise rassemblant la présidence, la Commission, le secrétariat général du Conseil et les États membres qui pourra recourir aux moyens de la Commission autant qu'aux capacités militaires des États membres.

2. Renforcer la visibilité de l'Union européenne par la création d'une force d'intervention rapide

Le mécanisme communautaire de protection civile est à la fois bien accepté et critiqué pour certaines de ses insuffisances, qui se sont révélées lors de la gestion de crises externes à l'Union (tsunami, tremblement de terre au Pakistan). Lors de ces crises, la réponse européenne est en effet apparue morcelée, peu visible, avec un manque de coordination dans le déploiement sur le terrain et l'acheminement des secours, même si chaque État membre a répondu de manière significative aux besoins sur place.

Des propositions précises ont donc été faites par les États membres, et en premier lieu la France, qui souhaite donner une plus grande visibilité à l'action européenne.


Les propositions françaises pour la création
d'une force d'intervention rapide européenne (FIRE)

Le Président de la République a exprimé le souhait, au lendemain du tsunami et des difficultés de coordination de l'aide européenne, de créer une force d'intervention rapide européenne (FIRE ) et de s'appuyer sur les capacités militaires de l'Union, en particulier le centre d'opération implanté au sein de l'État-major intégré au secrétariat général du Conseil. Il a par ailleurs inscrit sa démarche dans le cadre des Nations unies qui pourraient compter sur un pôle européen disposant de ressources préalablement identifiées et d'équipes entraînées à travailler conjointement.

La constitution de cette force d'intervention rapide se ferait par l'acquisition de moyens collectifs pour renforcer sa capacité d'action (avions polyvalents gros porteurs, bombardiers d'eau et transport de personnels, hôpital de campagne projetable, pompes de grande capacité). Une proposition précise a été faite par lettre du ministre de l'intérieur au Président de la Commission européenne en octobre-novembre 2005.

Le ministre de la défense a également adressé une lettre au Haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune, Javier Solana, en décembre 2005, afin de lui faire part des propositions en matière de permanence des capacités de transport, de planification et de commandemen t, en appuyant l'action de l'Union européenne en matière de protection civile sur les capacités militaires dans le cadre de la PESD.

3. De fortes réticences à une communautarisation des moyens de protection civile

En dépit des initiatives françaises, de nombreux États membres mettent l'accent sur la coordination des moyens et le retour d'expérience, et non sur la « communautarisation » des moyens .

La création d'une véritable force de protection civile européenne est largement soutenue par les pays méditerranéens soumis à de nombreux risques communs (Espagne, Italie, Portugal, Slovénie, Chypre et Malte) mais aussi par la Belgique et le Luxembourg.

En revanche, un groupe de pays souhaite restreindre les initiatives de l'Union européenne en matière de protection civile, au profit d'un réseau d'experts qui seraient mis à la disposition des Nations unies sans réelle visibilité européenne. Les pays nordiques (Danemark, Suède) préfèrent en effet inscrire leur action dans le cadre des Nations unies, organisation avec laquelle ils travaillent parfaitement. Les Pays-Bas, et à un degré moindre la Grande-Bretagne, privilégient le cadre de l'OTAN. Le Royaume-Uni plaide davantage pour la responsabilité des États membres.

En effet, si le Portugal va jusqu'à souhaiter une mise en commun (une mutualisation) des moyens de lutte contre les catastrophes naturelles, en particulier les incendies, cette position est loin d'être partagée. De nombreux pays souhaitent que les États membres restent maîtres de leurs propres ressources et de leur compétence nationale. Par ailleurs, pour les crises de nature régionale en Europe (feux de forêt en Europe méridionale, inondations en Europe centrale), la question est plutôt celle du renforcement des efforts d'investissement des États membres concernés.

Une difficulté particulière réside également dans la coordination entre les initiatives de l'Union européenne et celles de l'OTAN . Plusieurs pays (Grande-Bretagne, Suède, Pologne, Pays-Bas) posent la question de l'articulation entre le MIC et le centre euro atlantique de coordination des réactions en cas de catastrophe de l'OTAN (EADRCC), et soulèvent le projet d'une plus grande implication de l'OTAN dans le transport des équipes de protection civile. La Grande-Bretagne a également évoqué la possibilité de réserver à l'OTAN un rôle spécifique pour des « niches » (domaine NRBC, coordination des moyens de transport stratégique aérien).

Un clivage réel existe donc entre la France, la Belgique, le Luxembourg et les pays méditerranéens qui souhaitent donner une véritable visibilité à l'Union européenne et d'autres pays, dont principalement les Pays-Bas qui souhaitent mettre en valeur leur action dans le cadre de l'OTAN.

