B. ENFANTS VICTIMES : ÉRADIQUONS TOUTES LES FORMES DE VIOLENCE, D'EXPLOITATION ET D'ABUS

L'Assemblée a débattu des moyens de protéger les enfants de toute forme de violence . Les actions souhaitées par l'Assemblée parlementaire s'inscrivent dans une campagne de large ampleur et se regroupent autour de quatre points : la prévention de la violence, la protection des enfants, la poursuite et la condamnation des auteurs de ces violences et enfin la place des enfants au sein des procédures judiciaires.

Le débat a été nourri et des voix dissonantes se sont fait entendre sur au moins deux points : la punition par la loi des châtiments corporels, en vigueur dans 26 des 46 États du Conseil de l'Europe et le rôle de la famille. Certains délégués considèrent à ce sujet que l'État ne doit pas se substituer à celle-ci, alors que d'autres ont fait valoir que les enfants doivent être soustraits à une famille, même si la maltraitance n'est que suspectée et non encore avérée, et bénéficier de la protection de l'État.

MM. André Schneider (Bas-Rhin - UMP) et Jean-Guy Branger (Charente-Maritime - UMP) se sont exprimés dans ce débat.

M. André Schneider, député :

« Monsieur le Président, mes chers collègues, le constat dressé par le rapport de M. Gardetto est effrayant.

Les instruments juridiques européens et internationaux pour lutter contre la violence envers les enfants existent - le rapport les rappelle opportunément. La Convention des Nations Unies sur les droits de l'enfant de 1989 a marqué spécialement un progrès considérable en imposant aux États de prendre «toutes les mesures nécessaires pour protéger l'enfant contre toutes les formes de violence».

Pour autant et même si elles restent difficiles à mesurer comme le souligne le rapporteur, les violences contre les enfants perdurent, y compris dans nos pays européens, membres du Conseil de l'Europe. Homicides, violences sexuelles, châtiments corporels, trafic d'enfants et d'organes, exploitation sexuelle ou par le travail, intimidation, la liste des violences est accablante.

Il existe un décalage entre les progrès du droit et des normes juridiques visant à protéger les enfants et leur application concrète sur le terrain. Différents éléments sont avancés dans le rapport pour expliquer cet état de fait : méconnaissance des systèmes de protection existants, manque de volonté politique, peur de dire, de dénoncer de la part des enfants, dont les bourreaux sont hélas le plus souvent des proches, méconnaissance statistique des maltraitances et manque de données fiables...

Le rapporteur propose de créer un observatoire européen de la maltraitance, d'harmoniser la définition de la notion d'intérêt supérieur de l'enfant ainsi que les qualifications pénales des infractions et de supprimer l'imprescriptibilité des crimes les plus graves commis contre les enfants, tout en multipliant les structures d'information pour les enfants, telles que numéros de téléphone gratuits, sites Internet, et j'en passe. On ne peut que souscrire à ces propositions.

Toutefois ce qui frappe tout au long de ce rapport, c'est finalement que, derrière ces violences inadmissibles, il y a tout un contexte de pauvreté et d'ignorance. On vend ses enfants pour de l'argent et pour survivre. On frappe faute de pouvoir verbaliser. Cela signifie que pour lutter contre ces violences, s'il y a nécessairement un volet répressif à mettre en oeuvre avec des sanctions adaptées, il y a aussi un énorme effort d'éducation à fournir, notamment auprès des familles les plus défavorisées ou les moins instruites.

En France, l'Assemblée nationale est en train d'examiner un projet de loi sur la réforme de la protection de l'enfance, qui vise à donner de nouveaux moyens pour exercer cette responsabilité essentielle et remédier à certains dysfonctionnements. Trois objectifs sont prioritaires : renforcer la prévention, organiser le signalement des situations à risque et diversifier les actions et les modes de prise en charge des enfants. La réforme a été élaborée en étroite concertation avec les principaux acteurs de la protection de l'enfance, notamment des départements.

N'oublions pas ce qu'a dit le poète français Jaques Prévert : «Les enfants ont tout, sauf ce qu'on leur enlève». Alors oui, monsieur le président, mes chers collègues, les violences faites aux enfants, membres les plus vulnérables de nos sociétés, sont inacceptables, insupportables et nous devons tout mettre en oeuvre pour qu'elles cessent d'être une réalité. »

M. Jean-Guy Branger, sénateur :

« Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, mes chers collègues, il existe une multitude de normes européennes et internationales qui visent à protéger les enfants. En France, l'arsenal juridique existe. Et pourtant, nous voulons faire plus.

