IV. DÉPENSES DE PROTECTION SOCIALE MOINS SOUTENUES QUE PRÉVUES EN FRANCE

En France, les modifications des projections démographiques et de taux d'activité vont avoir des conséquences, non seulement sur le rythme moyen de la croissance potentielle, mais aussi sur celui des dépenses de protection sociale, notamment de retraite et de santé.

Sous l'effet de l'abaissement du niveau du ratio de dépendance (retraités / actifs) en 2050 par rapport aux anciennes projections, les dépenses de retraite vont croître moins rapidement que prévu, toutes choses égales par ailleurs. La baisse de 19 points du ratio de dépendance (inactifs de plus de 60 ans / actifs) en 2050 représente une économie potentielle considérable pour les régimes de retraite par rapport à l'ancien scénario. Si l'on suppose que le pouvoir d'achat de la pension de retraite moyenne par rapport à celui du salaire net moyen est constant en projection (taux de remplacement macroéconomique constant), la part des dépenses de retraite 77 ( * ) qui représentait 12,3% du PIB en 2000 passerait à 18,8% du PIB en 2050 selon les anciennes projections (tableau 6). En revanche, en intégrant les nouvelles hypothèses de l'INSEE, la hausse des dépenses de retraite n'est plus que de 4,1 points de PIB entre 2000 et 2050, ces dernières atteignant 16,4% du PIB à l'horizon de la projection. Les révisions des projections de l'INSEE permettent d'économiser à terme 2,4 points de PIB, soit l'équivalent des charges nettes d'intérêts payés sur la dette publique en 2006. En supposant que la masse des cotisations évolue comme le PIB, les révisions permettent donc d'améliorer le déficit de l'ensemble des régimes de retraite de 2,4 points de PIB en 2050. Les gains réalisés chaque année sur l'ensemble de la période permettent une amélioration considérable de la dette implicite propre au régime des retraites. Toutes choses égales par ailleurs, cette dernière serait réduite de 70 points de PIB en 2050 (tableau 6). Et cela n'intègre pas les économies réalisées sur les charges d'intérêts.

Le rythme de croissance des dépenses de santé initialement prévu ralentirait également en raison d'un vieillissement moins prononcé dans les nouvelles projections démographiques. En tablant sur une tendance moins favorable que prévue du rythme d'augmentation de l'espérance de vie à l'horizon 2050, en particulier chez les femmes, l'INSEE réduit en projection le poids des personnes les plus âgés dans la population. La part des 85 ans et plus qui représentait 2,1% de la population en 2000 atteindrait 7,5% selon les anciennes projections démographiques et 6% selon les nouvelles. Si l'on retient l'hypothèse qu'une personne âgée dépense plus pour se soigner qu'une personne jeune, la modification de la pyramide des âges va induire des changements dans le niveau des dépenses de santé. Cet effet est pris en compte par le biais d'un index des dépenses de santé par âge 78 ( * ) (graphique 1). Par exemple, une personne de 85 ans et plus consomment donc près de 9 fois plus de santé qu'une personne âgée de 20 à 24 ans et cette répartition est maintenue tout au long de la période de projection. En modélisant les dépenses de santé à partir de cet index et en supposant que la dépense de santé par tête des 20-24 ans évolue comme le PIB par tête, les dépenses de santé 79 ( * ) augmenteraient entre 2000 et 2050 de 3,8 point de PIB (tableau 6) sous l'effet de la déformation de la pyramide des âges donnée par l'ancienne projection. Une déformation moins prononcée de la structure démographique dans la nouvelle projection limite à 3 points de PIB l'augmentation des dépenses de santé entre 2000 et 2050 (de 9,8% du PIB en 2000 à 12,8% en 2050), soit une économie de 0,8 point de PIB à terme pour les seules dépenses de santé. En supposant que la masse des recettes affectées au financement des dépenses de santé évolue comme le PIB, le solde de ce poste de la protection sociale connaîtrait une amélioration de 0,8 point de PIB en 2050 et la dette implicite propre à ce secteurs serait réduite de 16 points de PIB en l'espace d'un demi siècle.

Graphique 1 : Index des dépenses de santé, en moyenne de tranches d'âge quinquennales, base 1 = 20 ans

Source : calculs OFCE.

