II. LA MODERNISATION DE LA GESTION DES CRÉDITS D'ACTION EXTÉRIEURE PASSE PAR UNE RATIONALISATION DES FONCTIONS SUPPORT À L'ÉTRANGER

Votre rapporteur spécial ne peut se satisfaire d'une LOLF dont les effets seraient purement comptables. Il considère que les agents publics ne pourront se l'approprier que s'ils sont invités à utiliser les outils de gestion et de modernisation qu'elle met à leur disposition. C'est évidemment une priorité, qui conduit votre rapporteur spécial à penser que la mise en place de services administratifs et financiers uniques interministériels doit intervenir rapidement.

A. L'ÉQUATION BUDGÉTAIRE DE L'ACTION EXTÉRIEURE DE L'ETAT : RÉFORMER, POUR ÉVITER DES COUPES DANS DES MISSIONS « ESSENTIELLES »

L'équation financière du Quai d'Orsay, dans la période actuelle de discipline budgétaire est simple : compte tenu du poids croissant des crédits affectés aux actions multilatérales, qu'il s'agisse de contributions volontaires ou obligatoires, toute insuffisance ou retard dans la modernisation de la gestion se traduit par des coupes dans le coeur de métier du Quai d'Orsay : les implantations diplomatiques et les emplois de diplomates. C'est ce que traduit la réduction du coût de structure, passé en six ans de 33 % du budget du Quai d'Orsay à moins de 25 % : les effectifs diminuent, à mesure que certains postes consulaires ou culturels sont fermés, sans pour autant que toutes les possibilités de gains de productivité sur le « back office » du ministère aient été complètement explorées sur la période.

L'équation financière du Quai d'Orsay dans une période de discipline budgétaire

de + en + de crédits affectés au multilatéral
(exemple de la montée en puissance
des opérations de maintien de la paix,
fonds SIDA de l'ONU...)

pas (encore) assez de modernisation
de la gestion
(exemple dans le passé de la gestion de l'immobilier, pas encore de couverture
du risque de change)

Le risque de faire porter le poids de l'effort financier sur le coeur de métier du Quai d'Orsay : les implantations diplomatiques et les emplois de diplomates.


=

1. Un budget préempté par les actions multilatérales

Malgré des crédits globalement en augmentation depuis 10 ans, même si un ralentissement de la progression du budget des affaires étrangères est clairement perceptible de longue date, les agents du Quai d'Orsay ont le sentiment que les dotations qu'ils ont à gérer diminuent. Du point de vue de votre rapporteur spécial, ceci est dû à la part majeure prise par les contributions « volontaires » ou « obligatoires » versées aux organisations internationales pour des actions multilatérales.

Les effets budgétaires de ces contributions se font essentiellement sentir sur le programme n° 105 « Action de la France en Europe et dans le monde » où elles sont imputées sur 3 actions : l'action 2 « Action européenne », l'action 3 « Régulation de la mondialisation » et l'action 4 « Contribution à la sécurité internationale » qui contient les Opérations de Maintien de la Paix (OMP) 30 ( * ) .

Le montant total des contributions internationales s'est élevé dans le projet de loi de finances pour 2006 à 527,51 millions d'euros, ce qui représente 37 % des crédits du programme n° 105.

La répartition de ce montant entre les actions est la suivante :

Répartition des contributions internationales du programme n° 105 par action

Source : ministère des affaires étrangères

La quasi-totalité des contributions du programme n° 105 sont dites obligatoires puisque les contributions volontaires 31 ( * ) ne représentent que 0,9 % de l'ensemble des contributions. Il convient de cependant relativiser le terme « obligatoire », qui fonde une demande du responsable du programme n° 105, M. Stanislas de Laboulaye, directeur politique du Quai d'Orsay, à sortir les crédits affectés aux opérations des maintiens de la paix du périmètre de son programme ou même de la mission « action extérieure de l'Etat » : il considère que ces crédits, difficilement prévisibles, qui étaient évaluatifs sous le régime de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959, s'imposent à lui et sont susceptibles d'amputer ses marges de manoeuvre budgétaires.

Une prévision sincère des crédits constitue une exigence formulée par votre rapporteur spécial dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2006.

