CHAPITRE IER - RÉUNIONS DE COMMISSIONS AU SÉNAT DE BELGIQUE (12 octobre 2006)

Le jeudi 12 octobre 2006, plusieurs Commissions de l'Assemblée se sont réunies au Sénat de Belgique, à l'invitation de la Délégation belge.

À cette occasion, le « Groupe de contact » constitué, au sein de l'Assemblée de l'UEO-Assemblée interparlementaire de sécurité et de défense, des présidents de groupes politiques et des présidents des Commissions, et présidé par M. Jean-Pierre Masseret, Sénateur, Président de l'Assemblée de l'UEO, a adopté à l'intention des Parlements nationaux et du Parlement européen, le document suivant :


DEFENSE EUROPEENNE : NE RESTONS PAS L'ARME AU PIED !

MANIFESTE POUR UNE POLITIQUE EUROPEENNE
DE SECURITE ET DE DEFENSE

1. Pour se protéger et assumer leurs responsabilités dans le monde, dans le cadre de l'Alliance de l'Atlantique nord et au-delà, les pays de l'Europe ont besoin d'une politique européenne de sécurité et de défense (PESD) performante. Notre ambition est portée par une conviction : notre vie quotidienne, demain, dépendra directement du projet politique qui fera de l'Union européenne (UE) un acteur respecté et respectable de l'organisation du monde. Il nous faut trouver une vision commune pour souder les États européens et une approche commune pour affronter les menaces pesant sur nos sociétés. Il nous faut aussi utiliser un langage clair qui aille droit au coeur de nos citoyens.

2. Le projet de Traité établissant une Constitution pour l'Europe est en suspens à la suite du « non » exprimé en 2005 par les électeurs français puis néerlandais. Les gouvernements, désemparés, prolongent la « période de réflexion » sur l'avenir de l'Europe, censée permettre un large débat « mobilisateur » dans chaque pays européen. Lors de sa réunion des 15 et 16 juin, le Conseil européen a adopté une double démarche pour faire avancer le projet d'une politique commune européenne dans tous les domaines. D'une part, il s'agit de tirer le meilleur parti des possibilités offertes par les traités existants pour obtenir des résultats concrets. D'autre part, la présidence allemande devra présenter au premier semestre 2007 un rapport qui fera le point sur l'état des débats relatifs au Traité constitutionnel et explorera les possibles évolutions futures. Il est prévu de prendre les décisions appropriées au cours du deuxième semestre 2008, après examen de ce rapport.


3. En attendant de connaître l'issue de ce débat, ne restons pas l'arme au pied ! Nous devons au contraire continuer à agir pour faire progresser la politique européenne de sécurité et de défense, en se fondant sur l'ensemble des traités en vigueur et sur des réalisations concrètes. Nous devons intensifier les débats sur les missions de la PESD, exiger un modus vivendi entre l'UE et l'OTAN, encourager la création de coopérations à géométrie variable permettant à des groupes de pays de réaliser des projets ouverts à tous les pays membres (comme la Force de Gendarmerie européenne, le projet Galileo ou des accords de coopération antiterroriste) et soutenir le nécessaire développement de l'Etat-major de l'UE et de l'Agence européenne de défense (AED). C'est ainsi que l'esprit de solidarité européenne peut se développer concrètement. Il faut aller plus loin, plus vite, avec plus d'ambition !

4. Nos concitoyens perçoivent très clairement que sans paix ni sécurité, rien n'est possible : ni progrès économique, ni progrès social, ni progrès démocratique. Les guerres, le terrorisme, la prolifération des armes de destruction massive, l'insécurité des approvisionnements énergétiques et les catastrophes naturelles sont pour eux des menaces très concrètes. Dès lors, 82 % des Européens jugent essentielle et souhaitable une politique européenne en matière de sécurité et de défense. C'est un point très positif mais cela ne suffit pas. Quel prix le contribuable européen est-il prêt à payer pour sa sécurité ? Comparée à la santé, à l'éducation et à la justice sociale, quelle est la place de la défense dans la hiérarchie de ses priorités ?

5. Si l'on veut que l'opinion publique soit plus réceptive aux questions de sécurité et de défense, il faut entamer un débat interne, dans chaque pays européen et au coeur des sociétés. L'engagement très prononcé des citoyens, et notamment des jeunes, pour les projets humanitaires doit aller de pair avec une vision commune des questions de sécurité et de défense. En tant que parlementaires élus par nos concitoyens, nous avons une responsabilité particulière dans l'organisation de ce débat. Il est indispensable que chacun comprenne que notre avenir même dépend du maintien des valeurs démocratiques, des libertés individuelles et collectives, de la sécurité, de la paix et de la stabilité, à l'intérieur comme à l'extérieur des frontières de l'Union européenne.

