2. Les familles recomposées

L'INSEE définit la famille recomposée comme un couple vivant avec au moins un enfant dont un seul des conjoints est le parent.

Toutefois, comme l'a noté M. Laurent Toulemon, directeur de recherches à l'Institut national d'études démographiques (INED), au cours de son audition, la définition de la famille recomposée connaît, elle aussi, des limites. Il a par exemple indiqué que les membres de ces familles pouvaient vivre « à distance », sans cohabiter nécessairement sous le même toit.

Mme Chantal Lebatard, administratrice de l'UNAF, a d'ailleurs fait observer qu'il n'existait pas d'association de familles recomposées, la diversité de leurs situations ne leur ayant pas permis de dégager une approche commune.

a) Les conséquences de la recomposition familiale sur la définition des fratries

L'existence de familles recomposées a des conséquences sur le champ de la définition des fratries.

En effet, comme le rappelle Laurent Toulemon 12 ( * ) , les fratries, en démographie, sont le plus souvent décrites du point de vue des parents : elles regroupent les enfants d'un couple ou les enfants d'une même personne, la mère le plus souvent.

La prise en compte des demi-frères et demi-soeurs, c'est-à-dire des enfants qui partagent un parent en commun, conduit à étendre la définition des fratries, puisque certains de ces enfants sont alors des « quasi-frères » ou « quasi-soeurs », soit des enfants sans lien de sang mais dont les parents forment un couple. Encore des quasi-frères ou quasi-soeurs qui ne résident pas ensemble ne se considèrent-ils pas forcément comme frères ou soeurs.

Les familles recomposées rendent également beaucoup plus complexes les relations entre adultes et enfants. D'autant plus que, comme l'a relevé M. Laurent Toulemon, les enfants d'une famille ne portent plus nécessairement aujourd'hui le même nom.

Certes, comme l'a rappelé M. Didier Le Gall, professeur de sociologie, devant la délégation, vivre avec un beau-parent n'est pas nouveau mais, dans le passé, ces situations étaient généralement issues du veuvage et non, comme aujourd'hui, de la séparation conjugale . Or, à la différence du veuvage, où le beau-parent vient, d'une certaine manière, occuper une place « vacante », la désunion fait de celui-ci un acteur supplémentaire du contexte familial. Selon lui, le rôle du beau-parent, ce « parent en plus », ne peut dès lors se jouer exclusivement sur le mode de la substitution. Cette situation implique des modèles inédits de comportements.

Du point de vue des adultes, la recomposition familiale correspond à la formation d'un couple alors que l'un des conjoints est déjà parent : l'adulte devient alors beau-parent du ou des enfants de son conjoint. Si les deux conjoints ont déjà des enfants, ces derniers doivent construire un lien nouveau. Si les deux conjoints ont un enfant ensemble, celui-ci sera le demi-frère des enfants nés avant l'union, mais cet enfant n'a pas de beaux-parents puisque les anciens conjoints de ses parents, qui sont les autres parents de ses demi-frères ou demi-soeurs, ne sont pas ses beaux-parents.

La recomposition familiale induit ainsi une asymétrie du lien entre adultes et enfants : les enfants du conjoint nés avant l'union sont des beaux-enfants, mais les enfants qu'un ancien conjoint aurait après la rupture ne sont pas des beaux-enfants. En revanche, le lien unissant demi-frères ou demi-soeurs est, lui, symétrique : le cadet issu du couple recomposé n'a pas de beaux-parents, alors que l'aîné est nécessairement issu d'une union rompue et les conjoints du couple recomposé sont ses beaux-parents.

Les conséquences de la recomposition familiale peuvent être illustrées par le schéma ci-dessous :

Un exemple de recomposition familiale

Source : Laurent Toulemon, La transformation des fratries au cours du XX e siècle.

Dans cet exemple, les couples H1-F1 et H2-F2 sont rompus et H1 et F2 forment un nouveau couple. H1 et F2 ont chacun un bel-enfant co-résident, et F2 a également un bel-enfant qui ne vit pas avec elle. L'enfant du couple recomposé, E4, n'a pas de beau-parent, tandis que ni H2 ni F1 n'ont de bel enfant.

Du point de vue des enfants, la situation est différente. En moyenne, les fratries de même père sont plus grandes que les fratries de même mère, en raison de la plus grande hétérogénéité de la fécondité des hommes. Dans cet exemple, l'un a trois enfants, l'autre un seul, mais les deux femmes ont chacune deux enfants.

La complexité des relations entre enfants, issue de la recomposition familiale, apparaît nettement : E2 et E3 sont des quasi-frères ou quasi-soeurs co-résidents, tandis que E1 et E3 sont des quasi-frères ou quasi-soeurs qui ne vivent pas sous le même toit. E4 est issu du couple recomposé et a deux demi-frères ou demi-soeurs paternels et un demi-frère ou demi-soeur maternel.

La recomposition familiale met en évidence une différence majeure entre hommes et femmes : les femmes vivent généralement avec leurs enfants, alors que les hommes vivent beaucoup plus fréquemment avec leurs beaux-enfants. La perception de la fratrie est donc différente chez les hommes et les femmes : les hommes considèrent que leurs « enfants », c'est-à-dire y compris, le cas échéant, leurs beaux-enfants, vivent avec eux, alors que les femmes considèrent que leurs beaux-enfants ne vivent pas avec elles.

Il n'y a donc plus correspondance entre la définition de la fratrie et un couple, voire un adulte. La prise en compte du point de vue des enfants aboutit à ce que la fratrie n'est plus un groupe aux contours simples , les enfants d'une fratrie n'ayant pas tous la même fratrie.

* 12 La transformation des fratries au cours du XX e siècle, Colloque « Frères, soeurs, jumeaux : passé et présent des fratries », 16 e entretiens du Centre Jacques Cartier, Institut des sciences de l'Homme de Lyon, 1 er et 2 décembre 2003.

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