En conclusion, de nombreux pays accepteraient sans doute une plus forte assistance communautaire dans le domaine des transports pour faciliter l'acheminement jusqu'au théâtre d'opérations. Il pourrait être question de renforcer l'aide communautaire pour l'emploi de moyens spécialisés (pompes de grande capacité, hôpital de campagne) mais le financement communautaire devrait être marginal (la responsabilité des transports restant de la compétence des États membres).

4. Davantage d'échanges d'expérience et de formation que de réglementation

Les exercices communs sont considérés comme une partie indivisible du mécanisme communautaire de protection civile et de nombreux États membres estiment utile de les multiplier. Les Pays-Bas, par exemple, pensent que la mise en place d'exercices spécifiques est nécessaire pour rendre le mécanisme européen de protection civile efficace. L'Italie insiste également sur l'importance de la formation au niveau européen. En janvier 2004, la Commission européenne a approuvé la proposition italienne d'un exercice international ayant pour scenario un important évènement sismique dans le secteur de la Sicile orientale.

Le Royaume-Uni souhaiterait d'abord favoriser une prise de conscience des enjeux communs en matière de protection civile en parvenant à identifier une demi-douzaine de risques majeurs sur lesquels travailler ensemble (ex : grippe aviaire, rupture d'approvisionnement en hydrocarbures, risques transfrontaliers). Des retours d'expériences plus structurés au niveau européen concernant les différentes crises gérées par les États membres seraient également les bienvenus.

Il est incontestable que les pays européens ont des expériences variées en matière de protection civile, qui devraient faire l'objet d'échanges d'information plus nombreux. Par exemple, l'Irlande s'est dotée en décembre 2004 d'un plan national d'urgence pour les accidents nucléaires, qui est un modèle de référence.

Par contre, d'une manière générale, il y a peu de demande des États membres pour davantage de réglementation européenne. Plusieurs États membres ont clairement mis en valeur le principe de subsidiarité, sans toutefois que ce principe se décline de la même manière. Ainsi, l'Autriche reconnaît l'opportunité d'une réglementation sur les structures critiques transnationales, mais le Danemark juge inacceptable la définition des infrastructures nationales sensibles au niveau communautaire.

III. DES RÉFORMES EN COURS QUI RELÈVENT D'UNE FAIBLE AMBITION

A. LE PLAN D'ACTION POST-TSUNAMI ET LE DISPOSITIF INTÉGRÉ DE GESTION DES CRISES

Des initiatives ont d'abord surgi après l'évènement du tsunami et le manque de coordination des interventions de l'Union européenne.

Un plan d'action a été adopté dans ce domaine par le Conseil affaires générales du 31 janvier, visant à une meilleure information mutuelle, à une meilleure coordination des moyens (analyses, planification des moyens, conduite opérationnelle). Ce plan a été bien reçu par les États membres mais il ne concerne cependant que les crises extérieures à l'Union. Par ailleurs, il a peu progressé sous présidence britannique, si bien que le contenu du plan d'action reste à préciser.

En revanche, des négociations plus avancées sont en cours pour mettre en place un nouvel instrument financier et, d'ici juillet 2006, un dispositif de gestion intégrée des crises externes et internes à l'Union européenne présentant une incidence transfrontalière.

Les évènements visés seraient plus particulièrement des actes terroristes (multiples attentats de type conventionnel perpétrés de manière coordonnée dans plusieurs États membres, attentat NRBC dans l'Union ou un État tiers avec des répercussions dans l'Union, destruction d'infrastructures européennes essentielles comme les réseaux de télécommunication, oléoducs, contrôle du trafic aérien) ou des crises sanitaires majeures.

L'idée serait de ne pas créer de structure nouvelle mais de s'appuyer sur les structures existantes (coordinateur de la lutte contre le terrorisme, centre de situation conjoint, centre de suivi et d'information de la Commission, cellule civilo-militaire au sein du Conseil) en formalisant, par un accord, leur coopération. En effet, il est apparu lors des crises précédentes qu'aucune procédure formelle n'existait pour réunir les acteurs de la protection civile en cas d'urgence majeure. Il s'agit de définir un groupe directeur de crise, qui pourrait être convoqué très rapidement, et où la responsabilité de chacun serait clairement définie.

La Commission a également proposé des dispositions relatives à un système général d'alerte rapide dénommé ARGUS. Il s'agit d'interconnecter les divers réseaux d'alerte rapide et de détection , qui existe essentiellement pour les risques sanitaires et de santé. La mise en place de ce système devait commencer en janvier 2006.