Il convient, certes, de prémunir, par un accord de gestion contractualisé dans le cadre du contrat de modernisation signé par le secrétaire général du ministère des affaires étrangères et le directeur du budget, les crédits des ambassades bilatérales 32 ( * ) contre une forte augmentation des OMP en cours d'année.

Toutefois, il ne paraît pas cohérent de « sortir » ces crédits du programme n° 105 , car ils participent directement au rayonnement politique de la France, sont décidés par le conseil de sécurité de l'ONU dont la France est membre permanent, constituent un axe de la diplomatie française actuelle faite d'une préférence marquée pour le multilatéral. Le responsable de programme participe, en outre, directement ou indirectement à la négociation à l'ONU.

Contributions obligatoires de la France aux organisations internationales 33 ( * )

(en millions d'euros)

Source : ministère des affaires étrangères

Il n'empêche néanmoins que le poids budgétaire des crédits affectés au multilatéral, et en particulier aux OMP, est préoccupant : le budget total des OMP pour la période du 1 er juillet 2005 au 30 juin 2006 est de 5,4 milliards de dollars, alors qu'il n'était que de 840 millions de dollars en 1999/2000. La contribution française aux OMP devrait être, selon le responsable du programme n° 105 de l'ordre de 412 millions de dollars, soit environ 344 millions d'euros.

C'est sur cette estimation que votre rapporteur spécial avait estimé lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2006 34 ( * ) que les crédits inscrits au titre des contributions de la France aux opérations de maintien de la paix (OMP) de l'ONU, 136,22 millions d'euros , « fixés de manière forfaitaire, au niveau des crédits de la loi de finances initiale pour 2005 » ne correspondaient pas aux crédits qui seront effectivement dépensés en 2006, et qui s'établissent à plus de 249 millions de dollars , et ce hors prise en compte des budgets complémentaires soumis à l'approbation du conseil de sécurité de l'ONU qui, selon le contrôleur financier du ministère, porteraient la contribution de la France à 360 millions de dollars . En inscrivant un montant aussi sous-évalué dans le projet de loi de finances pour 2006, le ministère a commis une erreur manifeste d'appréciation.

Il convient de signaler que le budget 2005 en ce qui concerne les OMP était également sous-évalué : un décret d'avance 35 ( * ) a ainsi, en fin d'année 2005, augmenté les crédits pour l'année 2005 de 93 millions d'euros...

2. La conséquence : une réduction concomitante de la « voilure » du Quai d'Orsay

En dix ans, le ministère des affaires étrangères a connu une diminution de ses effectifs de l'ordre de 11 %, tendance qui devrait être poursuivie dans le rapport 36 ( * ) de modernisation prévu pour la période 2006-2008 37 ( * ) .

Evolution du plafond d'emplois du ministère des affaires étrangères prévu dans le contrat de modernisation 2006-2008

ETPT 38 ( * )

2006

2007

2008

Total

Titulaires et CDI à l'administration centrale

- 51

-29

-35

-115

Titulaires et CDI à l'étranger

-27

6

3

-18

CDD et volontaires internationaux

-149

-174

-120

-443

Dont transferts assistants techniques au GIP « France coopération Internationale »

-91

-129

-100

-320

Militaires

0

-34

-51

-98

Recrutés locaux des services diplomatiques et consulaires

-8

-39

-51

-98

Total

-235

-270

-234

-739

Plafond d'emplois ministériel inscrit au PAP, en ETPT

16.720

16.450

16.216

- 3 % entre 2006 et 2008
(hors assistants techniques : - 1,6 %)

Source : contrat de modernisation 2006-2008

Cette réduction des effectifs n'est pas préoccupante à condition qu'elle touche pour l'essentiel les fonctions support et non l'action stratégique du ministère. Dans le passé, rien ne permet d'assurer que ceci a été le cas . Le sentiment des agents est au contraire celui d'une « réduction de la voilure », d'une réduction du réseau diplomatique, consulaire et culturel, en fonction de la contrainte budgétaire, sans réflexion stratégique suffisante sur les redéploiements à opérer au sein du réseau, pour passer d'une « diplomatie d'héritage à une diplomatie d'avenir » 39 ( * ) .

Entre 1996 et 2006, le nombre d'implantations du Quai d'Orsay à l'étranger est passé de 461 à 415. En raison de la création de plusieurs Etats sur la période, le nombre d'ambassades a augmenté, passant de 151 à 157. En revanche, le nombre de centres culturels est passé de 173 à 142, tandis que les postes consulaires baissaient également, de 116 à 95.

