V. POUR UN PARTENARIAT DE SÉCURITÉ RÉNOVÉ

La réorientation de la politique française sur les questions de sécurité en Afrique a été amorcée il y a une dizaine d'années. Lors de leurs différents entretiens, vos rapporteurs ont constaté que cette réorientation était souvent perçue comme hésitante et difficilement lisible.

A. UN PREMIER BILAN CONTRASTÉ

1. Quelle alternative à l'action de la France ?

Il est difficilement imaginable que la France, du jour au lendemain, puisse passer le relais de l'ensemble de ses engagements, en particulier militaires, en Afrique, à l'Union européenne ou à des organisations africaines.

La France est désormais soucieuse de partager le « risque » politique en Afrique, mais ce partage suppose aussi une nouvelle répartition, plus équitable de l'engagement militaire dans les crises. Or sur ce dernier point, la France devra encore longtemps, sans doute, assumer l'essentiel de la responsabilité.

2. Une difficulté à sortir la France du « face à face » : le cas de la Côte d'Ivoire

L'intervention française en Côte d'Ivoire constitue une forme de laboratoire du changement.

La réimplication militaire directe de la France s'est opérée dans le cadre défini sous mandat des Nations unies et avec la volonté d'appuyer les forces africaines de la CEDEAO et les médiations politiques africaines successives. L'intervention militaire avait pour objet de mettre en place les conditions nécessaires à la recherche d'une solution politique, prenant en compte les racines du conflit.

Le choix de la France de s'interposer militairement entre la rébellion et les forces gouvernementales ivoiriennes l'a placée dans une position particulièrement difficile, nourrissant le mécontentement des deux camps.

Son statut d'ancienne puissance coloniale l'expose singulièrement aux critiques, dans un contexte où certains protagonistes mettent en avant une guerre « d'indépendance ». Dans le même temps, ce même statut en a fait, par défaut, la seule « candidate » à l'intervention.

Le traitement de la crise ivoirienne illustre le paradoxe de toute intervention militaire extérieure : l'un des principaux enjeux de la crise y est la définition de la citoyenneté, qui ne peut relever que d'un débat intérieur, placé sous le « parrainage » de la communauté internationale chargée de garantir les conditions d'un déroulement tout à la fois pacifique et dynamique de ce processus.

L'intervention militaire extérieure touche ainsi au coeur des questions de gouvernance : il s'agit de dissuader les oppositions de tenter d'accéder au pouvoir par les armes et d'inciter les gouvernements à garantir le caractère effectif de la compétition électorale, ce qui se décrète difficilement de l'extérieur et s'inscrit nécessairement dans la durée.

Dans ce contexte, notre pays n'a pu éviter, à l'automne 2004, une implication directe dans la crise : le samedi 6 novembre 2004, deux Sukhoi ivoiriens attaquaient, dans des conditions encore non élucidées, le cantonnement français de la force Licorne à Bouaké. Le bilan fut de neuf morts et vingt huit blessés dans les rangs français. La riposte à cette agression fut française et non internationale. Le 9 novembre 2004, à l'hôtel Ivoire d'Abidjan, où les forces françaises furent de nouveau seules pour gérer une situation très dégradée, les incidents ont fragilisé la position française aux yeux de ses partenaires africains, notamment en Afrique du Sud.

Le thème de la « seconde décolonisation », même lourdement instrumentalisée, rencontre un écho profond et mobilisateur avec lequel la France doit compter.

La résolution 1633 du Conseil de sécurité du 21 octobre 2005 créant le groupe de travail international (GTI) a défini une méthode d'accompagnement multilatéral du processus de sortie de crise qui commence à porter ses fruits.

Vos rapporteurs considèrent essentiel que la France garde ce cap d'une approche multilatérale et qu'elle s'attache à préserver la cohésion de la communauté internationale.

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