CHAPITRE V - QUELLE CONTRIBUTION DU COMMERCE EXTÉRIEUR À LA CROISSANCE ?

Une dégradation continue du solde extérieur français s'est engagée depuis 2003. Cette tendance, qui contribue négativement à la croissance, est-elle appelée à se poursuivre, à s'interrompre, voire à s'inverser, avec une contribution à la croissance du commerce extérieur qui redeviendrait positive ?

Il faut d'abord observer que la dégradation récente obéit essentiellement à des facteurs exogènes - hausse des prix du pétrole, appréciation de l'euro et politique de désinflation compétitive poursuivie par l'Allemagne depuis 2000 - que les ressorts plus structurels de notre commerce extérieur n'ont pas permis de surmonter.

Les facteurs exogènes pèsent encore négativement sur le commerce extérieur en 2007-2008 et devraient continuer d'amputer la croissance française telle qu'elle résulte du dynamisme de ses composantes domestiques.

Pour le moyen terme , l'arrêt de cette dégradation dépend de la réponse à trois questions :

- la stratégie de compétitivité poursuivie par l'Allemagne va-t-elle être prolongée, et, le cas échéant, suivie par d'autres pays de la zone euro ?

- l'accélération de la croissance et de la demande dans les pays hors zone euro ne met-elle pas en évidence une faiblesse structurelle des entreprises françaises à l'exportation, qui pourrait peser sur la compétitivité à long terme de l'économie française ?

- la gestion du taux de change de l'euro correspond-elle aux intérêts de la zone euro et de notre pays en particulier ? 61 ( * )

I. À MOYEN TERME, LE RETOUR À UNE NEUTRALITÉ DE LA CONTRIBUTION DU COMMERCE EXTÉRIEUR À LA CROISSANCE ?

A. UNE DÉGRADATION DU SOLDE EXTÉRIEUR ESSENTIELLEMENT CONJONCTURELLE EN 2006-2008

Après les excédents engrangés dans la seconde moitié des années 1990, le déficit apparu en 2004 n'a cessé de se creuser (graphique n° 1).


En 2006 , le déficit des transactions courantes 62 ( * ) a atteint le niveau record, depuis la fin des années quatre-vingt, de 22,5 milliards d'euros (il s'élevait à 15,7 milliards en 2005). Les exportations de biens et services ont augmenté de 6,7 %, tandis que les importations progressaient de 8,5 %.

Ce creusement du déficit a représenté une contribution négative à la croissance de 0,5 point de PIB en 2006 . Le graphique n° 1 permet de suivre l'évolution du solde des transactions courantes et celles, différentiées, du solde des biens et de celui des services.

GRAPHIQUE N° 1

LE SOLDE DES TRANSACTIONS COURANTES :
UNE FORTE DÉGRADATION DEPUIS 2002

Source : d'après données Banque de France révisées en juin 2007

Concernant les échanges extérieurs de biens en 2006, la forte augmentation des exportations (8,9 %) ne compense pas celle des importations (10,2 %).

En réalité, les importations se sont accrues sous le seul effet de la facture énergétique -le déficit énergétique s'est creusé de 8,4 milliards- qui masque une légère amélioration du solde des biens hors énergie -l'excédent hors énergie s'est redressé de 2,2 milliards-, ainsi que l'illustre le graphique n° 2 :

GRAPHIQUE N° 2

ÉVOLUTION DU SOLDE DES BIENS, AVEC ET HORS ÉNERGIE (EN MILLIARDS D'EUROS)

Source : Banque de France

Le solde des échanges extérieurs de services contribue également à limiter le déficit des transactions courantes en 2006, bien que l'excédent se soit réduit de 2,4 milliards . Toutefois, le solde des voyages (tourisme et voyages professionnels) ainsi que celui des services de transport s'améliorent légèrement 63 ( * ) .


