2. Les pôles de compétitivité, facteurs de résistance du tissu économique

Les 66 pôles de compétitivité labellisés en juillet 2005 consistent en une mobilisation de différents acteurs d'un même bassin d'activité autour d'un ou plusieurs projets innovants 300 ( * ) .

Plus précisément, l'existence d'un pôle exige la réunion d'activités de production, de recherche (publique ou privée) et d'enseignement, toutes parties prenantes des projets développés à la fois au travers de leur contribution (financement, moyens humains, etc.) et de leur participation aux structures chargées d'assurer la gouvernance de chaque pôle.

Reposant sur une analyse tout à fait pertinente proposée par notre collègue député Christian Blanc dans un rapport rendu en 2004 301 ( * ) , les pôles ont d'abord été présentés comme des outils d'attractivité du territoire et de promotion de la R & D, clés de la compétitivité d'un pays comme la France.

Si la mission a pu constater sur le terrain que les effets attendus étaient souvent au rendez-vous 302 ( * ) , elle considère en outre que les pôles constituent une réponse adaptée à la problématique de la dépendance des territoires vis-à-vis des centres de décision économique.

a) Des territoires moins dépendants car susceptibles d'assurer la régénération de leur tissu économique

La logique des pôles de compétitivité consiste à s'assurer que les territoires sont en permanence à la pointe de l'innovation dans leur domaine d'excellence. Le but n'est pas simplement d'être attractifs pour les industriels qui s'intéressent à la première génération de projets actuellement à l'oeuvre ; il s'agit d'engager une dynamique garantissant que les pôles seront toujours compétitifs pour les générations d'innovations suivantes.

Conformément à la formule selon laquelle il est nécessaire que « tout change pour que rien ne change », l'objectif est de permettre à nos territoires d'être toujours gagnants dans le processus de « destruction créatrice » qui affecte tous les secteurs d'activités.

Dans ces conditions, la perte d'une activité devenue mature, par exemple à l'occasion de sa délocalisation vers un pays à bas coût, serait spontanément remplacée par l'implantation de nouvelles activités innovantes qui ont besoin de bénéficier d'un écosystème favorable au développement des produits dans les phases les plus avancées de leur conception et de leur production, avant que ces productions elles-mêmes ne soient relocalisées ailleurs, et ainsi de suite.

Disposant d'une telle capacité d'« autorégénération », nos bassins d'activité seraient alors beaucoup moins dépendants des choix qui pourraient être faits en leur défaveur par les centres de décision économique. On est moins affecté par une fermeture d'usine - ou même la fin d'un projet de recherche - lorsque l'on sait que l'on fait partie des quelques sites au monde capables d'attirer les investissements les plus modernes dans le même secteur d'activité . C'est à ce titre que l'on peut parler de nécessité de développer la résilience.

De ce point de vue, la formalisation de la capacité décisionnelle de chaque pôle à travers la constitution de structures ad hoc chargées d'en assurer la gouvernance est une excellente chose.

D'une part, elle donne une visibilité au pôle, qui dispose d'un nom propre (tel que Minalogic ou Delphi 303 ( * ) ) pouvant offrir des interlocuteurs uniques à ses partenaires extérieurs, notamment lorsqu'il est question de démarcher des équipes de recherche ou des industriels en vue d'une implantation ou d'engager une collaboration avec d'autres structures.

D'autre part, l'existence d'une structure assure le maintien en continu du processus d'échange d'informations entre les auteurs, qui est l'une des clés de la capacité d'anticipation et de réactivité de tous les réseaux.

Tout en notant que la gouvernance des pôles constitue un des aspects nécessitant encore le plus d'améliorations , notamment en termes de simplification des procédures et d'implication des différents acteurs 304 ( * ) la mission commune d'information estime que les territoires peuvent peser davantage dans les choix des centres de décision économique.

La mission tient toutefois à préciser que pour que cette logique joue pleinement, il est important d'assurer le renouvellement des projets de pôles de compétitivité par une anticipation des évolutions technologiques à venir, faute de quoi l'avance prise par un territoire ne sera pas maintenue et celui-ci connaîtra un risque de rétrogradation.

Un tel risque est clairement apparu aux membres de la mission lors de leur visite à Grenoble où, après le succès des projets de développement de semi-conducteurs menés sur les sites « Crolles 1 » et « Crolles 2 » par une alliance internationale de trois industriels 305 ( * ) , le pôle n'est pas en mesure de franchir une étape supplémentaire de progrès technologique 306 ( * ) , faute d'avoir bénéficié des investissements suffisants, comme ce fut en revanche le cas sur des sites concurrents 307 ( * ) .

* 300 A ce jour, les 66 pôles de compétitivité ont engagé plus de 272 projets de recherche qui représentent un montant de 2,3 milliards d'euros, dont 740 millions de financements publics.

* 301 Pour un écosystème de la croissance, rapport au Premier ministre rendu le 30 mars 2004.

* 302 Le rapporteur, par exemple, a ainsi rencontré les responsables d'un site de l'équipementier américain Delphi, qui ont indiqué que le développement de leur centre de recherche et de production dans l'agglomération de Strasbourg était directement lié à l'existence d'un pôle de compétitivité local, conduisant en particulier des projets de recherche en photonique.

* 303 Pôles visités dans le cadre de la mission.

* 304 Comme le fait apparaître l'étude du cabinet HPMG publiée en mars 2007 et intitulée « Pôles de compétitivité en France : prometteurs mais des défauts de jeunesse à corriger ».

* 305 Le franco-italien ST Microelectronics, l'américain Freescale et le néerlandais NXP.

* 306 Qui consiste en une poursuite de la course à la réduction de la taille des semi-conducteurs, aujourd'hui de l'ordre du nanomètre.

* 307 En particulier dans la région d'Albany, dans l'état de New York, où les autorités publiques ont programmé plusieurs centaines de millions de dollars d'investissement à cet effet.

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