Un redéploiement du réseau peut être justifié : encore ne doit-il pas être subi pour de seules raisons budgétaires.

Evolution du réseau du Quai d'Orsay depuis 1996

Source : ministère des affaires étrangères

3. Des progrès de gestion récents à souligner

Dans une lettre conjointe du 25 avril 2005, le ministre des affaires étrangères et le ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat ont souhaité que leurs services négocient un contrat de modernisation visant à associer à une programmation pluriannuelle des crédits, garantissant aux gestionnaires une certaine visibilité budgétaire, des engagements en termes de réforme de l'administration, sur lesquels le Quai d'Orsay pouvait obtenir un intéressement, bien sûr en termes financiers.

Il y avait là, de la part du ministère des affaires étrangères, une volonté, bienvenue, de ne plus subir les arbitrages budgétaires et de s'engager dans une démarche de réforme dont il pourrait, enfin, être récompensé.

Il est ainsi le premier ministère à signer via son secrétaire général un tel contrat avec la direction du budget. Jusqu'à présent, une telle démarche n'avait été proposée qu'à des directions de Bercy (direction générale des impôts, direction générale de la comptabilité publique, direction des relations économiques extérieures (ex-DREE, fusionnée au sein de la DGTPE...).

Votre rapporteur spécial avait appelé à une telle démarche, dont l'aboutissement correspond en grande partie à ses voeux, même si certains objectifs relatifs aux SAFU (mais qui ne concernent pas que le seul Quai d'Orsay) paraissent, ce qui fera l'objet de développements ultérieurement dans le rapport, encore trop timorés.

La démarche de modernisation de la gestion de l'immobilier de l'Etat à l'étranger, comme celle des ressources humaines, qui se préoccupe notamment de la diminution et du repyramidage des effectifs de l'encadrement supérieur, paraissent confortées.

En contrepartie d'une diminution, cette fois assumée clairement par le Quai d'Orsay, de certaines implantations culturelles en Europe, et de la masse salariale, le ministère des affaires étrangères bénéficie de quatre avancées : un retour de 50 % sur les économies de masse salariale, le rebasage des OMP, pour au moins 50 millions d'euros en 2007 40 ( * ) , un retour de 100 % sur les ventes de l'immobilier à l'étranger et affectation de 50 % du produit des recettes de visa au Quai d'Orsay.

Il paraît indispensable que les indicateurs d'avancement du contrat de modernisation se retrouvent, pour les plus importants, dans le projet annuel de performance 2007.

B. LA MISE EN oeUVRE DES SERVICES ADMINISTRATIFS ET FINANCIERS UNIQUES : UNE APPROCHE ENCORE TRES PRUDENTE

Des avancées ont été accomplies par le Quai d'Orsay dans la rationalisation de la gestion administrative et financière à l'étranger. L'ambassadeur gère désormais, en ce qui concerne la mission « Action extérieure de l'Etat », un budget pays ; la condition d'ordonnateur secondaire délégué a été supprimée pour les consuls généraux : tous ces éléments permettent un certain regroupement des crédits de fonctionnement.

Par ailleurs, une circulaire du 18 juillet 2005 a été publiée afin que soient mis en place des services administratifs et financiers uniques (SAFU) à l'étranger au sein du ministère des affaires étrangères . Des expérimentations ont été menées dans cinq postes, dont Londres.

Dans la mesure où les premiers services administratifs et financiers uniques ne concernent que le Quai d'Orsay, un audit de modernisation a été lancé afin d'envisager une éventuelle extension aux autres ministères. Ses conclusions ont été rendues en avril 2006.

Néanmoins, les premiers éléments mis à la disposition de votre rapporteur spécial apparaissent décevants . Comme les secrétaires généraux qui en constituent une version avancée, les chefs de services administratifs et financiers unifiés paraissent avoir des attributions, en gestion, assez peu étendues. Les perspectives de rationalisation des crédits de fonctionnement reposent sur le bon vouloir de chacun : elles sont donc aujourd'hui en réalité limitées. En outre, l'augmentation de la productivité des services administratifs et financiers se heurte à des blocages, se traduisant en demandes de création de postes nouveaux, à l'opposé du but de la réforme.

