C. LES ENJEUX DU PRIVÉ

1. La participation à la permanence des soins

La fermeture des plateaux techniques dont l'activité aura été jugée insuffisante et le nécessaire développement des interventions programmées dans les hôpitaux publics ne sont envisageables que si les établissements privés sont associés, dans un territoire donné, à l'obligation de permanence des soins.

En effet, la réforme de l'organisation du travail, notamment l'application de la réglementation relative au repos quotidien, oblige certains établissements à une réduction drastique de leur activité (les blocs opératoires y sont souvent fermés en soirée et en fin de semaine). A l'évidence, la permanence des soins est de plus en plus difficile à assurer en chirurgie.

La réglementation du temps de travail dans les établissements publics de santé


La notion de temps de travail effectif

Conformément à la définition européenne, le temps pendant lequel un salarié est à la disposition de son employeur sur son lieu de travail est du temps de travail effectif.

Est donc considéré comme du temps de travail effectif :

- le temps de travail prévu au contrat de travail (c'est-à-dire pour les praticiens publics, les obligations de service statutaires qui peuvent être effectuées de jour ou de nuit) ;

- les heures supplémentaires effectuées (c'est-à-dire pour les praticiens publics, les plages de temps de travail additionnel (TTA) de nuit ou de TTA de jour et le temps de soins réalisé au cours d'un déplacement réalisé après appel alors que le praticien était d'astreinte à domicile).


La notion d'obligations de service statutaires (OS)

Chaque statut de praticien détermine les obligations de service dont la réalisation entraîne le versement des émoluments :

- un temps plein doit effectuer dix demi-journées hebdomadaires en moyenne et ne dépassant pas en moyenne quarante huit heures hebdomadaires ;

- ces demi-journées peuvent être effectuées de jour ou de nuit, du lundi au dimanche ;

- lorsque le praticien, dans le cadre de ses OS, travaille pendant une période ou demi-période de permanence (la nuit, le dimanche, un jour férié ou le samedi après-midi), il perçoit, en plus de sa rémunération statutaire, une indemnité de sujétion rémunérant la pénibilité attachée à la période pendant laquelle il travaille. Cette période de permanence travaillée ne peut être récupérée puisqu'elle est intégrée dans les obligations de service.


La notion d'heures supplémentaires ou temps de travail additionnel (TTA)

- Les praticiens publics peuvent effectuer, sur la base du volontariat, du travail supplémentaire en plus de leurs obligations de service statutaires dans la limite du respect des règles statutaires fixées pour le repos quotidien (onze heures par vingt-quatre heures avec possibilité de travailler au maximum vingt-quatre heures d'affilée à condition de bénéficier d'un repos de même durée immédiatement après la période d'activité) ;

- ce travail supplémentaire peut s'effectuer de jour du lundi au samedi midi (le praticien perçoit une indemnité de TTA de jour) ou sur les périodes de permanence (le praticien perçoit une indemnité de TTA de nuit) ;

- au choix du praticien, les périodes de TTA peuvent être indemnisées ou récupérées ou versées au compte épargne temps.

Source : Dhos

Partant de ce constat, les Sros III ont prévu un certain nombre de mesures visant à un partage plus équitable des contraintes liées à la permanence des soins :

- l'organisation et la diminution du nombre de sites assurant la permanence des soins sur les territoires de santé ;

- la participation du secteur privé à la permanence des soins dans le cadre du projet médical de territoire ;

- la constitution d'équipes de chirurgiens inter-hospitalières, incluant des anesthésistes et, dans certaines régions, des chirurgiens du secteur privé.

Dans son rapport 9 ( * ) , Gérard Larcher insiste également sur le devoir que constitue, pour les médecins de ville en général, la participation à la permanence des soins et propose d'investir les futures ARS d'une mission globale d'organisation de l'offre de soins non programmés sur le territoire régional.

Quelles qu'en soient les modalités d'organisation, la participation des chirurgiens libéraux à la permanence des soins suppose le développement de services d'urgence dans les établissements privés - il existe déjà des pôles opérationnels spécialisés d'urgence comme SOS main - ou, au minimum, la conclusion de conventions entre ces praticiens et les services d'urgences des hôpitaux.