Parmi les mesures mises en oeuvre ces dernières années, je peux citer la nomination d'un défenseur des enfants qui dispose, dans chaque département, d'une antenne locale. Il remet chaque année en main propre au Président de la République un rapport. Le défenseur des enfants a ainsi, par exemple, proposé de mener une politique plus volontariste envers les adolescents et les pouvoirs publics ont mis en oeuvre certaines de ses recommandations, en créant des centres de soins médicaux entièrement dédiés à cette classe d'âge. La France a également mis en place un numéro vert, le 119, qui permet aux enfants victimes de prendre contact et conseil gratuitement et anonymement.

Malgré bien des campagnes d'information, des manifestations chaque 20 novembre, l'affichage de la Convention des droits de l'enfant dans les écoles, nous sommes cependant bien loin d'assurer la protection de nos enfants. Une seule statistique donne froid dans le dos : une petite fille sur sept sera victime d'atteinte sexuelle avant d'atteindre sa majorité.

Ce terrible constat encourage notre pays à renforcer encore la protection de l'enfance. Un texte de loi est actuellement en débat dans nos deux Assemblées. Il exprime une volonté politique très forte de prévenir les maltraitances et d'accompagner les familles. Au registre de la prévention, a été instaurée une consultation médicale dès le 4è mois de grossesse. De même, sera organisé un suivi systématique sous forme de visite à domicile de la jeune mère de famille dans les jours qui suivront son retour à la maison.

Nous cherchons, par ces deux actions, à évaluer et à favoriser le lien mère-enfant, l'acceptation du nouveau-né par la famille, à développer l'attachement lorsque la mère rencontre des difficultés matérielles, affectives ou médicales. Pour parfaire ce dispositif, les enfants seront soumis à des visites médicales de dépistage à l'âge de trois, six, douze et quinze ans.

Ce projet de loi vise également à faire travailler de concert tous les professionnels. Il est nécessaire de lever les rigidités et de décloisonner les relations entre les adultes qui côtoient les enfants : les instituteurs, les médecins, le personnel judiciaire. Toutes les mesures de placement des enfants en dehors de leur famille sont assouplies pour permettre, dès que cela est possible, un retour de l'enfant dans son foyer en toute sécurité.

Enfin, et pour en terminer avec le registre des maltraitances, l'une d'entre elles est, à mon sens, d'une très rare violence : celle de priver un enfant d'éducation, le priver du droit d'aller à l'école. Plusieurs raisons peuvent expliquer une telle situation. Certains pays ne peuvent malheureusement pas offrir aux enfants un système éducatif structuré. Il arrive que la santé des enfants rende délicate leur intégration à l'école.

En France, nous avons été, si je puis dire, de mauvais élèves en la matière. Néanmoins, la grande loi sur le handicap, votée il y a deux ans, permet aujourd'hui une véritable révolution des esprits. Dans les faits, les progrès sont énormes, même si tout n'est pas encore parfait.

La réalité est parfois bien cruelle. Des enfants sont victimes des dérives sectaires de leurs parents qui les font vivre dans des communautés coupées du monde. Ces enfants vivent ainsi dans la promiscuité et l'obscurantisme. Nous nous interrogeons en France sur les mesures instaurées, en particulier depuis le travail effectué par mes collègues députés, au nombre desquels figurent MM. Hugon, Hunault et Salles, membres de cette Assemblée. Il est question de ne plus autoriser les enfants à suivre des cours par correspondance afin de s'assurer, par exemple, de l'effectivité du droit à l'éducation.

Mes chers collègues, la protection de l'enfance est une grande cause, un travail de chaque instant, un combat que nous ne pouvons remporter seuls. C'est avec les associations et tous les intervenants socio-éducatifs que nous parviendrons à lever les silences et les mensonges, prévenir des souffrances inguérissables parce que subies à l'âge sensible, fragile, de l'enfance. »

À l'issue du débat, l'Assemblée a adopté une Recommandation (n° 1778) et une Résolution (n° 1530) qui encouragent, entre autres, les États à promouvoir, auprès des enfants, la connaissance de leurs droits, à instaurer des procédures de détection et de traitement rapide des violences, à adapter les procédures judiciaires pour permettre aux enfants d'y avoir toute leur place. Par ailleurs, l'Assemblée a chargé le Comité européen de coopération juridique de l'élaboration d'une Convention. Elle sera assortie d'un modèle de loi transposable dans les États membres sur ce sujet.

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