Dès lors, l'audit de modernisation rendu sur le sujet paraît timoré. D'une part, il évoque des gains en emplois (71 emplois) si faibles qu'ils conduisent à s'interroger sur l'intérêt de la réforme, telle qu'elle est proposée. D'autre part, il invite à « dissocier les tâches de décision des tâches de gestion ». Si cette proposition peut rassurer des services réfractaires à une gestion interministérielle des crédits de fonctionnement, elle est porteuse d'une réforme « au milieu du gué », qui risque d'être décevante en termes de modernisation des administrations. Un SAFU ne doit évidemment pas interférer avec les missions exercées par les agents. Il n'a pas de droit de regard sur leur action. S'il n'a donc pas vocation à décider de l'opportunité d'un déplacement d'un agent ou d'un recrutement d'un employé local, il doit en revanche être pleinement décisionnaire sur les conditions pratiques du recrutement, ou sur le recours à telle ou telle compagnie aérienne. La modernisation de l'Etat ne se fait pas à la carte.

1. L'introduction dans certains postes de secrétaires généraux : une réforme d'une ampleur limitée

Il existe des précédents dans la volonté de faire mieux en matière de gestion des crédits à l'étranger.

Le décret n° 91-388 du 23 avril 1991 a créé des dispositions statutaires relatives à l'emploi de secrétaire général de chancellerie diplomatique. En application de son article 2, « le secrétaire général de chancellerie diplomatique est placé sous l'autorité directe du chef de mission diplomatique ; il assiste celui-ci dans les matières administratives et financières et peut recevoir délégation de pouvoirs en ces matières ».

L'arrêté du 18 août 1998 fixe la liste des missions diplomatiques au sein desquelles est institué un emploi de secrétaire général de chancellerie diplomatique. Ces missions sont au nombre de six : Etats-Unis, Japon, Russie, représentation permanente auprès de l'Union européenne, Maroc et Grande-Bretagne.

Les fonctions de secrétaire général sont toujours restées en deçà des attributions incombant à un secrétaire général de préfecture. Leur périmètre d'action est resté limité à la chancellerie. La suppression de la qualité d'ordonnateur secondaire délégué pour les consuls généraux n'a pas entraîné de modification du décret de 1991. Malgré leurs très grandes compétences, les secrétaires généraux de chancellerie, qui sont des chefs de services administratifs et financiers aux responsabilités significatives, n'ont pas compétence pour les questions transversales importantes : ainsi, à Londres, ce n'est pas le secrétaire général qui gérait le dossier de la rationalisation de l'immobilier du Quai d'Orsay mais le premier conseiller.

De même, le premier conseiller a vocation à représenter l'ambassadeur dans les négociations paritaires, le secrétaire général ayant davantage un rôle d'exécution que de responsabilité sur les questions de personnel.

Si l'on ajoute que ce sont aujourd'hui les consuls qui représentent l'administration des domaines à l'étranger et ont donc vocation à prendre en charge les dossiers de ventes immobilières, on doit considérer que les secrétaires généraux de chancellerie, et demain sans doute les responsables de SAFU, ont un champ de compétence trop restreint par rapport à ce qu'exige une rationalisation de la gestion des crédits de fonctionnement à l'étranger.

2. L'application de la circulaire relative aux services administratifs et financiers uniques (SAFU)

La circulaire du 18 juillet 2005 du directeur général de l'administration du Quai d'Orsay a appelé à la mise en place de services administratifs et financiers uniques (SAFU) dont elle définit les attributions. Le chef de service administratif et financier devient le référent unique à l'échelle du pays pour toutes les problématiques de gestion. Ses attributions sont a priori très larges, à la réserve toutefois qu'elles ne concernent que la gestion des crédits du ministère des affaires étrangères . Elles sont, selon la circulaire, de deux ordres : ordre administratif et ordre financier.

Sur le plan administratif, un SAFU a vocation à se préoccuper de la gestion du personnel (y compris, par exemple, les congés des expatriés et la grille de rémunération des recrutés locaux), des questions protocolaires et de la gestion des biens immobiliers et mobiliers, des achats. Il est le référent juridique de l'ensemble des services de l'ambassade.

Sur le plan financier, le SAFU assiste l'ambassadeur et les chefs de service dans la programmation budgétaire, exécute la dépense et assure le secrétariat de la conférence d'orientation budgétaire annuelle de l'automne.

