B. UNE MÉTHODE QUI PEUT CONDUIRE À FIGER LA POLITIQUE BUDGÉTAIRE, EN CAS D'INTERPRÉTATION EXCESSIVE

La surveillance des positions budgétaires à partir des perspectives de long terme de la dette publique peut déterminer la politique budgétaire dans un sens défavorable à la croissance économique à travers deux effets éventuels :


En premier lieu , la méthode de surveillance des situations budgétaires actuelles à partir des perspectives de long terme de l'endettement public, telles qu'une situation au fil de l'eau conduit à les envisager, a le mérite de mettre en évidence la nécessité d'une action.

Elle présente, en revanche, une faille de taille aux prolongements éventuels dangereux . Les recommandations auxquelles elle aboutit reposent sur des processus encore à venir appréciés en fonction des circonstances du moment - les effets du vieillissement démographique sur les dépenses publiques de pension, en particulier -, dont il faudrait anticiper les incidences financières immédiatement, en relevant à court terme la capacité de financement des administrations publiques.

Cette approche risque d'être comprise pour ce qu'elle n'est pas et de déboucher sur des décisions regrettables .

Dans le fond, elle revient à indiquer, qu'à législation constante , la dynamique des dépenses publiques - telle que liée à la démographie notamment - implique une augmentation de la dette publique, qui, pour être prévenue appelle une « amélioration » immédiate du solde public, dans des proportions qui sont fournies comme une illustration des efforts à entreprendre.

Le danger est que les gouvernements s'engagent dans ce processus « d'amélioration » en considérant l'indicateur de soutenabilité pour ce qu'il n'est pas, à savoir une norme intangible de soutenabilité .

Il ne s'agit, en effet, nullement d'une norme intangible. Construite sur la base du droit existant, elle est, en effet, susceptible d'évoluer avec celui-ci.

Par exemple, une modification de la législation de sorte que les effets des dépenses publiques liées à l'âge sur la dette publique soient contrecarrés peut intervenir. Une diminution des droits à pension ou une augmentation des prélèvements destinés à les financer sont disponibles en ce sens. A supposer que de telles mesures soient prises, la soutenabilité de la position budgétaire des pays qui les entreprennent s'améliore et le niveau d'exigence sur le solde public, tel qu'il résulte des opérations de recettes et de dépenses actuelles, se détend. En bref, la norme de soutenabilité en est modifiée .

Cette flexibilité de la norme de soutenabilité ne doit pas être ignorée sous peine de rendre des arbitrages éventuellement inappropriés .

En effet, négliger cette propriété invite à modifier l'équilibre présent des comptes publics en considérant comme acquis que les équilibres futurs ne sauraient être infléchis.

Cette option conduit à modifier les choix publics tels qu'ils se traduisent dans les comptes publics au nom de perspectives, qui, en fait, supposent le maintien de systèmes qu'il est peu probable de voir conservés.

Pour illustrer le propos, on peut indiquer que prendre au pied de la lettre les indicateurs de soutenabilité de la Commission européenne, c'est imaginer qu'aucune réforme du système de pensions n'interviendrait et qu'il faudrait aussi réduire les dépenses publiques actuelles ou/et augmenter, immédiatement, les prélèvements obligatoires pour dégager une capacité de financement public.

Une telle interprétation porte en elle un arbitrage en faveur des dépenses publiques de pension et à l'encontre d'autres dépenses publiques. Il peut être lourd de conséquences si, parmi les secondes, sont « sacrifiées » des dépenses d'avenir .


En second lieu , il apparaît que toute méthode reposant sur des perspectives à long terme des dépenses publiques est susceptible d'aboutir à l'identification de problèmes de soutenabilité dès lors qu'on pose deux hypothèses :

- d'une part, celle d'un dynamisme des dépenses publiques supérieur à la croissance économique ;

- d'autre part, celle d'une stabilisation de la pression fiscalo-sociale.

Ces hypothèses sont, l'une et l'autre, discutables :

- il est possible d'envisager une inversion du différentiel de croissance entre dépenses publiques et croissance économique générale ;

- il est possible, également, d'imaginer que les choix futurs d'allocation du revenu national concernent concomitamment les dépenses publiques et les financements nécessaires.

Dans l'oubli de ces éventualités, on mettra toujours en évidence le renforcement de la contrainte présente « d'assainissement » des finances publiques.

Le coup de projecteur ainsi donné a pour conséquence de geler l'instrument budgétaire comme arme de stabilisation conjoncturelle au-delà du jeu des stabilisateurs automatiques.

Puisque l'objectif affiché est « d'améliorer » le solde structurel, toute politique budgétaire discrétionnaire contra-cyclique s'en trouve néces-sairement écartée.

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