b) Le système britannique : une organisation plus proche des agences sanitaires françaises

La santé relève également, en Grande-Bretagne, de la responsabilité de l'Etat avec un système public national (NHS), financé principalement par l'impôt. Tout citoyen ou résident a droit à des soins, qui sont le plus souvent gratuits. C'est le médecin de famille, praticien contractuel, qui contrôle l'accès au NHS et filtre la demande de soins. Cette organisation particulière a fait l'objet d'une étude récente de l'Institut de recherche et documentation en économie de la santé (Irdes), dans le cadre d'une comparaison avec les systèmes français et allemand. 6 ( * )

La procédure de mise sur le marché

La mise sur le marché d'un nouveau médicament est conditionnée à l'obtention d'une autorisation de la medicine and healthcare product regulatory agency (MHRA) , créée en 2003 et dont les missions correspondent à celles de l'Afssaps française ou de l'EMEA. Comme c'est le cas pour ces dernières, la MHRA est financée par une redevance de l'industrie pharmaceutique. Elle emploie 230 personnes et de nombreux experts externes pour évaluer les 2.000 demandes d'AMM annuelles, dont 30 % relatives à la procédure de reconnaissance mutuelle. Sur ce total, 1.900 dossiers concernent des génériques ou des « me too ». La procédure se termine par un refus dans 5 % des cas.

L'agence définit également le statut des produits en fonction de leur substance active : médicaments accessibles seulement avec une prescription d'un médecin ou d'un dentiste (prescription only medicine - POM), médicaments disponibles uniquement dans une pharmacie sous supervision d'un pharmacien (pharmacy only - P) ou médicaments disponibles dans le circuit ordinaire de distribution (general sales - GSL). Les pharmaciens britanniques n'ont pas, en effet, le monopole de la vente des médicaments.

La MHRA est aussi destinataire des données de pharmacovigilance et peut, depuis 2005, imposer aux laboratoires de mettre en oeuvre une étude post-AMM sur un produit donné.

Les prix des médicaments sont librement fixés par les laboratoires au moment de l'entrée sur le marché, mais leur progression est ensuite encadrée. Par ailleurs, les profits réalisés par les entreprises sont limités par le pharmaceutical pricing regulation scheme (PPRS), accord passé entre le syndicat de l'industrie pharmaceutique et le ministère de la santé. Le PPRS contrôle les profits produits par les ventes réalisées au sein du NHS et fixe un seuil de gains (21 % actuellement) qui, en cas de dépassement de plus de 40 %, donne lieu à un retour de l'excédent dans les caisses du NHS ou à des baisses de prix pour l'année suivante. De même, un seuil inférieur de rentabilité assure à l'entreprise un minimum de retour sur ses dépenses. Les négociations individuelles avec les laboratoires sont confidentielles, ce qui a provoqué de nombreuses critiques sur le manque de transparence, notamment celles de la Chambre des Communes dans un récent rapport. 7 ( * )

De fait, les autorités britanniques en charge de la concurrence ont annoncé, en juin 2005, l'ouverture de deux enquêtes judiciaires à l'encontre de compagnies pharmaceutiques spécialisées dans les médicaments génériques pour entente illégale sur la fixation du prix de leurs médicaments entre 1996 et 2001.

Les règles de prise en charge par le NHS

S'agissant de la prise en charge du médicament par le NHS, la décision revient au secrétaire d'Etat à la santé. Jusqu'en 2003, l'advisory committee on NHS drugs le conseillait sur l'opportunité d'inclure un produit donné sur l'une des listes restrictives. Depuis, cet organisme a été supprimé et le ministre s'appuie désormais sur des consultations menées auprès des parties concernées pour prendre ses décisions. Ces consultations sont lancées publiquement sur le site Internet du département de la santé et impliquent le syndicat de l'industrie pharmaceutique, le ou les laboratoires visés, les organisations de médecins, de pharmaciens et de patients, ainsi que le national institute for clinical excellence (NICE). Tout individu ou organisation peut demander au ministère de lancer une telle consultation, dont l'intérêt est évalué par le ministère qui décide ou non d'y donner suite.

Le ministre de la santé établit donc une liste des médicaments que les médecins ont le droit de prescrire dans le cadre du NHS (liste positive) ou non (liste négative - black list), ou encore qu'ils ne peuvent prescrire que pour des indications et des catégories d'individus (liste restrictive - grey list). Il est toutefois tenu, depuis janvier 2002, d'autoriser le financement par le NHS des médicaments et des traitements recommandés par le NICE.