Lors de ses déplacements, votre rapporteur spécial a le plus souvent retiré l'impression que le SAFU était fondamentalement cantonné au rôle d'exécutant, certes désormais unique, de la dépense, les fonctions de gestion étant, pour une part, fragmentées, entre les chefs de service, pour une autre part, assumées par d'autres, à Londres, comme dans d'autres postes par le premier conseiller, à Athènes par le consul s'agissant des questions immobilières.

Dès son déplacement de janvier 2006 à Londres, votre rapporteur spécial a ainsi eu des craintes quant à la portée réelle de la réforme « SAFU » en cours qui l'ont conduit à réaliser son propre travail sur la problématique du regroupement des fonctions « supports » à l'étranger.

Il a remarqué, à Pretoria et à Berlin, que, même au sein du Quai d'Orsay, existaient encore des responsables administratifs concurrents de celui de la chancellerie : le service culturel dispose ainsi de son propre secrétaire général.

S'agissant d'une extension souhaitable de la réforme aux autres ministères, il a noté une très vive résistance des missions économiques sur le sujet : celles-ci sont en train de créer leurs propres SAFU pour les crédits du pôle économique à l'étranger (missions économiques, conseillers financiers, attachés douaniers ). On pourrait ainsi avoir, dans quelques mois, à l'étranger, coexistence de deux SAFU...

Selon le Quai d'Orsay toutefois, quelques SAFU sont d'ores et déjà opérationnels.

Au Royaume-Uni, un certain nombre de tâches administratives et financières des services de coopération et d'action culturelle et des consulats généraux de Londres et d'Edimbourg ont progressivement été transférées au SAFU de l'ambassade. C'est surtout le transfert des fonctions comptables des centres culturels vers la trésorerie de Londres qui a permis de prendre conscience d'un équilibre financier délicat 41 ( * ) et d'imaginer des mesures permettant d'apurer la situation.

En Belgique, le SAFU de l'ambassade bilatérale a progressivement pris en charge des missions auparavant exercées par les consulats (Bruxelles, Liège et Anvers) et les représentations permanentes (UE, OTAN et COPS 42 ( * ) ). Selon les télégrammes diplomatiques dont votre rapporteur spécial a obtenu communication, ce transfert n'est pas allé sans difficulté . Les échanges ont porté sur les attributions du SAFU, le niveau local ayant tendance à marquer sa préférence pour une gestion décentralisée, ce qui n'aurait pas manqué de vider le terme « unique » de son sens, puis sur un inévitable besoin de personnel supplémentaire...

En Autriche, le SAFU de l'ambassade bilatérale centralise désormais la plupart des tâches administratives et financières de l'ensemble des représentations en Autriche. La qualité d'ordonnateur secondaire du représentant permanent auprès de l'Office des Nations-Unies et des organisations internationales et du représentant permanent auprès de l'OSCE a en outre été supprimée à compter du 1 er janvier 2006, et « l'ambassadeur bilatéral » a reçu l'ensemble des délégations de ces postes, qui seront désormais gérées par le SAFU.

Aux Etats-Unis, le SAFU de l'ambassade à Washington gère les délégations de l'ensemble des consulats généraux des Etats-Unis, à l'exclusion, à ce stade, de celui de New York. Les tâches administratives et financières lui sont progressivement transférées.

Enfin, au Liban, le SAFU de l'ambassade bilatérale centralise désormais l'ensemble des tâches administratives et financières du service de coopération et d'action culturelle (SCAC) et du consulat général. C'est évidemment un point de départ obligé pour les SAFU que de reprendre les fonctions des « secrétaires généraux » des SCAC.

En termes d'économies de personnel, les premières expériences sont très décevantes. A ce stade, seul Vienne a permis un gain net d'emploi (1 actuellement, et sans doute un deuxième à la faveur des mutations de l'été 2006). En Afrique du Sud, la question du « renforcement » du SAF a clairement été évoquée devant votre rapporteur spécial.

Les difficultés dans la constitution des premiers SAFU, dont le nombre est étonnamment réduit par rapport aux prescriptions de la circulaire du 18 juillet 2005 qui appelle à une généralisation des SAFU, ne doivent pas amener à revoir la réforme à la baisse. En revanche, la question du pilotage de la réforme, et celle du rythme des modifications, somme toutes limitées qui sont demandées, doivent être posées.