En revanche, les dépenses liées à la politique familiale diminueraient moins que prévues dans les nouvelles projections sous l'effet de l'augmentation de l'hypothèse de fécondité. Dans l'ancienne projection, les dépenses familiales diminuaient de 0,8 point de PIB entre 2000 et 2050, pour atteindre 1,9 % du PIB en 2050 (tableau 6). Avec la révision des projections de l'INSEE, ces dépenses ne baisseraient plus que de 0,6 point de PIB en 2050, ce qui accroît à terme la dette implicite de 4,5 point de PIB.

Enfin, les dépenses liées au chômage baisseraient du même ordre de grandeur entre 2000 et 2050 (-1,1 point de PIB) quelque soit le scénario de projection retenu (tableau 6). Si dans les deux cas l'économie française retrouve le plein emploi, la différence de vitesse de baisse du chômage en modifiant la séquence des déficits a en revanche un effet sur la dette implicite.

Tableau 7 : Dépenses de protection sociale (en points de PIB) selon les deux projections de l'INSEE

En % du PIB

2000

Valeur observée

2050

Anciennes projections (A)

2050

Nouvelles projections (B)

Ecart des projections

(A-B)

Variation de la dette implicite en 2050

Retraite

12,3

18,8 (6,5)

16,4 (4,1)

-2,4

-69,6

Santé

9,8

13,6 (3,8)

12,8 (3,0)

-0,8

-16,3

Famille

2,7

1,9 (-0,8)

2,1 (-0,6)

0,2

4,5

Chômage

1,9

0,8 (-1,1)

0,8 (-1,1)

0,0

1,3

Total

25,7

35,1 (9,4)

32,1 (6,4)

-3,0

-80,1

Source : calculs OFCE.

Note : Les variations entre 2000 et 2050 sont indiquées entre parenthèses.

Au total, les révisions des projections démographiques et de taux d'activité permettraient, ceteris paribus , de diminuer en 2050 de 3 points de PIB la part des dépenses sociales par rapport aux anciennes projections. Si l'on suppose que la masse des recettes affectées au financement de chacun des postes de la protection sociale reste constante dans le PIB, la réduction du déficit de l'ensemble de la protection sociale (et non pas uniquement le régime général) serait amélioré de 3 points de PIB en 2050. La variation de la dette implicite en 2050 qui découle de l'amélioration du solde financier chaque année est considérable : elle représenterait 80 points de PIB au terme de notre projection. L'écart serait amplifié si l'on tenait compte des économies réalisées sur les charges financières payées sur la dette.

Même si le poids de la protection sociale dans la richesse nationale continuera à s'alourdir à long terme, les nouvelles projections de l'INSEE permettent de dresser un tableau beaucoup moins noir que prévu pour l'avenir de nos finances publiques. Cependant, ce scénario démographique fondé sur des tendances récentes et une politique volontariste en matière de taux d'activité peut sembler fragile et ne nous met pas à l'abri d'un scénario plus pessimiste dans les années à venir. En l'espace de 4 ans et demi (écart entre les deux exercices), le nombre d'actifs à l'horizon de la projection a augmenté de près de 4,5 millions, ce qui montre la fragilité de ce type d'exercice à long terme en raison notamment de l'effet cumulatif des hypothèses démographiques. Et pourtant, ces révisions de projections peuvent avoir des conséquences économiques et sociales très importantes : si l'équilibre des régimes sociaux est plus facile à obtenir que prévu, est-il encore nécessaire de réformer les régimes de l'assurance maladie ainsi que ceux des retraites ? Et si en 2010, de nouvelles projections viennent contredire les précédentes, faudra-t-il réformer dans l'urgence ou alors attendrons-nous les projections de 2015 ?

* 77 Les dépenses de retraite ne se limitent pas à celles du régime général de la sécurité sociale. Elles comprennent en effet les pensions de retraite provenant de l'ensemble des régimes obligatoires, les pensions de préretraites et les pensions de survie. Les formes individuelles d'épargne sont exclues.

* 78 Pour plus de détails, voir Algava et Plane (2004) : Vieillissement et protection sociale en Europe et aux Etats-Unis, Dossiers solidarité santé n°3, juillet-septembre.

* 79 Les dépenses de santé comprennent les dépenses de maladie du régime général et des mutuelles mais aussi celles d'invalidité.

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