(3) L'attraction américaine en matière de hautes technologies

Le principal avantage des Etats-Unis tient à l'existence d'une capacité de financement considérable dans le domaine du capital-risque , répondant aux besoins des jeunes entreprises innovantes qui n'ont d'autre garantie à apporter que la valeur d'une invention ou d'une technologie.

L'avantage américain en la matière réside principalement dans le volume des principaux fonds d'investissement, le principe de ce type de financement étant de pouvoir répartir le risque sur un très grand nombre de projets et donc de pouvoir supporter un taux d'échec élevé dans l'espoir que quelques réussites permettront de compenser l'ensemble de ces pertes. Lorsqu'on dispose d'une « force de frappe » annuelle supérieure à 10 milliards d'euros - comme c'est le cas de Texas Pacific Group ou de Carlyle, l'investissement de quelques millions d'euros dans des projets innovants ne représente qu'un risque très limité. Ce pays consacre ainsi au capital-risque une part de son PIB (1,1 %) plus de trois fois supérieure à celle observée en France (0,31 %).

La seconde asymétrie tient au plus faible recours aux brevets de nos PME par rapport à leurs équivalentes américaines, principalement du fait d'une culture de la protection de la propriété intellectuelle moins développée. Il peut en résulter une sous-évaluation en Europe des innovations de nos entrepreneurs par rapport à leur valorisation une fois celles-ci protégées par un brevet, hypothèse qui reste de base aux calculs des investisseurs américains. A ceci s'ajoute le fait que certaines inventions, telles que les logiciels, sont brevetables aux Etats-Unis alors qu'elles ne le sont pas en Europe 122 ( * ) ..

La situation est aussi asymétrique s'agissant des technologies dites sensibles où se manifeste le troisième avantage américain. En effet, si des deux côtés de l'Atlantique, il existe des dispositifs de protection contre les investissements étrangers, dans les domaines liés à la défense 123 ( * ) , le gouvernement américain mène une politique de contrôle national des technologies beaucoup plus active que la France et l'Europe.

Il a mis en place une politique offensive d'acquisition directe des technologies notamment européennes, directement au travers du fonds d'investissement de la C.I.A. In-Q-Tel ou, indirectement, via les liens du Pentagone avec certains grands fonds privés 124 ( * ) .

Quant aux secteurs stratégiques au sens large - c'est-à-dire du point de vue de l'économie et non de la seule sécurité nationale -, il convient de saluer l'initiative prise par les pouvoirs publics français d'identifier les entreprises concernées 125 ( * ) afin de les conseiller et de les soutenir dans l'accès à des financements, y compris publics 126 ( * ) . Toutefois, ces initiatives n'ont pas pu compenser les handicaps structurels des fonds français en matière de capital-risque 127 ( * ) , dans l'attente de la mise en place effective du dispositif France Investissements 128 ( * ) .

L'exemple des entreprises innovantes illustre de la façon la plus aiguë en quoi la prise de contrôle d'une technologie par un centre de décision étranger constitue une perte de potentiel de développement pour un pays .

Mais ces problèmes concernent aussi les entreprises des secteurs plus traditionnels qui peuvent elles aussi être rachetées à des fins d'acquisition de leurs technologies 129 ( * ) ,, notamment dans le but de les voir être appliquées à des sites de production étrangers appartenant au groupe acquéreur.

* 122 L'article 52 de la convention européenne des brevets excluant la possibilité de breveter les logiciels, l'office européen des brevets accorde toutefois près de 30.000 brevets par an pour ce type d'innovation, qui n'ont en conséquence aucune valeur juridique, contrairement aux 40.000 brevets accordés pour des logiciels par l'office américain (l'USPTO). Cette différence pourrait prendre fin puisqu'un projet de directive communautaire sur la brevetabilité des inventions mises en oeuvre par ordinateur est en cours de discussion depuis 2004, même s'il bute sur les réticences du Parlement européen concernant la portée de la brevetabilité du logiciel.

* 123 Cf. infra .

* 124 Ces liens réels ayant parfois été exagérés, notamment s'agissant de Carlyle.

* 125 C'est-à-dire, les entreprises intervenant dans l'un des onze secteurs à protéger des investissements étrangers, selon le dispositif prévu par le décret publié le 31 décembre 2005.

* 126 Un fonds public dédié aux entreprises des secteurs stratégiques, la Financière de Brienne, doté de 20 millions d'euros par an a en effet été créé à cet effet.

* 127 Ce qui aboutit à une très faible consommation des moyens mis à disposition par les cinq fonds privés partenaires de l'Etat dans le cadre du comité de suivi des industries stratégiques.

* 128 Cf. infra .

* 129 Et non pour d'autres raisons telles que l'utilisation de leur capacité de production, leur part de marché, leur localisation géographique, leurs marques, etc.

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