De ce point de vue, le contrat de modernisation du Quai d'Orsay pour la période 2006-2008 paraît peu volontariste. Il définit des indicateurs pertinents relatifs à la mise en place de structures de gestion uniques à l'étranger (évolution du nombre d'ordonnateurs secondaires délégués à l'étranger, évolution du nombre de SAFU ministériels, évolution du nombre de SAFU interministériels expérimentaux ou définitifs), mais les objectifs cibles paraissent peu ambitieux. Ainsi, le nombre de SAFU ministériels, c'est-à-dire limités au Quai d'Orsay, passerait de 35 au 31 décembre 2005 à 156, couvrant ainsi la totalité des ambassades, au 31 décembre 2008, soit trois ans après. S'agissant d'une réforme qui n'est que l'amorce timide, mais nécessaire, d'une mutualisation de la gestion des moyens de fonctionnement de l'Etat à l'étranger, il y a de quoi craindre les effets d'une certaine lenteur sur la motivation des autres départements ministériels.

Par ailleurs, le Quai d'Orsay s'engage dans son contrat de modernisation à une maîtrise de ses fonctions de soutien, notamment de la fonction « achat ». Or il ne se fixe un objectif d'économies, sur la période 2006-2008, de 5 % (soit 2,5 millions d'euros sur 46 millions d'euros de crédits en 2005) que pour l'administration centrale, alors que celle-ci ne représente que 45 % des achats du ministère et que la rationalisation des achats, à l'étranger, paraît être un objectif prioritaire des SAFU, du moins du point de vue de votre rapporteur spécial. Votre rapporteur spécial craint ainsi que les SAFU ne constituent qu'une réforme des fonctions comptables à l'étranger, et non des fonctions supports des services déconcentrés de l'Etat à l'étranger.

3. La portée du récent audit relatif aux SAFU

L'audit de modernisation sur les services administratifs et financiers uniques 43 ( * ) (SAFU), remis en avril 2006, s'est fondé pour l'essentiel sur un travail de l'inspection générale des finances de juin 2005 qu'il a approfondi, précisé, et corrigé, notamment sur les gains en effectifs à atteindre de la réforme.

L'audit de modernisation a surtout revu à la baisse, par rapport à la note de l'inspection générale des finances, l'impact des SAFU sur une diminution des effectifs « support » dans les autres services de l'Etat que ceux du Quai d'Orsay, au ministère de la défense essentiellement. Il justifie ce nouveau calcul en précisant que les pays à implantations multiples sont en nombre limité, ce que tend à démentir le nombre d'ordonnateurs secondaires à l'étranger.

Les économies d'emplois qui seraient issues de la mise en oeuvre
des propositions de l'audit de modernisation, comparées au calcul de l'inspection des finances

Administration

Nombre d'ETPT économisés

Note de l'inspection des finances
(juin 2005)

Audit de modernisation
(avril 2006)

Ministère des affaires étrangères

48

55

Direction générale du trésor et de la politique économique (DGTPE)

10

25

Ministère de la défense

13

55

Total

71

135

Source : note de l'inspection générale des finances (juin 2005) et audit de modernisation (avril 2006)

Dans sa réponse à l'audit, le ministère des affaires étrangères avertit par ailleurs que « les réductions d'effectifs qu'on peut attendre des SAFU doivent être évaluées avec prudence ; même si les redondances sont progressivement éliminées, on constate que les transferts de charges vers les SAFU ne dégagent pas autant d'ETP que prévu ; les effectifs en cause sont souvent trop modestes ».

Cette précision est bienvenue : les agents chargées des tâches de gestion dans les autres services de l'Etat à l'étranger que ceux du Quai d'Orsay sont rarement spécialisés. Ils assurent le plus souvent une autre fonction, de secrétariat, de sécurité ou autre.

C'est pour cela que votre rapporteur spécial préfère évoquer la centralisation des fonctions « support », qui peuvent s'étendre, si besoin, aux tâches de secrétariat, qui lui paraît une réforme plus prometteuse sur le plan de la modernisation des services déconcentrés, que la seule création de services administratifs et financiers.

