2. L'approche par les catégories de produits ou par les produits

Le nombre des produits contenant des substances dangereuses pour la santé humaine est bien plus important que celui des substances elles-mêmes. De plus, il est fréquent que l'appellation des produits change tous les deux à trois ans pour des raisons commerciales sans que la composition du produit soit réellement différente pour autant.

Inversement, un produit de traitement du bois bien connu, à la toxicité reconnue et dénoncée depuis plusieurs années, a changé de composition sans changer de nom commercial.

Pour établir une nomenclature des produits , le caractère mouvant de la composition des produits comme le caractère évolutif de leurs appellations rend très difficile, voire impossible le travail des centres antipoison et compromet la communication entre eux.

Une attitude plus prononcée de coopération est attendue des industriels qui estiment, pour leur part, coopérer déjà très largement.

Pour faciliter la compréhension des consommateurs, la composition des produits ne devrait pas pouvoir être indiquée en texte libre.

Ont notamment insisté en ce sens lors de leur audition, le Dr. Robert GARNIER du Centre antipoison de Paris, le Dr. Monique MATHIEU-NOLF du Centre antipoison de Lille (pages 5 et 6 de son audition), et pour le ministère de l'environnement, M. Pablo LIBREROS qui a déploré que personne ne se sente plus responsable des produits en circulation (page 4 de son audition).

Certains professionnels comme ceux de la Fédération des industries des peintures, encres, couleurs, colles et adhésifs (FIPEC) ont fait valoir en réponse que la coopération très large des industriels atteignait des limites lorsqu'ils étaient sollicités pour le même objet par plusieurs acteurs publics différents dont les demandes respectives ne semblaient pas coordonnées.

Des suggestions ou recommandations sur ces aspects seront proposées dans la partie du rapport traitant de la mission d'alerte exercée par les centres antipoison et les centres de toxicovigilance.

3. L'approche par le milieu de vie : travail, domicile, autres milieux de la vie quotidienne

Les approches recueillant des connaissances sur ces divers milieux ne sauraient s'exclure lorsqu'il s'agit de cerner les atteintes subies par la santé humaine du fait de substances chimiques. En effet, les doses absorbées durant le temps de travail vont se cumuler avec celles reçues en dehors de l'activité professionnelle . En outre, ces approches peuvent s'enrichir mutuellement. En effet, la meilleure observation des pathologies dans le milieu de travail peut faire gagner un temps précieux pour l'identification des effets d'une substance dangereuse présente également dans les milieux de vie extra professionnels. C'est également sur le lieu de travail qu'ont été définis des seuils de danger, des valeurs limites à ne pas dépasser. Cependant cette approche ne peut être transposée telle quelle, car le monde du travail industriel est essentiellement composé d'hommes adultes en bonne santé, et, dans le meilleur des cas, bénéficiant de la vigilance de la médecine du travail.

Dans son « Recueil des principaux problèmes de santé en France » de 2002, établi d'après les rapports « La santé en France : 1994, 1998 et 2002 », le Haut Comité de la santé publique a relevé (page 157) que « la quasi-totalité des agents cancérogènes pour l'homme ont à l'origine été identifiés dans des populations exposées professionnellement (dont l'amiante) ».

Pour les éthers de glycol , ce sont des intoxications aiguës dans le secteur de la fabrication des cols de chemises qui ont révélé les effets neurologiques de ces substances ; puis des effets hématologiques et testiculaires ont été constatés par des médecins du travail chez des personnes exposées à des concentrations fortes d'éthers de glycol. Plus récemment, le drame des ouvrières mexicaines contaminées dont les enfants ont été victimes de malformation - même les enfants nés et conçus après le temps d'exposition - a révélé l'impérieuse nécessité d'une meilleure prise en compte des risques.

La succession des activités au cours de la journée ou des circonstances fortuites mêlant diverses activités montre qu' une séparation trop rigide entre les divers milieux de vie n'a pas lieu d'être :

- les doses reçues au cours du temps de travail se cumulent avec celles reçues dans les transports, au cours des loisirs ou à domicile ;

- les doses diffusées à l'occasion d'un usage professionnel peuvent contaminer un public imprévu .

C'est ainsi qu'en pulvérisant des biocides sur une haie jouxtant la cour de récréation d'une école maternelle, des jardiniers municipaux ont contaminé des enfants.

Comme l'avait relevé l'OPECST en 2005, dans son rapport sur le renforcement de la veille sanitaire: « beaucoup de risques ne se segmentent pas ».

En conséquence, tout cloisonnement de l'étude des divers milieux d'utilisation des substances et produits chimiques serait artificiel et contre-productif pour l'étude des effets de ces substances et produits sur la santé humaine .

Est-il possible d'attendre du règlement REACH qu'il mette fin à l'usage de toutes les substances nuisibles pour la santé ? Non, car il va laisser d'importantes difficultés subsister : par exemple, du fait du faible tonnage de substances dangereuses employées par le secteur des cosmétiques , celles-ci échappent au contrôle de REACH alors que les contacts avec la peau sont nombreux. Mais il est vrai que la directive cosmétiques, bien antérieure à REACH, s'applique toujours (voir l'audition de la Direction générale des entreprises du MINEFI).

Or l'AFSSAPS (voir son audition) a montré qu'une faible quantité d'une substance donnée ne garantit pas une absence de danger. Comme la contamination par l'amiante ou celle due à certains éthers de glycol l'ont montré, l'exposition à une faible dose ou d'une courte durée ne garantit pas davantage une absence de risque . Dans le cas d'atteinte du développement embryofoetal causé par des éthers de glycol, des expositions de courte durée peuvent induire un impact sévère qui peut se révéler à l'âge adulte.

Beaucoup de personnes entendues ont critiqué les cloisonnements opérés entre les divers milieux, les diverses expositions tandis que certaines, au contraire, ne comptaient pas remettre en cause leurs habitudes de travail ou leur schéma de pensée liés, par exemple, à l'étude exclusive de l'air extérieur et non à celle de l'air intérieur sans pouvoir expliquer pour autant ce que l'air intérieur pourrait être d'autre que de l'air extérieur confiné.

C'est ainsi que l'Institut français de l'environnement (IFEN - voir son audition) a constaté, sans souhaiter y remédier par lui-même qu' il n'existe pas d'équivalent de l'IFEN pour l'air intérieur et que le CITEPA (voir son audition) a insisté sur son intérêt exclusif pour l'étude des particules primaires, or 80 % des particules de l'air sont des particules secondaires , c'est-à-dire celles remises en circulation ou transformées.

A l'inverse, la prise de conscience de la nécessité de supprimer ces cloisonnements est à l'origine de la naissance d'une discipline scientifique, qui est la science de l'évaluation de l'exposition appelée aussi expologie.

SUGGESTIONS DU RAPPORTEUR

- Mission de l'IFEN : l'étendre à l'air intérieur

- Champ d'investigation du CITEPA : l'étendre aux particules secondaires

- Créer un Institut de Veille environnementale à partir de l'IFEN et du CITEPA pour avoir une vue d'ensemble de la qualité des milieux et de l'écosystème

- Expologie : la développer comme discipline scientifique

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