CHAPITRE IV - VERS UNE ÉLÉVATION DU RYTHME DE LA CROISSANCE POTENTIELLE ?

L'élaboration de scénarios macroéconomiques à moyen terme suppose la fixation préalable d'une hypothèse fondamentale, relative à l'évolution de la productivité du travail .

Cette hypothèse est centrale, à un double titre : à court terme , elle détermine l'évolution de l'emploi et du chômage en fonction de la croissance - c'est-à-dire le contenu en emploi de la croissance - ; à moyen terme, elle détermine les capacités de croissance durable, sans tensions inflationnistes, de l'économie française - c'est-à-dire sa croissance potentielle -, qui influe sur la croissance effective , mais aussi sur la définition de la politique économique , et notamment des politique budgétaire et monétaire souhaitables.

Cette ambivalence de la productivité peut placer la politique économique face à un conflit d'objectifs 37 ( * ) : dans un contexte de faible croissance, il peut être rationnel de mettre en oeuvre des politiques d'enrichissement du contenu en emplois de la croissance - donc de ralentir les gains de productivité - afin de lutter contre le chômage, mais ces mêmes politiques peuvent contribuer à terme, si elles sont maintenues au-delà des circonstances qui les avaient initialement justifiées, à abaisser le potentiel de croissance et à affaiblir structurellement l'économie.

DÉFINITIONS DE LA PRODUCTIVITÉ DU TRAVAIL

La productivité par tête est le rapport entre la production et le nombre de personnes employées (PIB/salariés).

La productivité horaire est le rapport entre la production et le nombre d'heures travaillées (PIB/nombre d'heures travaillées).

I. PRODUCTIVITÉ ET CONTENU EN EMPLOIS DE LA CROISSANCE

Dans une perspective de court/moyen terme, les facteurs de demande sont déterminants pour la croissance économique : environnement international et demande étrangère, politique budgétaire et demande publique, évolutions salariales et consommation des ménages, etc.

A ces horizons, l'hypothèse retenue en matière de productivité du travail ne fait que déterminer le contenu en emploi de la croissance, ce que l'on peut déduire de la simple identité comptable suivante : le PIB est égal au produit de la production par personne employée (c'est-à-dire la productivité du travail) par le nombre d'emplois .

Ainsi, pour un taux de croissance donné, la croissance de l'emploi sera d'autant plus faible que l'évolution de la productivité sera forte .

Dans le scénario central réalisé pour le présent rapport, qui correspond au « scénario bas » associé à la programmation pluriannuelle des finances publiques, la croissance du PIB ressort à 2,5 % par an en moyenne à l'horizon 2012. L'hypothèse d'évolution de la productivité du travail est fixée à 1,7 % : on en déduit que la progression de l'emploi total est de 0,8 % par an en moyenne 38 ( * ) . Sur la base d'une progression de la population active qui ralentit de 0,3 % par an à 0,2 % par an de 2008 à 2012, le taux de chômage diminue sensiblement : il serait ramené de 8,2 % en 2007 à 6 % en 2012 .

ÉVOLUTION DE L'EMPLOI ET DU CHÔMAGE À MOYEN TERME (SCÉNARIO CENTRAL)

Variations

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

87-97

97-07

2007-2012

Emploi total (milliers)

190

245

150

198

192

191

197

77

264

185

Emploi salarié marchand (en %)

0.8

1.4

1.0

1.0

1.0

1.0

1.0

0.5

1.5

1.0

Population active
(en %)

0.6

0.4

0.3

0.3

0.2

0.2

0.2

0.3

0.7

0.2

Taux de chômage (BIT)

9.0

8.2

7.9

7.5

7.0

6.5

6.0

10.7

9.9

7.2

Sources : INSEE, prévisions OFCE

Dans le scénario « haut », le supplément de croissance (0,5 point, pour atteindre 3 %) est identique à celui de l'augmentation de la productivité, qui accélère par hypothèse pour atteindre 2,2 %. Les créations d'emplois y seraient donc du même ordre de grandeur que dans le compte central, et le taux de chômage s'établirait, de la même façon, à 6 % en 2012 .

ÉVOLUTION DE L'EMPLOI ET DU CHÔMAGE À MOYEN TERME (SCÉNARIO HAUT)

Variations

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

87-97

97-07

2007-2012

Emploi total (milliers)

190

245

150

202

192

196

197

77

264

187

Emploi salarié marchand (en %)

0.8

1.4

1.0

1.1

1.1

1.1

1.1

0.5

1.5

1.1

Population active
(en %)

0.6

0.4

0.3

0.3

0.2

0.2

0.2

0.3

0.7

0.2

Taux de chômage (BIT)

9.0

8.2

7.9

7.5

7.0

6.5

6.0

10.7

9.9

7.2

Sources : INSEE, prévisions OFCE

Dans le scénario central, l'hypothèse de gains de productivité du travail de 1,7 % par an est purement tendancielle : elle correspond à la prolongation de l'évolution moyenne de la productivité enregistrée depuis une vingtaine d'années, corrigée des évolutions de la durée du travail 39 ( * ) . Autrement dit, elle correspond à une double hypothèse de prolongation tendancielle de l'évolution de la productivité horaire et de stabilisation de la durée du travail.

*

Il est à noter qu'à très court terme, les évolutions de la productivité sont marquées par le « cycle de productivité » : dans une phase d'accélération de l'activité, les entreprises tardent à ajuster l'emploi, ce qui entraîne une augmentation de la productivité. Dans une phase de ralentissement, le phénomène inverse se produit. Le graphique n° 1 suivant rend compte du caractère heurté de l'évolution de la productivité à court terme :

GRAPHIQUE N° 1

PRODUCTIVITÉ DU TRAVAIL DANS LES BRANCHES MARCHANDES

(Glissement annuel, en  %)

Légende : les valeurs connues et ajustées de la productivité du travail sont respectivement affichées en gras et en pointillé.

Source : Comptes nationaux, modèle e-mod.fr

* 37 La « Stratégie de Lisbonne » offre une illustration européenne de ce « dilemme » :

- elle met l'accent sur l'innovation, la recherche et l'enseignement supérieur, et sur la relation positive : innovation-productivité-croissance potentielle-niveau de vie ;

- mais, elle met aussi l'accent sur la compétitivité donc sur la maîtrise des coûts salariaux (qui évolueraient donc moins vite que la productivité) afin de permettre à la fois de protéger l'emploi non qualifié et d'améliorer les positions européennes sur les marchés mondiaux.

* 38 L'hypothèse de productivité posée ici est inférieure à celle que retient la programmation du Gouvernement (qui n'est pas tendancielle). Le tableau fait apparaître une progression de 1 % dans le secteur marchand, mais elle se combine à une baisse de l'emploi dans le secteur non marchand.

* 39 Sur la période 1995-2005, la réduction de la durée du travail a eu un fort impact sur la productivité du travail : la productivité horaire a ainsi progressé de 1,7 % par an mais la durée du travail a baissé de 0,7 % par an (sous l'effet des « 35 heures » et aussi du développement du travail à temps partiel), de sorte que la productivité du travail, combinaison de l'évolution de la productivité horaire et de la durée du travail, a progressé d'à peine 1 % par an.

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