b) Le service universel assuré

Depuis sa création législative en 1996, le service universel des télécommunications, qui vise à réduire les fractures territoriale et sociale qui résulteraient d'un fonctionnement pur de marché, a fait l'objet d'une attention constante du régulateur. Il a pris forme de manière effective, quoique plus ou moins rapidement selon ses diverses composantes et sa compensation financière, à travers le fonds de service universel, a fait l'objet de nombreux recours des opérateurs contributaires, recours aboutissant à un changement de méthode de calcul en 2003 45 ( * ) , tandis que le coût du service universel diminuait sensiblement 46 ( * ) .

Bien que la loi n° 2003-1365 du 31 décembre 2003 relative à France Télécom 47 ( * ) ait modifié le cadre légal du service universel, le périmètre de ce dernier est resté inchangé depuis dix ans. Le service universel recouvre toujours :

- un service téléphonique fixe de qualité à un prix abordable et identique partout sur le territoire (obligation de péréquation géographique, expression de la solidarité nationale) ;

- un service de renseignements et un annuaire d'abonnés sous formes imprimée et électronique ;

- l'accès à des cabines téléphoniques installées sur le domaine public ;

- des mesures en faveur des utilisateurs à faibles revenus ou bien handicapés, de façon à leur garantir un accès aux trois précédents services équivalent à l'accès dont bénéficient les autres utilisateurs.

Votre rapporteur observe que l'ambition du service universel qui animait le législateur en 1996 et qui mérite d'être réaffirmée apparaît globalement satisfaite.

Le premier aspect du service universel, à savoir la fourniture d'un service fixe abordable , a été garanti par le régulateur. Si l'exigence légale d'assurer le caractère abordable des prix a d'abord conduit à maintenir un contrôle de l'Etat sur les tarifs du service universel, ce contrôle tarifaire a ensuite été confié à l'Autorité par la loi n° 2004-669 du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle 48 ( * ) .

L'ARCEP, par sa décision n° 06-0725 du 25 juillet 2006, a ensuite choisi de substituer une mesure d'encadrement pluriannuel d'un panier de tarif de communications électroniques à la procédure de contrôle individuel préalable des tarifs du service universel qu'elle utilisait jusque là : comme la loi l'y autorise, l'Autorité a décidé de ne plus contrôler un à un les tarifs du service universel mais d'encadrer l'évolution sur quatre ans du prix d'un panier représentatif des appels d'un abonné au service universel. Cette décision garantit au client final de l'offre de service universel de bénéficier de baisses régulières de ses tarifs de communications et notamment de bénéficier d'une répercussion intégrale des baisses de terminaison d'appel mobile imposées par ailleurs par l'Autorité (ce prix de « terminaison d'appel », que facturent les opérateurs mobiles aux autres opérateurs pour terminer un appel destiné à un mobile, fait effectivement l'objet d'un abaissement progressif décidé par l'ARCEP) : le prix moyen annuel de chaque panier évoluera chaque année, sur la période 2005-2008, au plus au rythme de l'indice des prix à la consommation (hors tabac) diminué de 3 % et diminué des baisses de charges de terminaison d'appel mobile imposées par l'Autorité. Le changement de méthode laisse aussi une plus grande souplesse d'adaptation pour l'opérateur.

L'Autorité a par ailleurs constaté que compte tenu des baisses de tarifs effectuées début 2005 et 2006, France Télécom avait d'ores et déjà respecté ses engagements au titre de ces deux années. Ainsi, le prix du panier de communications, sur le territoire métropolitain, a continué à baisser sur les deux dernières années  de 15 % : en 2006, le prix moyen d'une minute de communication pour un appel interurbain était de 6,8 centimes d'EUR par minute, pour un abonné au tarif de base de France Télécom, soit plus de deux fois moins qu'en 1997.

En matière de publiphonie , la couverture du territoire en cabines téléphoniques est assurée correctement : le nombre de publiphones a certes reculé de 25 % entre 1998 et 2005, passant d'environ 240.000 à 180.000, mais ce recul est moins accusé que celui des usages de cabines publiques. En effet, le volume de communications a été divisé par cinq sur la même période, en raison de la substitution croissante du mobile au fixe. Si France Télécom supprime les cabines qui n'ont pas un trafic suffisant pour justifier leur maintien, elle le fait après information préalable du maire. En outre, France Télécom assure la présence d'au moins une cabine par commune et d'au moins deux au delà de 1.000 habitants. Enfin, aucune cabine n'est démantelée dans une zone non encore couverte par la téléphonie mobile. Aujourd'hui, les besoins qui s'expriment dans les zones peu densément peuplées visent d'ailleurs plutôt la couverture en téléphonie mobile qu'en cabines téléphoniques fixes.

