2. Le Groenland va-t-il fondre en totalité ?

La géométrie et le volume de la glace des calottes sont régis par l'équilibre entre les quantités de neige tombée et évacuée.

Le Groenland regroupe 9 % des glaces mondiales sur une surface de 1,7 million de km² et une épaisseur moyenne de 2 000 m.

Il est situé à une latitude beaucoup plus basse que l'Antarctique et en large partie au sud du cercle polaire.

Les scientifiques savent qu'historiquement il a été soumis à des variations brutales et que sa calotte de glace a sans doute dans le passé disparu sinon en totalité, du moins dans de grande proportion.

La dynamique de la calotte est très différente de celle de l'Antarctique car les précipitations y sont beaucoup plus importantes en proportion de la surface. La fonte y est également beaucoup plus importante l'été, au moins la moitié des précipitations est évacuée de cette manière.

Les observations conduiraient à estimer que la calotte groenlandaise est aujourd'hui en déséquilibre. Elle perdrait de sa masse, en raison de la fonte et d'une accélération de l'écoulement des glaciers. Son profil général serait d'ailleurs en train de changer pour devenir plus pentu.

Des études récentes sur le Groenland 14 ( * ) auraient montré un amoindrissement significatif de la calotte, entre 1992 et 2002, qui paraîtrait s'accélérer. Sur ces dix ans, le Groenland aurait perdu 80 km 3 par an de glace pour un volume de 3 M km 3 . Au-delà de 20 % de perte, le mouvement serait irréversible. La fonte du Groenland aurait entraîné une hausse du niveau de la mer de 15 mm depuis 15 ans. Le point de non-retour serait atteint avec un réchauffement global de 3°C, probable au cours ou à la fin du 21 e siècle.

Ces évaluations suscitent d'importants débats dans la communauté scientifique pour deux raisons principales :

- Il y a un manque d'information sur l'état naturel du Groenland dans une période chaude telle que la nôtre , c'est pourquoi des forages supplémentaires sont nécessaires. Il faut pouvoir répondre à la question sur l'état de calotte il y a 120 000 ans environ.

- Les chercheurs s'accordent pour accepter le sens général des évaluations actuelles : une perte de masse du Groenland. Mais son ampleur et sa vitesse exacte sont très discutées en raison pour l'instant du manque de moyens satellitaires . En effet, les données spatiales restent relativement imprécises et lacunaires pour l'instant, et sans série longue. Cette situation devrait changer prochainement grâce aux données de deux missions combinées, l'une portant sur le calcul de la gravité et donc de la masse (GRACE-NASA), l'autre portant sur le volume des glaces y compris de mer et côtière (Cryosat-ESA) .

La gravimétrie consiste à mesurer la gravité terrestre. Celle-ci est fonction de la répartition des masses entre la surface et le centre de la Terre. Plus elles sont lourdes et proches de la surface, plus la gravité est importante. La gravité est mesurée en tenant compte des variations naturelles de champ de gravité liées au diamètre plus faible de 21 km entre les pôles et l'équateur et aux hétérogénéités de la surface : montagne, océan, glace... Elle se traduit donc par un ellipsoïde traduisant une gravité plus forte aux pôles qu'à l'équateur. Elle n'a longtemps été mesurée qu'à travers les perturbations d'orbite des satellites mais avec une faible précision. Un premier progrès, multipliant par quatre la précision des mesures, a été effectué par le satellite Champ (Challenging Minisatellite Payload for Geoscience and applications), lancé en 2001, qui permettait de distinguer les effets de la gravité.

Depuis peu, les satellites Grace (Gravity Recovery and Climate Experiment) lancés par la NASA permettent une mesure fine du champ de gravité. Par comparaison des mesures faites lors des passages successifs, ils permettront d'évaluer l'augmentation ou la diminution des masses des glaces et donneront ainsi une idée plus précise des bilans.

La mission de Cryosat est de surveiller l'épaisseur des glaces continentales et des glaces de mer afin de mieux comprendre le lien entre la fonte des glaces polaires et l'élévation du niveau des mers en corrélation avec le changement climatique.

La mission de Cryosat est prévue pour durer trois ans. Le satellite sera positionné à 700 km d'altitude, de telle sorte qu'il puisse observer jusqu'à 88° de latitude Nord ou Sud.

Les mesures sont faites grâce à un altimètre radar très perfectionné (SIRAL pour Synthetic Aperture Radar Interferometric Radar Altimeter) assurant un positionnement très précis au satellite et permettant donc de connaître toute évolution de l'altitude de la surface et donc les variations d'épaisseur de la glace (continentale ou de mer).

La glace de mer ou banquise est relativement fine, quelques mètres au plus. Elle joue pourtant un impact très important sur le climat par son effet sur la température des océans et la circulation des eaux chaudes et froides. Cryosat sera à même de détecter et de préciser les différences d'épaisseur de la glace d'une année sur l'autre et tout au cours de l'année.

Une réponse précise devrait donc pouvoir être donnée dans les 5 à 10 prochaines années .

* 14 Philippe Huybrechts, Université libre néerlandophone de Bruxelles, Nature et Geophysical Research Letter.

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