CHAPITRE IX - LA POLITIQUE MONÉTAIRE : ENJEUX ET QUESTIONS

Le premier objectif fixé à l'eurosystème est la stabilité des prix. Globalement, celle-ci est vérifiée sans qu'on puisse attribuer pleinement cette performance à la politique monétaire de la Banque centrale européenne (BCE).

En outre, les perspectives de croissance mériteraient d'être mieux prises en compte dans la gouvernance monétaire de la zone euro.

I. UNE ÉVOLUTION DES PRIX EN LIGNE AVEC LA CIBLE D'INFLATION DE LA BANQUE CENTRALE EUROPÉENNE

A. L'OBJECTIF DE STABILITÉ DES PRIX TEL QU'INTERPRÉTÉ PAR LA BANQUE CENTRALE EUROPÉNNE

Le traité de Maastricht 91 ( * ) sur l'Union européenne a confié à la Banque centrale européenne (BCE) 92 ( * ) la stabilité des prix comme objectif principal. Suivant le modèle de la Bundesbank (ou, depuis 1994, celui de la Banque de France), l'indépendance de la BCE vis-à vis du pouvoir politique a été garanti par l'article 107 93 ( * ) du traité précité.

Le concept de stabilité des prix n'est pas défini dans le traité, mais la BCE, se donnant pour objectif une progression de l'indice des prix à la consommation harmonisé de la zone euro inférieure à 2 %, en a assuré l'interprétation. Il est à noter que la Banque de France avait eu le même objectif depuis 1996.

La BCE a défini deux « piliers » qui lui permettent d'évaluer les risques d'inflation dans la zone euro . En premier lieu, elle effectue une « analyse monétaire », c'est-à-dire qu'elle étudie l'évolution d'un certain nombre d' agrégats monétaires 94 ( * ) dans une perspective de contrôle direct de la masse monétaire. A l'origine, le rôle central de la masse monétaire a été signalé par l'annonce d'un taux de croissance annuel de référence pour l'agrégat M3, fixé à 4,5 %.

En second lieu, elle suit l'évolution de certains indicateurs économiques et financiers tels que les salaires, les prix des matières premières, les taux de change, la confiance des consommateurs et des entreprises.

Il se trouve qu'un nombre croissant de banques centrales abandonne une stratégie fondée sur une stricte maîtrise des agrégats, car le lien entre masse monétaire et inflation tendrait à se distendre.

De fait, l'agrégat M3 a progressé très fortement ces dernières années, actuellement à un rythme annuel supérieur à 10 %, sans accélération manifeste des prix.

B. LES MOYENS DE LA POLITIQUE MONÉTAIRE

Outre la disposition du monopole d'émission des billets, la BCE pilote la liquidité du marché monétaire et le coût de refinancement des banques.

LE PILOTAGE DE LA LIQUIDITÉ PAR LA BCE

Le système européen de banques centrales (SEBC) 95 ( * ) effectue des opérations d'« open market » , offre des facilités permanentes et assujettit les établissements de crédit à la constitution de réserves obligatoires sur des comptes ouverts sur les livres du SEBC 96 ( * ) . Ces opérations de politique monétaire définies par la BCE sont exécutées dans tous les Etats membres selon des modalités uniformes.

Parmi les opérations d'open market de la BCE - il s'agit de cessions de titres auprès de la banque centrale avec engagement de rachat à terme -, les « opérations principales de refinancement » constituent le principal canal de refinancement du secteur financier et jouent un rôle pivot dans la poursuite des objectifs du SEBC. Le taux de l ' opération principale de refinancement (également dit « taux des appels d'offres » et encore « taux refi » ou « taux repo »), auquel la BCE accorde un volume plus ou moins important de pensions 97 ( * ) , constitue un taux plancher : le taux d'intérêt à court terme ne peut descendre plus bas. Il s'agit du principal taux directeur de la BCE , celui qui fait d'ailleurs l'objet d'une communication « grand public ».

Deux facilités permanentes sont proposées aux établissements de crédit. Le taux des facilités de prêt marginal (plafond qui permet aux banques un refinancement automatique et illimité) et le taux de la facilité de dépôt (taux plancher qui permet aux banques d'être rémunérées sur leurs prêts à la BCE).

Ces deux taux constituent le plafond et le plancher entre lesquels oscille le taux de l'argent au jour le jour entre banques (dépôts interbancaires « en blanc », c'est-à-dire sans être gagés par des titres), dont la mesure est l'Eonia 98 ( * ) .

L'Eonia, avec l'Euribor 99 ( * ) , qui couvre les durées allant d'une semaine à un an, sont les deux taux de référence du marché monétaire de la zone euro. Par exemple, l'Euribor à 3 mois sert de référence («benchmark ») pour beaucoup de prêts variables, des fonds monétaires et certains produits structurés.

L'ensemble de ces taux, à commencer par le taux « refi », influent sur les conditions de refinancement des banques ; leurs variations se transmettent ainsi aux taux des crédits proposés aux entreprises et aux particuliers.

* 91 Traité sur l'Union européenne signé le 7 février 1992 ; il prévoyait, outre les modalités transitoire du passage à la monnaie unique, l'organisation de la gouvernance monétaire une fois l'union monétaire réalisée, le 1 er janvier 2002.

* 92 Cet objectif est plus précisément confié au SEBC (système européen de banque centrale), composé de la Banque centrale européenne et des banques centrales nationales. Les organes de décision de la BCE dirigent le SEBC.

* 93 En vertu duquel ni la BCE ni une banque centrale nationale ne peuvent solliciter ni accepter des instructions de la part des institutions ou organes communautaires, des gouvernements des Etats membres ou de tout autre organisme.

* 94 De M3 (qui rassemble l'argent disponible immédiatement ou à très court terme pour l'achat de biens) à ses composantes et ses contreparties, en particulier l'encours des crédits.

* 95 Voir note supra.

* 96 La politique de réserves obligatoires, qui sont déposées auprès de la banque centrale selon un pourcentage des dépôts inscrits au bilan des banques commerciales, a perdu de son impact depuis le début des années quatre-vingt dix. Elle demeure néanmoins en vigueur dans le cadre de l'eurosystème.

* 97 C'est-à-dire de prêts gagés.

* 98 Euro OverNight Index Average. L'Eonia est la moyenne, pondérée par les montants, des taux effectivement traités sur le marché monétaire interbancaire de l'euro pendant la journée par un large échantillon de grandes banques, pour les dépôts/prêts jusqu'au lendemain ouvré.

* 99 Euro interbank offered rate. L'Euribor est calculé en effectuant une moyenne quotidienne des taux prêteurs sur 13 échéances communiqués par un échantillon de 57 établissements bancaires les plus actifs de la zone Euro.

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