C. DES FRAGILITÉS POLITIQUES

Plusieurs facteurs fragilisent le Président Moucharraf : la faiblesse de ses soutiens politiques, le mécontentement populaire attisé par les islamistes, l'aggravation des troubles dans certaines provinces frontalières.

LA MODÉRATION ÉCLAIRÉE
(ENLIGHTENED MODERATION)

Cette expression, utilisée par le président Moucharraf pour la première fois en 2003, vise à renouer avec l'islam des origines du Pakistan, modéré et syncrétique. Ce concept est devenu progressivement l'axe directeur de sa politique étrangère.

Le chef de l'Etat valorise ainsi la légitimité de son pays, le seul à avoir été créé pour rassembler des musulmans. Sur le plan international, le Pakistan en tire un poids spécifique : second pays musulman par la population après l'Indonésie, puissance nucléaire (« la bombe islamique »), pays émergent avec une forte croissance qui atteint 800 USD par habitant (avec le biais que comporte une telle moyenne).

Il s'est constitué, après septembre 2001, comme point d'appui nécessaire dans la lutte contre le terrorisme, et entretient des liens multiples avec les grands pays musulmans sunnites du Golfe persique (coopération militaire, échanges commerciaux).

Une réunion de l'Organisation de la Conférence islamique (OCI), en juin 2004, a fourni à son secrétaire général l'occasion de s'appuyer sur le concept de modération éclairée pour établir le programme d'action décennal de l'organisation, intitulé : « faire face aux défis de l'Oumma au XXIe siècle ». Ce programme évoque la nécessité de promouvoir de nombreuses réformes, tant politiques, qu'économiques, et éducatives. Les valeurs de l'Islam, son humanisme et la nécessaire exégèse du Coran pour intégrer l'évolution des sociétés sont mis en valeur.

Cependant, il n'est pas certain que les 57 membres de l'OCI soient disposés à suivre une telle évolution, et notamment l'Arabie saoudite.

Au Pakistan même, l'islamisation croissante de la société, à commencer par ses couches les plus jeunes, compromet cet « aggiornamento ».

Plusieurs universitaires pakistanais ont déploré, devant la délégation, cette montée du traditionalisme, qui touche d'ailleurs la plupart des pays musulmans.

1. Des soutiens politiques incertains

Le général Moucharraf n'a pas su se constituer une suffisante base électorale propre : en août 2004, la désignation, comme Premier ministre, de l'ancien ministre des finances, Shaukat Aziz, n'a été confirmée par l'Assemblée nationale que par 191 voix sur 342 sièges, l'opposition ayant refusé de prendre part au vote.

Sa faible majorité parlementaire est essentiellement composée d'éléments de la Ligue musulmane (PML), parti de l'ancien Président Nawaz Sharif, qui se sont ralliés à lui.

Les efforts déployés par les partisans du Président Moucharraf pour élargir et consolider sa majorité, dans la perspective des élections présidentielles et législatives prévues pour le printemps 2007, n'ont pas connu le résultat espéré.

Les deux principaux dirigeants de l'opposition, en exil, les anciens premiers ministres, Bénazir Bhutto et Nawaz Sharif ont signé le 14 mai 2006 , à Londres, une « Charte de la démocratie » par laquelle leurs partis respectifs, le parti du peuple pakistanais (PPP), et la ligue musulmane du Pakistan (PML-N), ont souscrit non à un programme politique commun, mais à des objectifs institutionnels : réforme du système judiciaire, nomination des chefs d'Etat-major par le Premier ministre, et non plus le Président, suppression du Conseil national de sécurité, retour à la Constitution de 1973.

Cette charte est précédée d'un préambule stigmatisant le «mépris » du Président Moucharraf pour la Constitution et les institutions parlementaires, déplorant la hausse du chômage et de la pauvreté, et déclarant que le Pakistan est « au bord du désastre ».

La presse pakistanaise a accordé un large écho à cette charte, ce qui démontre la liberté qu'elle a retrouvée depuis l'arrivée au pouvoir du Président Moucharraf. L'accord conclu à Londres vise deux points faibles du pouvoir actuel : le déclin de l'institution parlementaire et l'aggravation des problèmes sociaux. Bénazir Bhutto, résidant à Londres, est libre de rentrer au Pakistan, mais risque d'y être traduite en justice pour corruption. Quant à Nawaz Sharif, son sort relève d'un compromis conclu lors de son éviction du pouvoir, par lequel il accepte un exil de dix ans, jusqu'en 2009.

Mais il est clair que les futures élections n'auront d'impact politique que si le Président Moucharraf s'assure le concours d'au moins l'un de ces leaders politiques. Des contacts auraient été pris avec Benazir Bhutto qui, s'ils aboutissent, conduiraient à l'amnistier des charges qui pèsent sur elle et permettraient son retour au Pakistan.

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