C. UNE SOURCE DE FINANCEMENT POSSIBLE POUR LA PROTECTION SOCIALE ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports, a évoqué le 30 août 2007, à l'occasion d'un séminaire gouvernemental consacré au lien santé-environnement, la possibilité d'affecter une part de la fiscalité écologique au financement de l'assurance maladie.

A l'approche de débats importants sur l'évolution des ressources de la protection sociale et le financement de la santé, annoncés par le Président de la République, cette proposition conduit à aborder deux questions : d'une part, sur quel fondement devrait-on affecter une partie de la fiscalité écologique au financement de l'assurance maladie ? D'autre part, quelle stratégie globale de financement de l'assurance maladie et, plus largement, de notre système de protection sociale, veut-on mettre en place ?

1. Ne pas suivre une logique d'affectation en fonction de la dépense

a) Le lien entre santé et environnement, principale justification avancée

Les principales justifications apportées à l'idée d'affecter une partie des recettes tirées de la fiscalité écologique au financement de l'assurance maladie tiennent au lien entre santé et environnement.

La dégradation de l'environnement, et tout particulièrement la pollution, serait ainsi responsable d'un accroissement de certaines maladies, et donc de charges supplémentaires pour l'assurance maladie. Selon certaines estimations transmises à votre rapporteur général par le ministère de la santé, de la jeunesse et des sports, les coûts supportés par l'assurance maladie résultant de la pollution seraient compris entre 300 millions d'euros et 1,3 milliard d'euros au titre de deux pathologies (cancer et maladies respiratoires). Ces évaluations de coûts mériteraient toutefois d'être affinées.

Le lien établi entre dégradation de l'environnement et état de santé de la population

Les données communiquées à votre rapporteur général par le ministère de la santé, de la jeunesse et des sports font ressortir les quelques points suivants :

- près de 30.000 décès anticipés par an seraient liés à la pollution atmosphérique ;

- la dégradation de l'environnement expliquerait le doublement de la prévalence des maladies allergiques respiratoires enregistré depuis 20 ans ;

- 14 % des couples connaissent des difficultés pour concevoir des enfants, ce qui serait lié à une surexposition à des substances toxiques pour la reproduction ;

- 44% des pathologies liées à l'asthme seraient imputables à la pollution écologique ;

- entre 7 % et 20 % des cancers seraient imputables à des facteurs environnementaux.

En outre, une étude publiée en 2002 par l'Institut de veille sanitaire (InVS), portant sur 9 villes françaises et reliant les indicateurs de pollution atmosphérique et des indicateurs de santé, aboutit à la conclusion que, sur une population de 11 millions d'habitants, la pollution atmosphérique serait responsable de 2.800 décès anticipés et de plus de 700 hospitalisations.

Source : données transmises par le ministère de la santé, de la jeunesse et des sports

b) Des recettes à affecter à l'Etat ou à l'assurance maladie ?

L'analyse qui précède, en mettant l'accent sur les coûts supportés par l'assurance maladie, tend à négliger les dépenses engagées par l'Etat en matière de santé-environnement. On peut, en effet, observer que les missions « Santé », « Ecologie, développement et aménagement durables » et « Sécurité sanitaire » comportent des crédits destinés à financer certaines actions menées dans le cadre du plan santé-environnement ou des agences intervenant dans ce domaine, comme l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement du travail (AFSSET) ou l'Institut de veille sanitaire (InVS).

Selon la justification au premier euro figurant dans le projet annuel de performances pour 2008, le programme « Veille et sécurité sanitaires » de la mission « Sécurité sanitaire » comprend ainsi 4,35 millions d'euros en faveur du plan santé-environnement, auxquels il faut ajouter des subventions spécifiques en faveur de la réalisation d'études se rattachant au lien santé-environnement, ainsi que les dotations accordées à l'InVS (55,9 millions d'euros) et à l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (AFSSET, 3 millions d'euros), dont une partie de l'action a trait à cette thématique.

Le programme « Protection de l'environnement et prévention des risques » de la mission « Ecologie, développement et aménagement durables » complète la subvention accordée à l'AFSSET (4,5 millions d'euros) et comprend également des crédits relatifs à la mise en oeuvre du plan national santé-environnement (dont 3,97 millions d'euros au titre de la prévention des risques chroniques). Le programme « Santé publique et prévention » de la mission « Santé » comporte également des crédits, à hauteur de 1,74 million d'euros, au titre de la santé environnementale.

Dès lors que l'Etat mène une action bien identifiée en matière de santé-environnement, il ne va pas de soi d'affecter, à raison de leur objet, une partie des taxes écologiques à l'assurance maladie plutôt qu'au budget général de l'Etat. En outre, ceci contreviendrait au principe de non-affectation précédemment énoncé par votre rapporteur général.

Enfin, on peut observer que l'argument parfois avancé, selon lequel une affectation de fiscalité écologique à la sécurité sociale permettrait de combler une partie du déficit de l'assurance maladie (6,2 milliards d'euros en 2007), apparaît faible : si tel était l'objectif recherché, compte tenu des sommes en jeu, ceci aboutirait soit à un simple transfert de recettes de l'Etat vers la sécurité sociale dans le cadre d'une stabilité des prélèvements obligatoires, et donc à une neutralité d'un point du solde public, soit à une augmentation massive des prélèvements obligatoires, ce qui ne correspond pas à l'objectif recherché par votre commission des finances.

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