La mise en oeuvre des tarifs « sociaux » voulus par le législateur a en revanche été tardive, ce qui est regrettable mais ne peut être imputé au régulateur : en effet, ce n'est qu'en mars 1999 que fut pris le décret prévoyant la prise en charge des dettes téléphoniques 49 ( * ) . Le dispositif a été revu depuis par la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 qui a étendu le champ d'intervention des fonds de solidarité pour le logement à la prise en charge des dettes d'eau, d'électricité et de téléphone. Cette même loi a transféré la gestion de ce fonds aux départements à compter du 1er janvier 2005 : le dispositif de prise en charge des dettes téléphoniques ne fait donc plus l'objet d'une compensation au titre du service universel.

La réduction tarifaire sociale, pour sa part, ne fut effective qu'à compter du 1 er juillet 2000, soit quatre ans après la publication de la loi ! Elle concerne potentiellement une population de deux millions et demi d'attributaires, à savoir les bénéficiaires du RMI, de l'allocation adulte handicapé, de l'allocation de solidarité spécifique, et de l'allocation aux invalides de guerre. En pratique cependant, seules 700.000 personnes font usage de leur droit, notamment parce qu'un grand nombre de bénéficiaires potentiels recourent plutôt à la téléphonie mobile, et au système de cartes prépayées, qui permet un contrôle strict de la consommation, ou encore vivent dans des établissements collectifs, sans être titulaires d'une ligne de téléphone fixe 50 ( * ) .

Enfin, en ce qui concerne l'annuaire universel et le service universel de renseignements , leur concrétisation s'apparente à un parcours du combattant. Le décret devant les organiser a mis presque neuf ans à sortir ! L'avancement du projet a été desservi à la fois par l'inertie du Gouvernement et par le manque d'empressement de France Télécom à communiquer ses fichiers d'abonnés...

En quoi consiste le projet d'annuaire universel ? L'annuaire papier pages blanches, distribué gratuitement, contenait jusqu'alors de façon quasi exclusive les coordonnées des abonnés au téléphone fixe de France Télécom. Il n'existait pas d'équivalent pour les dizaines de millions d'abonnés mobiles ou pour les abonnés des opérateurs alternatifs fixes (numéros non géographiques de type 087X permettant d'accéder à un abonné à une offre de téléphonie sur IP, câble, ADSL, etc.). De même, la plupart des services de renseignements ne couvraient qu'une partie des abonnés et utilisateurs de téléphonie.

Ce sont ces lacunes que comble la mise en place par les opérateurs des listes dites d'annuaire universel, qui répertorient tous les numéros de téléphonie (fixes, mobiles, professionnels, services etc.) de chaque opérateur sous réserve d'accord des abonnés et utilisateurs concernés. La mise en oeuvre de ces listes d'annuaire universel est effective depuis la parution, tant attendue, du décret n° 2005-606 du 27 mai 2005.

Désormais, les services d'annuaire sont ouverts à la concurrence, chaque opérateur met sa liste d'annuaire universel à la disposition des éditeurs d'annuaires et des fournisseurs de services de renseignements et ceux-ci élaborent à partir de ces listes des annuaires imprimés (sur papier ou support électronique) ou des annuaires en ligne (Minitel ou Internet).

On peut donc dire que l'annuaire universel est la liste de tous les abonnés au téléphone fixe et/ou mobile qui ont souhaité y apparaître. Cette liste globale est constituée par le cumul des listes d'abonnés fournies par chaque opérateur (fixe ou mobile). L'accès à cette liste est proposé par chaque fournisseur de services de renseignements 118 ou encore par chaque éditeur d'annuaires universels.

