C. MIEUX CONTRÔLER L'ARCEP

L'ARCEP est un instrument du pouvoir exécutif, même si elle n'appartient pas directement à l'administration gouvernementale. Le contrôle de l'ARCEP relève donc des pouvoirs judiciaire et législatif et son amélioration doit s'envisager dans ces deux directions.

1. Juridiquement : renforcer l'expertise des instances d'appel des décisions de l'ARCEP

Il a été souligné, dans la première partie, la très grande fiabilité juridique de l'Autorité, attestée par la faiblesse du nombre de recours auxquels ont donné lieu ses décisions.

Pourtant, ce constat flatteur pourrait masquer un manque de confiance des opérateurs envers les juridictions d'appel. Si nombre de ces décisions ne font pas l'objet de recours ou si la plupart de ces recours sont rejetés, ce n'est peut-être pas seulement en raison de la qualité juridique des décisions de l'ARCEP, mais sans doute aussi du fait de la nature du contrôle que les instances d'appel sont en mesure d'exercer sur les décisions de l'ARCEP. Interjeter appel traduit en effet l'espoir d'une révision de la décision prise par le premier degré de juridiction ; cet espoir est-il si ténu que les opérateurs seraient désincités à faire appel des décisions du régulateur ?

Il apparaît effectivement que la technicité des décisions du régulateur des communications électroniques est difficile à appréhender par les organes d'appel, qu'il s'agisse du Conseil d'Etat ou de la Cour d'appel.

Le Conseil d'Etat a d'ailleurs été conduit à renouer avec des méthodes d'instruction appropriées à la matière mais depuis longtemps tombées en désuétude : ainsi, lorsqu'il s'estime insuffisamment informé, il ordonne une expertise (comme dans le cas de l'appel sur les principes de tarification de l'accès à la boucle locale 86 ( * ) ) ou une enquête, au cours de laquelle les parties sont invitées à s'exprimer oralement, alors que la procédure devant le Conseil d'Etat est traditionnellement écrite (ce fut le cas pour la décision relative aux services de renseignements succédant au « 12 » 87 ( * ) ).

Malgré son souci d'adaptation aux exigences de la matière particulièrement évolutive des communications électroniques, le Conseil d'Etat ne dispose pas de tous les moyens nécessaires pour exercer pleinement sa mission de chambre d'appel des décisions de l'ARCEP. Il l'a reconnu lui-même par la voix de M. Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d'Etat, lors du dixième anniversaire de l'ARCEP: « Traditionnellement, le Conseil d'Etat n'exerce sur les questions de tarification et de coût qu'un contrôle restreint, limité à la seule erreur manifeste d'appréciation ». Si bien que certains considèrent que, dans les faits, il n'existe pas de réelle instance d'appel des décisions du régulateur, sauf erreur manifeste d'appréciation.

Il conviendrait donc d'envisager les moyens susceptibles de renforcer l'expertise des instances d'appel : adaptations procédurales, possibilité pour les chambres d'appel de consulter pour avis le Conseil de la concurrence, création de chambres spécialisées en matière de communications électroniques au sein de la Cour d'appel de Paris ou du conseil d'Etat...

Votre commission considère que toutes ces options méritent d'être étudiées afin que la possibilité offerte aux opérateurs de faire appel des décisions du régulateur ne soit pas factice et que l'ARCEP soit mieux contrôlée par le juge .

* 86 Arrêt « France Télécom » du 23 avril 2003.

* 87 Décision de section « Société Scoot France » du 25 juin 2004.

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