En 2007 , malgré un environnement international relativement porteur, à l'exception notable de l'évolution de la demande intérieure allemande qui subit le choc d'une augmentation de la TVA, la hausse du prix des produits énergétiques et l'appréciation de l'euro entraîneraient un nouveau creusement du déficit extérieur, quoique de moindre ampleur qu'en 2006. Pour ce qui concerne les exportations, il apparaît que les parts de marché se sont stabilisées au premier semestre, après cinq ans de contraction quasi continue.

Au total, le gouvernement anticipe un déficit des échanges de biens et services de 24,3 milliards d'euros, soit une dégradation de 2,5 milliards d'euros . En moyenne, les instituts de conjoncture estiment que le commerce extérieur devrait continuer à contribuer négativement à la croissance, à hauteur de 0,4 point de PIB.


En 2008 , la fin de la politique de désinflation compétitive menée en Allemagne pourrait s'y traduire par une hausse des salaires réels de 1,6 % en 2008, ce qui représenterait une rupture importante avec les tendances récentes . En effet, en moyenne, les salaires réels allemands ont connu, entre 2002 et 2006, une baisse annuelle de 0,5 %. Dès lors, l'évolution de la demande allemande cesserait de peser sur le commerce extérieur de la France.

Selon le gouvernement, le déficit des échanges de biens et services ressortirait alors à 24,6 milliards d'euros, soit une quasi-stabilisation . Toutefois, les instituts de conjoncture prévoient que le commerce extérieur contribuerait encore négativement à la croissance, à hauteur de 0,3 point de PIB.

GRAPHIQUE N° 3

Demande intérieure hors stocks : consommation des ménages et des administrations + investissement (FBCF : formation brute de capital fixe)

Source : Tableau de l'Economie française - INSEE


• L'impact des chocs extérieurs - hausse du prix du pétrole, appréciation de l'euro et politique allemande de contraction des coûts salariaux - sur la croissance de l'économie française fait l'objet d'une évaluation sur la période 2004-2008 à l'aide du modèle e-mod de l'OFCE.

En 2008, le « coût », exprimé en point de croissance du PIB, de ces chocs extérieurs , via une meilleure orientation de la demande allemande, un tassement de la détérioration du PIB lié au choc pétrolier et malgré une nouvelle aggravation de l'impact négatif des conditions monétaires, refluerait de 0,9 point en 2007 à 0,7 point en 2008.

Cet amoindrissement global de l'impact des chocs négatifs correspond quantitativement à la moindre dégradation anticipée de la croissance liée au choc pétrolier (- 0,2 point en 2008 après -0,4 point en 2007). L'aggravation du choc lié aux conditions monétaires (- 0,5 point en 2008 après -0,2 point en 2007) compenserait exactement la disparition du choc lié aux réformes allemandes (aucune contribution en 2008 après -0,3 point en 2007).

GRAPHIQUE N° 4

IMPACT DES CHOCS EXTÉRIEURS SUR LA CROISSANCE FRANÇAISE

Impacts sur l'économie française de chocs...

En moyenne annuelle, %

Note : L'impact du prix du pétrole et du taux de change sur l'activité est un impact cumulé. Il dépend des variations aux instants t, t-1 et t-2.

Sources : INSEE, comptes trimestriels, OFCE, e-mod.fr de 2007 à 2008.

Globalement, la contribution négative du commerce extérieur à la croissance - solde des évolutions des exportations et des importations - irait en diminuant : -0,5 point de PIB en 2006, -0,3 point de PIB en 2007 puis -0,2 point de PIB en 2008 selon l'OFCE.

* 61 Cette question est traitée dans le chapitre IX du présent rapport, consacré à la politique monétaire.

* 62 La balance des transactions courantes décrit les échanges de biens et services et les flux de revenus entre la France et l'étranger.

* 63 L'excédent touristique, en particulier, atteint 12 milliards et se rapproche de l'excédent de 14 milliards enregistré en 2000. À l'inverse, les « autres services » enregistrent une poussée des importations en 2006 : globalement à l'équilibre de 2002 à 2005, leur solde est déficitaire de presque 4 milliards en 2006 (source : Banque de France).

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