B. RÈGLE BUDGÉTAIRE À COEFFICIENTS VARIABLES

Dans un modèle à coefficients variables, l'équation que l'on estime est de la forme :

s t = a 1 s t-1 + a 2 s t-2 + t-1 y t-1 + t-1 d t-1 + t

Le paramètre traduit toujours la réaction du solde primaire structurel au cycle économique et le paramètre sa réaction à la variation de la dette. On suppose cependant que á et â sont dynamiques et c'est leur évolution au cours du temps qui va nous intéresser. Ces paramètres vont être traités comme des variables « non observées » et estimés par le filtre de Kalman. Ce type d'estimation nécessite de poser des hypothèses sur la dynamique de ces variables. Le filtre de Kalman donne alors l'estimation optimale de ces éléments non observés en fonction de l'hypothèse initiale (voir l'encadré 4 ).

Le signe de ces paramètres dynamiques et le fait qu'ils soient ou non significativement différents de zéro va nous permettre d'évaluer dans quelle mesure :

1) les politiques budgétaires ont été pro ou contra-cyclique (selon que á t est respectivement négatif ou positif) ;

2) les politiques ont été soutenables ou non (elles sont soutenables si â t est positif : une augmentation de la dette en t est associée à une hausse du SPS en t+1 ).

Encadré 4 : estimation dynamique de la règle budgétaire

L'équation du modèle est la suivante :

s t = a 1 s t-1 + a 2 s t-2 + t-1 y t-1 + t-1 d t-1 + t (B1)

t= 1,...,T est l'indice temporel, s t représente la variation du solde primaire structurel, y t la variation de l'écart du PIB à la tendance de long terme et d t la variation du taux d'endettement. Toutes les variables sont rapportées au PIB. On suppose d'abord que et suivent une marche aléatoire, ce qui est commun dans ce type de littérature (Primiceri, 2005 ; Boone et al. 2001). Cependant, les estimations du modèle de base suggèrent que á t suit une tendance. Par ailleurs, la série est estimée avec une marge d'erreur importante suggérant que le modèle est mal spécifié 33 ( * ) . L'introduction d'un taux de croissance aléatoire corrige ce problème 34 ( * ) . La structure finale des coefficients variables nous est donnée par :

t = t-1 + t-1 + u t t (B2)

avec :

t = t-1 + w t t

t = t-1 + v t

Les résultats de l'estimation sont présentés sur les graphiques 17 (coefficient représentant la réaction au cycle) et 18 (coefficient représentant la réaction à l'endettement). La valeur du coefficient est chaque fois encadrée par un intervalle de confiance à 68% (traits pointillés) et à 95% (traits pleins). Ceci signifie que le coefficient étudié a 68% (ou 95%) de chances de se trouver dans l'intervalle représenté sur le graphique. Lorsque la ligne « zéro » est comprise dans l'intervalle de confiance, alors on peut conclure que le coefficient n'est pas « significativement différent de zéro ».

Réaction au cycle

Durant la période d'étude, la politique budgétaire allemande s'avère a-cyclique ou contra-cyclique (le coefficient est généralement positif mais pas toujours significatif) ; la politique française devient progressivement contra-cyclique à partir du 2000, et la politique britannique est caractérisée par une orientation contra-cyclique a partir du début des années 1990 ( graphique 17 ).

Suites aux dégradations des comptes publics consécutifs à la récession de 1979 et à la politique de désinflation du gouvernement Thatcher, le Royaume-Uni réalise une phase de consolidation budgétaire en 1981 à l'aide d'une baisse notable des dépenses publiques (dépenses de consommation et de transferts), un vaste programme de privatisation et une réforme fiscale. Ce comportement explique pourquoi la politique budgétaire britannique est a-cyclique dans la première partie de échantillon considéré. Une forte croissance durant la période 1986-1990 a permis au gouvernement de mener une politique contra-cyclique. L'évolution récente de la politique budgétaire au Royaume-Uni peut s'expliquer par la mise en place d'une règle d'or de finances publiques en 1998. Cette règle stipule que, hors de toute considération de régulation conjoncturelle, le budget de l'Etat doit être divisé en un budget courant en équilibre, et un budget d'investissement qui peut être financé par emprunt. La mise en place de cette règle semble avoir réduit la possibilité pour le gouvernement de pratiquer des politiques contra-cycliques.