Les systèmes d'alerte rapide au niveau communautaire

Afin d'assurer une réaction rapide et efficace de l'Union européenne dans de nombreuses situations d'urgence, la Commission a mis en place un certain nombre de systèmes d'action rapide (RAS). Ces systèmes se basent sur un réseau d'échange d'informations permettant de recevoir et de déclencher une alerte ainsi que de faire circuler les informations. Parmi ces systèmes, on peut citer :

- le système ECURIE, en cas d'urgence radiologique,

- BICHAT, pour les attaques et les menaces biologiques et chimiques,

- RAPEX et le RASFF, pour la santé des consommateurs,

- EWRS, pour les maladies contagieuses,

- EUROPHYT, réseau phytosanitaire pour intercepter les organismes nuisibles pour les végétaux,

- SHIFT, contrôles sanitaires sur les importations ayant des implications vétérinaires,

- ADNS, pour la santé animale.

Enfin, un livre vert sur la protection des infrastructures critiques a été présenté le 17 novembre 2005, avec une procédure de consultation ouverte jusqu'au 15 janvier 2006. Une des priorités de ce livre vert est de trouver une définition des infrastructures critiques de niveau européen.

B. UNE REFONTE « A MINIMA » DU MÉCANISME COMMUNAUTAIRE DE PROTECTION CIVILE

Le 26 janvier dernier, la Commission européenne a déposé une proposition de décision du Conseil refondant le mécanisme communautaire de protection civile créé en 2001 (décision 2001/792/CE, Euratom du Conseil du 23 octobre 2001).

Cette proposition fait suite à une consultation organisée entre janvier et juin 2005 par la Commission européenne. A l'issue de cette consultation , la Commission européenne a renoncé à créer une force européenne de protection civile permanente , comme elle l'envisageait, au profit d'une amélioration du dispositif existant. Il s'agit de continuer à utiliser en priorité les moyens de protection civile des États membres, tout en améliorant leur coordination.

En l'absence de base juridique spécifique concernant la protection civile, la proposition de la Commission européenne se fonde toujours sur l'article 308 du traité instituant la Communauté européenne et sur l'article 203 du traité Euratom. Ces deux bases juridiques prévoient la même procédure de décision : le Conseil statue à l'unanimité sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen.

Quelles sont les principales dispositions de cette nouvelle proposition ?

- en matière de transports , il est confirmé que le transport des moyens nationaux de protection civile reste au premier chef de la responsabilité de chaque pays. Il est ajouté que « dans la mesure du possible » les États membres doivent s'efforcer de partager leurs ressources en matière de transports, ce qui n'apporte aucune contrainte juridique nouvelle. Enfin, des moyens financiers communautaires pourraient être utilisés comme « filet de sécurité » lorsque les moyens nationaux sont indisponibles ou insuffisants pour permettre d'acheminer les secours. Des règles détaillées devraient être adoptées ultérieurement.

- dans un chapitre intitulé « vers une capacité de réaction rapide européenne » , la Commission propose quatre dispositions :

• les États membres sont invités à inclure des informations sur la disponibilité de moyens militaires dans leurs réponses aux demandes d'aide en matière de protection civile,

• ils sont également invités à mettre en place des « modules de protection civile » c'est-à-dire le recensement d'équipement et de personnel appartenant à un ou plusieurs États membres qui pourraient être déployés dans des situations d'urgence à la demande du MIC,

• la Commission souhaite la mise en place d'unités spécialisées en matière logistique (communication, véhicules, etc), constituées de ressources des États membres à répartir par les États membres concernés en consultation avec la Commission.

• Enfin, la Commission envisage de compléter l'assistance des États membres par des moyens supplémentaires , qui pourraient prendre la forme de la location, sur une base temporaire, d'équipements spécifiques (avions d'évacuation sanitaire, pompes à grande capacité en cas d'inondation, avions de lutte contre les incendies de forêt, etc).

- un chapitre est également consacré à la coordination des interventions dans les pays tiers. La Commission propose de clarifier les rôles et responsabilités de l'État membre qui assume la présidence du Conseil de l'Union européenne, de l'équipe de coordination de la protection civile sur le terrain et de la Commission. La Présidence coordonne la réaction politique en concertation avec la Commission, et, par l'intermédiaire du MIC, la Commission coordonne la réaction de l'Union européenne au niveau opérationnel.

C. DES RÉFORMES À COMPLÉTER

Compte tenu de la réticence de nombreux États membres, les initiatives prises par la Commission européenne sont aujourd'hui mesurées. Pourtant, des projets nouveaux pourraient voir le jour.

Votre rapporteur souligne la diversité des risques en matière de protection civile et la nécessité de mieux se préparer à des menaces terroristes très spécifiques, de nature biologique ou chimique notamment. Les services du coordinateur européen en matière de lutte contre le terrorisme, M. de Vries, ne semblent pas suffisamment mobilisés sur ces sujets, faute de moyens suffisants.

