d) La couverture du territoire en communications électroniques

Le souci de l'aménagement du territoire s'est traduit dans la loi de 1996 par l'obligation de maintenir, dans un contexte d'ouverture à la concurrence, la péréquation géographique des tarifs du téléphone fixe. Il transparaît aussi dans la liste des missions confiées au régulateur, chargé de veiller à la couverture du territoire en communications électroniques. L'accès aux communications électroniques devient, avec le développement de leur usage, un élément toujours plus décisif de la compétitivité des territoires. Or le cadre concurrentiel tend à accroître encore les inégalités territoriales, dans la mesure où, d'une part, les nouveaux entrants sont d'abord présents sur les zones les plus densément peuplées qui sont les plus rentables et, d'autre part, la pression de la concurrence rogne les marges de l'opérateur historique et son ardeur à déployer des investissements de couverture territoriale.

De ce point de vue, la mission confiée au régulateur est en bonne voie, même si le processus a été long et laborieux et qu'il a fallu la mobilisation de tous les acteurs au premier rang desquels les collectivités territoriales.

En matière de téléphonie mobile , la couverture du territoire français par les réseaux de deuxième génération (GSM) est en voie d'achèvement, même si elle représente une gageure spécifique pour notre pays, dont les caractéristiques géographiques et démographiques compliquent la donne, comme le prouve le tableau suivant, issu de l'étude de l'IDATE sur la téléphonie mobile, déjà citée.

PART DES POPULATIONS HABITANT DANS DES ZONES À DOMINANTE URBAINE, INTERMÉDIAIRE OU RURALE

Le régulateur y a contribué en partie, dans la mesure où il fut le pivot du processus qui doit conduire à la résorption des dernières « zones blanches » -définies comme les zones incluant des centres-bourgs ou des axes de transport prioritaires identifiées par les collectivités territoriales comme n'étant couvertes par aucun opérateur-.

Sans entrer dans les détails, votre commission rappellera seulement le rôle d'aiguillon qui fut le sien : la proposition de loi judicieuse de notre collègue Bruno Sido, adoptée par le Sénat le 24 octobre 2002 et devenue ensuite l'article 52 de la loi pour la confiance dans l'économie numérique, n'est sans doute pas étrangère à l'accord financier intervenu entre les trois opérateurs en septembre 2002 59 ( * ) , ce qui a permis d'organiser la couverture en téléphonie mobile autour du principe d'itinérance locale . Ce principe oblige chaque opérateur à accueillir, sur la portion de réseau qu'il construit, non seulement ses clients mais aussi ceux de ses concurrents, ce qui permet de réduire les investissements nécessaires à la couverture des zones blanches. Dans les zones où les trois opérateurs en conviennent, un partage des pylônes leur permet d'installer chacun leurs équipements propres (partage d'infrastructure, par défaut).

L'Autorité de régulation a joué son rôle de chef d'orchestre en cosignant avec l'Etat, l'Association des départements de France (ADF) et l'Association des maires de France (AMF), une convention nationale le 15 juillet 2003 pour la mise en oeuvre du plan d'extension de la couverture territoriale selon un déploiement en deux phases . La première, qui concernait la couverture de 1.250 sites dans 1.638 communes, a été réalisée sur le fondement de l'accord financier survenu entre les opérateurs et de la contribution de l'Etat à hauteur de 44 millions d'euros 60 ( * ) , les collectivités territoriales étant appelées à fournir un effort du même ordre.

Aux termes d'un accord du 13 juillet 2004, la seconde phase du plan, concernant 934 sites, a été prise en charge intégralement par les opérateurs, à hauteur de 72 millions d'euros ; en contrepartie, à l'occasion du renouvellement de leur licence GSM, l'Etat a limité le montant de la redevance de ces opérateurs pour occupation du spectre hertzien 61 ( * ) .

Malgré ses lenteurs, deux ans pouvant êtres nécessaires pour régler les modalités techniques, institutionnelles et financières du dispositif local, obtenir les éventuels permis, lancer les appels d'offre et enfin équiper les sites, ce plan d'extension progresse. Au 31 décembre 2006, plus de la moitié du programme a effectivement été réalisée avec 1.071 sites déployés couvrant 1.683 communes, dont près des deux tiers sur la seule année 2006.

Enfin, une dernière étape de la couverture mobile vient d'être lancée le 27 février 2007 : le ministre délégué à l'Aménagement du Territoire a signé un accord national pour la couverture GSM des axes de transport prioritaires avec l'ARCEP, l'ADF, l'AMF, Bouygues Telecom, Orange France, SFR, la SNCF et RFF. Les opérateurs devront achever la couverture des autoroutes, des routes sur lesquelles le trafic est supérieur à 5.000 véhicules par jour en moyenne, ainsi que des axes reliant au sein de chaque département la préfecture aux sous-préfectures, d'ici fin 2008 (50 % du déploiement) et fin 2009 (100%). Pour cela, chaque opérateur devra déployer à ses frais entre 200 et 400 nouveaux sites, ce qui pourrait représenter un coût de 30 à 50 millions d'euros par opérateur. L'ARCEP joue là encore un rôle de garant du bon fonctionnement du processus puisqu'elle est chargée d'évaluer le respect de ces obligations de résultat.