Ce projet, sur lequel le législateur comptait pour permettre à tous d'accéder à un service téléphonique universel, reste laborieux et largement théorique. Le régulateur se préoccupe du retard constaté dans la mise en place de l'annuaire universel et du caractère très incomplet de certaines de ses composantes. Dans cette optique, il a créé, à l'automne 2005, un tableau de bord de l'annuaire universel afin de s'assurer que les opérateurs se sont bien acquittés de leurs obligations : informer chaque abonné de ses droits et le mettre en mesure de les exercer en recueillant sa décision de parution et ses données personnelles, communiquer les données de chaque abonné -sauf s'il s'y oppose- à tous les éditeurs d'annuaires et à tous les fournisseurs de services de renseignements qui leur en font la demande 51 ( * ) .

Ce tableau de bord fait apparaître que la plupart des MVNO et certains fournisseurs de services de voix sur IP ou sur internet n'ont toujours pas communiqué effectivement de listes d'abonnés aux éditeurs, même si certains progrès sont perceptibles dernièrement. Si certains d'entre eux déclarent être en cours de négociation de contrat d'une offre de cession de liste, d'autres ne semblent pas avoir engagé de telles négociations.

Concernant le taux d'inscription au sein des listes, la proportion d'abonnés inscrits sur les listes des opérateurs de téléphonie mobile n'atteint que 2,5 % en avril 2007 . Par comparaison, le pourcentage de numéros inscrits sur les listes d'abonnés à la téléphonie fixe sur le périmètre des opérateurs considérés se situe au-delà de 70 % dans un contexte réglementaire au demeurant différent. L'horizon de l'annuaire universel risque donc de rester fuyant...

Il reste que, globalement, le service universel n'est plus un sujet en tant que tel. L'éventuelle révision de son périmètre, notamment sa possible extension au mobile et à l'internet haut débit, est une question légitime mais qui ne relève pas directement du régulateur, lequel peut estimer avoir rempli, en ce domaine, la mission que la loi lui confie à ce jour 52 ( * ) . Votre commission rappelle simplement qu'elle a déjà exprimé sa volonté d'enrichir à moyen terme le service universel, en y incluant l'accès à une prestation mobile de base et à l'Internet haut débit 53 ( * ) .

* 45 Décret n° 2003-338 du 10 avril 2003.

* 46 32 millions d'euros en 2005, contre 125 millions en 2002 et 765 millions en 1997.

* 47 Qui a intégré les modifications réglementaires liées à la transposition de la directive 2002/22/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et des services de communication électroniques publiée au Journal officiel des Communautés Européennes du 24 avril 2002.

* 48 Son article 13 a trouvé application avec le décret n° 2005-75 du 31 janvier 2005 relatif au contrôle des tarifs du service universel des communications électroniques.

* 49 Des personnes en difficulté qui en font la demande, pour les communications nationales ainsi que, à compter du décret n° 2003-338 du 10 avril 2003, les communications vers les mobiles.

* 50 Dans son rapport de 2005 sur la mise en oeuvre du service universel et l'évolution des besoins de la société française en matière de communications électroniques, le Gouvernement envisageait d'étendre la « réduction sociale téléphonique » aux titulaires du minimum vieillesse, ce qui élargirait la population bénéficiaire de 650 000 personnes, en touchant un public plus couramment utilisateur de la téléphonie fixe. Le contrecoup d'une telle extension serait un doublement du coût de la « réduction sociale téléphonique », actuellement de l'ordre de 35 millions d'euros, ce qui conduirait à une augmentation très conséquente, d'au moins 50 %, de la charge nette du service universel. En outre, d'un point de vue pratique, une telle mesure serait complexe à mettre en oeuvre, puisqu'une vingtaine d'organismes différents de retraite gèrent cette catégorie d'ayants droit.

* 51 Dans le cas particulier des abonnés de téléphonie mobile, le consentement explicite de chaque abonné est requis comme préalable à la communication de ses données.

* 52 La « Contribution Française pour une Europe numérique », mémorandum présenté au Conseil des ministres européens sur les télécommunications du 8 juin 2006, dans le cadre de la stratégie « i-2010 », envisage d'étendre le service universel au haut débit et à la téléphonie mobile, enrichissement déjà proposé par votre commission des affaires économiques.

* 53 Pages 117 sq. du rapport du Sénat n°273 (2001-2002) « Télécommunications : la réforme cinq ans après », de M. Pierre Hérisson, déjà cité.

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