Les principes guidant la formation de ces listes sont précisés dans le drug tariff publié mensuellement par le stationery office. Six critères de coût-efficacité sont retenus pour exclure un médicament du NHS :

- en cas d'absence d'avantages thérapeutiques ou cliniques par rapport à d'autres médicaments moins chers. C'est le cas de dix-sept catégories de produits, dont les contraceptifs, les laxatifs et les vitamines, pour lesquels seules les versions les moins chères sont prises en charge ;

- les substances considérées comme « borderline » qui ne sont pas des produits pharmaceutiques ;

- tout produit GSL (en vente libre) qui a, en cas de prescription, un coût pour le NHS ne pouvant être économiquement justifié par le fabricant et dont l'approvisionnement n'est pas considéré comme une priorité ;

- les produits qui possèdent une valeur thérapeutique s'ils sont prescrits de façon appropriée mais qui, du fait d'un risque de mésusage par certains individus, sont porteurs de risques de morbidité physique ou mentale ;

- lorsque les prévisions des coûts agrégés pour le NHS en cas de prise en charge ne peuvent être justifiées au regard des priorités de dépenses pour le NHS ;

- les produits qui contiennent un mécanisme d'injection si le même médicament est disponible et peut être utilisé de façon plus économique.

Au niveau décentralisé, l'organisation des services de soins est assurée par les primary care trust (PCT), qui couvrent chacun une aire géographique et se voit allouer par le NHS un budget en fonction du nombre d'habitants pour les frais de consultations, d'examens et de médicaments. Compte tenu du fait que les ressources sont limitées, chaque PCT établit une liste recensant les médicaments qu'il décide de prendre en charge. Un médicament mis sur le marché est donc, en principe, pris en charge par le NHS tant qu'il ne figure pas une liste négative ou restrictive. Mais les pratiques de prescription des médecins sont largement déterminées par les formulaires établis au niveau local .

Le rôle du National Institute of Clinical Excellence (NICE)

Le NICE est un institut indépendant d'évaluation médico-économique créé en 1999, afin de produire des recommandations nationales pour améliorer la qualité des soins avec trois missions : fournir des évaluations médico-économiques sur les médicaments et traitements nouveaux ou existants ; produire des recommandations cliniques pour des maladies spécifiques et fournir des recommandations sur les procédures d'intervention utilisées dans le diagnostic ou le traitement. En avril 2005, le NICE et la health development agency, chargée de la promotion de la santé et de la prévention, ont fusionné, devenant ainsi une structure dont les compétences sont proches de celles de la HAS française .

Dans un premier temps, les propositions sur les sujets à traiter sont soumises par différents acteurs, en particulier le national horizon scanning Center (NCHS), centre universitaire qui repère les molécules innovantes dès la phase II des essais cliniques, mais aussi par tout individu ou organisation de patients ou de professionnels, par des membres du NHS ou par des industriels. La proposition est ensuite évaluée selon l'intérêt thérapeutique que représente la technologie, la valeur ajoutée de l'évaluation que fournira le NICE et l'impact potentiel de son arrivée sur les ressources du NHS. Cette évaluation est effectuée par un comité comportant des représentants du Gouvernement, du NHS, du NICE, des professionnels de santé, des patients, des universités et de l'industrie des biens de santé. La décision de demander une évaluation au NICE est in fine prise par le ministre de la santé anglais et le gouvernement gallois, sur les conseils de ce comité.

Lorsqu'une évaluation est décidée, le laboratoire soumet au NICE les informations jugées importantes. Le NHS research and development health technology assessment programme (RDHTA) est ensuite sollicité pour réaliser un rapport d'évaluation, basé sur les documents qui ont été fournis au NICE. Sur cette base, un groupe d'experts indépendants rédige le rapport final d'évaluation, qui devra être approuvé par le NICE avant de devenir la recommandation transmise au NHS et qu'il sera, comme les PCT, tenu de suivre.

Il convient néanmoins de noter que l'efficacité des recommandations du NICE pour changer les pratiques médicales est un sujet controversé . Une étude récente examinant leur impact sur les médecins suggère que leur suivi a été très varié. Il semble que les recommandations les mieux suivies soient celles soutenues par le corps médical, fondées sur des preuves scientifiques convaincantes et celles qui n'entraînent pas de dépenses supplémentaires, à moins que celles-ci ne soient couvertes par des budgets spécifiques.

Plus largement, il apparaît que le système britannique ne permet pas un accès de l'ensemble de la population à des traitements de qualité. En effet, les gestionnaires (PCT et hôpitaux) sont confrontés à des choix difficiles pour maintenir l'équilibre de leurs comptes dans le cadre de l'enveloppe qui leur est allouée. Le poste « médicaments » semble faire les frais de ce système de gestion, les médicaments les moins chers étant systématiquement choisis au détriment de l'efficacité et de la qualité des soins, en dépit des recommandations du NICE. Ceci est particulièrement vrai pour les traitements les plus onéreux (cancer, fécondation in vitro ).

* 6 Les politiques de prise en charge des médicaments en Allemagne, Angleterre et France. Irdes. Octobre 2005.

* 7 The influence of the pharmaceutical industry. House of Commons, Health committee. Session 2004-2005.

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