B. CRÉER UN MARCHÉ DE LA COMPENSATION DES ATTEINTES AUX MILIEUX NATURELS.

Depuis la loi de juillet 1976 sur l'environnement, les projets d'aménagement doivent prévoir, au-delà d'un certain seuil financier, des compensations aux atteintes aux milieux naturels que leur réalisation entraîne.

Mais, en dépit de la force de ce principe, l'application de ces dispositions n'a pas donné le résultat escompté.

D'une part, parce que le texte de référence demeure incomplet ; d'autre part, parce que ces compensations s'opérant au coup par coup, il manque un mécanisme d'interface permettant de regrouper celles-ci. Il est donc nécessaire à la fois d'améliorer la loi de 1976 sur l'environnement et de créer un marché de la compensation des atteintes aux milieux naturels.

1. L'amélioration de la loi de juillet 1976 sur l'environnement

A l'expérience, le dispositif législatif de compensation applicable a montré certaines insuffisances qu'il conviendra de rectifier :

- il ne s'applique qu'aux projets d'une certaine ampleur et ne prend pas en considération le mitage des milieux naturels qui résulte de la multiplication de microprojets ;

- l'autorité chargé d'apprécier les compensations proposées par les aménageurs est le préfet de région, à l'exception de projets de dimension nationale qui relèvent du ministre chargé de l'environnement. Or, dans sa circonscription, le préfet doit gérer des intérêts contradictoires qui ne le portent pas toujours à arbitrer en faveur des milieux naturels ;

- les délais de la compensation sont circonscrits à la durée de réalisation du projet d'aménagement considéré. Postérieurement à cette durée, l'aménageur est libre de l'affectation du bien offert en compensation (zone humide, espaces de reforestation) qui peut alors être détruit par un nouvel acquéreur.

- la compensation ne prévoit pas la prise en charge de la gestion des biens offerts en compensation. Or, les milieux naturels doivent être surveillés et gérés.

Sur chacun de ces points, une évolution de la loi est souhaitable.

2. Créer un marché de la compensation des atteintes aux milieux naturels

Ce marché ne peut constituer à lui seul un instrument de gestion de la biodiversité. Des mécanismes réglementaires rigoureux sont indispensables. Pour autant, il ouvre une perspective qui doit être explorée.

Ce type de marché existe aux Etats-Unis, en particulier dans le domaine de la restauration des zones humides où des chambres de compensation (« Mitigation Banks ») gèrent un marché de l'ordre d'un milliard de dollars chaque année.

Les modifications proposées ci-dessus de la loi de 1976 permettraient d'activer un tel marché pour obtenir une véritable neutralité écologique du développement (c'est à dire en éliminant les pertes nettes d'espaces naturels, au lieu que 60 000 ha disparaissent chaque année en France).

A l'aide de la mise au point de grilles de compensation opposables juridiquement et fondées sur l'établissement d'une unité de compte ayant un équivalent financier, « l'unité de biodiversité 67 ( * ) », ce marché présenterait l'intérêt :

- de mutualiser des moyens sur des enjeux clés pour permettre des actions de plus grande envergure et de plus grande cohérence écologique, le système d'unité de compte permettant d'intégrer les plus petits projets qui ne sont pas l'objet de compensation ;

- de garantir un financement à long terme pour la restauration et la conservation des milieux naturels dans la durée ;

- de permettre aux entreprises d'inclure, les coûts de biodiversité dans leurs actifs , ce qui pourrait être le levier d'un véritable mécénat privé dans ce domaine ;

- et, de faire financer à l'avance des projets de compensation des atteintes aux milieux naturels, compensations qui seraient ultérieurement revendues, en tout ou partie, à des maîtres d'ouvrage dont les projets devront faire l'objet d'une compensation écologique.

La Caisse des dépôts qui est le principal opérateur du marché des émissions de CO2 pourrait être chargée de l'organisation de ce marché dans le cadre d'une mission inspirée par l'intérêt général à long terme.

* 67 Qui serait l'homologue de la tonne de CO2 pour le marché des émissions de carbone.

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