IV. FAIRE DE LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE UNE PRIORITÉ NATIONALE

La mesure des enjeux de la transition énergétique a-t-elle été réellement prise ?

Au regard d'un chantier qui est de l'ampleur de la reconstruction que la France a dû mener après-guerre , on peut en douter .

Le développement durable devient certes, peu à peu, une préoccupation nationale dans les discours mais la transition énergétique qu'il implique n'est pas encore perçue comme une priorité nationale urgente.

Trois séries de propositions doivent y contribuer : la structuration de l'action publique, la fixation d'objectifs consensuels dans la durée et l'information continue et concrète des citoyens.

Au cours des dernières années, les gouvernements successifs et les médias sont devenus plus sensibles à la notion de développement durable. Depuis un an on perçoit même, dans ces deux secteurs, une accélération de la prise de conscience des enjeux et l'on observe une promotion de l'action (par exemple en matière de prix de rachat de l'énergie produite de façon renouvelable ou de l'encouragement du développement de l'usage des biocarburants).

Mais dans le même temps, l'impression prévaut que l'action de l'État est insuffisamment coordonnée.

Les cloisonnements verticaux de chaque ministère et de leurs organismes de recherche respectifs, la multiplication des agences et des organismes de conseil masquent la cohérence d'ensemble de l'action publique, et occultent les structures qui portent cette action dans chaque secteur de la transition énergétique .

Or, dans un domaine où l'action publique doit être forte et continue, sa lisibilité est essentielle.

Mais, dans le même temps, la prudence commande de ne pas surajouter, suivant un travers très français, des structures nouvelles permanentes à celles qui existent.

Aussi pourrait-il être proposé :

1. De créer un Haut Conseil de la transition énergétique

Ce Haut Conseil, placé sous l'autorité directe du Premier ministre 51 ( * ) , regrouperait les acteurs publics et privés de la transition énergétique et présenterait tous les ans, au Parlement et à la nation, un bilan de l'action menée et des propositions d'actualisation de la politique menée dans ce domaine, avec examen et vote par le Parlement.

2. De créer un Commissaire à la transition énergétique

Ce Commissaire serait doté de pouvoirs garantis par un Comité interministériel ad hoc, chargé de faire appliquer les décisions motivées du Haut-Conseil.

3. D'instituer une délégation parlementaire à la transition énergétique

Cette proposition, qui reprend 52 ( * ) celle de la MIES menée à l'Assemblée nationale permettrait, d'une part, de mieux informer le Parlement et, d'autre part, d'instaurer les conditions d'un dialogue institutionnel et politique sur ce qui doit devenir une priorité nationale.

Ainsi serait reconnue et confortée la mission de contrôle du Parlement dans un secteur déterminant pour l'avenir de la nation.

4. De nommer par décision prise entre le Commissaire et le ou les Ministres compétents un responsable de projet pour chaque filière de substitution

Un des défauts de l'organisation administrative de notre pays est la verticalité et la prévalence d'une culture d'administration par rapport à une culture de projet . La LOLF tend à renforcer les structures horizontales et dans chaque filière d'énergie alternative, les responsabilités - recherche, normalisation, incitation - dépendent d'autorités multiples. Les projets de la transition énergétique seront définis dans la LOLF.

Il est nécessaire de coordonner ces autorités afin de faire avancer le développement de chacune de ces filières (biocarburants, solaire, photovoltaïque, hydrogène, rénovation des bâtiments, éolien, développement du nucléaire de génération IV, véhicules électriques, captation-séquestration du CO 2 , usages domotiques et aménagement du territoire grâce aux TIC, etc.).

Les responsables de projet pour chaque filière rendront compte au Commissaire à la transition énergétique de l'état d'avancement de leur déploiement.

A. AFFICHER LES ÉCHÉANCES D'UN PLAN DE TRANSITION ÉNERGÉTIQUE

Si elle doit être initiée aussi rapidement que possible, et sur les rails à l'horizon 2020, la réussite de la transition énergétique va imposer des rythmes longs.

Il s'agit de décider aujourd'hui pour après-demain.

Le temps nécessaire au développement de nouvelles filières, à la mise en place de l'offre publique d'infrastructures nouvelles de transport ou la rénovation d'un parc de bâtiments de services ou résidentiel, ou l'introduction de nouvelles technologies de l'automobile, évolue entre une quinzaine d'années et un demi-siècle (dans le cas du bâtiment).

Ces délais de développement excèdent à la fois les horizons de perception des citoyens et les rythmes, maintenant quinquennaux, de notre cycle politique.

Il est donc nécessaire que les pouvoirs publics fixent des objectifs de transition énergétique, les déclinent par domaine d'application, donnant une lisibilité à long terme à leur action . Et tout aussi nécessaire d'activer la recherche d'un consensus politique et économique aussi large que possible afin d'éviter que des moyens mis à l'appui de ces objectifs soient remis en cause lors de discussions budgétaires annuelles.

Cette réintroduction de la durée dans le choix politique pourrait prendre la forme d'un plan de transition énergétique fixant pour 2010, 2015, 2020, 2025 et 2030 les objectifs généraux à atteindre .

Ceux-ci seraient en outre déclinés dans les feuilles de route propres à chaque filière alternative (cf. infra ).

L'application du dispositif serait examinée chaque année par le Parlement pour valider les résultats et engager des actions nouvelles.

* 51 La Chine, qui a des problèmes de dispersion et de superposition de structures administratives d'une nature assez comparable aux nôtres, a adopté cette solution.

* 52 A la réserve près que le terme « transition énergétique », plus précis et de nature à correspondre plus exactement à des objectifs identifiables, semble préférable à celui de développement durable.

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