6. Les questions de sécurité et de défense sont souvent « confisquées » par l'exécutif, parce qu'il s'agit de questions sensibles de souveraineté nationale. Si l'exécutif a un rôle fondamental à jouer, les parlementaires également, qui ont le devoir démocratique d'informer leurs électeurs sur les questions de sécurité et de défense. Ce sont les parlementaires nationaux qui votent les budgets de défense et qui ont le dernier mot sur l'envoi des troupes, dans un cadre national ou sous la bannière de l'OTAN, des Nations unies ou de l'UE. Parallèlement, le Parlement européen devient un acteur de plus en plus présent dans le débat sur la sécurité européenne. Il est normal que ce parlement, qui tire sa légitimité de son élection au suffrage universel direct, soit désireux d'être associé aux questions européennes de sécurité et de défense. Cela étant, force est de reconnaître que les traités existants ne lui confèrent que des compétences très limitées en la matière.


7. Mais cela ne suffit pas. Aux activités « intergouvernementales » de la politique européenne de sécurité et de défense doit correspondre un contrôle « interparlementaire ». Les parlementaires, convaincus de l'importance cruciale des questions de défense et de sécurité pour la vie quotidienne des citoyens, ont une triple tâche. La première est de pousser les exécutifs européens à développer une politique européenne de sécurité et de défense de manière toujours plus efficace. La seconde est d'expliquer aux citoyens les tenants et aboutissants de cette politique commune. La troisième serait de créer un espace interparlementaire consacré à la défense et à la sécurité. Cet espace ne serait en aucun cas une « seconde chambre ». Les parlementaires nationaux y trouveraient l'espace de réflexion nécessaire pour disposer d'informations complètes sur la politique européenne de sécurité et de défense et exercer un meilleur contrôle démocratique à l'égard de leurs gouvernements et du Conseil en matière de PESD. Cet espace serait ouvert au Parlement européen, dont certains membres pourraient être associés aux activités menées par les parlementaires nationaux. L'espace interparlementaire à créer serait facilement réalisable en faisant évoluer le rôle naissant d'Assemblée européenne de défense et de sécurité qu'assume l'Assemblée de l'UEO. Ceci mérite discussion.

8. Par ses propositions politiques, l'Assemblée de l'UEO mène depuis plus de 50 ans une action en faveur de l'intégration européenne dans le domaine de la défense et de la sécurité. Fondée en 1954 par le Traité de Bruxelles modifié, elle permet à des parlementaires nationaux des pays européens de présenter des recommandations politiques aux exécutifs européens. Tant que les réformes institutionnelles nécessaires n'ont pas été menées au niveau européen, l'Assemblée contribue ainsi à combler le déficit démocratique dont souffre l'UE, en conduisant le débat « interparlementaire » sur une politique qui reste « intergouvernementale ». L'Assemblée continue donc à travailler à plein régime : ses rapports et travaux sont disponibles sur le site http:// assembly.weu.int.

9. Or, lors de la commémoration des cinquante ans des Traités de Rome, le 25 mars 2007, le Conseil européen doit adopter à Berlin une déclaration politique énonçant les valeurs et les ambitions de l'Europe et confirmant leur volonté commune de les concrétiser. Seront probablement aussi esquissées les réponses au problème du déficit démocratique en matière de sécurité et de défense. Dans ce cadre, notre proposition d'un espace interparlementaire trouverait tout naturellement sa place. Il y a là une occasion à saisir !

10. En effet, nous devons développer un esprit de solidarité entre les citoyens et entre les pays européens en vue de régler les problèmes mondiaux. Cela implique un engagement sans réserve de sécurité et de défense. Cela implique également la détermination de poursuivre et de financer des réalisations concrètes, telles que les missions de gestion des crises de l'Union européenne. La sécurité et la défense de l'Europe représentent un enjeu trop important pour être négligé à ce stade critique où nos opinions publiques s'interrogent à juste titre sur le fonctionnement et le devenir de l'Union européenne. La situation internationale, de plus en plus inquiétante, ne nous permet pas d'attendre la fin du débat sur le sort du Traité constitutionnel pour faire avancer le chantier de la politique européenne de sécurité et de défense.


11. Nous devons aller de l'avant si nous voulons que l'Europe acquière la stature internationale dont elle besoin pour défendre à la fois ses intérêts stratégiques et ses valeurs démocratiques. Dans bien des cas, nos intérêts individuels auront à s'effacer devant nos objectifs communs. Les citoyens européens doivent accepter l'idée qu'ils appartiennent à une même communauté de valeurs et de destin. Il faut aussi que chacun comprenne que nous devons disposer de budgets de défense suffisants pour pouvoir nous doter des moyens indispensables afin de défendre ces valeurs et réaliser nos objectifs. Sans une vision commune de la défense européenne, il n'y aura pas d'avenir commun.

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