La problématique de la couverture territoriale parvient à peine à trouver sa solution pour la téléphonie mobile de deuxième génération (GSM) qu'elle se profile déjà pour la téléphonie mobile de troisième génération, l'UMTS. Les opérateurs n'ont pas respecté le calendrier prévu pour le déploiement du réseau UMTS , en raison du manque d'appétence des clients pour ces services jusqu'à présent. Leurs engagements de couverture territoriale ont ainsi été revus à la baisse. Ainsi SFR couvrira 70 % de la population fin 2007 en 3G, ce qui ne représentera qu'une couverture de 30 % du territoire. Orange, pour sa part, affiche un taux de couverture de seulement 60 % de la population en 3G, ses engagements en matière de couverture géographique étant légèrement inférieurs à ceux pris par SFR. Le cas de Bouygues Telecom est à part du fait de son entrée décalée sur le marché de la téléphonie mobile de troisième génération.

Couverture territoriale SFR en 3G

Couverture territoriale ORANGE en 3G

Historique des engagements de couverture 3G des opérateurs mobiles

1. Orange France et SFR

En Août 2001, Orange France (OF) et SFR sont autorisés à faire de la 3G. Ils ont pris les engagements suivants :

- mars 2002 : ouverture commerciale de SFR

- juin 2002 : ouverture commerciale d'OF

- août 2003 : couverture de 58 % de la population pour OF et 75 % pour SFR

- août 2006 : couverture de 94 % de la population pour OF et 98,9 % pour SFR

- août 2009 : couverture de 98 % de la population pour OF et 99,3 % pour SFR

En mars 2004, l'ARCEP prend acte que les deux opérateurs n'ont pas respecté leurs obligations et publie leurs nouveaux engagements : les deux opérateurs doivent ouvrir commercialement avant fin 2004 et couvrir 58 % de la population fin 2005.

En juin 2006, l'ARCEP constate que les opérateurs ont respecté l'échéance de 58 % de la population à fin 2005. Les opérateurs s'engagent sur une nouvelle échéance de 70 %, à fin 2007 pour SFR et fin 2008 pour Orange France.

Une vérification de la mise en oeuvre de ces engagements sera effectuée par l'Autorité à ces dates pour chacun des deux opérateurs.

2. Bouygues Telecom

En décembre 2002, Bouygues Telecom est autorisé à faire de la 3G. Il a pris les engagements suivants :

- décembre 2004 : ouverture commerciale et couverture de 20 % de la population

- décembre 2007 : couverture de 60 %

- décembre 2010 : couverture de 75 %

En mai 2005, l'ARCEP prend acte que l'opérateur n'a pas respecté ses obligations et publie ses nouveaux engagements : l'opérateur doit ouvrir commercialement, avec une couverture de 20 % de la population, avant le 30 avril 2007.

La vérification de la mise en oeuvre de cet engagement est en cours d'instruction par l'Autorité, qui communiquera sur le sujet dans les prochaines semaines.

Source : ARCEP

Concernant l'accès à l'internet haut débit , la part des foyers français raccordés au haut débit, 41 %, situe la France parmi les pays européens les plus performants sur ce point. Ceci permet une couverture de 98 % de la population.

L'effort d'équipement déployé par l'opérateur historique y a contribué, avant d'être complété par celui des collectivités territoriales, qui sera évoqué plus loin : l'opérateur historique a mis à niveau la totalité des répartiteurs, de manière à rendre possible la distribution de l'Internet par ADSL sur la ligne téléphonique. Ceci permet une couverture de 98 % de la population. Sur le fondement de ces équipements techniques, près de 12,85 millions d'abonnements à l'Internet par ADSL sont en service au 31 mars 2007. Parmi eux, 1,75 millions sont fournis par un autre prestataire que France Télécom, mais en s'appuyant sur son réseau, grâce au dégroupage partiel ; 2,5 millions fonctionnent en dégroupage total, l'opérateur alternatif prenant alors en charge la ligne jusqu'à l'abonné 62 ( * ) .

Or ces résultats satisfaisants doivent, au moins en partie, être mis au crédit de l'ARCEP, dont les décisions en matière de dégroupage ont été structurantes, comme cela a déjà été souligné plus haut. La mobilisation des opérateurs et des collectivités locales a évidemment joué un rôle tout aussi décisif.

