c) La taille du dividende : un objectif politique plus qu'un constat technique

La mesure de la taille du dividende numérique, mesure que votre rapporteur appelait déjà de ses voeux lors des débats sur le projet de loi relatif à la modernisation audiovisuelle et à la télévision du futur, soulève inévitablement des questions. Le comité stratégique pour le numérique, présidé par M. Jean-Michel Hubert, est chargé de cette délicate estimation.

Une base de discussion est fournie par les conclusions de la conférence régionale des radiocommunications de Genève en juin 2006 (CRR 06). Sans revenir sur l'historique de cette conférence que votre rapporteur a eu l'occasion de retracer lors de l'examen de la loi sur la télévision du futur 101 ( * ) , on rappellera simplement qu'à l'issue de la conférence de Genève, la France a obtenu le droit d'exploiter, après l'extinction de l'analogique, 8 couches complètes (la huitième ne couvrant toutefois que 80 % du territoire en raison des difficultés de brouillage aux frontières) dans la bande UHF 102 ( * ) .

Les uns font valoir que le dividende varie dans l'espace , certains, notamment la Direction des médias entendue par votre rapporteur, allant jusqu'à anticiper un dividende nul aux frontières en raison des risques de brouillage entre fréquences de pays voisins. D'autres insistent sur la variabilité du dividende dans le temps , notamment en raison des progrès des normes de codage et de modulation (la norme DVBT-2 devant supplanter la norme DVB-T aujourd'hui utilisée pour la diffusion numérique de la télévision) et de compression (la norme MPEG4, adoptée pour les services payants de la TNT, consommant moitié moins de spectre que la MPEG 2, adoptée aujourd'hui pour la diffusion des chaînes gratuites de la TNT 103 ( * ) ) ou encore en raison du mode de planification des fréquences (en isofréquence 104 ( * ) ou « SFN »).

D'autres encore, tel M. Michel Combes, président de TDF, relèvent qu'il est aujourd'hui déjà possible de faire cohabiter en « simulcast » sur les bandes audiovisuelles plus d'une dizaine de réseaux analogiques et numériques pouvant avoir une couverture nationale. TDF fait en outre observer que la diffusion analogique demande une protection très supérieure à la diffusion numérique en raison de brouillages plus importants sur les bandes adjacentes à celles de diffusion analogique. Son président en conclut que l'exercice théorique d'identification de couche aux frontières mené à Genève ne permet pas d'anticiper le nombre de réseaux qu'une optimisation du spectre permettrait d'exploiter après l'extinction de l'analogique. S'appuyant sur des techniques d'optimisation de la planification afin de dégager des capacités additionnelles entre les couches identifiées, TDF envisage ainsi que quatorze à vingt multiplexes numériques puissent être exploités après 2011.

Il est manifeste que les études menées pour évaluer le dividende numérique doivent encore être approfondies. Dans cette attente, il est instructif d'observer les conclusions de pays ayant déjà mené cette étude : le Royaume-Uni et la Suède estiment à 112 MHz le dividende numérique, le Japon à 118 MHz, les Etats-Unis à 108MHz 105 ( * ) . Comme déjà indiqué plus haut, la France a entamé son potentiel hertzien de sorte que les valeurs obtenues pour le dividende à l'étranger constituent bien des limites hautes pour elle. Mais, à l'inverse, il est parfaitement excessif de prétendre que le dividende serait nul en France. Il ne serait donc pas étonnant que notre pays parvienne à dégager un dividende d'un ordre de grandeur comparable.

Le « dividende numérique » n'est pas seulement le résultat d'une cueillette, c'est-à-dire de la substitution de la diffusion numérique à la diffusion analogique mais c'est le fruit des décisions volontaristes que l'Etat, notamment, doit prendre sans délai, puisque la loi prévoit de commencer l'extinction de l'analogique dès mars 2008. En ce sens, le dividende doit être construit par des choix techniques dont la portée est politique . Ainsi, l'amélioration des caractéristiques techniques du signal (codage, compression, modulation) pour que les services de radiodiffusion consomment moins de ressources hertziennes à qualité inchangée, de même qu'un mode de planification approprié contribueront à maximiser le dividende.

Dans la mesure où le dividende est essentiellement construit plutôt que constaté, votre commission considère que la taille du dividende doit être un objectif politique. Puisque l'objectif d'un dividende de 100 MHz paraît réaliste, comme l'a confirmé à votre rapporteur M. Jean-Michel Hubert, président délégué du Comité stratégique pour le numérique, il serait utile, pour la mobilisation des acteurs concernés, que le Gouvernement l'affiche publiquement.

* 101 Pour plus de détails, voir l'avis n°70 (2006-2007) de la commission des affaires économiques sur le projet de loi relatif à la modernisation audiovisuelle et à la télévision du futur.

* 102 En outre, la France pourra exploiter un multiplexe national de télévision et deux multiplexes nationaux de radio numérique en bande VHF.

* 103 En vertu d'un arrêté du 26 mai 2005.

* 104 Notamment, la planification « isofréquence » dite « SFN », qui repose sur l'utilisation de la même fréquence par les émetteurs diffusant un même programme.

* 105 Source : OCDE, « Le dividende numérique : questions liées à la gestion du spectre des fréquences », janvier 200,7 DSTI/ICCP/TISP (2006)2/FINAL.

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