CONCLUSION

Au terme de notre déplacement, il nous est donc apparu que l'attitude qu'avait aujourd'hui la France à l'égard de la Turquie était susceptible d'avoir des conséquences fâcheuses. Comme nous l'a dit l'un de nos interlocuteurs turcs, la France n'a rien à gagner à apparaître comme l'opposant principal à l'adhésion de la Turquie, permettant ainsi à d'autres États membres de se cacher derrière elle.

Depuis la chute du rideau de fer, la Turquie a retrouvé une certaine centralité géopolitique. Elle est surtout devenue un acteur incontournable de la région méditerranéenne et un partenaire essentiel au sein de l'Alliance atlantique. Dans ces conditions, on peut se demander s'il est vraiment raisonnable d'affirmer, dès aujourd'hui, que la Turquie n'aura jamais sa place dans l'Union européenne. En 2008, personne ne saurait en effet dire ce que sera devenue la Turquie, ou même l'Union européenne, à l'échelle d'une génération. Pourquoi devrions-nous décider aujourd'hui de fermer définitivement la porte à la Turquie ? Nous ne nions pas pour autant la nécessité d'un débat de fond, dans notre pays, sur l'opportunité de l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne ; nous croyons même qu'il est indispensable. Un tel débat devra d'ailleurs avoir lieu non seulement dans notre pays, mais également en Turquie le moment venu. Nous pensons en effet que le temps n'est pas encore venu pour débattre de cette question. Laissons d'abord le temps à la Turquie de se réformer, poursuivons les négociations d'adhésion jusqu'à leur terme. Ce n'est qu'alors que nous serons en mesure de juger, en toute objectivité, et en fonction des évolutions qu'aura connues l'Union européenne dans cet intervalle, si la Turquie a toute sa place dans l'Union.

Quoi qu'il en soit, nous devons garder en mémoire que la poursuite des négociations ne préjuge en rien de l'issue du processus, comme le dispose clairement le « cadre de négociations » adopté en octobre 2005, qui prévoit que l'issue en reste « ouverte ». En revanche, la poursuite des négociations est indispensable pour permettre à la Turquie de se réformer. Les négociations d'adhésion constituent en effet une opportunité unique pour la Turquie de se réformer : la marche vers l'Europe constitue un levier extraordinaire pour la transformation et la modernisation du pays.

Ce récent déplacement nous a, une nouvelle fois, montré l'importance des réformes, tant pour la Turquie que pour l'Union européenne. Car même si la Turquie ne devait pas, en fin de compte, entrer dans l'Union, elle serait l'un de ses voisins immédiats et il est donc fondamental qu'elle soit un pays stable, tant sur le plan politique que sur le plan économique. A cet égard, il ne faut pas non plus négliger le rôle de modèle qu'elle peut jouer auprès de certains pays du Proche ou du Moyen-Orient. C'est pourquoi il nous semble impératif d'amarrer solidement la Turquie à l'Union européenne.

Pour toutes ces raisons, nous espérons que notre pays saura, dans les années qui viennent, faire preuve d'une approche plus objective, sereine et équilibrée à l'égard de la Turquie. La présidence française devrait, à l'évidence, constituer une opportunité particulièrement favorable pour s'engager sur cette nouvelle voie et, dans un premier temps, mettre tout au moins fin aux propos inutilement blessants.

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