Mais l'enjeu désormais en matière de couverture du territoire concernera aussi bien la diffusion de la 3G pour les mobiles que l'accès au très haut débit dans le futur.

COUVERTURE EN HAUT DÉBIT PAR DSL PAR FRANCE TÉLÉCOM ET LES OPÉRATEURS DE DÉGROUPAGE AU 31 MARS 2007

Source : ARCEP

Il reste toutefois 2 % des Français trop éloignés d'un répartiteur (plus de cinq kilomètres) pour pouvoir accéder à Internet par ADSL . En outre, 6 à 8 % des foyers n'auront sans doute pas d'accès ADSL à un débit supérieur à 2 mégabits, débit qui pourrait devenir d'ici quelques années une exigence minimale pour parler de « haut débit ».

Des technologies alternatives sont envisageables pour permettre le raccordement de tous à l'internet haut débit. Les technologies filaires (fibre optique, courants porteurs en ligne-CPL), souvent longues et coûteuses à déployer, peuvent être relayées par l'hertzien (Wifi, Wimax 63 ( * ) ...) ou le satellitaire.

Les outils juridiques d'une plus grande implication des acteurs locaux existent : en effet, l'article L. 1425-1 du code général des collectivités territoriales, créé par la loi pour la confiance dans l'économie numérique, permet aux collectivités territoriales d'être opérateurs de communications électroniques. Dans ce cadre, plus de 40 projets de raccordement à haut débit des collectivités territoriales ont été lancés 64 ( * ) , représentant un investissement global d'environ 1 milliard d'euros, dont les deux tiers sont financés sur fonds publics 65 ( * ) .

L'Etat lui-même a décidé, lors du comité interministériel pour la société de l'information (CISI) du 11 juillet 2006, de soutenir -entre 50 et 80 % 66 ( * ) - l'effort d'équipement des zones rurales pour se raccorder au haut débit, prioritairement dans le cadre de la dotation globale d'équipement. L'objectif est d'atteindre un taux de couverture en haut débit de 99 % de la population fin 2007, avec un minimum de 90 % par département .

Cet objectif d'aménagement du territoire mobilise aussi l'Autorité de régulation , qui a intégré cette dimension à sa mission d'animatrice du marché : ainsi, pour l'attribution d'autorisations d'utilisation de fréquences de Boucle locale radio (BLR), l'ARCEP a choisi d'inviter les collectivités territoriales à participer au « concours de beauté » présidant à cette attribution. Plusieurs d'entre elles - six conseils régionaux 67 ( * ) - se sont ainsi vues attribuer une licence Wimax en juillet 2006 . En tout état de cause, les candidatures retenues par l'ARCEP l'ont été tout particulièrement en fonction des engagements souscrits s'agissant du déploiement territorial des services à haut débit. Ces engagements, repris comme obligations dans les autorisations accordées, visent 3.500 sites, concernant 1641 communes dépourvues de toute couverture à haut débit au 30 juin 2006. L'ARCEP procèdera à une vérification du respect de ces engagements en juin 2008 puis en juin 2010.

L'Autorité prouve là encore sa vigilance à l'égard de l'objectif d'aménagement du territoire qui lui a été assigné au même titre que l'instauration de la concurrence .

Globalement, l'Autorité a donc assumé l'ensemble des missions que lui a confiées le législateur, malgré la difficulté que représente la conciliation entre concurrence, service public et couverture géographique ou entre les intérêts du consommateur d'aujourd'hui (des prix bas) et ceux du consommateur de demain (une innovation soutenue qui lui procurera de nouveaux avantages).

* 59 Chacun d'eux s'engageant à investir 50 millions d'euros dans la couverture des zones blanches.

* 60 L'éligibilité au fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) des investissements des collectivités territoriales en infrastructures passives a représenté une aide complémentaire de l'Etat d'environ 20 millions d'euros.

* 61 Droit fixe annuel de 25 millions d'euros et part variable du chiffre d'affaires fixée à 1 %.

* 62 Il faut aussi mentionner les près de 700.000 raccordements au haut débit par le câble, ce qui porte à un total de 13,5 millions le nombre de raccordements à haut débit.

* 63 Le WiMAX, abréviation pour Worldwide Interoperability for Microwave Access, est un standard de technologie hertzienne de transmission de données à haut débit. La portée théorique de ce réseau qui permet une connexion sans fil entre une station de base et des milliers d'abonnés est d'une dizaine de kilomètres mais peut néanmoins être réduite, sur le terrain, par le relief ou tout autre obstacle à la propagation des ondes.

* 64 35 projets sont aussi à l'étude.

* 65 Prêts de la Caisse des dépôts et consignations, Fonds structurels européens...

* 66 80 % pour les communes les plus petites.

* 67 Alsace, Aquitaine, Bourgogne, Bretagne, Corse, Poitou-Charentes.

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