S'agissant de ces derniers, il faut par ailleurs tenir compte du fait qu'un SAF peut momentanément voir son travail alourdi, après transfert des tâches de gestion des autres ministères, car il ne dégage pas immédiatement de gains de productivité.

Enfin, il convient de ne pas trop se focaliser sur les seuls économies en termes d'effectifs pour apprécier l'utilité des SAFU : l'essentiel est ailleurs, comme le rappelle l'audit de modernisation : dans la mutualisation, la rationalisation et la gestion unique des moyens de fonctionnement.

C. LES PRÉCONISATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL : APPLIQUER LE PRINCIPE DE FONGIBILITÉ DANS LES POSTES, À L'ÉTRANGER

A condition d'une initiative ambitieuse et rapide en termes d'adaptation des structures de gestion, il parait, au terme de plusieurs missions de contrôle budgétaire, à votre rapporteur spécial que la LOLF est porteuse de gains de productivité.

La réforme doit néanmoins être ambitieuse. Elle est possible. C'est à Berlin que votre rapporteur spécial a rencontré le premier secrétaire général conforme à ses vues. Celui-ci, diplomate de carrière, numéro trois de l'ambassade, a de véritables attributions de secrétaire général, même si certains crédits et certaines responsabilités lui échappent encore. Du fait de la localisation unique des services de l'Etat à Berlin, 1,2 million d'euros de crédits de fonctionnement font l'objet d'une gestion centralisée.

1. Au niveau local, des structures de gestion uniques, dirigées par un secrétaire général

Compte tenu de la réalité des postes à l'étranger, et des difficultés rencontrées dans la mise en place des SAFU, votre rapporteur spécial plaide pour une réforme rapide. Si les réformateurs du Quai d'Orsay doivent rencontrer des obstacles, autant que la réforme soit d'envergure !

Au niveau local, il paraît indispensable de créer des structures de gestion uniques (SAFU interministériels) pour l'ensemble des crédits de soutien à l'étranger (hors titre 2 44 ( * ) ), pilotées par un « secrétaire général ». Il ne paraît pas souhaitable d'attendre la mise en place des SAFU ministériels pour entrer dans la phase interministérielle : elle seule permettrait de dégager de véritables gains de productivité en emplois et en crédits de fonctionnement.

Quels seraient les services rendus par le secrétaire général ?

De ce point de vue, la circulaire du 18 juillet 2005, devenue interministérielle, constitue un très bon point de départ, à condition qu'elle soit effectivement appliquée. Il est souhaitable de doter ce nouveau secrétariat général d'attributions très larges (gestion administrative des expatriés et des recrutés locaux, protocole, biens immobiliers et mobiliers, achats, conseil juridique....).

Pour votre rapporteur spécial, les contentieux en droit du travail, tout comme l'hétérogénéité des grilles salariales des recrutés locaux, pourraient être réduits si la responsabilité de la gestion des ressources humains était vraiment centralisée au sein du SAFU, sous l'autorité de l'ambassadeur.

Si votre rapporteur spécial préfère le terme de « secrétaire général » à celui de chef de SAFU, c'est pour souligner l'opportunité de faire de lui un véritable responsable administratif, doté d'un véritable pouvoir de décision, sous l'autorité de l'ambassadeur. En ce qui concerne les crédits de fonctionnement, les précautions de l'audit de modernisation, qui invitent, à dissocier « décision et gestion », conduisent en effet à prendre le risque d'une réforme au milieu du gué. Il retient néanmoins deux idées fortes de l'audit : celui d'une association étroite du « comité de gestion » à la marche du SAFU et celui d'un SAFU au service de ses « clients », l'ensemble des services de l'Etat à l'étranger.

2. Au niveau central, la création éventuelle d'un programme « support », dans le cadre d'une mission interministérielle

Les SAFU ne pourront véritablement « gérer » les crédits de fonctionnement que si la « nomenclature LOLF » est adaptée, car celle-ci définit les « unités de gestion » au sein desquelles la fongibilité des crédits est possible.