En Allemagne et surtout en France, on constate une tendance à la hausse de á t conduisant à des politiques budgétaires de plus en plus contra-cycliques avec le temps. En Allemagne, on observe ce phénomène surtout vers la fin des années 1990, en France depuis 2000. Ceci contraste avec un certain nombre de travaux (par exemple Bayoumi et Eichengreen, 1995) montrant que la réponse cyclique des budgets d'Etat est sensiblement affectée par les contraintes budgétaires liées au Pacte de Stabilité et de Croissance (PSC). Selon ces travaux, le risque est que les pays, voulant respecter le PSC, soient forcés d'adopter des mesures davantage pro-cycliques. Toutefois, notre estimation montre que les efforts pour respecter le PSC n'ont pas empêché de poursuivre des politiques contra-cycliques, après la phase d'ajustement des années 1990 (cf politique nettement pro-cyclique en France). En Allemagne, toutefois, la politique budgétaire devient acyclique en fin de période.

La réforme de mars 2005 du PSC limite en principe le risque d'appliquer une politique pro-cyclique en période de ralentissement puisque l'examen des politiques budgétaires tient dorénavant compte de « tous les facteurs pertinents », c'est-à-dire des conditions conjoncturelles et de la mise en place de politiques dans le cadre du programme de Lisbonne. Il est bien sûr trop tôt pour évaluer l'impact de cette réforme sur la conduite des politiques budgétaires.

Réaction à l'évolution de la dette

Les réactions des déficits structurels primaires aux variations de la dette publique sont très différentes selon les pays. Le coefficient sur la dette est non significatif dans le cas allemand sur toute la période, ce qui peut en partie s'expliquer par la réunification allemande. En France, il est positif en début et en fin de période, mais négatif en milieu de période. Au Royaume-Uni, il passe de négatif en début de période à positif en fin de période ( Graphique 18 ).

Un coefficient positif indique que le SPS augmente lorsque la dette s'alourdit, ce qui est signe d'une politique soutenable ou du moins stabilisatrice. Lorsque la dette diminue, le coefficient positif signifie que le SPS diminue : les autorités budgétaires utilisent les marges de manoeuvre offertes par la baisse de l'endettement.

Ainsi, d'après nos résultats, les autorités budgétaires françaises ont eu un comportement prudent en début et en fin de période : elles ont relevé le SPS lorsque la dette s'alourdissait. Du milieu des années 1980 au milieu des années 1990, toutefois, les autorités ont laissé diminuer le SPS alors que la dette augmentait (coefficient négatif).

Au Royaume-Uni, le coefficient sur la dette passe de négatif avant 1990 à positif ensuite. L'ajustement budgétaire ayant eu lieu principalement durant la première moitié de l'échantillon, ceci signifie que les autorités ont augmenté le SPS lorsque la dette diminuait. Elles n'ont donc pas utilisé les marges de manoeuvre mais au contraire cherché à renforcer l'ajustement budgétaire. A partir de 1990, les autorités ont eu un comportement prudent mais moins volontariste consistant à relever le SPS lorsque la dette augmentait et à l'abaisser lorsque la dette fléchissait.

Finalement, les résultats de notre étude semblent indiquer que la France, l'Allemagne et le Royaume-Uni ont suivi des règles budgétaires allant dans le même sens au cours de la dernière décennie, tant du point de vue de la réaction au cycle économique que de la réaction à la dette publique. Après avoir respecté les critères du PSC en termes de déficits publics, les soldes structurels primaires sont devenus contra-cycliques et sont, sauf en Allemagne, sensibles aux évolutions de la dette. Ceci contraste avec la période précédant 1995 où les règles de politique budgétaire estimées traduisent de profondes divergences. En fin de période, la politique budgétaire semble toutefois être devenue acyclique.

* 33 Des tests révèlent en effet que la série des erreurs de á t suit elle-même une marche aléatoire, d'où la spécification finale.

* 3 Les tests révèlent que cette introduction d'un taux de croissance aléatoire n'est pas nécessaire pour le Royaume-Uni.

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