V. ADAPTER LA FISCALITÉ À LA VALORISATION DE LA BIODIVERSITÉ

La fiscalité n'est pas neutre vis-à-vis de la biodiversité.

Par exemple, taxer au même taux le foncier non bâti, le foncier bâti et les activités professionnelles alors que la rentabilité est plus faible, constitue une distorsion de traitement. L'instrument fiscal a été utilisé pour encourager l'activité plutôt que pour promouvoir le respect des écosystèmes.

Il serait souhaitable d'entamer maintenant une réflexion sur l'environnement fiscal des milieux naturels. Compte tenu du caractère toujours délicat des modifications des équilibres fiscaux, en particulier locaux, on pourrait nommer un parlementaire en mission pour faire des propositions sur ce point.

A titre indicatif, les pistes suivantes pourraient être explorées :

- réexaminer les encouragements fiscaux à l'artificialisation des milieux naturels,

- réduire la pression fiscale sur les milieux naturels. Par exemple, il devrait être possible de mettre en oeuvre des exonérations totales ou partielles :

sur les zones humides ;

sur les espaces naturels à statut de protection strict ;

sur les espaces dévolus à l'agriculture biologique ;

sur les prairies naturelles.

- favoriser l'utilisation et la fiscalité locale pour ralentir l'étalement urbain ;

- inciter, en utilisant l'impôt sur le revenu et, éventuellement, l'impôt sur la fortune, à la restauration des espaces naturels,

- utiliser les dotations de financement des collectivités locales dans un sens favorisant les biodiversités. L'inclusion d'un critère biodiversité dans le calcul de la dotation globale de fonctionnement (DGF), proposée par le groupe de travail n° 2 du Grenelle de l'environnement va dans ce sens. Mais, il faut aller plus loin en considérant la constitution d'espaces protégés par les collectivités locales comme un investissement au même titre que la rénovation d'un lycée ou la construction d'une route; c'est pourquoi la dotation globale d'investissement (DGI) devrait aussi inclure un critère « biodiversité » .

VI. INSÉRER LES SERVICES RENDUS PAR LES ÉCOSYSTÈMES DANS LE CALCUL ÉCONOMIQUE

Du fait de leurs caractéristiques, les services rendus par les écosystèmes (utilité collective et temps long de reconstitution qui s'opposent aux appropriations particulières et aux temps cours du marché) ne sont pas ou peu intégrés au calcul économique.

Deux types de propositions pourraient contribuer à cette intégration : rémunérer les économies externes que produisent les écosystèmes des écosystèmes et sanctionner leurs destructions, et, créer un marché de la compensation des atteintes aux milieux naturels.

A. RÉMUNÉRER LES ÉCONOMIES EXTERNES PRODUITES PAR LES ÉCOSYSTÈMES ET SANCTIONNER LEURS DESTRUCTIONS

Le paradoxe des services rendus par les écosystèmes est que leur appropriation collective n'est pas rémunérée - ou peu - et que leur destruction à des fins particulières n'est pas - ou peu - sanctionnée. L'insertion de ces services dans le calcul économique suppose une rectification sur ces deux points.

1. Rémunérer les services écologiques

Hors les puits à carbone, deux grandes catégories de services rendus par les écosystèmes pourraient faire l'objet d'une rémunération directe : les services agronomiques et les services hydrologiques 66 ( * ) .

La reconnaissance du rôle des services agronomiques des écosystèmes peut s'effectuer dans le cadre d'une évolution vers une agriculture plus durable (cf. infra Proposition X).

En revanche, l'ensemble des services hydrologiques rendus par les écosystèmes naturels (zones humides, forêts de bassins versants, système bocages) pourraient faire l'objet d'une rémunération directe par les bénéficiaires ou les utilisateurs de l'eau.

L'utilité de la rétention, de la filtration et de la régulation du débit des eaux que fournissent les milieux naturels (au-dessus naturellement d'un certain seuil de superficie - le bois plutôt que le bosquet, le pays bocager plutôt que le bois) doit être quantifiées et rémunérées par les agences de bassin.

A cette fin, on peut s'appuyer sur le bilan économique positif des réserves de biodiversité protégeant les zones de captage d'eau, évitant le coût de traitements onéreux.

On peut ainsi citer le rôle que joue, en amont de Paris, des zones humides dont le remplacement par des barrages réservoirs occasionnerait des dépenses d'équipement de l'ordre de 200 millions d'euros.

De même, compte tenu du coût des inondations que la croissance des évènements climatiques extrêmes risque de multiplier, la reconstitution de zones humides en amont des sites inondables pourrait être financée par une taxe sur les contrats d'assurance conclus pour compenser ce type de risques.

Les sommes ainsi perçues pourraient permettre d'amorcer l'intégration des services écologiques dans le calcul économique et de reconstituer les milieux naturels, notamment en contribuant à l'installation de parcs hydrologiques situés en amont des bassins versants.

2. Instaurer progressivement le principe pollueur-payeur

La destruction des milieux naturels à ces fins économiques privées limite les services d'utilité collective qu'ils rendent.

L'instauration progressive d'une taxe pollueur-payeur (assise notamment, mais pas exclusivement, sur la production de produits chimiques, d'engrais et de produits phytosanitaires) valoriserait, a contrario , le respect de la biodiversité dans le calcul économique.

Cette mise en oeuvre d'une dose de fiscalité, aurait en outre l'intérêt d'être un aiguillon financier en vue d'une mutation des processus de production, agricoles et industriels vers plus de durabilité .

* 66 Ce qui n'exclut pas qu'à terme, on puisse trouver des méthodes pour rémunérer les services sanitaires.

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