Au niveau central, il faut donc concevoir, soit une action au sein du programme n° 105, soit un programme « support », regroupant la plupart des crédits de fonctionnement des services de l'Etat présents à l'étranger . Ce programme à vocation interministérielle, dont le responsable pourrait être, soit le directeur général de l'administration du ministère des affaires étrangères, soit, s'il fallait affirmer sa vocation interministérielle, une personnalité hors hiérarchie du Quai d'Orsay, comme un ambassadeur n'ayant pas dans l'immédiat d'affectation, figurerait au sein de la mission « Action extérieure de l'Etat », géré par le Quai d'Orsay. Il serait décliné en budgets opérationnels de programme au niveau déconcentré, afin de tirer parti du principe de fongibilité des crédits.

Le corollaire de ce nouveau programme paraît être la création d'une mission « Action extérieure de l'Etat » devenue interministérielle, incluant un programme « missions économiques ».

3. Les conditions de réussite de la réforme

Pour que cette réforme réussisse, certaines précautions doivent, enfin, être prises.

Il faut d'abord un pilotage de la réforme depuis Paris, avec une personne dédiée, chargée de mission auprès du directeur secrétaire général du Quai d'Orsay, d'autorité (poste à durée déterminée correspondant à un profil d'inspecteur des affaires étrangères). Il convient de clarifier ensuite, dans les ambassades, les rôles entre le futur secrétaire général et le premier conseiller, qui est normalement chargé de la gestion de l'ambassade, ainsi que, dans certains cas, avec le consul sur les questions domaniales .

Votre rapporteur spécial recommande d'agir de manière pragmatique, en confiant la fonction de secrétaire général, le cas échéant, à des personnels provenant du pôle économique (missions économiques, trésorerie) . Il faut en effet recourir aux compétences là où elles se situent.

Il paraît souhaitable par ailleurs de clarifier quelques points techniques, par exemple les conditions dans lesquelles s'applique la distinction « ordonnateur - comptable (régisseur) » dans ces nouvelles structures de gestion.

Enfin, il convient de veiller à ce que la création du secrétariat général se fasse, dès le départ, à effectifs quasi constants, afin d'éviter les ouvertures de postes qui ne manqueront pas d'être demandés par les postes à l'étranger. Les gains en emplois viendront au bout de quelques mois, une fois que le service sera définitivement organisé. Tel est bien, en effet, l'objectif « réformiste » de la LOLF !

* 30 Il s'agit des opérations de maintien de la paix décidées par le Conseil de sécurité de l'ONU. La France finance, mais n'intervient pas militairement. Lorsqu'elle intervient, il s'agit d'opérations extérieures (OPEX) prises, elles, en charge par le ministère de la défense. Actuellement au nombre de 15, les OMP concernent 73.000 personnels en uniforme (12.400 en 1996).

* 31 Elles sont davantage imputées sur le programme n° 209 « solidarité à l'égard des pays en développement » de la mission interministérielle « aide publique au développement » : fonds SIDA, etc...

* 32 Ambassade entre la France et un pays étranger.

* 33 Pour 2005, il ne s'agit que des crédits inscrits en loi de finances initiale, bien-en deçà des crédits effectivement nécessaires.

* 34 Rapport général n° 99 (2005-2006), annexe 1 de M. Adrien Gouteyron au nom de la commission des finances du Sénat.

* 35 Décret d'avance n° 2005-1479 du 1 er décembre 2005.

* 36 Cf annexe 2.

* 37 Le ministère des affaires étrangères devrait néanmoins bénéficier d'un taux de retour de 50 % de la masse salariale associée à chaque catégorie d'emplois, hors catégorie des assistantes techniques.

* 38 Equivalent temps plein travaillé.

* 39 Selon les termes employés par le directeur général de l'administration lors de son audition par la commission des finances le 11 avril 2006.

* 40 Le Parlement n'est évidemment pas partie prenante au contrat de modernisation. Il n'est pas certain que le principe de sincérité prévu par la LOLF, et que votre rapporteur spécial a rappelé avec force à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2006, ait vocation à s'appliquer de manière graduelle. Le Conseil constitutionnel aura sans doute à se prononcer sur ce sujet un jour ou l'autre.

* 41 Cf annexe 2 du présent rapport d'information.

* 42 Comité politique et de sécurité.

* 43 http://www.performance-publique.gouv.fr/pdf/audit/audit_2/rapport-v2-affaires_etrangeres-safu.pdf

* 44 On pourrait néanmoins imaginer que les emplois de « chauffeur » ou de « secrétaire », qui correspondent fondamentalement à des activités « soutien » soient de la compétence du futur secrétaire général.

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