Votre rapporteur estime, par ailleurs, qu'une implication plus grande de la chirurgie privée dans la gestion opérationnelle des urgences devrait contribuer à améliorer la qualité de leur prise en charge. Aujourd'hui, en effet, 75 % des urgences sont traitées, dans les hôpitaux publics, par des praticiens étrangers, dont le niveau de formation n'est pas toujours considéré comme suffisant.

Toutefois, le coût de prise en charge en urgence devra rester identique pour le patient, soit au tarif du secteur I, que les soins aient été effectués à l'hôpital ou dans un établissement privé.

2. Les risques liés aux fonds d'investissement

Le rapport de Jacques Domergue et Henri Guidicelli avait recensé, en 2003, près de trois cents établissements privés en grande précarité financière.

Depuis cette date, plusieurs structures ont périclité ; d'autres, y compris parmi les plus rentables, ont été rachetées par des fonds d'investissement, souvent étrangers.

C'est, pour de nombreux interlocuteurs auditionnés par votre rapporteur, le signe que le secteur de la santé, traditionnellement protégé, est gagné par un nouveau modèle économique.

Les cliniques ont, de fait, longtemps été détenues par les praticiens eux-mêmes, qui en possédaient chacun une partie du capital. A partir des années quatre-vingt, beaucoup d'entre elles ont été rachetées par des groupes - la Générale de santé par exemple - qui avaient pour caractéristique de limiter leur activité au secteur sanitaire et dont on pouvait penser, par conséquent, qu'ils avaient un intérêt pour ce métier.

Tel n'est plus le cas des fonds d'investissement qui entrent depuis peu dans le capital des établissements de santé.

Il s'agit, pour eux, de rentabiliser l'activité des structures qu'ils possèdent , au détriment, ne peut-on s'empêcher de penser, du maintien d'une offre de soins variée. A cet égard, le maintien de spécialités chirurgicales peu rémunératrices et dont les actes peuvent être longs et risqués, la chirurgie viscérale et digestive notamment, est mis en cause dans certains établissements, tandis que d'autres en ont délibérément abandonné la pratique. Ces interventions sont alors réalisées en chirurgie publique, qui se spécialise un peu plus dans des domaines d'activité à faible rentabilité.

Cette évolution inquiète votre rapporteur, dans un contexte où privé et public devraient au contraire agir de concert pour optimiser l'offre de soins sur le territoire national . En outre, il n'est pas même certain que les établissements privés tirent bénéfice de l'arrivée de ces nouveaux acteurs qui, le jour venu, les revendront à leur tour, sans s'assurer de la pérennité des activités qu'ils auront contribué à développer.

3. La coopération entre le public et le privé : une solution à explorer

Dans le cadre des Sros III, les établissements visés par une fermeture de leur service de chirurgie sont invités à se réorganiser sur la base d'un groupement de coopération sanitaire (GSP), d'une équipe médicale commune au sein d'une fédération inter-hospitalière ou encore d'un pôle public-privé.

En outre, le code de la santé publique permet la signature de contrats de concession de service public , consistant à transférer l'activité de chirurgie à une clinique privée dans le cadre d'une restructuration de l'offre de soins sur un territoire donné, la clinique détenant alors un monopole pour cette activité. Or, cette possibilité n'est utilisée que très marginalement, puisqu'on ne dénombre qu'une trentaine de contrats signés. En effet, leur contenu ne permet de régler ni la question des dépassements d'honoraires, ni celle de la permanence des soins. Il conviendrait donc de le réformer.


Pôle de santé de la côte fleurie : une coopération public-privé

Constatant la nécessité d'une adaptation de leur structure d'hospitalisation respective, tant en termes d'efficacité et d'amélioration de la qualité que de maîtrise des dépenses, les centres hospitaliers de l'Estuaire et de Trouville-sur-Mer et la polyclinique de Deauville ont engagé une réflexion sur les perspectives de coopération et de complémentarité entre leurs établissements.

Celle-ci a abouti à la création d'un pôle de santé unique sur la côte fleurie dans les conditions suivantes :

- le rapprochement des trois établissements sur un site géographique unique dans un délai maximum de cinq ans ;

- le développement des pôles médicaux et chirurgicaux réunis en termes d'activité et de ressources humaines médicales ;

- la coordination de l'ensemble des acteurs de soins de la côte fleurie en favorisant et en développant la constitution de réseaux destinés à assurer une prise en charge globale du patient.