Certes, la Commission européenne a élaboré un rapport restreint concernant le mécanisme communautaire de protection civile en cas d'attaque terroriste majeure dans l'Union et des recommandations devraient être faites dans certains secteurs clefs (transport, grands brûlés, décontamination en cas d'attaque terroriste de nature NRBC) mais le travail de coordination dans ce domaine reste encore insuffisant. L'idée, formulée notamment par la Grande-Bretagne, d'identifier une série de risques majeurs pour travailler conjointement, devrait être reprise.

Pour ce faire, votre rapporteur estime qu'il devrait être créé un pôle européen en matière de protection civile dans un site déterminé . Ce pôle pourrait regrouper des actions de formation, d'échanges d'expériences, disposer d'une banque de données, et même devenir le centre opérationnel de gestion des crises majeures dans l'Union européenne. Autant la création d'une force communautaire de protection civile ne fait pas l'unanimité, autant la nécessité d'entraînements supplémentaires et de formations conjointes revient comme un leitmotiv dans les demandes des États membres. Aujourd'hui, des exercices sont organisés de manière sporadique dans divers pays de l'Union, mais il manque une « école » permanente permettant d'instaurer un véritable esprit communautaire en matière de protection civile.

Enfin, votre rapporteur attend les nouvelles propositions qui devront être faites par Michel Barnier, désigné conjointement par le Président de la Commission et du Conseil pour donner de nouvelles propositions afin d'améliorer la protection civile dans l'Union.

EXAMEN EN DÉLÉGATION

La délégation s'est réunie le mardi 28 février 2006 pour l'examen du présent rapport. À l'issue de la présentation faite par le rapporteur, M. Paul Girod, le débat suivant s'est engagé :

M. Hubert Haenel :

Votre analyse nous permet de mesurer la lenteur de la construction européenne dans ce domaine dont l'importance ne peut pourtant échapper à personne. Il faudrait s'inspirer de ce qui a été fait dans le domaine de la défense, et ne pas attendre d'être confronté à une catastrophe pour se réveiller.

M. Robert Del Picchia :

Le coordinateur britannique a-t-il été mis en place avant ou après les attentats de Londres ? Par ailleurs, quelle suite a-t-elle été donnée au projet de Michel Barnier de créer une force européenne ?

M. Paul Girod :

Le coordinateur britannique a été nommé bien avant les attentats. En réalité, le Royaume-Uni comme l'Espagne ont l'expérience d'un terrorisme national, avec l'IRA et l'ETA, ce qui explique l'efficacité de leurs réactions dans les circonstances difficiles. L'avance anglaise tient aussi à ce que ce pays n'a pas les mêmes structures administratives que les nôtres, ce qui fait qu'il a été possible de créer un coordinateur doté de très larges pouvoirs. Quant au projet de Michel Barnier, il est encore trop tôt pour tirer des conclusions. En effet, il vient de se voir confier par la présidence autrichienne et le président de la Commission européenne la mission d'identifier les moyens pour améliorer les capacités de l'Union en matière de gestion de crise civile. Il va sans dire que j'examinerai avec attention ses propositions.

M. Jacques Blanc :

Une fois de plus, nous pouvons regretter que le traité constitutionnel n'ait pas été approuvé, car il donnait une base juridique à l'action européenne en matière de protection civile. Je crois que vous avez eu raison de faire le lien avec l'action en matière de santé publique. Je regrette que l'action européenne face à l'influenza aviaire ne soit pas plus décidée. L'Europe avait pourtant là une occasion de montrer son utilité et son efficacité.

M. Paul Girod :

En effet, nous sommes devant un problème qui forme un tout : risques sanitaires, risques naturels, risques industriels, risques terroristes sont différents, mais ils se combinent. Par exemple, une attaque terroriste bactériologique provoquerait non seulement des problèmes de santé, mais aussi de maintien de l'ordre.

M. Jean Bizet :

Aujourd'hui, l'image de l'Union n'est pas ce qu'elle devrait être. La protection civile serait un bon angle pour montrer que l'Europe peut renforcer la sécurité des citoyens. Une force européenne multidisciplinaire serait très utile.

M. Hubert Haenel :

Le problème est finalement le même que dans le domaine de la coopération judiciaire et policière : l'Europe ne s'engage pas assez dans l'opérationnel. Les Européens veulent être protégés contre certains risques : l'Union doit montrer qu'elle agit efficacement et concrètement dans ce sens. C'est ainsi qu'elle suscitera à nouveau la confiance.

*

À l'issue du débat, la délégation a décidé d'autoriser la publication du rapport d'information.

* (1) Il existe ainsi un « programme eurobalte pour la protection civile ».

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