Les trois établissements ont convenu de réaliser le pôle santé en deux phases :

une phase préliminaire , dont l'objet est de préparer la mise en oeuvre du rapprochement effectif des trois structures sur un site commun et notamment :

- la validation du choix du site ;

- l'élaboration et la validation du projet médical reposant sur une détermination préalable des besoins sanitaires de la population de la côte fleurie et de son adéquation à une offre de soins rationalisée ;

- la validation du programme capacitaire.

une phase définitive , qui consistera en la mise en service effective du site commun, conformément aux projets médical et capacitaire établis.

Les disciplines médico-chirurgicales et de réadaptation cardiaque sont réunies par grands thèmes d'activité formant un ensemble fonctionnel autour du plateau technique favorisant les synergies :

- urgences et antenne Smur ;

- chirurgies et anesthésie ;

- endoscopies et explorations fonctionnelles ;

- chimiothérapie ambulatoire ;

- médecine ;

- gynéco obstétrique ;

- réadaptation cardiaque ;

- imagerie médicale et scanner ;

- laboratoires d'analyses médicales et biologiques.

Répartition des activités

Activités

Hôpital

Clinique

Médecine

H

Gynéco-obstétrique

H

Chirurgies et anesthésie

C

Chimiothérapie ambulatoire

C

Urgences

H ET C

Réadaptation cardiaque

H

Le développement des coopérations entre les établissements de santé publics et privés, quelle que soit la forme juridique choisie, constitue, pour votre rapporteur, une voie d'avenir pour la réorganisation de l'offre de soins chirurgicaux dans les régions les plus touchées par les fermetures de plateaux techniques.

Ces rapprochements permettront en effet de mutualiser les moyens matériels et humains en chirurgie pour offrir à la population une offre de soins de qualité.

Ils seront facilités, le cas échéant, par la mise en place d'un partage de l'obligation de permanence des soins entre public et privé sur un territoire donné, mais aussi par la création d'une troisième voie commune à l'ensemble des chirurgiens s'agissant des modalités de leur rémunération, deux avancées qui semblent essentielles à votre rapporteur.

Douze propositions pour l'avenir de la chirurgie

I. La formation

- rendre obligatoire la réalisation d'un stage court dans un service de chirurgie dès la deuxième année de médecine , pour faire connaître le métier de chirurgien ;

- à l'issue des ECN, consacrer la première année d'enseignement à la chirurgie générale pour les internes en chirurgie , avant le choix d'une spécialité l'année suivante ;

- proposer aux internes d'être formés pour partie par un chirurgien libéral , sous réserve de la signature d'un contrat de formation entre ce praticien et l'université ;

- revaloriser le montant des gardes effectuées par les internes en chirurgie à hauteur de celles réalisées par les infirmiers ;

- mettre en place , à l'issue de l'internat ou du clinicat, un « service médical » obligatoire de trois ou cinq ans dans la région de formation , en contrepartie d'une aide financière versée par la région pendant les études.

II. Le statut des praticiens hospitaliers

- permettre aux PH d'exercer successivement une activité de soins, d'enseignement et de recherche en offrant une reconnaissance équivalente de ces missions dans le cadre de l'avancement.

III. La rémunération

- expérimenter , sur une période de trois ans, la proposition de « contrat d'exercice global » du professeur Guy Vallancien ;

- assujettir les indemnités d'astreinte à l'Ircantec ;

- prendre en compte , au moins pour partie, les revenus issus de leur activité hospitalière dans le calcul de la retraite des PU-PH .

IV. L'organisation de l'offre de soins

- poursuivre la fermeture des services de chirurgie qui ne répondent pas aux critères définis dans le cadre des Sros III et soutenir la restructuration de l'activité des établissements de petite taille ;

- développer les transports sanitaires dans les régions enclavées tout en veillant, à l'échelle nationale à en rationaliser l'utilisation , par le développement de transports groupés notamment ;

- associer , sur un territoire donné, les établissements privés à la permanence des soins et, en conséquence, développer l'activité de chirurgie programmée à l'hôpital public.

* 9 Rapport précité.

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